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04/02/2008 | FRANCE | N°02/04652

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0109, 04 février 2008, 02/04652


JS /
MINUTE No 08 / 0140
Copie à :
-Me Paul JUNG-Me Alain LOUY

Le 04 / 02 / 2008
Le Greffier
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 04 Février 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 02 / 04652
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2001 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE : Mademoiselle Denise X... Majeure sous tutelle représentée par son tuteur Madame Marthe Y... demeurant... 67400 GEISPOLSHEIM Représentée par Maître Paul JUNG, Avocat à COLMAR

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TIMES : 1) Monsieur Jean-Claude Z... demeurant... 67000 STRASBOURG 2) Monsieur Christian A... demeurant......

JS /
MINUTE No 08 / 0140
Copie à :
-Me Paul JUNG-Me Alain LOUY

Le 04 / 02 / 2008
Le Greffier
COUR D'APPEL DE COLMAR TROISIEME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRET DU 04 Février 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 02 / 04652
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2001 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE : Mademoiselle Denise X... Majeure sous tutelle représentée par son tuteur Madame Marthe Y... demeurant... 67400 GEISPOLSHEIM Représentée par Maître Paul JUNG, Avocat à COLMAR

INTIMES : 1) Monsieur Jean-Claude Z... demeurant... 67000 STRASBOURG 2) Monsieur Christian A... demeurant... 67000 STRASBOURG Représentés par Maître Alain LOUY, Avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : M. MEYER, Président de Chambre Mme MAZARIN-GEORGIN, Conseiller M. STEINITZ, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRET :-Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.-signé par M. Bernard MEYER, Président et M. Christian UTTARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

