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24/04/2008 | FRANCE | N°06/05544

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0287, 24 avril 2008, 06/05544


MINUTE No 348/2008

Copie exécutoire à :
- Me Anne CROVISIER
- la SCP CAHN et ASSOCIES
COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 24 Avril 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06/05544
Décision déférée à la Cour : 04 Décembre 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTS et demandeurs :
1) Monsieur Thierry X..., demeurant ... à 67000 STRASBOURG,
2) Madame Sabine Y... épouse X..., demeurant ... à 67000 STRASBOURG,
Représentés par Me Anne CROVISIER, Avocat à la Cour,Plaidant : Me

KOENIG, Avocat à STRASBOURG,
INTIME et défendeur :
MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU BAS-RHI...

MINUTE No 348/2008

Copie exécutoire à :
- Me Anne CROVISIER
- la SCP CAHN et ASSOCIES
COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 24 Avril 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06/05544
Décision déférée à la Cour : 04 Décembre 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTS et demandeurs :
1) Monsieur Thierry X..., demeurant ... à 67000 STRASBOURG,
2) Madame Sabine Y... épouse X..., demeurant ... à 67000 STRASBOURG,
Représentés par Me Anne CROVISIER, Avocat à la Cour,Plaidant : Me KOENIG, Avocat à STRASBOURG,
INTIME et défendeur :
MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU BAS-RHIN, Direction des Services Fiscaux 4, Place de la République BP 1002 à 67070 STRASBOURG CEDEX,
Représenté par la SCP CAHN et ASSOCIES, Avocats à la Cour,
COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 06 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :M. WERL, Président de Chambre,Madame CONTE, Conseiller,Mme DIEPENBROEK, Conseiller,qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme LAEMLE
ARRET :- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel WERL, président et Mme Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- Ouï Mme DIEPENBROEK, Conseiller, en son rapport.FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS des PARTIES
Dans le cadre d'un contrôle des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune souscrites au titre des années 1999 à 2001, l'administration fiscale a demandé aux époux Thierry X... des éclaircissements et justifications sur certains montants portés au passif.
Les époux Thierry X... ont répondu le 4 septembre 2002. Estimant qu'il ressortait de cette réponse que dans les sommes déduites au passif figuraient des dettes relatives à des dépenses concernant des biens exonérés (activité agricole : ferme Caroline, activité sylvicole : groupement forestier du Climont et collections d'objets d'art), les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune ont fait l'objet d'une procédure de rectification contradictoire pour la période considérée.
Le 6 novembre 2002, les services fiscaux ont adressé aux époux Thierry X... une notification de redressement. Ceux-ci l'ont contestée et par courrier du 12 février 2003, l'administration fiscale les a informé du maintien des redressements, à l'exception d'une erreur de report de solde en 2000 et 2001.
Les époux Thierry X... ont demandé la saisine de la Commission départementale de conciliation qui s'est déclarée incompétente pour donner son avis, s'agissant d'une question de droit.
Un avis de mise en recouvrement a été établi le 16 janvier 2004 pour un montant de 162.010 € de droits et 31 247 € d'intérêts de retard.
Les époux Thierry X... ont formé une réclamation contentieuse le 9 février 2004, laquelle fait l'objet d'une décision de rejet du 2 août 2004.
Par exploit du 27 septembre 2004, les époux Thierry X... ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 16 janvier 2004 et à voir déclarer l'administration fiscale non fondée en sa demande d'assujettissement complémentaire à l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des trois années considérées.
Par jugement du 4 décembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a :- constaté que suite à l'engagement de la procédure l'administration fiscale avait accordé une décharge partielle de l'impôt selon avis de dégrèvement du 27 mars 2006,- débouté les époux Thierry X... du surplus de leur demande, - condamné la direction des services fiscaux aux dépens,- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,- constaté l'exécution provisoire de plein droit de la décision.
Pour se prononcer ainsi, le Tribunal a considéré que le fait de recourir à un découvert bancaire pour acquérir des biens exonérés, alors que le contribuable aurait disposé de liquidités suffisantes, n'est pas une opération fiscalement neutre.
Le premier juge a estimé que l'article 769 du Code général des impôts n'exigeait pas que la dépense résulte d'un crédit affecté, au sens du droit de la consommation, que l'ouverture de découvert était bien un contrat prêt et a relevé que du propre aveu des époux Thierry X..., ils ont utilisé indistinctement la vente de SICAV monétaires et le découvert bancaire pour financer les acquisitions de biens exonérés, sans justifier que cette acquisition aurait été exclusivement financée au moyen de la vente des SICAV.
Les époux Thierry X... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe le 15 décembre 2006.
