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19/05/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006945497

France | France, Cour d'appel de colmar, 19 mai 2004, JURITEXT000006945497


DV/SU MINUTE N° 463/2004 Copie exécutoire à : - Me Anouk LEVEN-EDEL - SCP CAHN ET ASSOCIES - Me Claude LEVY Le 24.05.2004 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION B ARRET DU 19 Mai 2004 Numéro d'inscription au répertoire général : 1 B 02/04815 Décision déférée à la Cour : 18 Septembre 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE APPELANT et défendeur : Monsieur Michel X..., ... par Me Anouk LEVEN-EDEL, Avocat à la Cour, INTIMEE et demanderesse : L'Association CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU QUATELBACH, a

yant son siège social 1, Rue de Mulhouse à 68390 SAUSHEIM, pr...

DV/SU MINUTE N° 463/2004 Copie exécutoire à : - Me Anouk LEVEN-EDEL - SCP CAHN ET ASSOCIES - Me Claude LEVY Le 24.05.2004 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION B ARRET DU 19 Mai 2004 Numéro d'inscription au répertoire général : 1 B 02/04815 Décision déférée à la Cour : 18 Septembre 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE APPELANT et défendeur : Monsieur Michel X..., ... par Me Anouk LEVEN-EDEL, Avocat à la Cour, INTIMEE et demanderesse : L'Association CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU QUATELBACH, ayant son siège social 1, Rue de Mulhouse à 68390 SAUSHEIM, prise en la personne de son représentant légal, Représentée par la SCP CAHN ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, APPELANTE SUR APPEL PROVOQUE et défenderesse : Madame Marie-Thérèse Y... divorcée X..., ... par Me Claude LEVY, Avocat à la Cour, COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 31 Mars 2004, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme GOYET, Président de chambre

Mme MAZARIN, Conseiller

Mme VIEILLEDENT, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE,

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Marie-Louise GOYET, président

- signé par Mme Marie-Louise GOYET, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier présent au prononcé.

Par acte sous seing privé du 14 février 1995, la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach SAUSHEIM a consenti à Mme Marie-Thérèse Y..., divorcée X..., un prêt personnel de 250.000 F remboursable en 180 mensualités, moyennant un taux d'intérêts de 11,50 % l'an, soit un TEG de 13,425 % l'an.

Le même jour, Mlle Sylvie X... et M. Michel X... se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt à concurrence de 300.000 F "toutes sommes comprises", la première au pied de l'acte de prêt, le second par acte séparé.

Mme Marie-Thérèse Y... n'ayant pas respecté les échéances de remboursement du prêt, la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach a fait valoir la déchéance du terme et par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 octobre 1998, a mis la débitrice en demeure de lui payer la somme de 280.513,44 F avec intérêts à compter du 22 septembre 1998, date de l'arrêté de compte.

La banque a également mis Mlle Sylvie X... en demeure de lui verser cette somme sous huit jours par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour.

Par acte introductif d'instance déposé le 19 juin 1999, la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach a fait citer M. Michel X..., Mme Marie-Thérèse Y... et Mlle Sylvie X... à comparaître devant le tribunal de grande instance de MULHOUSE, chambre civile, pour obtenir la condamnation conjointe et solidaire des défendeurs à lui payer la somme de 267.155,66 F avec intérêts contractuels de 15 % l'an à compter du 22 septembre 1998, prime d'assurance-vie comprise, ainsi que l'indemnité conventionnelle nette de 13.357,78 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande. La banque a également

conclu à la condamnation solidaire de défendeurs aux dépens, et au paiement d'une somme de 7.500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, avec exécution provisoire du jugement à intervenir.

M. Michel X... a conclu à : l'irrecevabilité de la demande dirigée à son encontre et en tout cas à son absence de fondement, la condamnation de la banque aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mlle Sylvie X... a également conclu à l'irrecevabilité et à l'absence de fondement de la demande au débouté de la demanderesse ; à la condamnation de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach, à titre de demande reconventionnelle, au paiement d'un montant équivalent à toutes les condamnations prononcées à son encontre en sa qualité de caution, aux dépens et au versement d'une indemnité de procédure de 15.000 F.