Ouï Monsieur STEINITZ, Conseiller, en son rapport.
Aux termes d'un acte en date du 16 septembre 1980 Mademoiselle X... a autorisé Messieurs B..., Z..., C..., et A... a exercé leur activité professionnelle d'architecte, dans des locaux lui appartenant sis.... Il était stipulé à la convention qu'en raison des investissements effectués par les intéressés pour la réfection des locaux (peinture, moquette, chauffage) le présent accord tenait lieu de contrat de location pour une durée de 3 ans, à compter du 1 er septembre 1980. renouvelable avec l'accord des parties. Cette convention a été reconduite suivant un acte du 25 novembre 1986. Il est constant que bien qu'il n'ait pas été stipulé les locataires se sont acquittés mensuellement d'un loyer de 350 F Par jugement du 2 mars 1993 Mademoiselle X... a été placée sous tutelle. Après qu'un premier rapport d'expertise médicale ait été annulé, un second rapport, déposé le 21 juillet 2000, a retenu que les 16 septembre 1980, et le 25 octobre 1986, la demanderesse atteinte de schizophrénie n'était pas saine d'esprit, et à même de comprendre la portée des engagements pris. Soutenant qu'en raison de son état mental Mademoiselle X... n'avait pu donner un consentement libre et éclairé à l'acte du 10 septembre 1980, Madame Marthe Y..., agissant ès qualités de tutrice de Mademoiselle X..., a, par assignation du 15 octobre 1993, fait citer devant le tribunal d'instance de Strasbourg, Messieurs Z... et A..., en annulation du dit acte, en expulsion des défendeurs du logement sis..., en paiement d'une indemnité de 569400 F à titre de dommages intérêts, et en fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation de 6000 F. Par jugement du 19 octobre 2001 le tribunal a constaté la prescription de l'action et a débouté la demanderesse de ses prétentions. Il a été principalement retenu que la prescription quinquennale de l'action en nullité, fondée sur l'article 489 du code civil suivant lequel pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit, courant à compter du jour de l'acte contesté, n'avait pas été suspendue par l'impossibilité d'agir dans laquelle la demanderesse se serait trouvée, puisqu'assignée le 21 septembre 1982 devant le tribunal d'instance de Strasbourg, elle s'était défendue représentée par un avocat, et qu'en cause d'appel elle était également représentée par un avocat, si bien que son action, introduite treize ans après l'acte litigieux, était prescrite. Par déclaration écrite, reçue au greffe de la cour le 29 novembre 2001, Mademoiselle X..., représentée par sa tutrice Madame Marthe Y..., a relevé appel de ce jugement. En l'état de ses dernières écritures, en date du 10 janvier 2007, l'appelante conclut à la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de dire qu'elle n'était pas saine d'esprit, et ne pouvait comprendre la portée des engagements pris par elle le 10 septembre 1980, en conséquence de déclarer nulle et de nul effet la convention du 10 septembre 1980, de condamner les intimés à lui payer 100159 € à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du mois de novembre 1995, et 3049 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle soutient que si elle s'est effectivement défendue à l'occasion des instances visées dans le jugement entrepris, il ressort cependant de l'analyse de ces décisions de justice que, citée en qualité de défenderesse elle n'a jamais vraiment réagi aux arguments qui lui étaient opposés, que cette absence de réactivité s'explique par la maladie mentale dont elle était alors atteinte, et mise en évidence par l'expertise judiciaire, que jusqu'à sa mise sous tutelle en 1993 elle s'est trouvée dans l'incapacité totale d'agir en qualité de demanderesse à une procédure afin de sauvegarder ses intérêts, si bien que la prescription de l'action a été suspendue jusqu'à cette date, que la rédaction même des acte litigieux dans lesquels aucun loyer n'est stipulé démontre son insanité d'esprit, que le contrat ayant été passé personnellement avec les architectes et non avec la SCP qu'ils ont ultérieurement constitué, tandis que Messieurs B... et C... avaient quitté les lieux depuis plusieurs années, il n'y avait pas lieu de les mettre en cause, que l'indemnité mise en compte reprend l'estimation de valeur locative réalisée par M. F..., expert près la cour d'appel de Colmar et conseil en immobilier. Aux termes de leur ultime mémoire en date du 8 février 2007 les intimés concluent à la confirmation du jugement entrepris, en tout état de cause au débouté des prétentions adverses, et à la condamnation de l'appelante au paiement de 3000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ils soutiennent que l'entourage de la demanderesse ayant été sollicité pour qu'elle soit placée sous tutelle dès 1979, le délai de prescription à immédiatement commencé à courir, que les procédures judiciaires auxquelles la demanderesse a été partie au cours des années 1982 et 1987 démontrent qu'elle était alors en état d'ester en justice, si bien que la prescription a couru dès la conclusion des actes litigieux, que seul deux des quatre architectes partie à la convention du 16 septembre 1980 ont été assignés, de telle sorte que la demande est irrecevable, que la SCP qui effectuait les règlements n'a pas été mise en cause, qu'il s'agit d'une autre cause d'irrecevabilité de la demande, que le loyer a toujours été réglé, bien que le bail ne prévoyait qu'une compensation à l'occupation par la réalisation de travaux, que l'appartement loué a été totalement rénové par l'installation d'un chauffage central et la réfection de l'installation électrique et des peintures, que la valeur locative alléguée par la partie adverse est pour le moins fantaisiste, puisque depuis leur départ de l'appartement en novembre 1995, les lieux sont restés entièrement vides comme le reste de l'immeuble. L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2007.

SUR CE

Attendu que dans son rapport en date du 10 juillet 2000 M. Le Docteur D... indique au paragraphe conclusion p12 que Mademoiselle X... présente depuis 1951 la symptomatologie d'une schizophrénie, que cette pathologie entraîne des troubles des fonctions cognitives progressifs et constants, que dès l'année 1979 ses troubles mentaux ont altéré son discernement et la rendait incapable de comprendre la portée de ses engagements les 10 septembre 1980 et 25 novembre 1986, que dans ce type de pathologie il n'y a pas d'alternance de période de lucidité et d'aggravation, mais une détérioration lente et progressive de l'état mental du patient, ajoutant qu'il était exclu qu'il y ait eu des périodes de lucidité rendant l'appelante momentanément apte à signer un contrat ;

