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15/10/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944998

France | France, Cour d'appel de colmar, 15 octobre 2004, JURITEXT000006944998


MINUTE N° 838/04 Copie exécutoire à - Me C. LEVY - Me T. CAHN Le 15 octobre 2004

Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B X... DU 15 Octobre 2004 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 02/03013 Décision déférée à la Cour : 29 Mai 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR APPELANTE et défenderesse : Société TV DIRECT DISTRIBUTION représentée par son représentant légal dont le siège social est : BP 17 59745 WATTIGNIES CEDEX 9 Representée par Maîtres LEVY etamp; ROUSSEL avoc

ats au barreau de COLMAR INTIMEE et demanderesse : Madame Gabrielle Y... ép...

MINUTE N° 838/04 Copie exécutoire à - Me C. LEVY - Me T. CAHN Le 15 octobre 2004

Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B X... DU 15 Octobre 2004 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 02/03013 Décision déférée à la Cour : 29 Mai 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR APPELANTE et défenderesse : Société TV DIRECT DISTRIBUTION représentée par son représentant légal dont le siège social est : BP 17 59745 WATTIGNIES CEDEX 9 Representée par Maîtres LEVY etamp; ROUSSEL avocats au barreau de COLMAR INTIMEE et demanderesse : Madame Gabrielle Y... épouse Z... ...; T CAHN et D.S. BERGMANN avocats au barreau de COLMAR aide juridictionnelle Totale numéro 02/3349 du 04/11/2002 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 Juin 2004, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. LEIBER, Président

Mme FRATTE, Conseiller

Mme MITTELBERGER, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier ad hoc présent lors des débats : Mme Astrid A... X... :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par M. Adrien LEIBER, président

- signé par M. Adrien LEIBER, président et Mme Astrid A..., faisant fonction de greffier, présent au prononcé

Madame Gabrielle Y... épouse Z... ayant été destinataire entre mars et octobre 2000 de multiple courriers personnalisés lui laissant croire en l'existence de gains conséquents à son profit, dont elle n'a en définitive jamais été destinataire, a assigné la société TV DIRECT DISTRIBUTION devant le Tribunal de grande instance de COLMAR selon exploit du 23 avril 2001 pour voir:

Déclarer la société TV DIRECT DISTRIBUTION responsable du préjudice qu'elle a subi du fait de ces publicités et annonces.

Condamner la société défenderesse au paiement de la somme de 229000 francs au titre des dommages et intérêts augmentés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Condamner la défenderesse au paiement de la somme de 20000 francs au titre de l'article 700 du NCPC

La condamner aux entiers frais et dépens.

Par jugement du 29 mai 2002, la juridiction saisie a considéré que la société TV DIRECT DISTRIBUTION avait commis une faute de nature délictuelle en adressant à la demanderesse différents courriers qui ne contenaient aucune mention explicite apparente rappelant que les gains annoncés étaient purement hypothétiques et que ceux-ci avaient pour seul but d'accréditer chez sa destinataire l'idée qu'elle avait gagné les sommes annoncées. La société TV DIRECT DISTRIBUTION a été condamnée à payer à Mme Y... - Z... le montant de 34910.82 euros à titre de dommages et intérêts , outre un montant de 1000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

Le 1er juillet 2002, la société TV DIRECT DISTRIBUTION a relevé appel de ce jugement.

Par mémoire du 8 novembre 2003, elle a conclu à ce qu'il plaise à la Cour:

Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de COLMAR en date du 29 mai 2002,

Constater que les jeux publicitaires diffusés par la S.A. D. DUCHESNE sous l'enseigne commerciale TV DIRECT DISTRIBUTION sont parfaitement licites,

Constater qu'aucune faute ne peut être mise à la charge de la société D. DUCHESNE qui a par ailleurs souscrit aux seules obligations auxquelles elle s'était engagée.

Constater qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement d'un prix, aucun engagement contractuel à la charge de la S.A. D. DUCHESNE.

Débouter Mme Z... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La condamner au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient pour l'essentiel:

Que les premiers juges ont qualifié de faute le comportement d'une société de distribution par correspondance alors qu'ils auraient dû s'attacher à effectuer une analyse juridique et objective, en se référant à l'esprit du jeu, à son mode de fonctionnement, ainsi qu'à l'esprit de tout client participant, par essence joueur;

Que l'ensemble de ces jeux , sans obligation d'achat, fonctionne selon la règle du pré- tirage au sort du nom des gagnants et non pas des loteries;

Que le règlement de chacun des jeux reçus par l'intimée retranscrit in extenso dans l'enveloppe publicitaire les conditions d'obtention du lot mis en jeu;

Que dès la réception de l'envoi publicitaire, l'intimée était parfaitement informée de la règle du jeu, surtout celle du pré-tirage au sort du nom du gagnant principal et de l'attribution systématique à tous les participants d'un deuxième lot dans le cadre de certains jeux visés;

Qu'en outre le bon de commande attirait l'attention du client sur le caractère nécessairement attractif des documents en sa possession;

Que l'ensemble des jeux litigieux a respecté scrupuleusement les termes du règlement et ne comprenait aucune allégation mensongère;

Qu'il appartient à tout consommateur de se livrer à une lecture

attentive de l'intégralité des documents sans se contenter des mentions les plus attractives;

Que l'intéressée, en feignant d'ignorer qu'elle participait à des jeux promotionnels, est d'une mauvaise foi certaine ou alors d'une na'veté hors du commun qui exonère la société de toute responsabilité;

Qu'enfin, les jeux promotionnels, objet du litige, sont en conformité avec la législation et d'un usage habituel par les plus grandes marques de vente par correspondance, mais également par les grandes surfaces et d'une manière générale par l'ensemble des commerces qui s'adressent à un très grand nombre de clients.