Mme Y... a également conclu à la condamnation de la banque, au paiement de la somme de :

267.155,66 F en principal avec intérêts au taux de 15 % l'an à compter du 22 septembre 1998 ;

13.357,78 F ;

15.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

15.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure abusive.

Par jugement du 18 septembre 2002, le tribunal de grande instance de MULHOUSE, chambre civile, a :

- condamné Mme Marie-Thérèse Y..., M. Michel X... et Mme Sylvie X... (ces deux derniers tenus in solidum entre eux) à payer solidairement à l'ACIARL Caisse de Crédit Mutuel (CCM) du Quatelbach une somme de 42.764 ä avec intérêts au taux de 15 % l'an (cotisation d'assurance-vie de 0,50 % comprise) sur 40.727,62 ä à compter du 22 septembre 1998 et au taux légal sur 2.036,38 ä à compter du 17 juin 1999,

- débouté Mme Marie-Thérèse Y... de tous les chefs de sa demande reconventionnelle formée contre l'ACIARL Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach,

- débouté M. Michel X... de tous les chefs de sa demande reconventionnelle formée contre l'ACIARL Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach,

- condamné L'ACIARL Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach à payer à Mme Sylvie X... la somme de 42.764 ä avec intérêts au taux de 15 % l'an sur 40.727,62 ä à compter du 22 septembre 1998 et au taux légal sur 2.036,38 ä à compter du 17 juin 2002,

- ordonné la compensation des créances réciproques de l'ACIARL Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach et de Mme Sylvie X...,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- condamné Mme Marie-Thérèse Y... et M. Michel X... à payer solidairement à L'ACIARL Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach la somme de 1.000 ä en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné solidairement Mme Marie-Thérèse Y... et M. Michel X... aux entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs plus amples prétentions.

Sur la demande principale de la CCM à l'encontre de Mme Marie-Thérèse Y..., le tribunal a considéré que l'affectation ultérieure des fonds était sans incidence sur les demandes de la banque, dès lors que les

fonds prêtés avaient été virés sur le compte bancaire personnel de l'emprunteuse ; que Mme Y... avait cessé de rembourser le prêt en sorte que la déchéance du terme était justifiée ; que le montant réclamé par la banque n'était pas contesté en lui-même. Il a en conséquence condamné la défenderesse au paiement des montants réclamés par la banque.

Sur la demande reconventionnelle de Mme Y..., le tribunal a relevé qu'il n'était ni prétendu ni établi que la CCM avait eu des informations sous la fragilité financière de l'emprunteuse que cette dernière ignorait, en sorte que Mme Marie-Thérèse Y... ne pouvait se prévaloir d'une violation de l'obligation de conseil incombant à la CCM. Il a en conséquence rejeté la demande reconventionnelle de Mme Y..., en ajoutant que les revenus disponibles de l'emprunteuse n'apparaissaient pas incompatibles avec la charge de remboursement du prêt litigieux.

Sur la demande dirigée par la CCM à l'encontre de M. Michel X..., le tribunal a rappelé que le débiteur dessaisi par l'effet d'un jugement de liquidation de biens n'est pas frappé d'incapacité juridique, qu'il peut agir mais que ces actes sont inopposables à la masse, qui peut seule se prévaloir de cette inopposabilité. Il en a déduit que M. Michel X... ne pouvait invoquer, à l'égard de la CCM du Quatelbach, une prétendue "nullité" de son engagement de caution.

S'agissant d'une éventuelle disproportion entre ses ressources et cet engagement, le tribunal a considéré que M. Michel X... n'en rapportait pas la preuve, le jugement de liquidation de biens prononcé le 18 juillet 1990 à son encontre ne suffisant pas à faire cette démonstration.

