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14/12/2007 | FRANCE | N°05/05787

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0075, 14 décembre 2007, 05/05787


MINUTE No 1810 / 07

NOTIFICATION :

ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées

COUR D' APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE- SECTION C

ARRET DU 14 Décembre 2007
Numéro d' inscription au répertoire général : 4 C 05 / 05787
Décision déférée à la Cour : 25 Novembre 2005 par le CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE SCHILTIGHEIM
APPELANTE :
SAS BULL, prise en la personne de son président, non comparant Rue Jean Jaurès BP 68 78340 LES CLAYES SOUS BOIS Représentée par Me Véroni

que TUFFAL- NERSON (avocat au barreau de PARIS)

INTIME :
Monsieur Guy X..., non comparant ...... Représenté...

MINUTE No 1810 / 07

NOTIFICATION :

ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées

COUR D' APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE- SECTION C

ARRET DU 14 Décembre 2007
Numéro d' inscription au répertoire général : 4 C 05 / 05787
Décision déférée à la Cour : 25 Novembre 2005 par le CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE SCHILTIGHEIM
APPELANTE :
SAS BULL, prise en la personne de son président, non comparant Rue Jean Jaurès BP 68 78340 LES CLAYES SOUS BOIS Représentée par Me Véronique TUFFAL- NERSON (avocat au barreau de PARIS)

INTIME :
Monsieur Guy X..., non comparant ...... Représenté par Me Marie- Noëlle MARTIN (avocat au barreau de STRASBOURG)

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l' article 945- 1 du nouveau Code de procédure civile, l' affaire a été débattue le 09 Novembre 2007, en audience publique, les parties ne s' y étant pas opposées, devant M. DIE, Conseiller faisant fonction de Président, et Mme WEBER, Vice- Président placé, faisant fonction de Conseiller, chargés d' instruire l' affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. DIE, Conseiller, faisant fonction de Président Mme WOLF, Conseiller Mme WEBER, Vice- Président placé, faisant fonction de Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme DONATH, faisant fonction
ARRET :- contradictoire, en dernier ressort- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe- signé par M. Jérôme DIE, conseiller faisant fonction de président et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société BULL exploite une entreprise de fabrication de matériels informatiques.
Le 1er août 1977, elle embaucha M. Guy X... en qualité d' inspecteur de maintenance et, ultérieurement, elle le nomma aux fonctions d' adjoint opérationnel de son centre de service après- vente à SCHILTIGHEIM.
Le 20 mai 1999, la société BULL souscrivit un contrat de prestation pour confier son activité de maintenance à la société GM2I / TASQ. Elle notifia aux salariés concernés, dont M. Guy X..., leur transfert au service de cette dernière société.
Le transfert fut contesté par plusieurs organisations syndicales devant le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES et en définitive, pour mettre fin au litige, la société BULL s' engagea par des accords transactionnels avec chacun des salariés concernés.
Avec M. Guy X..., la société BULL souscrivit un protocole en date du 16 septembre 1999, portant transaction et désistement d' instance, confirmant le principe du transfert du salarié et comportant une clause de sauvegarde rédigée comme suit :
" Clause de sauvegarde, il est rappelé que les salariés transférés vers la société Gm2i- Tasq bénéficient d' une clause de sauvegarde libellée comme suit :
Dans le cas où des difficultés économiques conduiraient la société Gm2i- Tasq à mettre en oeuvre une procédure collective de licenciement de salariés issus de BULL S. A, dans un délai de trois ans à compter de la mise en oeuvre de l' accord, la société BULL S. A s' engage à réintégrer ces salariés sur leur demande.
En cas de rupture de l' accord entre BULL S. A et Gm2i- Tasq intervenant dans un délai de trois ans maximum à compter de la date de mise en oeuvre de l' accord, et ce quelles qu' en soient les raisons, la société BULL S. A. s' engage à réintégrer le personnel issu de BULL S. A dans ses effectifs.
La société BULL S. A a consenti à faire coïncider la durée de la dite clause avec la durée du contrat signé avec le prestataire, à savoir trois ans plus deux périodes d' un an renouvelables par tacite reconduction ".
Le protocole transactionnel fut mis en oeuvre le 1er octobre 1999 et, à partir de cette date, M. Guy X... fut salarié par la société GM2I- TASQ.
Le 30 novembre 2002, la société GM2I / TASQ mit fin au contrat de prestation de service. Le 7 octobre 2002, elle fit l' objet d' une ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 15 octobre 2002, le Tribunal de Commerce de Meaux prescrivit néanmoins la poursuite des prestations en faveur de la société BULL. Par jugement du 2 décembre 2002, il ordonna la cession des actifs de la société GM2I / TASQ à la société ECONOCOM avec transfert de trois cent quarante et un emplois, notamment celui de M. Guy X....
Le 27 septembre 2002, M. Guy X... adressa à la société BULL une demande de réintégration dans cette entreprise. Sans réponse, il réitéra vainement sa demande le 18 janvier 2003.

Le 8 décembre 2003, M. Guy X... fut licencié par la société ECONOCOM pour motif économique.

