MINUTE N° 157 / 2008
Copie exécutoire à
-la SCP WEMAERE-LEVEN-la SCP G. et T. CAHN-D. S. BERGMANN
COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION B
ARRÊT DU 8 Février 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 06 / 01355 Décision déférée à la Cour : 17 Janvier 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR
APPELANT, défendeur : Maître Michel Y... ...67000 STRASBOURG Représenté par la SCP WEMAERE-LEVEN, avocats au barreau de COLMAR
INTIMÉE, demanderesse : SA MAGADE, prise en la personne de son représentant légal, 9 rue de l'Eglise 67000 STRASBOURG Représenté par la SCP G. et T. CAHN-D. S. BERGMANN, avocats au barreau de COLMAR Plaidant : Me ALEXANDRE, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LEIBER, Président Mme FRATTE, Conseiller Mme SCHIRER, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier ad hoc, lors des débats : Mme DOLLE,
ARRÊT :- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par M. Adrien LEIBER, président et Mme Astrid DOLLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La SA MAGADE, qui a participé à la construction d'un ensemble immobilier dénommé Résidence de la Reine à CANNES, a été condamnée par jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 6 juillet 1995 à payer à la SA THINET COTE D'AZUR la somme de 149. 641, 34 francs TTC au titre de sa quote-part du compte prorata du chantier.
Par la suite la société MAGADE s'est trouvée en litige avec le promoteur, la SNC COGIM VIGUIE VERDIER. Sur la base d'un rapport d'expertise A... le Tribunal de Commerce de CANNES, par jugement du 22 mai 1997, a rejeté les prétentions de la société MAGADE et l'a condamnée à restituer à la société COGIM VIGUIE VERDIER la somme de 406. 739, 83 francs, montant dans lequel était inclus le compte prorata.
Ce jugement, frappé d'appel par la société MAGADE, a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en date du 12 septembre 2002.
La société MAGADE, qui pour l'ensemble de ces procédures avait confié la défense de ses intérêts à Mr Y..., avocat au barreau de STRASBOURG, a estimé que celui-ci avait manqué à ses obligations de conseil et de diligence et qu'il était en particulier responsable du double paiement qui lui a été imposé au titre du compte prorata.
Par jugement du 17 janvier 2006 le Tribunal de Grande Instance de COLMAR a retenu cette responsabilité et a condamné Me Y... à payer à la société MAGADE une somme de 34. 721, 95 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter du 5 janvier 2005 ainsi que les dépens de la procédure et une indemnité de 1. 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 7 mars 2006 Me Michel Y... a interjeté appel de ce jugement.
Selon conclusions du 4 septembre 2006 il soutient qu'il a bien défendu les intérêts de sa mandante tant devant le Tribunal de Commerce de CANNES, qu'au cours de l'expertise judiciaire et devant la Cour d'Appel d'AIX, mais que la société MAGADE a fait preuve d'une singulière carence pour lui transmettre ses instructions et les pièces justificatives réclamées dans plusieurs courriers,- que néanmoins il a fait déposer par son avoué l'entier dossier devant la Cour d'Appel d'AIX et qu'il est particulièrement surprenant que cette juridiction n'ait pas pris en considération les pièces produites relatives au paiement du compte prorata à la société THINET, soit deux chèques de 50. 000 francs de novembre et décembre 1995 en vertu d'une transaction conclue avec cette société après jugement,
- qu'à supposer même que ces pièces n'aient pas été produites, elles étaient visées au bordereau de communication et qu'il appartenait au rédacteur de l'arrêt de les réclamer à l'avoué,
- que lui-même n'a pas à supporter les conséquences de cet " aléa judiciaire ".
Il conclut à l'infirmation du jugement du 17 janvier 2006, au débouté de la société MAGADE de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 25 juillet 2007 la SA MAGADE réplique que Me Y..., parfaitement informé des circonstances du litige et disposant des pièces justificatives puisqu'il prétend les avoir remises à l'avoué, a en réalité fait preuve d'une totale carence dans la défense de ses intérêts,- qu'en particulier les conclusions déposées devant la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE ne font pas état d'une production de pièces justificatives et que la motivation de l'arrêt atteste de l'absence de pièces,
- que dans son courrier du 11 octobre 2002 Me Y... a lui-même admis qu'un pourvoi en cassation était voué à l'échec,
- qu'il est donc bien responsable du double paiement du compte prorata auquel elle a été condamnée.
