JD / IK
MINUTE No 08 / 370
NOTIFICATION :
ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées
COUR D' APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE- SECTION B
ARRET DU 18 Mars 2008
Numéro d' inscription au répertoire général : 4 B 05 / 02486
Décision déférée à la Cour : 01 Avril 2005 par le CONSEIL DE PRUD' HOMMES D' ALTKIRCH
APPELANTE :
Madame Antonia X... ...68100 MULHOUSE Non comparante, représentée par Me BERGMANN de la SCP CAHN et Associés (avocats au barreau de COLMAR)
INTIME :
Maître Patrick Y... ...68100 MULHOUSE CEDEX Non comparant, représenté par Me André CHAMY (avocat au barreau de MULHOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L' affaire a été débattue le 21 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme BURGER, Conseiller faisant fonction de Président M. DIE, Conseiller Mme WEBER, Vice- Président placé, faisant fonction de Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MASSON,
ARRET :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Catherine BURGER, Conseiller faisant fonction de président- signé par Mme Catherine BURGER, Conseiller faisant fonction de président et Mme Linda MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat à effet du 03 novembre 1997, Madame Antonia X... fut embauchée par Maître Serge A..., huissier de justice à MULHOUSE, en qualité de secrétaire au coefficient 322 de la convention collective nationale des personnels des huissiers de justice.
Le contrat de travail fut ultérieurement transféré aux successeurs de Maître Serge A..., à savoir Maître Jean- Luc B... dans le courant de l' année 1999 puis Maître Patrick Y... à partir du 18 mars 2003.
Par lettre recommandée du 16 septembre 2003, Maître Patrick Y... notifia à Madame Antonia X... son licenciement au motif de son insuffisance professionnelle, en affirmant qu' elle bénéficierait d' un préavis de deux mois.
Le 04 décembre 2003, Madame Antonia X... saisit la juridiction prud' homale en contestant la légitimité de son licenciement et en réclamant des montants restés dus.
Le 1er avril 2005, par jugement de sa section des activités diverses, le conseil de prud' hommes d' ALTKIRCH dit que le licenciement avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse. Il condamna Maître Patrick Y... à payer à Madame Antonia X... les sommes de :- 1. 567, 61 € à titre d' indemnité compensatrice complémentaire correspondant à un mois de préavis,- 156, 61 € à titre d' indemnité compensatrice de congés payés sur le troisième mois de préavis avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,- 500 € en application de l' article 700 du Code de procédure civile.
Il débouta la salariée du surplus de ses prétentions.
Le 18 mai 2005, Madame Antonia X... interjeta régulièrement appel de ce jugement à elle notifié le 23 avril 2005.
A l' audience, Madame Antonia X... fait oralement développer ses conclusions d' appel déposées le 07 février 2006 en contestant les griefs à elle faits dans la lettre de licenciement. Elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de déclarer abusif le licenciement prononcé, de condamner l' employeur à verser les sommes de :- 18. 811 € à titre de dommages et intérêts,- 2. 329, 48 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,- 232, 94 € pour les congés payés y afférents avec les intérêts légaux à compter de la demande,- 1. 200 € à titre de nouvelle contribution aux frais irrépétibles, et de confirmer pour le surplus le jugement.
Elle ajoute à ses conclusions pour réclamer un rappel de salaire de 315, 80 € par application du minimum conventionnel.
Maître Patrick Y... fait oralement reprendre ses conclusions déposées le 04 juin 2007 en réplique et au soutien d' un appel incident pour demander à la Cour de débouter la salariée de toutes ses prétentions et de la condamner à verser 2. 000 € au titre des frais irrépétibles.
Il est référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
SUR QUOI LA COUR ;
Sur le licenciement :
Il revient à la Cour d' apprécier, au vu des éléments fournis par les parties et en application de l' article L. 1235- 1 du Code du travail, le caractère réel et sérieux du motif que l' employeur devait énoncer dans la lettre de licenciement.
Dans la lettre de licenciement du 16 septembre 2003, Maître Patrick Y... a invoqué l' insuffisance professionnelle de Madame Antonia X... en étayant ce motif par une série de griefs qui doivent être précisément et successivement examinés.
En premier lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... son manque d' autonomie et de sens des responsabilités pour avoir trop souvent sollicité ses collègues alors qu' elle ne parvenait pas à achever seule les tâches qui lui étaient confiées et pour avoir commis et provoqué de nombreuses erreurs d' enregistrement, par exemple en adressant directement au client la note de frais alors que le correspondant judiciaire avait demandé le retour de l' acte.
Mais aucun des éléments versés aux débats n' établit clairement la réalité des manquements reprochés à la salariée appelante qui affirme n' avoir jamais été chargée de la tâche concernée.