Par écritures du 10 avril 2003, Madame Gabrielle B... demande à la Cour de:

Rejeter l'appel,

Confirmer le jugement entrepris en toutes dispositions,

Condamner en outre la S.A. D. DUCHESNE - TV DIRECT DISTRIBUTION aux entiers dépens ainsi qu'au versement d'une indemnité de 1500 euros par application des dispositions des articles 37 al.2 et 75 de la Loi n° 91647 DU 10 JUILLET 1991.

Elle fait valoir en substance:

Que l'appelante a oeuvré, non pas dans le cadre d'un jeu de hasard mais, dans le contexte d'une vente de marchandises par correspondance;

Que l'annonce d'un gain important sans référence à la participation d'un tirage au sort n'est pas décelable par un destinataire normal;

Que c'est bien la faute commise par l'appelante qui l'a poussée à commander des objets en lui laissant croire qu'elle gagnerait.

La procédure a été clôturée le 11 mars 2004.

Sur ce, la Cour :

Vu la procédure et les pièces versées aux débats.

Attendu que l'appel, interjeté dans les délais légaux et selon les formes prescrites, est régulier et recevable.

Attendu qu'il est constant que la demande de l'intéressée a pour fondement la responsabilité délictuelle de l'appelante qui lui a adressé de nombreux courriers l'informant de l'attribution de diverses sommes d'argent.

Attendu que, contrairement à l'opinion des premiers juges, ces différents envois informaient l'intéressée du caractère hypothétique des gains annoncés, chaque "règlement du jeu" précisant de manière lisible et non équivoque le "processus" de celui-ci en donnant la définition de son gagnant potentiel , comme étant " la personne ayant reçu le numéro de participation conféré gagnant figurant notamment sur la confirmation de participation",chaque jeu ayant un gagnant principal et des perdants;

Qu'il indiquait par ailleurs que chaque jeu était soumis à un pré-tirage effectué sous le contrôle d'un huissier de justice.

Attendu que les opérations intitulées "chèque prêt à envoyer" mentionnaient qu'il s'agissait d'une animation à caractère publicitaire, le règlement du jeu complet pouvant être obtenu gratuitement sur simple demande, le tout conformément à l'article R 121-11 du code de la consommation qui dispose que "lorsque les documents qui présentent une opération publicitaire par voie d'écrit tendant à faire naître l'espérance d'un gain attribué par tirage au sort aux participants comportent les éléments suivants ou certains d'entre eux:

1) bon de commande;

2) extrait du règlement;

3) présentation des lots;

4) bulletin ou bon de participation,

ces éléments doivent figurer chacun dans une partie distincte comportant un titre de manière particulièrement lisible celles des mentions sus-énumérées qui correspond à l'objet du document, à l'exclusion de toute autre mention";

Qu'en l'espèce ces formalités ont été respectées par la partie appelante pour l'ensemble des jeux adressés à l'intimée;

Qu'elle s'est également conformée à l'article L 121-36 du même code qui énonce que "les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit qui tendent à faire naître l'espérance du gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, ne peuvent être pratiquées que si elles n'imposent aux participants aucune contrepartie financière ni sous quelque dépense ni sous quelque forme que se soit";

Qu'en effet les règlements des jeux n° 267-269-270-272-274 et 277 distinguaient la participation au jeu sans commande de la participation avec commande.

Attendu que les jeux 267-269 et 274 précisaient en outre " c'est bien vrai, vous avez des chances de gagner un superbe prix..."" comme c'est l'usage en publicité, vous comprendrez que nous ne pouvons vous faire aucune promesse ferme tant que premièrement nous n'avons pas vérifié si c'est bien vous qui avez été tiré au sort par l'huissier de justice et deuxièmement vous avez bien participé dans les délais"; Qu'en faisant état "de chances de gagner", l'appelante n'avait fait une quelconque promesse de gain à l'intimée;

Que pour ces trois jeux, l'appelante verse aux débats le procès verbal de constat de l'huissier de justice qui a procédé au tirage au sort du numéro gagnant comportant le nom de la personne attributaire du lot;

Que le jeu 278 mentionnait en son article 4 du règlement que "tout destinataire a reçu à titre indicatif un modèle d'annonce personnalisée telle qu'elle pourrait être publiée s'il était déclaré gagnant ...C'est bien vrai vous avez toutes les chances de gagner un superbe prix à ce jeu gratuit...comme dans tous les pré-tirages...un huissier de justice a tiré au sort un ou plusieurs numéros gagnants...nous ne pouvons vous faire aucune promesse ferme tant que nous n'avons pas vérifié si c'est bien vous qui avez été tiré au sort par l'huissier de justice..."