Attendu que si les intimés soutiennent que le procès entre 1983 et 1986 auquel la demanderesse a été partie démontre qu'elle a été en mesure d'ester en justice dès le lendemain de la conclusion de la première convention litigieuse en date du 10 septembre 1980, ils font valoir cependant que son entourage ayant été sollicité dés 1979 pour qu'elle soit placée sous tutelle, le délai de prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil a commencé à courir dès cette date, qu'ils reconnaissent ainsi implicitement mais nécessairement, que depuis l'année 1979 Madame X... n'était pas en mesure de contester la validité d'actes juridiques ; Que les conclusions catégoriques du Docteur D... qui ne sont pas autrement discutées, confirment l'incapacité de la demanderesse depuis le 10 septembre 1980 au plus tard, jusqu'à sa mise sous tutelle en 1993, à solliciter la nullité des conventions litigieuses ;

Que l'avis de l'expert n'est pas démenti par l'instance judiciaire introduite en 1983 à laquelle Madame X... a été partie en qualité de défenderesse en première instance, puis d'appelante devant la cour, celle-ci n'ayant donné aucune instruction à son avocat pour conduire la procédure devant le tribunal, alors qu'elle ne devait pas soutenir son appel, Que ce rôle, presque exclusivement passif, est compatible avec l'avis de l'expert judiciaire ; Que, dès lors, Madame X... s'étant trouvée dans l'impossibilité de demander en justice la nullité des conventions litigieuses, dès le 10 septembre 1980, date de la conclusion de la première d'entre elles, et jusqu'à son placement sous tutelle le 2 mars 1993, la prescription quinquennale applicable de l'article 1304 du code civil s'est trouvée suspendue jusqu'à cette dernière date ; Que l'action en nullité de la demanderesse, fondée sur l'article 489 du code civil, et mise en oeuvre par l'assignation introductive d'instance signifiée le 15 octobre 1993, n'est donc pas prescrite ; Qu'il convient, par suite, d'infirmer le jugement entrepris ; Attendu, ainsi qu'il vient d'être démontré, que la demanderesse n'était pas saine d'esprit, n'étant pas capable de comprendre la portée des conventions litigieuses, au moment où elle les a conclues, qu'il convient donc de prononcer leur nullité par application de l'article 489 du code civil. Attendu que si la convention du 10 septembre 1980 a été établie d'une part au nom de l'appelante, et d'autre part au nom de Messieurs B..., Z..., C... et A..., seuls les deuxième et quatrième l'ont signée, que ceux-ci ont été seuls parties à la seconde convention en date du 25 novembre 1986, que, dès lors, Mademoiselle X... n'était nullement tenue de mettre en cause Messieurs B... et C..., et pas davantage la SCP d'architectes qui ne figure dans aucun des actes, que sa demande est recevable ; Qu'il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts de l'appelante en raison de l'occupation de ses locaux par les intimés est fondée en son principe ; Attendu que le montant mis en compte par la demanderesse au titre de cette indemnité d'occupation s'appuie sur l'avis de M. Jean-Marie Busch expert immobilier près cette cour d'appel en date du 25 octobre 1995, sollicitée par la demanderesse, et son attestation confirmative du 25 janvier 1996, ainsi que sur l'estimation de la SARL Axial figurant dans la lettre en date du 12 novembre 1997 adressée à M. Y... estimant le loyer à 5000 F mensuel (762, 25 €) hors charges en non professionnel avec franchise de loyer pendant cinq ou six mois à charge pour le locataire d'installer une cuisine, la salle de bain et de remettre le compteur de gaz, et à 6000 F mensuel (914, 69 €) hors charges, en professionnel avec dispense de loyer pendant deux mois pour remettre le chauffage en état ;

Qu'en fonction d'une superficie habitable de 110 m2 cet expert a retenu, au regard des prix couramment pratiqués dans le voisinage une valeur moyenne de 50 F au m2, soit un loyer mensuel de 5500 F ou 838, 47 € au 1er septembre 1995 et compte tenu de la variation de l'indice insee du coût de la construction de 3150 F ou 480, 21 € au 1er septembre 1980.

