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28/03/2008 | FRANCE | N°02/01431

France | France, Cour d'appel de colmar, 28 mars 2008, 02/01431


MINUTE N° 328 / 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 02 / 01431

Copies exécutoires à :

Maîtres HEICHELBECH, RICHARD-FRICK et CHEVALLIER-GASCHY

La S. C. P. CAHN et ASSOCIES
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 28 mars 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 février 1999 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTS et demandeurs :

1- Monsieur Jean X... demeurant ... 67340 OFFWILLER

2- Madame Madeleine X... née Y... demeurant ... 67340 OFFWILLER

3- Madame Marthe Z... née Y...

demeurant ...67110 NIEDERBRONN

4- Madame Madeleine A... née B... demeurant ...67110 NIEDERBRONN

5- Madame Salomée C....

MINUTE N° 328 / 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 02 / 01431

Copies exécutoires à :

Maîtres HEICHELBECH, RICHARD-FRICK et CHEVALLIER-GASCHY

La S. C. P. CAHN et ASSOCIES
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 28 mars 2008
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 février 1999 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTS et demandeurs :

1- Monsieur Jean X... demeurant ... 67340 OFFWILLER

2- Madame Madeleine X... née Y... demeurant ... 67340 OFFWILLER

3- Madame Marthe Z... née Y... demeurant ...67110 NIEDERBRONN

4- Madame Madeleine A... née B... demeurant ...67110 NIEDERBRONN

5- Madame Salomée C... née D... demeurant ...67110 NEHWILLER PRES WOERTH

représentés par Maîtres HEICHELBECH, RICHARD-FRICK et CHEVALLIER-GASCHY, avocats à COLMAR
INTIMÉE et défenderesse :
La S. A. SAFER D'ALSACE représentée par son représentant légal ayant son siège social 103, route de Hausbergen 67300 SCHILTIGHEIM

représentée par la S. C. P. CAHN et ASSOCIES, avocats à COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 novembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Adrien LEIBER, Président de Chambre Madame Louise FRATTE, Conseiller Madame Clarisse SCHIRER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Astrid DOLLE

ARRET :

- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Adrien LEIBER, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Monsieur Adrien LEIBER, Président de Chambre en son rapport,

* * *

Par exploits d'huissier délivrés les 4 novembre et 1er décembre 1992, Monsieur et Madame Jean X..., Madame Madeleine A..., Madame Salomée C... et Madame et Madame Marthe Z... ont saisi le Tribunal de grande instance de STRASBOURG d'une action tendant à l'annulation du droit de préemption exercé par la SAFER le 6 mai 1992 à l'encontre des époux X... et le 2 juin 2002 à l'encontre des autres demanderesses.
Ils sollicitaient, en outre, la nomination d'un expert aux fins de fixer le juste prix et la valeur vénale des parcelles préemptées sises à NIEDERBRONN LES BAINS, lieudit " Heimatswinckel " et Kalkoefen ", puis la condamnation de la SAFER à acquérir les terrains préemptés au prix fixé par l'expert, exposant que la SAFER avait abusivement préempté l'ensemble des terrains à 200 F l'are alors qu'ils bénéficiaient d'un compromis de vente sur la base de 6. 000 F l'are.
La SAFER concluait au débouté de la demande, estimant que le prix proposé de 200 F l'are était un juste prix, sont but étant de lutter contre la spéculation foncière concernant les terrains agricoles.

Par jugement prononcé le 4 février 1999, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a :

- fixé la valeur vénale des terrains de Monsieur et Madame X..., Madame A..., née B..., Madame Z..., née Y..., et Madame C..., née D..., sis à NIEDERBRONN LES BAINS et préemptés par la SAFER à 1. 600 F l'are, soit 243, 92 €,
- débouté les demandeurs pour le surplus,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SAFER D'ALSACE à payer à chacun des quatre demandeurs, la somme de 8. 000 F, soit 1. 220, 15 € en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile
et
-condamné la SAFER D'ALSACE aux frais et dépens.
Le Tribunal s'est déclaré incompétent en ce qui concerne la demande de condamnation de la SAFER à acquérir les terrains préemptés et a écarté la demande de dommages et intérêts, exposant que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice lié au comportement de la SAFER, dès lors qu'ils pouvaient retirer le bien de la vente et attendre son classement en zone de loisirs pour le vendre ultérieurement.

Selon déclaration reçue au greffe le 12 novembre 1999, les époux X..., Madame C..., née D..., Madame Z..., née Y... et Madame A..., née B..., ont interjeté appel.

Les appelants n'ayant pas conclu dans le délai légal, l'affaire fut radiée par ordonnance du 28 mars 2000.
L'instance fut reprise le 26 mars 2002 par la SAFER D'ALSACE.