Par conclusions du 15 janvier 2007, ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris et réitèrent leurs demandes de première instance. Ils sollicitent une indemnité de procédure de 8000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils font valoir en premier lieu que l'imputation prioritaire de dettes sur les biens exonérés d'impôt de solidarité sur la fortune telle que l'administration fiscale veut l'opérer n'est pas justifiée par un abus du contribuable. A cet égard ils contestent avoir reconnu que le découvert bancaire avait servi à l'achat de biens exonérés et soutiennent que l'administration fiscale ne démontre pas en quoi le principe de neutralité fiscale du mode de financement des biens exonérés ne serait pas respecté.
Ils prétendent en effet que l'opération est indifférente au plan fiscal et en veulent pour preuve le fait que le montant de l'imposition à laquelle ils ont été assujettis, avant l'ouverture du découvert et après son remboursement, est resté sensiblement équivalent.
Ils en concluent que le cumul de l'exonération de valeur et de la déduction du passif est normale, équitable et non abusive.
En second lieu, les époux Thierry X... invoquent l'absence d'affectation et de preuve d'affectation de la dette aux biens exonérés
Ils contestent l'assimilation du découvert bancaire à un contrat de prêt lequel suppose un montant déterminé et une remise des fonds, alors que le montant utilisé du découvert n'est pas connu et qu'il n'y a pas de remise de fonds concomitante mais une simple autorisation de tirage dans un délai fixé. Ils ajoutent que le prêt indique systématiquement le bien qu'il finance, lequel est généralement affecté en garantie du remboursement, alors qu'il n'y a aucune affectation de départ dans le cas d'un découvert. Ils soutiennent que l'article 769 du Code Général des Impôts exige une affectation du financement dès l'origine, interprétation au demeurant retenue par la doctrine administrative et que cette notion d'affectation peut être définie par référence au droit de la consommation.
Ils contestent avoir reconnu l'affectation du découvert à un achat et indique avoir acheté de nombreuses œuvres d'art dans des ventes publiques, ce qui exclut par définition même une quelconque affectation, ni l'attribution ni le prix n'étant prévisibles.
Ils estiment par conséquent que l'interprétation du Tribunal est erronée et contraire à la doctrine administrative.
Subsidiairement, les époux Thierry X... font valoir que le passif n'est pas afférent à des biens exonérés, d'une part en ce qui concerne le compte créditeur de l'exploitant qui ne rentre pas dans la catégorie des dettes professionnelles et d'autre part, dans la mesure où les biens exonérés ont été acquis grâce au produit de la vente de SICAV. Ils soutiennent enfin qu'il appartient à l'administration fiscale de rapporter la preuve que les fonds propres n'ont pas été utilisés pour l'achat de biens exonérés.
Par conclusions du 4 juin 2007, Mr le Directeur des services fiscaux du Bas Rhin conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite condamnation des époux Thierry X... au paiement d'une indemnité de procédure de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'administration fiscale rappelle que le redressement contesté n'est pas fondé sur la répression d'un abus tel que visé par l'article 769 alinéa 2 du Code général des impôts mais sur l'aliéna 1er de ce texte qui prévoit l'imputation prioritaire des dettes afférentes aux biens exonérés à l'impôt de solidarité sur la fortune sur la valeur des biens non déclarés à l'impôt de solidarité sur la fortune et non sur l'ensemble des biens non exonérés déclarés, ce qui implique une non déductibilité de ces dettes dans la limite de la valeur du patrimoine exonéré.
Elle prétend que le raisonnement comptable et mathématique adopté par les appelants est erroné dans la mesure il repose sur l'imputation du passif afférent à un bien exonéré sur le patrimoine taxable, laquelle est contraire aux dispositions de l'article 769 du Code général des impôts et soutient que la neutralité fiscale du mode de financement des biens exonérés n'est pas respectée.
En second lieu, l'administration fiscale fait valoir qu'au terme des dispositions de l'article 769 du Code général des impôts l'affectation de la dette aux biens exonérés doit résulter d'un contrat mais que ce texte n'exige nullement que la dette soit affectée préalablement à la dépense ou qu'elle résulte d'un crédit "lié" au sens du droit de la consommation. Elle soutient que le découvert bancaire est un contrat de prêt à court terme, productif d'intérêt et qui a une échéance et qu'il n'y a pas de contradiction avec la doctrine administrative.
L'administration fiscale soutient que l'affectation résulte clairement de la réponse des contribuables en date du 4 septembre 2002, ceux-ci ayant procédé à une ventilation des sommes affectées à l'acquisition de biens exonérés et non exonérés et qu'elle n'a pas d'autre preuve à apporter.
S'agissant de la prétendue absence de passif afférents à des biens exonérés, l'administration fiscale relève que les explications de Mr Thierry X... quant aux dépenses intitulées "ferme Caroline" sont contradictoires, celui-ci ayant successivement affirmé qu'elles concerneraient son compte créditeur d'exploitant, puis que la question d'un tel compte ne se posait pas. Elle estime que dans la mesure où, selon les propres déclarations du contribuable, la dette est afférente à un bien professionnel exonéré, il y lieu de maintenir le redressement.
L'administration fiscale relève que les époux Thierry X... affirment sans en justifier que les objets d'art auraient été acquis par le produit de la vente de SICAV monétaires. Elle estime que la preuve du financement de ces acquisitions par des fonds personnels leur incombe.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 octobre 2007.MOTIFS