Le 16 décembre 2003, M. Guy X... présenta une nouvelle demande de réintégration que la société BULL laissa sans suite.
Le 11 janvier 2005, M. Guy X... saisit la juridiction prud' homale pour faire condamner la société BULL à le réintégrer et, à défaut, à lui verser des dommages et intérêts.
Le 25 novembre 2005, par jugement de sa section de l' encadrement, le conseil de prud' hommes de Schiltigheim dit que M. Guy X... pouvait prétendre à sa réintégration en application du protocole transactionnel. Il ordonna à la société BULL de réintégrer M. Guy X... dans les trente jours et, à défaut, il condamna la société BULL à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts. Il débouta M. Guy X... du surplus de ses prétentions et il condamna la société BULL à lui verser 1 000 € en application de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 8 décembre 2005, la société BULL interjeta régulièrement appel de ce jugement du 25 novembre.
A l' audience du 9 novembre 2007, la société BULL fait oralement développer ses dernières conclusions d' appel déposées le 31 octobre 2007. Elle demande à la Cour d' infirmer le jugement entrepris, de débouter M. Guy X..., subsidiairement de dire que le manquement à l' obligation de réintégrer ne peut se résoudre qu' en dommages et intérêts, plus subsidiairement de constater que M. Guy X... n' établit aucunement son préjudice et de déduire les montants perçus à titre de salaire et d' allocations de reclassement et, en tout cas, de le condamner à verser 3 000 € en application de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle ajoute qu' elle refuse la réintégration de M. Guy X... dès lors qu' elle se considère déliée de son engagement depuis le 1er janvier 2003.
M. Guy X... fait oralement reprendre ses dernières conclusions déposées le 12 février 2007 en réplique et au soutien d' un appel incident.
Il demande à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu' il a ordonné la réintégration et fixé une contribution aux frais irrépétibles ;
- de condamner la société BULL à verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 50 000 € pour violation de l' engagement transactionnel et de 20 000 € pour réticence abusive, ainsi que la somme de 2 000 € en application de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il est référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
La société BULL adresse de nouvelles conclusions par télécopies parvenues le 9 novembre 2007 après l' audience, en vue de modifier ses écritures antérieures.

SUR QUOI, LA COUR ;

Vu l' ensemble de la procédure et les pièces ;
En la forme, il s' impose de rappeler que selon l' article R. 517- 10 du Code du travail, l' appel des jugements des conseils de prud' hommes est jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire.
Selon l' article 946 du nouveau Code de procédure civile relatif à cette procédure sans représentation obligatoire devant la Cour d' appel, la procédure est orale.
Il s' en suit en l' espèce que doivent être écartées les conclusions de la société BULL, qui sont tardivement parvenues après l' audience du 9 novembre 2007, qui n' ont pas été oralement reprises par l' avocat qui représente cette société appelante et qui n' ont pas été soumises à la contradiction entre les parties.
La Cour ne peut statuer sur le mérite de l' appel de la société BULL qu' au vu des conclusions déposées le 31 octobre 2007 et oralement développées à l' audience.
Sur le fond, il échet de rappeler que selon l' article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu' elles s' exécutent de bonne foi.
La société BULL est donc liée par l' accord transactionnel qu' elle a souscrit le 16 septembre 1999 et dont elle ne conteste pas la validité.
Pour s' opposer à la réintégration que lui réclame M. Guy X... en exécution de cette convention, la société BULL développe vainement cinq moyens au soutien de son appel.
En premier lieu, la société BULL prétend que la clause de réintégration, dont se prévaut M. Guy X..., était une garantie exceptionnelle résultant d' une promesse unilatérale.
La société BULL ne démontre pas pour autant n' être pas tenue à réintégration du salarié demandeur.
En tout cas, son argument procède d' une dénaturation de la convention qu' elle a souscrite. Il résulte très clairement du texte même du protocole transactionnel signé le 16 septembre 1999 que les parties ont stipulé une clause dite de sauvegarde, rédigée à l' article 4 du contrat et comportant une obligation de réintégration.
L' obligation de réintégration n' est pas détachable de l' ensemble du protocole, et elle doit être exécutée dans les conditions que les parties ont convenues dans leur accord du 16 septembre 1999.
En deuxième lieu, la société BULL fait valoir que l' obligation de réintégration était limitée dans le temps.
Les parties s' opposent sur la date correspondant au terme qu' elles ont stipulé dans l' accord transactionnel du 16 septembre 1999. M. Guy X... prétend que l' obligation de réintégration valait jusqu' au 15 septembre 2004 tandis que la société BULL soutient qu' elle n' était tenue que jusqu' au 1er janvier 2003.
Mais la question est indifférente à la solution du litige dès lors que M. Guy X... a réclamé le bénéfice du droit à réintégration le 27 décembre 2002, en un temps où la société BULL admet expressément qu' elle était encore liée et avant l' intervention du terme qu' elle soutient avoir été fixé au 1er janvier 2003.
En troisième lieu, la société BULL affirme que le droit à réintégration était subordonné à une perte d' emploi.
Son argument procède d' une nouvelle dénaturation des termes de l' accord transactionnel alors que l' obligation de réintégration a été clairement stipulée dans deux cas alternatifs, à savoir soit en cas de difficultés économiques conduisant la société GM2I / TASQ à mettre en oeuvre une procédure collective de licenciement de salariés issus de la société BULL, soit en cas de rupture de l' accord entre la société BULL et la société GM2I / TASQ.
La mise en oeuvre de l' obligation de réintégration n' est pas soumise à une condition de perte d' emploi par le salarié.
En quatrième lieu, la société BULL soutient que la clause de sauvegarde, portant obligation de réintégration, ne peut faire échec aux dispositions de l' article L. 122- 12 du Code du travail, qui sont d' ordre public, pour en tirer qu' elle n' aurait plus été liée à partir du transfert de M. Guy X... de la société GM2I / TASQ à la société ECONOCOM.
Le contrat de travail de M. Guy X... a certes été transféré de la société GM2I / TASQ à la société ECONOCOM à partir de la cession des actifs de la première à la seconde en exécution du jugement du Tribunal de commerce de Meaux en date du 2 novembre 2002, conformément à l' article L. 122- 12 du Code du travail.
Mais la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde ne peut- être assimilée à une opposition de ce salarié au transfert de son contrat de travail.
Au contraire, M. Guy X... n' a pas perdu le bénéfice des stipulations de l' accord transactionnel passé avec la société BULL, même si son contrat de travail avec la société GM2I / TASQ devait être poursuivi avec la société ECONOCOM en application de l' article L. 122- 12 du Code du travail. La réintégration qu' il réclame au sein de la société BULL ne fait pas obstacle au transfert opéré en application de l' article L. 122- 12 du Code du travail et ne se heurte à aucune disposition d' ordre public.
En cinquième et dernier lieu, la société BULL invoque les options qu' a successivement faites M. Guy X... sans se rendre disponible.
M. Guy X... n' a certes pas opté pour un départ volontaire lors de la mise en place du plan de sauvegarde de l' emploi dans la société GM2I / TASQ et il a accepté son transfert à la société ECONOCOM.
M. Guy X... n' a pas pour autant renoncé à l' accord transactionnel qu' il avait antérieurement passé avec la société BULL.