Par mémoire récapitulatif reçu au greffe le 9 mars 2006, les époux X..., Madame C..., née D..., Madame Z..., née Y... et Madame A..., née B... concluent :

- à titre principal
à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré l'offre faite par la SAFER comme notamment insuffisante, et à la fixation à une valeur de 914, 69 € l'are, la valeur vénale des parcelles préemptées,

- à titre subsidiaire,
à la fixation de la valeur vénale du terrain à 380, 51 € l'are à la date du 4 février 1999, et à la condamnation de la SAFER à payer aux consorts X... 22. 867, 35 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux, et au même titre 2. 286, 74 € à Madame A..., 914, 69 € à Madame Z... ainsi que 1. 219, 59 € à Madame C..., à la confirmation des disposions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du Nouveau code de procédure civile enfin à la condamnation de la SAFER à payer à chacun des demandeurs une somme de 1. 219, 59 €, au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile pour la procédure et à supporter tous les frais et dépens de la procédure d'appel.

Ils font valoir :

- qu'ils avaient trouvé un acquéreur des terrains en cause pour un prix de 6. 000 F l'are, valeur qui n'était pas excessive et méritait donc d'être retenue, et qu'à titre infiniment subsidiaire l'évaluation retenue par les premiers Juges ne saurait être réduite ;
- que la préemption abusive de la SAFER dans un but autre que celui invoqué a bloqué la vente, le compromis n'ayant pu être réitéré, ce qui leur a causé préjudice dès lors qu'ils n'ont pu contraindre la SAFER à acquérir le terrain au prix pour lequel le compromis avait été signé ; qu'outre ce préjudice financier, ils ont subi un préjudice moral car à un âge certain, ils n'ont pu percevoir des fonds légitimement attendus et ont dû débourser des montants importants au titre des frais d'expertise et pour la procédure en cours ;
- enfin, que la SAFER continue de vouloir préempter au prix de 200 F l'are alors que le prix de 243, 92 € l'are retenu par l'expert et par le Tribunal reflète la valeur du terrain à la date du 6 mai 1992 en fonction de son usage effectif à cette date et constitue le prix minimum.

Par mémoire reçu au greffe le 21 juin 2007, la SAFER D'ALSACE conclut au rejet de l'appel principal et forme appel incident, demandant à la Cour de dire que la préemption des terrains litigieux pouvait être faite sur la base de sa proposition à 30, 49 € l'are, subsidiairement d'ordonner une expertise et de déterminer la valeur vénale des terrains litigieux, rejeter toutes les prétentions des demandeurs et appelants et les condamner aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'à lui payer 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir :
- qu'elle est intervenue pour lutter contre la spéculation foncière, ce qui fait partie de ses objectifs et que le prix tel qu'il a été fixé judiciairement est excessif car il s'agissait d'un terrain agricole et que ceci risque de compromettre la rétrocession par elle en direction de l'agriculture ;
- que pour déterminer la valeur des terrains, il faut se placer au moment de la préemption, qu'il s'agissait alors de prés situés à NIEDERBRONN et qu'elle ne pouvait quant à elle tenir compte d'une situation potentiellement évolutive ;
- qu'il n'y a, en l'espèce, aucun préjudice distinct car si les " vendeurs " estimaient le prix offert pour la préemption insuffisant, ils pouvaient retirer leurs biens de la vente et n'étaient pas tenus de les céder ;
- qu'en outre, le P. O. S. a été modifié ultérieurement mais qu'il n'a pas été donné suite à la création d'une Z. A. C. HAUT DE NIEDERBRONN et que le projet immobilier de golf a été abandonné sur ce site ;
- que selon une ordonnance du Conseiller de la mise en état du 6 novembre 2003 « le jugement a estimé la valeur du bien au jour de la décision de première instance en fonction d'usage effectif à cette date » alors qu'il fallait se placer au jour de la préemption pour apprécier la valeur des parcelles ;

- qu'elle conteste l'expertise mais que Monsieur X... n'a engagé aucune démarche à son égard pour trouver une solution, cherchant simplement à voir conforter la valeur du bien fixée par l'expert.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 septembre 2007 :

Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats ;

Les premiers Juges ont fixé la valeur vénale des terrains litigieux préemptés par la SAFER à 243, 92 € l'are, valeur vénale fixée par l'expert judiciaire, que conteste tant les demandeurs et appelants, que la SAFER, défenderesse et intimée.