Il a en conséquence condamné M. Michel X... à payer la banque, dans les mêmes conditions que son ex-épouse, en sa qualité de caution

solidaire.

Sur la demande dirigée contre Mlle Sylvie X..., le tribunal a relevé que la défenderesse ne contestait pas les montants mis en compte dans le cadre de la demande principale, mais qu'elle formait une demande reconventionnelle fondée sur la responsabilité de la CCM qui aurait accordé un crédit de façon inconsidérée et lui aurait demandé un engagement totalement disproportionné par rapport à ses ressources. Il a en conséquence fait droit à la demande principale de la banque et rejeté l'argumentation de Mlle Sylvie X... en tant qu'elle était fondée sur la faute prétendument commise par la banque à l'encontre de la débitrice principale dont il avait été préalablement jugé qu'elle n'était pas établie.

Le tribunal a, en revanche, retenu le moyen tiré de la disproportion de l'engagement par rapport aux ressources, dès lors qu'il n'était pas contesté qu'au moment de l'engagement, Mlle Sylvie X... avait 19 ans, ne disposait d'aucun revenu et d'aucun patrimoine.

Il a, en conséquence, admis que la banque avait engagé sa responsabilité de ce chef et que le préjudice subi par la caution correspondait au montant de la condamnation qui lui avait été infligée par le jugement.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 22 octobre 2002, M. Michel X... a interjeté appel de ce jugement en intimant la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach et Mme Z... -Thérèse Y... divorcée X..., laquelle a formé un appel provoqué à l'encontre de l'association Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach.

En l'état de ses conclusions récapitulatives déposées le 2 octobre 2003, l'appelant demande à la cour :

- d'enjoindre à la Caisse de Crédit Mutuel de justifier de ce qu'elle a entrepris pour recouvrer sa créance auprès du débiteur principal ; - d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande

reconventionnelle .

Et statuant de ce chef :

- de dire que la Caisse de Crédit Mutuel a commis une faute en demandant à M. Michel X... un acte de cautionnement disproportionné par rapport à ses facultés contributives;

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach à réparer le préjudice subi par M. Michel X... ;

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach à payer à M. Michel X... la somme de 42.764 ä avec les intérêts au taux de 15% l'an sur 40.727,62 ä à compter du22 septembre 1998 et au taux légal sur 2.036,38 ä à compter du 17 juin 1999 ;

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel ainsi qu'au versement d'une somme de 1.000 ä pour chacune des deux instances par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, M. Michel X... s'étonne que le raisonnement du premier juge relatif au caractère disproportionné de l'engagement de la caution qui a prévalu pour Mlle Sylvie X..., n'ait pas également été retenu en sa faveur. Il rappelle, quant à sa capacité à contracter, qu'il était en liquidation de biens au moment où il s'est porté caution, situation qui était parfaitement connue de la banque. Il ajoute que ses comptes bancaires faisaient l'objet de différentes saisies, qu'en 1995 ses revenus disponibles se réduisaient à 2.161 francs et à 2.948,42 francs en 1996, alors que sa fille était à sa charge, ce qui excluait toute possibilité de remboursement de mensualités de 3.000 francs par mois.

Il invoque une jurisprudence constante selon laquelle la banque a une obligation générale de prudence et ne peut prendre comme caution que

des personnes dont la solvabilité permet de prendre un charge les montants cautionnés.

M. Michel X... fait encore valoir que Mme Z... -Thérèse Y... est actuellement in bonis et parfaitement en mesure de payer ce qu'elle doit à la banque.