En deuxième lieu, Maître Patrick Y... a fait grief à Madame Antonia X... d' utiliser le fichier informatique relatif aux " tiers " sans procéder aux modifications imposées par la reprise du système informatique de son prédécesseur, en modifiant l' emplacement du prénom des personnes physiques et en les inscrivant en minuscules.
Mais aucune des pièces versées aux débats sur ce point ne peut être imputée avec certitude à la salariée appelante qui n' était pas seule à utiliser le même système informatique.
En troisième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... d' avoir procédé à des doublons lors de l' enregistrement des " tiers ".
Mais si plusieurs pièces attestent de la réalité des doubles enregistrements, elles portent les initiales d' autres salariés qui les ont créées et aucune n' est imputable à la salariée appelante qui conteste ce grief.
En quatrième lieu, Maître Patrick Y... a fait grief à Madame Antonia X... de traiter à contretemps les notifications de mise à jour des créances de l' URSSAF.
Mais les pièces qu' il fournit sur ce point n' attestent pas du retard qu' il a allégué, alors que la salariée appelante conteste être intervenue pour les dossiers en cause.
En cinquième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... d' avoir enregistré un dossier en intervertissant le nom et le prénom.
Mais les copies des actes concernés, relatifs à un commandement de payer adressé à une dénommée Emelyne C..., ne permettent pas d' imputer l' erreur d' enregistrement à la salariée appelante. Seule une fiche de tournée porte ses initiales A. C, ce qui ne permet d' affirmer qu' elle a personnellement procédé à l' enregistrement affecté d' une interversion du nom et du prénom.
En sixième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... d' avoir adressé au procureur de la République des demandes de recherches en joignant la copie du titre exécutoire concerné, et non le titre lui- même et, pour d' autres, en omettant d' indiquer la date de naissance de la personne recherchée.
Mais aucune des pièces produites sur ce point ne peut être imputée avec certitude à la salariée appelante.
En septième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... un manque de rigueur et de régularité dans la mise en forme des pièces destinées à être signifiées, et ce pour avoir omis d' apposer un cachet entre les pages d' un acte et d' annexer la copie du titre.
Mais rien n' atteste de la réalité de ces manquements.
En huitième lieu, Maître Patrick Y... a fait grief à Madame Antonia X... d' avoir désigné incorrectement une personne morale, en l' occurrence un syndicat de copropriétaires de la résidence du Centre Europe.
Il fournit la reproduction d' un cadre informatique qui atteste que la salariée appelante a personnellement commis l' erreur dans la désignation.
En neuvième lieu, Maître Patrick Y... a imputé à Madame Antonia X... d' avoir désigné la société MESSAGERIES FIRMANN SNC (société en nom collectif) comme une société en commandite par actions.
Mais rien n' est produit sur ce point aux débats.
En dixième lieu, Maître Patrick Y... a imputé à Madame Antonia X... d'avoir désigné un nommé D... sans indication du prénom, mais rien n' est non plus produit sur ce point que conteste la salariée appelante.
En onzième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... des erreurs de date et de millésime dans les actes signifiés.
Il produit sur ce point des copies d' actes qui comportent des erreurs de dates manifestes. Mais seuls deux actes, au demeurant signés par l' huissier de justice intimé, sont imputables à la salariée appelante comme portant ses initiales A. C.
En douzième lieu, Maître Patrick Y... a fait grief à Madame Antonia X... sa lenteur et ses erreurs dans la recherche d' un premier original d' acte dans les archives.
Mais rien n' étaye ses allégations.
En treizième lieu, Maître Patrick Y... a indiqué que Madame Antonia X... n' était pas en mesure d' assurer un suivi dans la gestion courante des dossiers et qu' elle ne comprenait pas la logique de mise en oeuvre de la procédure selon les dossiers.
Mais aucun élément objectif n' est produit au soutien des assertions de l' employeur.
En quatorzième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... ses réactions d' humeur lorsque des observations lui étaient faites sur ses erreurs, ses réponses en référence aux pratiques du précédent titulaire de l' étude, et ses retards dans le traitement des dossiers de l' URSSAF.
Mais, sur aucun de ces points, rien n' est produit aux débats.
En quinzième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X..., alors qu' elle assurait son remplacement, un appel coûteux à l' entreprise de maintenance du logiciel d' exploitation informatique de l' étude.
Mais cet employeur ne peut faire grief à sa salariée d' avoir usé d' un procédé qu' il avait lui- même contractuellement mis en place, et qu' il avait laissé à sa salariée la charge de son étude.
En seizième lieu, Maître Patrick Y... a reproché à Madame Antonia X... des difficultés à sélectionner les communications téléphoniques et à y répondre de manière claire et satisfaisante.
Le seul élément produit aux débats est une attestation délivrée par Madame Marie- France E...épouse F...qui a effectivement rapporté son insatisfaction à l' issue d' un appel téléphonique à l' étude, mais qui n' a pas désigné la salariée appelante comme ayant été son interlocutrice.