Que pour ce jeu il a également été versé aux débats les différents procès verbaux de l'huissier de justice qui attestent que le numéro de participation attribué à l'intimée n'a pas été tiré au sort;

Que le règlement du jeu n°270 énonce aussi que tous les participants au jeu "sont invités à réclamer leur prix, sachant que parmi eux seul celui tiré au sort par l'huissier de justice recevra le premier prix..." et que "vous avez toutes vos chances de gagner un superbe prix à ce jeu gratuit. Vous n'y croyez pas! Et pourtant comme dans tous les pré-tirages... le fait, le cas échéant, d'avoir été tiré au sort par l'huissier de justice .Votre gain potentiel dépend aussi de vous...Vous pouvez gagner gros";

Que, pas plus que pour les jeux précédents, le jeu n°270 annonçait à l'intimée la certitude d'un gain, l'attribution de celui-ci étant subordonnée aux conditions précisément décrites par le règlement;

Que le règlement du jeu n°

Que le règlement du jeu n° 272 repris par le règlement du jeu n°277 est tout aussi clair que les précédents dans la mesure où il est fait état de "gagnant potentiel", du pré-tirage, du caractère purement publicitaire de l'animation, des chances de gagner un superbe prix à ce jeu gratuit;

Que pour le jeu n° 277, le bon de commande précisait en outre que

"vous avez participé à un pré-tirage contrôlé par huissier de justice ce qui signifie que le ou les gagnants potentiels ont d'ores et déjà été désignés et que vous avez une réelle possibilité d'être parmi eux. Il s'agit donc bien pour vous d'une éventualité et non d'une certitude...Dans votre intérêt, étant donné l'importance des sommes mises en jeu , nous vous conseillons de lire attentivement l'ensemble des documents, règlements inclus";

Que de toute évidence, l'intimée n'a pas tenu compte de cette dernière recommandation qui pourtant lui aurait permis de comprendre qu'elle n'avait pas encore gagné le lot visé par l'annonce publicitaire, certes prometteuse, mais qui était assortie de multiples réserves que tout consommateur moyen et avisé est à même de saisir la portée;

Que c'est donc par une analyse erronée des pièces qui avaient été soumises à leur analyse que les premiers juges ont affirmé que l'appelante avait volontairement exposé Madame Gabrielle Z... à de graves désillusions génératrices d'un préjudice moral et que ce comportement volontaire et mûrement réfléchi était constitutif d'une faute justifiant l'octroi de dommages-intérêts;

Qu'en effet si, à prime abord, une lecture rapide des pièces litigieuses pouvait susciter l'illusion d'un gain immédiat, cette illusion aurait dû être dissipée par une lecture normalement attentive de l'annonce des gains et du règlement du jeu qui les accompagnait;

Qu'ainsi, si l'intimée, dont il n'est pas soutenu qu'elle soit démunie de toute capacité de compréhension, avait pris connaissance de l'ensemble des documents qui lui ont été adressés par l'appelante, elle aurait été à même de comprendre qu'il lui était seulement proposé de participer à un tirage au sort sans engagement de la société de lui verser d'ores et déjà la somme annoncée;

Que dès lors, et au vu de l'ensemble des développements qui précèdent, il doit être considéré qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité civile délictuelle de l'appelant n'est caractérisée de sorte que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions attaquées.

Attendu que succombant à l'appel, la partie intimée supportera les entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel;

Que cependant les circonstances de l'espèce ne commandent pas la mise en oeuvre de l'article 700 du NCPC au profit de la partie appelante. P A R C E C... M O T I F C...

L a Cour

DECLARE l'appel régulier et recevable

Le DIT fondé

INFIRME le jugement du Tribunal de grande instance de COLMAR du 29 mai 2002 en toutes ses dispositions

DEBOUTE Madame Gabrielle Y... épouse Z... de l'ensemble de ses demandes

La CONDAMNE aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel

DEBOUTE la société TV DIRECT DISTRIBUTION de sa demande en application de l'article 700 du NCPC.

Et, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944998
Date de la décision : 15/10/2004

Analyses

JEUX DE HASARD

Lorsque la publicité par voie d'écrit tendant à faire naître l'espérance d'un gain attribué par tirage au sort est conforme aux exigences des articles R 121-1 et L 121-36 du code de consommation et que, de plus, l'annonce du gain certes prometteuse est assortie de multiples réserves, l'illusion créée par cette annonce aurait du être dissipée par une lecture normalement attentive des documents ainsi que du règlement du jeu qui l'accompagnait.Dès lors, aucune faute de nature délictuelle n'est caractérisée à la charge de la société organisatrice du jeu.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2004-10-15;juritext000006944998 ?
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