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 3 octobre 2003, Mme Z... -Thérèse Y... demande à la cour : - de constater l'acquiescement au jugement de la demanderesse Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach et de Melle Sylvie X... ;

- de dire en conséquence que la Caisse de Crédit Mutuel a été remplie dans les droits qu'elle invoque et qu'elle n'a plus d'intérêt à agir ; - de recevoir en tout état de cause l'appel incident et provoqué de Mme Z... -Thérèse Y... ;

- de prononcer la nullité du contrat de prêt tant en raison de l'irrégularité de forme qu'à raison du vice de consentement ; - de débouter la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach de sa demande comme mal fondée ; - de recevoir la demande reconventionnelle en indemnisation ;

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach au paiement de la somme de 40.727,61 ä en principal outre les intérêts au taux de 15% à compter du 22 septembre 1998 un montant de 2.036,31 ä ; - de la condamner au paiement de la somme de 2.286,73 ä pour résistance abusive ;

- de la condamner aux dépens des deux instances ainsi qu'au versement d'une somme de 2.286,73 ä au titre des frais non inclus dans les dépens.

Mme Z... -Thérèse Y... rappelle que Mlle Sylvie X... a obtenu compensation des montants qu'elle avait été condamnée à payer en sa qualité de caution, avec une créance de dommages et intérêts, d'un

montant équivalent, qui lui a été allouée par le tribunal, en réparation du préjudice que lui avait causé la faute commise par la banque (engagement disproportionné). La Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach n'ayant pas interjeté appel de cette décision, l'appelante en déduit que le jeu de la compensation a éteint la dette de la banque qui ne dispose plus d'aucune créance à la suite du prononcé du jugement et qui n'a donc plus d'intérêt à agir à l'encontre de la débitrice principale.

En second lieu, Mme Z... -Thérèse Y... fait valoir que le contrat de prêt sur le fondement duquel la banque a obtenu gain de cause à son encontre est entaché de nullité, dès lors qu'il n'a pas été rédigé en autant d'exemplaires que de parties, bien qu'il s'agisse d'un contrat synallagmatique. En admettant même que l'on soit en présence d'un contrat unilatéral, il conviendrait de s'en tenir à la mention manuscrite limitant le montant de l'engagement à la somme de 250.000 francs dont il y aurait encore lieu de déduire les remboursements qui ont été effectués. Elle rappelle enfin que dans la mesure où elle n'a pas la qualité de commerçante, le preuve de la créance doit être rapportée dans les conditions de l'article 1341 du Code Civil.

En troisième lieu, Mme Z... -Thérèse Y... invoque le caractère illisible du décompte de la banque, et l'absence de distinction entre les montants réclamés au

En troisième lieu, Mme Z... -Thérèse Y... invoque le caractère illisible du décompte de la banque, et l'absence de distinction entre les montants réclamés au titre du capital et des intérêts.

Elle fait enfin valoir que son consentement a été vicié en soutenant qu'elle était déjà très endettée à l'égard de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach (610.000 francs) lorsqu'elle a contracté le prêt litigieux, qu'elle était sans profession, et qu'elle n'a jamais bénéficié des fonds versés qui ont été immédiatement transférés sur

d'autres comptes. Elle soutient qu'en fait le bénéficiaire du prêt était M. Michel X... que la banque a ainsi engagé sa responsabilité en accordant sous couvert d'un prête-nom, un crédit à M. Michel X... alors en liquidation de biens, dans le but de permettre à ce dernier d'apurer son passif. Elle en déduit que le comportement dolosif de la banque justifie l'annulation du contrat et tout au moins l'indemnisation de Mme Z... -Thérèse Y... à concurrence des montants mis à sa charge.

Mme Z... -Thérèse Y... observe que la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach ne conteste pas sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mlle Sylvie X....

En l'état de ses dernières conclusions, la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach demande à a cour de : - rejeter l'appel ; - de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de condamner l'appelant aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 ä en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur l'appel provoqué de Mme Z... -Thérèse Y..., elle conclut au rejet de cet appel comme irrecevable et en tous cas mal fondé, ainsi qu'à la condamnation de Mme Z... -Thérèse Y... aux dépens des deux instances et au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 ä.