En dix- septième et dernier lieu, Maître Patrick Y... a fait grief à Madame Antonia X... d' avoir invité un client à le contacter directement sur son téléphone mobile en vue d' effectuer un constat urgent à ENSISHEIM alors que l' étude n' était pas territorialement compétente.
Ce point n' est pas contesté par la salariée appelante.
Il en résulte, en définitive, que si des erreurs ont effectivement été commises par la salariée appelante, leur faible nombre ne permet pas de caractériser l' insuffisance professionnelle invoquée par l' employeur.
Au contraire, il doit être observé que les quelques erreurs commises sont principalement liées à l' utilisation du nouveau système informatique que Monsieur Patrick Y... indique avoir introduit à son arrivée à l' étude, pour lequel Madame Antonia X... a reçu une formation facturée pour sept heures, mais qui appelait une nécessaire période d' adaptation alors que le licenciement a été prononcé moins de six mois plus tard.
Il s' ensuit que, contrairement à ce que les premiers juges ont considéré, le licenciement prononcé est dénué de cause réelle et sérieuse, et qu' il a un caractère abusif alors que Madame Antonia X... avait une expérience de six années au service de deux autres huissiers de justice.
Sur les demandes pécuniaires :
En premier lieu, par application de l' article L. 122- 14- 5 du Code du travail, dès lors que l' intimé justifie employer habituellement moins de onze salariés, la salariée appelante est fondée à obtenir l' indemnisation du préjudice que lui a causé le licenciement abusivement prononcé.
Elle justifie de ses multiples et actives recherches d' emploi qui sont toutes restées vaines, et de ses faibles perspectives de retrouver effectivement du travail alors qu' elle est actuellement âgée de 56 ans.
Son préjudice sera exactement indemnisé par l' allocation d' un montant de 15. 000 €.
En deuxième lieu, la salariée appelante est fondée à obtenir un rappel de salaire, sur cinq années, par application du minimum conventionnel. Sa prétention n' est pas contestée par de quelconques moyens pertinents et il y a donc lieu d' y faire droit pour le montant réclamé de 315, 80 € bruts.
En troisième lieu, la salariée appelante est fondée à réclamer la rémunération des heures supplémentaires qu' elle a effectuées. Elle étaye sa demande en produisant un tableau sur lequel elle a relevé ses heures de travail et qui n' est pas sérieusement contesté par l' employeur intimé. Il y a donc lieu d' y faire intégralement droit pour les montants exactement calculés de 2. 329, 48 € bruts à titre de rémunération et de 232, 94 € à titre d' indemnité compensatrice des congés payés y afférents, majorés des intérêts au taux légal à compter de la demande du 04 décembre 2003.
En quatrième et dernier lieu, la salariée appelante est fondée à obtenir la confirmation de la condamnation de l' employeur à lui régler les sommes de 1. 567, 61 € à titre d' indemnité compensatrice du troisième mois de préavis que Maître Patrick Y... ne conteste pas avoir omis de lui rémunérer en dépit des dispositions de l' article 44 de la convention collective nationale des personnels des huissiers de justice, et de 156, 61 € au titre des congés payés y afférents, majorées des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris.
Sur les dispositions accessoires :
Il est équitable qu' en application de l' article 700 du Code de procédure civile, l' employeur intimé contribue aux frais irrépétibles qu' il a contraint la salariée à exposer tant devant les premiers juges qu' à hauteur d' appel.
Conformément au principe de l' article 696 du même Code, il échet de mettre les dépens à la charge de l' employeur qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir statuer conformément à la loi,
Déclare recevable l' appel interjeté ;
Infirme le jugement entrepris ;
Déclare abusif le licenciement prononcé ;
Condamne Maître Patrick Y... à verser à Madame Antonia X... :
- la somme de 15. 000 € (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts en application de l' article L. 122- 14- 5 du Code du travail ;
- la somme de 315, 80 € (trois cent quinze euros et quatre vingt centimes) bruts à titre de rappel de salaire, avec les intérêts au taux légal à compter du 04 décembre 2003 ;
- les sommes de 2. 329, 48 € (deux mille trois cent vingt neuf euros et quarante huit centimes) bruts en rémunération des heures supplémentaires effectuées, et de 232, 94 € (deux cent trente deux euros et quatre vingt quatorze centimes) bruts à titre d' indemnité compensatrice des congés payés y afférents, et ce avec les intérêts au taux légal à compter du 04 décembre 2003 ;
- les sommes de 1. 567, 61 € (mille cinq cent soixante sept euros et soixante et un centimes) bruts à titre d' indemnité compensatrice du troisième mois de préavis et de 156, 61 € (cent cinquante six euros et soixante et un centimes) bruts à titre d' indemnité compensatrice des congés payés y afférents, avec les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2005 ;
- la somme de 1. 700 € (mille sept cents euros) en application de l' article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Maître Patrick Y... à supporter les dépens de première instance et d' appel.