Elle conclut au rejet de l'appel de Me Y... et à la confirmation du jugement entrepris, en sollicitant pour l'instance d'appel une somme de 2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 13 septembre 2007,
Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats,
Attendu qu'il est constant que Me Y... était constitué pour la défense des intérêts de la société MAGADE dans la procédure engagée par la société THINET,- qu'il ne pouvait donc pas ignorer que par jugement du 6 juillet 1995 sa cliente avait été condamnée à payer à cette société une somme de 149. 641, 34 francs au titre du compte prorata du chantier de la Résidence de la Reine à CANNES, montant ultérieurement réduit à 100. 000 francs dans le cadre d'une transaction entre les parties ;
Attendu que dans le cadre de la seconde procédure opposant la société MAGADE à la société COGIM VIGUIE VERDIER, laquelle réclamait paiement d'une somme de 406. 739 francs incluant pour partie le même compte prorata, Me Y... n'avait nul besoin d'instructions particulières de sa cliente pour faire valoir que celle-ci avait déjà réglé le compte prorata à la société THINET ;
Attendu qu'il n'a cependant pas invoqué cet argument devant l'expert judiciaire Mr A... et qu'il n'a pas davantage insisté sur cette question devant le Tribunal de Commerce de CANNES, ses conclusions du 10 juillet 1996 (page 4) ne comportant qu'une brève allusion au règlement à la société THINET, aussitôt suivie, deux phrases plus loin, d'une reconnaissance implicite de la créance de la société COGIM VIGUIE VERDIER ;
Attendu que devant la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE, même en admettant que Me Y... ait produit les pièces no45 et 46 visées à son bordereau (jugement du 6 juillet 1995 et copie des chèques adressés à THINET) la Cour a pu légitimement estimer qu'aucune pièce ne justifiait ses allégations en relevant expressément qu'il n'était pas démontré que la société THINET était en charge de la gestion du compte prorata, contrairement aux stipulations contractuelles, de sorte qu'un éventuel règlement aurait été inopposable à la société COGIM VIGUIE VERDIER, et alors qu'en l'absence de production de la transaction conclue avec la société THINET il était difficile de faire un lien entre les deux chèques de 50. 000 francs et le montant de la condamnation prononcée par le jugement du 6 juillet 1995 ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que Me Y... a effectivement manqué à ses obligations de conseil et de diligence à l'égard de sa cliente, la société MAGADE, et que le principe de sa responsabilité doit être confirmé ;
Attendu que le jugement entrepris mérite par contre réformation en ce qui concerne le montant du préjudice subi par la société MAGADE du fait de son avocat,- qu'en effet le montant réclamé et retenu au titre d'un double paiement du compte prorata résulte d'une mauvaise lecture du rapport d'expertise de Mr A...,
- qu'il ressort du rapport de cet expert (pages 6 et 7) que dans le montant de 406. 739, 83 francs dû par la société MAGADE le compte prorata n'était inclus qu'à hauteur de 149. 641, 34 francs-67. 403, 37 francs = 82. 237, 97 francs soit 12. 537, 10 euros.
Attendu que le préjudice de la société MAGADE n'étant constitué qu'à partir du jour où elle a soldé les montants dus à la société COGIM VIGUIE VERDIER, soit par un chèque du 20 septembre 2004, les intérêts qu'elle est fondée à mettre en compte à titre de préjudice complémentaire ne peuvent courir qu'à compter de cette date ;
Attendu que Me Y... succombant pour l'essentiel en son appel, les dépens sont à sa charge.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement rendu le 17 janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de COLMAR en ce qu'il a retenu la responsabilité professionnelle de Me Michel Y...,
Le REFORME en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à la société MAGADE, et statuant à nouveau sur ce point,
CONDAMNE Me Y... à payer à la SA MAGADE la somme de 12. 537, 10 euros avec les intérêts au taux légal, à titre compensatoire, à compter du 20 septembre 2004,
CONFIRME les autres dispositions du jugement entrepris,
CONDAMNE Me Y... aux dépens de l'instance d'appel et au paiement d'une indemnité complémentaire de 1. 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.