La banque fait valoir que les conclusions de M. Michel X... sont inopérantes. Elle reprend la motivation du jugement, tant en ce qui concerne les effets d'un jugement de liquidation de biens sur les actes juridiques d'un débiteur dessaisi, que l'insuffisance prétendue des revenus de la caution. Il en résulte, selon l'intimée, que les moyens tirés de la nullité de l'engagement et de la disproportion de l'engagement par rapport aux revenus de M. Michel X... sont sans emport.

Sur l'appel provoqué de Mme Z... -Thérèse Y... la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach relève que c'est M. Michel X... qui a interjeté appel du jugement du 18 septembre 2002 en sollicitant l'infirmation de cette décision en tant qu'elle l'a débouté de sa demande reconventionnelle. Elle en déduit l'irrecevabilité de l'appel provoqué de Mme Z... -Thérèse Y... qui seraient "hors sujet".

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens ;

Sur l'appel principal de M. Michel X...

S'agissant tout d'abord de la capacité de M. Michel X... pour se porter caution des engagements contractés par son épouse, alors qu'une procédure de liquidation de biens était en cours au moment où cette obligation a été contractée, il convient de reprendre les motifs du premier juge que l'appelant ne critique d'ailleurs pas.

S'agissant ensuite du caractère disproportionné de l'engagement contracté au regard des ressources, qui doit s'apprécier au moment où l'engagement a été contracté, il ressort des pièces produites par l'appelant qu'en 1995, M. Michel X... a perçu une salaire net imposable de 163.258 francs, soit 13.605 francs par mois, ce qui est parfaitement compatible avec des mensualités de remboursement de 2.920,50 francs, même avec un enfant à charge. M. Michel X... produit certes un tableau réalisé par ses soins dont il ressort que ses frais professionnels (VRP) auraient absorbé près de 80% de ses revenus, mais dont il ne justifie en aucune manière, et dont l'importance apparaît d'autant moins vraisemblable que : - la part de frais remboursés par l'employeur ne serait "que" de 22,4 % des revenus ;

- M. Michel X... aurait apparemment conservé cet emploi jusqu'à ce jour bien qu'il ne lui permette, selon ses calculs, de ne

percevoir que des revenus inférieurs au RMI ;

- le tableau en question s'étend jusqu'en 2010, ce qui démontre que les frais dits "réels" ne sont que des projections de M. Michel X..., calculées à partir de données dont il ne fait pas état et, dès lors, totalement invérifiables.

Il y a donc lieu de considérer ce document comme dépourvu de toute force probatoire, et de constater en conséquence, à la suite du premier juge, que la preuve du caractère disproportionné de l'engagement de M. Michel X... n'est pas rapportée.

Quant aux poursuites exercées ou non à l'encontre de Mme Z... -Thérèse Y... - qui réside actuellement en Suisse - il suffit de rappeler que M. Michel X... s'est porté caution solidaire , ce qui signifie, comme le rappelle l'acte qu'il a signé en son article 3, que "dans la limite du montant de son engagement la caution est tenue à ce paiement sans que la banque ait à poursuivre préalablement le cautionné". Si M. Michel X... ne peut invoquer le bénéfice de discussion, il peut en revanche exercer les recours prévus aux articles 2029 et suivants du Code civil qui auront d'autant plus de chance d'aboutir que, comme il l'affirme lui même, Mme Z... -Thérèse Y... est "in bonis".

En toute hypothèse, l'appel interjeté par M. Michel X... n'est pas fondé et doit être rejeté.

Sur l'appel provoqué de Mme Z... -Thérèse Y...

S'agissant tout d'abord de la recevabilité de cet appel il convient de rappeler :

- d'une part que M. Michel X... a interjeté un appel principal à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach et de Mme Z... -Thérèse Y..., tandisque Mme Z...- Thérèse Y... a formé un appel incident à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach ;

- d'autre part, qu'aux termes de l'article 548 du nouveau Code de

procédure civile " l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés".