L'article 885 D du Code général des impôts dispose que "l'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation après décès sous réserve des dispositions particulière du présent chapitre."
L'article 769 du même code dispose que "les dettes à la charge du défunt, qui ont été contractées pour l'achat de biens compris dans la succession et exonérés de droits de mutation par décès ou dans l'intérêt de tels biens, sont imputées en priorité sur la valeur desdits biens. Il en est de même des dettes garanties par des biens exonérés des droits de mutation par décès lorsqu'il est établi que le ou les emprunts ont été contractés par le de cujus ou son conjoint en vue de soustraire tout ou partie de son patrimoine à l'application de ces droits."
Le redressement contesté est fondé sur l'aliéna 1er de ce texte et non sur l'abus du contribuable.
L'article 769 aliéna 1 prévoit l'imputation prioritaire des dettes afférentes aux biens exonérés à l'impôt de solidarité sur la fortune sur la valeur des biens non déclarés à l'impôt de solidarité sur la fortune, ce qui implique une non déductibilité de ces dettes dans la limite de la valeur du patrimoine exonéré.
Or admettre la déductibilité du passif résultant d'un découvert bancaire ayant servi à l'acquisition de biens non exonérés n'est pas une opération fiscalement neutre, contrairement à ce qui est prétendu par les époux Thierry X....
En effet ainsi que le souligne l'administration fiscale, la déduction de ce passif conduit à un double avantage fiscal, lorsque le découvert est remboursé : d'une part, les contribuables auront acquis des biens non taxables à l'impôt de solidarité sur la fortune en imputant le découvert bancaire afférent sur la valeur taxable de biens non exonérés, d'autre part ils auront diminué leurs actifs financiers imposables et par conséquent le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune dû.
Les dettes visées par l'article 769 du Code général des impôts sont les dettes contractées pour l'achat de biens exonérés. Ce texte pas plus que la doctrine administrative, n'exigent que la dette soit affectée avant son engagement ni qu'il s'agisse de crédits affectés au sens du droit de la consommation. Il doit par contre être démontré qu'il s'agit de prêts ayant servi au financement desdits biens.
C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le découvert bancaire est un contrat de prêt, le montant maximum du découvert étant déterminé au moment de l'octroi du crédit, quand bien même son utilisation peut être partielle ou fractionnée, ainsi que la durée et les conditions de remboursement.
Conformément à l'article 885 Z du Code général des impôts, lors de la déclaration d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune les contribuables doivent joindre à leur déclaration les éléments justifiant de l'existence, de l'objet et du montant des dettes dont déduction est opérée.
La charge de la preuve de l'objet du crédit dont la déduction est demandée pèse donc sur le contribuable.
En l'espèce, les époux Thierry X... ne peuvent sérieusement soutenir au regard de l'importance du découvert dont s'agit d'un montant de 40.000.000 F au 5 septembre 1998 porté à 70.000.000 F le 15 novembre 1999, que les sommes empruntées n'auraient servi qu'au seul financement de leurs dépenses courantes.
En outre, dans le courrier qu'ils ont adressé le 4 septembre 2002 à l'administration fiscale, ils ont ventilé les dépenses entre biens exonérés et biens non exonérés, reconnaissant ainsi, implicitement mais nécessairement, le recours au découvert bancaire pour le financement des biens exonérés.
Dès lors qu'il est admis par les époux Thierry X... que le découvert bancaire, garanti par le nantissement de contrats d'assurance-vie, était destiné à financer leurs dépenses courantes mais aussi leurs dépenses d'investissement et notamment l'achat d'oeuvres d'art, l'achat de parts sociales d'un groupement forestier et le financement de l'activité agricole de la ferme Caroline, biens exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune, la preuve du lien existant entre la dette et lesdits biens exonérés est ainsi suffisamment rapportée.
Il appartient aux époux Thierry X... de rapporter la preuve que les dépenses intitulées "ferme Caroline" ne concerneraient pas des dettes professionnelles contrairement à leur déclaration du 4 septembre 2002, ou que les biens exonérés auraient en réalité étaient financés au moyen de la vente de SICAV monétaires, preuve non rapportée en l'espèce.
Le jugement entrepris devra donc être confirmé en toutes ses dispositions.
Les époux Thierry X... qui succombent supporteront la charge des dépens ainsi que d'une indemnité de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 1500 €.

PAR CES MOTIFS
CONSTATE l'absence de contestation quant à la recevabilité de l'appel ;
DÉCLARE l'appel mal fondé ;
CONFIRME le jugement du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg en date du 4 décembre 2006 en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE les époux Thierry X... aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500€ (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0287
Numéro d'arrêt : 06/05544
Date de la décision : 24/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 04 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-04-24;06.05544 ?
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