S' il a poursuivi l' exercice de son emploi transféré au service de la société ECONOCOM, il pouvait rapidement se rendre disponible pour réintégrer l' entreprise de la société BULL comme il le réclamait.

M. Guy X... n' a pas manqué à la bonne foi contractuelle en ayant la prudence de garder un emploi alors que la société BULL ne répondait pas à ses demandes réitérées de mise en oeuvre de la clause de réintégration.
En revanche, M. Guy X... établit que ses demandes faisaient suite à la rupture du contrat de prestation passé entre la société BULL et sa société GM2I / TASQ, ce qui était un des cas stipulés à l' accord transactionnel du 16 septembre 1999 comme ouvrant droit à réintégration.
M. Guy X... établit également qu' il a réclamé sa réintégration par lettre recommandée du 27 décembre 2002, antérieurement à la date du 1er janvier 2003 à partir de laquelle la société BULL se considère déliée.
M. Guy X... doit donc être réintégré dans le personnel de la société BULL en exécution du protocole transactionnel du 16 septembre 1999.
La société BULL fait cependant valoir, avec pertinence, qu' elle ne peut être contrainte à une réintégration qu' elle refuse expressément.
En application de l' article 1162 du Code civil, l' inexécution d' une obligation de faire se résoud néanmoins en dommages et intérêts.
En conséquence, la société BULL doit être condamnée à intégralement indemniser M. Guy X... du préjudice résultant du refus de le réintégrer.
Sur appel incident, M. Guy X... sollicite des montants de 50 000 € pour violation de l' engagement transactionnel et de 20 000 € pour réticence abusive.
D' une part, M. Guy X... justifie qu' il a désormais perdu toute perspective d' emploi dans sa spécialité de maintenance informatique. Ses ressources ont diminué même s' il a perçu des allocations de reclassement et des indemnités liées à la rupture de son contrat avec la société ECONOCOM.
D' autre part, M. Guy X... a subi un préjudice moral dès lors qu' il a été entretenu dans l' illusion de pouvoir reprendre sa carrière au service de la société BULL qui l' avait embauché en 1977.
L' ensemble de son préjudice, évalué tous chefs confondus, conduit la Cour à fixer l' indemnité à la somme de 30 000 €.
En outre, en application de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile, il est équitable que la société BULL contribue aux frais irrépétibles qu' elle a contraint M. Guy X... à exposer tant en première instance qu' à hauteur d' appel.
Conformément au principe de l' article 696 du nouveau Code de procédure civile, il échet de mettre les dépens à la charge de la société BULL qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
DECLARE recevables l' appel principal et l' appel incident ;
INFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société BULL à verser à M. Guy X... :
- la somme de 30 000 € (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts ;- la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BULL à supporter les dépens de première instance et d' appel ; Et le présent arrêt a été signé par M. Jérôme DIE, conseiller faisant fonction de président, et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0075
Numéro d'arrêt : 05/05787
Date de la décision : 14/12/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Schiltigheim, 25 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2007-12-14;05.05787 ?
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