Il est par ailleurs admis que "lorsqu'un jugement contient plusieurs chefs distincts et qu'une partie interjette appel de l'un d'eux, l'autre peut appeler incidemment des autres chefs contre un autre intimé s'il existe quant à l'objet du litige un lien entre toutes les parties" (Cass.civ. 1ère, 12 février 1991, Bull. Civ. 1ère, n° 57). En l'occurrence ce lien est caractérisé par le fait que le litige concerne le paiement d'une même et unique dette, à savoir le remboursement d'un prêt contracté auprès par la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach, par la débitrice principale, et par les cautions.

Il y a donc lieu de déclarer recevable l'appel de Mme Z... -Thérèse Y... à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel.

Sur le fond, ensuite, Mme Z... -Thérèse Y... invoque la nullité du contrat de prêt au motif qu'il n'en aurait pas été fait autant d'exemplaires que de parties en présence. Il convient en premier lieu d'observer que l'appelante ne conteste ni que le contrat ait été rédigé par écrit, ni qu'elle l'ait signé au dessous de la mention : "Lu et approuvé bon pour la somme de 250.000 francs, ni même que l'un des exemplaires de ce contrat lui ait été remis. Or la simple omission "que les originaux ont été faits doubles, triples etc... , ne peut être opposée par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l'acte" (article 1325 al. 2 du Code civil).

Mme Z... -Thérèse Y... ayant commencé à rembourser le prêt, sans d'ailleurs émettre la moindre observation sur cette lacune, le moyen qu'elle oppose doit être écarté.

Mme Z... -Thérèse Y... fait ensuite valoir que la créance de la banque est éteinte par l'effet de la compensation ordonnée par le tribunal avec la créance de dommages et intérêts prononcée au profit

de sa fille, décision que la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach a nécessairement admise puisqu'elle n'en a pas interjeté appel.

L'appelante ne peut cependant prétendre bénéficier d'une condamnation prononcée au profit d'un tiers - en l'occurrence sa fille - et pour des motifs propres à cette dernière (qualité de caution dépourvue de ressources). En effet la compensation prononcée par le tribunal a eu pour effet d'annihiler les obligations réciproques de la banque et de la caution, sans pour autant faire disparaître la créance de la banque à l'égard de la débitrice principale. C'est ce qu'exprime l'article 1294 al.1 et 2 du Code civil :

"La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal, mais le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution."

Tel est bien le cas de la condamnation au paiement de dommages et intérêts prononcée à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach, au profit de Mlle Sylvie X..., pour un montant équivalent à celui de la dette de la caution, sur le fondement de la disproportion entre les revenus de Mlle Sylvie X... et l'importance de l'obligation résultant de cet engagement de caution. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mme Z... -Thérèse Y... est néanmoins recevable à faire valoir un moyen similaire, mais seulement en se prévalant de sa propre situation financière au moment de la souscription de l'engagement.

A cet égard, il sera tout d'abord rappelé que Mme Z... -Thérèse Y... s'est engagée en qualité de débitrice principale et que comme l'a rappelé le premier juge, il lui appartient pour obtenir gain de cause, de rapporter la preuve que la banque disposait sur sa propre situation financière de renseignements qu'elle- même ignorait, ce qu'elle ne fait pas. Mme Z... -Thérèse Y... ne produit d'ailleurs aucun document sur sa situation patrimoniale et financière en 1994/

1995 et ne discute pas l'indication retenue par le tribunal relative au montant des revenus qu'elle déclarait percevoir à l'époque du prêt, soit 10.000 francs par mois.

Il est en outre établi, comme l'affirme la banque, que le précédent prêt consenti pour l'acquisition de l'immeuble ne grevait plus son budget puisqu'il avait été éteint, fin 1994, par le produit de la vente de cet immeuble. Quant au dernier prêt contracté en 1989, il ne représentait plus, frais de commandement compris qu'un solde de 72.200 francs au mois de janvier 1994. Son endettement à cette époque n'était de loin pas aussi important qu'elle l'affirme. Enfin et jusqu'au mois d'août 1998 - soit pendant plus de trois ans - le prêt litigieux a été remboursé, sans incident, par l'emprunteuse.