Attendu que les intimés arguent d'un avis argumenté d'évaluation du prix du loyer mensuel à 953 F soit 145, 28 € en date du 13 décembre 1995 établi par la SA agence immobilière Bintz... sur la base d'une superficie habitable de 109 m2 ; Qu'en état de ses deux estimations divergentes, émanant de professionnels de l'immobilier, il convient d'ordonner une expertise judiciaire, dont l'avance des frais sera supportés par les intimés eu égard aux circonstances de la cause.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris et statuant à nouveau, DIT que l'action en nullité des conventions litigieuses de l'appelante n'est pas prescrite, PRONONCE la nullité des dites conventions, AVANT DIRE DROIT sur la demande de dommages intérêts de l'appelante, ORDONNE une expertise, DESIGNE à cet effet : Madame Véronique E...... avec mission de * Déterminer la valeur locative des locaux occupés par les intimés pour les besoins de leur profession du 16 septembre 1980 jusqu'au mois de novembre 1995,..., appartenant à Mademoiselle Denise X..., * Dire si les occupants ont réalisé des aménagements ou des installations laissés après leur départ des lieux, * Dans l'affirmative les chiffrer, * Indiquer le cas échéant les sommes versées par les intimés à la demanderesse au titre de l'occupation des locaux, * Faire le compte de l'indemnité d'occupation entre les parties, DIT que cette expertise sera réalisée conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du Nouveau Code de Procédure Civile, DIT qu'à cet effet l'expert commis, saisi par le Greffe, devra accomplir sa mission contradictoirement en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations et déposer rapport de ses opérations avec son avis dans un délai de TROIS MOIS. à compter du jour où il aura été saisi de sa mission par le greffe après consignation de la provision, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le magistrat chargé du contrôle sur demande de l'expert ; Plus spécialement,

RAPPELLE à l'expert :
* qu'il devra annexer à son rapport ceux des documents ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension, et restituera les autres, contre récépissé, aux personnes les ayant fournis, * qu'il ne pourra concilier les parties mais que si elles viennent à se concilier, il constatera que sa mission est devenue dans objet ; qu'en cas de conciliation partielle, il poursuivra ses opérations en les limitant aux autres questions exclues de l'accord, * qu'il devra remplir personnellement sa mission, et informer les parties du résultat de ses opérations et de l'avis qu'il entend exprimer ; qu'à cette fin il leur remettra au cours d'une ultime réunion d'expertise ou leur adressera une note de synthèse en les invitant à lui présenter leurs observations écrites dans un délai de 30 jours ; qu'il répondra à ces observations dans son rapport définitif en apportant, à chacune d'elles, la réponse appropriée en la motivant,
DIT que les intimés feront l'avance des frais d'expertise, FIXE, sous réserve de consignation complémentaire si la provision allouée devient insuffisante, à la somme de 1. 000 Euros (mille euros) la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que les intimés devront consigner à : LA CAISSE DES DEPOTS TRESORERIE GENERALE DU HAUT-RHIN dans le délai de UN MOIS à compter du prononcé de la présente décision, à défaut de quoi il sera fait application de l'article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile, DIT que l'expert, si le coût probable de l'expertise s'avère beaucoup plus élevé que la provision fixée, devra communiquer à la Cour et aux parties l'évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant, au besoin, la consignation d'une provision complémentaire, DIT que cette mesure d'expertise sera effectuée sous le contrôle du Conseiller de la Mise en Etat, à qui il en sera référé en cas de difficulté, RENVOIE l'affaire à la Mise en Etat, pour vérification du paiement de l'avance du : Mardi, 17 MARS 2008 à 14 H 00-SALLE 10-RESERVONS les dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0109
Numéro d'arrêt : 02/04652
Date de la décision : 04/02/2008

Références :

ARRET du 01 juillet 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1er juillet 2009, 08-13.518, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Strasbourg, 19 octobre 2001


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-02-04;02.04652 ?
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