Pour déterminer cette valeur, il importe de se placer à la date de préemption de la SAFER, qui est en l'espèce le 6 mai 1992, et de tenir compte de la situation existant alors.
En l'espèce, il résulte clairement du rapport d'expertise établi par Monsieur Claude F..., expert immobilier, le 16 janvier 1997 ainsi que des pièces produites en annexes, que le 6 mai 1992 les terrains litigieux, situés au lieudit " Kalkoefen " et " Heimatswinckel " à NIEDERBRONN LES BAINS, terrains appartenant à Monsieur Jean X... et son épouse née Madeleine Y..., à Madame Salomée C..., née D..., à Madame Marthe Z..., née Y..., et à Madame Madeleine A..., née B..., étaient « classés en zone naturelle (NCB, P. O. S. du 24 juin 1985) » ; qu'à la date du 6 mai 1992, si la SAFER a offert de préempter au prix de 200 F l'are, « prix pratiqué pour des lopins de terre rurale, isolés et à caractère strictement culturel (pré, terres 2e et 3e catégorie) », la valeur vénale devait correspondre « au prix moyen de réalisation à cette date au terme d'un délai de mise en vente et de conditions de vente considérées comme normales » ;

Ainsi que le relève l'expert les offres d'achat, auxquelles se réfère les demandeurs et appelants, étaient dépendantes d'une volonté d'aménagement de la collectivité locale sans laquelle aucun projet ne pouvait être concrétisé ; or à la date de la préemption aucun arrêté d'enquête portant sur l'utilité publique de l'opération projetée n'était publié et celle-ci ne peut donc être prise en compte.
Cependant la valeur vénale des terrains doit être fixée en fonction de facteurs physiques relatifs à leur exposition ou à leur emplacement ainsi que de facteurs techniques tenant à leur équipement.
En l'espèce l'expert précise dans son rapport qu'« au 6 mai 1992 », il estime la valeur vénale des terrains en cause à « 1. 600 F l'are
- en raison de leur emplacement,- de leur superficie et consistance d'un seul tenant,- de leur équipement partiel (chemin départemental route du Jaegersthal et ligne électrique à proximité),- des prix couramment pratiqués sur le secteur pour des terrains de loisirs et- de l'instance de classement ».

Il résulte en effet des pièces produites, que la Société d'Economie Mixte " LES CYBELIADES " avait été constituée dès 1990 avec pour partenaires : le département du Bas-Rhin, les communes de NIEDERBRONN LES BAINS, MORSBRONN LES BAINS, ainsi que PECHELBRONN et la BANQUE DU CRÉDIT MUTUEL et d'autres établissements financiers, dans le but d'y développer des activités de loisirs.

Dans son rapport l'expert justifie d'ailleurs expressément la différence de prix entre « un lopin de terre rurale isolé et à caractère strictement cultural », d'une valeur de 200 F l'are et celle des terrains dont s'agit, dont il souligne la superficie et la consistance d'un seul tenant, ainsi que les équipements partiels (chemin, ligne électrique), tout en relevant que si ces terrains n'étaient à la date de préemption pas des terrains de construction pour l'habitat, il s'agissait de « terrains non équipés à vocation de loisirs » ce qu'il a donc estimé ; que cette appréciation est d'autant plus juste qu'il s'avère que ces terrains ont fait l'objet d'une révision du P. O. S. dès le 30 juin 1992, soit le mois suivant la date de préemption, qu'ils furent classés en zone II NA 3a à savoir constructible pour occupations et utilisations de sol liées à l'hébergement et aux équipements d'accueil et de loisirs, dès le 23 mai 1993, le droit de préemption ayant alors été étendu à toutes zones " U " et " NA " avant adoption du P. O. S. le 27 juillet suivant.

En conséquence et eu égard à la valeur vénale des terrains justement fixée par l'expert à 1. 600 F l'are à la date de préemption et non pas à la date du jugement, aucune expertise n'est utile et c'est par une bonne application du droit, que le Tribunal s'est fondé sur les conclusions du rapport judiciaire et cette décision mérite confirmation.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts formée par les demandeurs et appelants, il convient d'observer qu'ils ne peuvent se prévaloir du fait de n'avoir pu réaliser une opération immobilière spéculative du seul fait de l'intervention de la SAFER dès lors que le rôle de cette dernière était de limiter cette spéculation foncière, ce qu'elle a fait sans qu'aucun comportement fautif ne puisse lui être imputé.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté les demandeurs de leur demande de dommages et intérêts, relevant par ailleurs qu'il leur était possible après notification de l'offre d'achat de la SAFER, de retirer le bien de la vente.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions y compris celles relatives à l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux dépens, de débouter chacune des parties de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel, de faire masse des dépens d'appel et de condamner chaque partie à en supporter la moitié.
PAR CES MOTIFS = = = = = = = = = = = = = = = =

DÉCLARE les appels réguliers et recevables en la forme ;
DIT n'y avoir lieu à nouvelle expertise ;
DIT les appels mal fondés et les REJETTE ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
DÉBOUTE les parties de leurs nouvelles demandes au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
FAIT masse des dépens d'appel et CONDAMNE les parties appelantes d'une part et la SAFER d'autre part à en supporter chacune la moitié.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 02/01431
Date de la décision : 28/03/2008
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 04 février 1999


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-03-28;02.01431 ?
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