Il n'est donc pas démontré que le concours consenti par la banque était disproportionné par rapport aux ressources de Mme Z... -Thérèse Y..., au moment où il a été accordé.

C'est tout aussi vainement que l'appelante fait état, pour la première fois en appel, de la production par la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach d'un "décompte illisible", sans même préciser les opérations ou montants qu'elle conteste. D'ailleurs, le document dont elle remet en cause la force probante, n'est pas le décompte de la banque mais un historique du compte prêt, qui, contrairement à ce qu'elle soutient, est parfaitement lisible. De plus, le véritable décompte (pièce n° 1) produit par la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach distingue les montants dus au titre des échéances impayées, le capital restant dû et les intérêts courus arrêtés sur capital hors échéances en retard, sur échéances en retard des années précédentes et sur échéances en retard de l'année en cours. Le moyen doit en conséquence être écarté.

En dernier lieu, Mme Z... -Thérèse Y... affirme qu'elle n'a joué qu'un rôle de prête nom et qu'en réalité le capital versé n'a

bénéficié qu'à son époux, M. Michel X..., qui était le véritable cocontractant de la banque.

Sur ce point, il y a lieu de reprendre purement et simplement la motivation du jugement - non critiqué par Mme Z... -Thérèse Y... - relative au virement des fonds sur un compte ouvert au nom de Mme Z... -Thérèse Y..., à l'ordre de virement signé par cette dernière et à l'interdiction faite à la banque de s'immiscer dans la gestion des comptes de ses clients.

En conclusion, il apparaît que l'appel incident formé par Mme Z... -Thérèse Y... à l'encontre de la banque n'est pas fondé et doit être rejeté.

Il y a lieu de condamner M. Michel X... et à Mme Z... -Thérèse Y... et de les condamner chacun à verser à la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach un montant de 1.000 ä en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONSTATE que la recevabilité non plus que la régularité formelle de l'appel de M. Michel X... à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach ne sont contestées;

DÉCLARE régulier et recevable l'appel incident provoqué formé par Mme Z... -Thérèse Y... à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach ;

AU FOND :

DÉCLARE ces deux appels mal fondés et en déboute M. Michel X... et Mme Z... -Thérèse Y... ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE M. Michel X... et Mme Z... -Thérèse Y... aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'au paiement, chacun, d'une somme de 1.000 ä (mille euros) à la Caisse de Crédit Mutuel du Quatelbach par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Et le présent arrêt a été signé par Mme GOYET, Président, et par Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945497
Date de la décision : 19/05/2004

Analyses

CAUTIONNEMENT

2) Appel civil- Appel provoqué par l'appel principal- Second appel formé par un intimé contre un autre intimé- Recevabilité - Condition- lien d'instance suffisant. 3) Acte sous seing privé - Contrat synallagmatique - Formalité des doubles - Inobservation - Portée - Exécution de la convention. 4) Compensation légale- article 1294 Code civil- libération de la caution pour des motifs propres- effet sur l'obligation du débiteur principal (aucun). 1) Le caractère disproportionné de l'engagement d'une caution s'apprécie au moment où l'obligation a été contractée : n'est pas diproportionnée la charge financière résultant du cautionnement représente 21, 47 % des revenus de la caution. 2) Le lien d'instance autorisant un intimé à former un appel provoqué à l'encontre d'un autre intimé est suffisamment établi lorsque le litige concerne le paiement d'une même et unique dette. 3) L'emprunteur qui a commencé à rembourser le prêt ne peut opposer au préteur des deniers l'absence de double ou de triple exemplaires de l'acte d'engagement (article 1325 al 2 du Code civil). 4) Le débiteur principal ne peut opposer au créancier la compensation entre l'obligation résultant du prêt et la créance dont une caution peut se prévaloir à l'égard de ce créancier pour des motifs propres (articles 1294 al 1et 2 du Code civil).


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2004-05-19;juritext000006945497 ?
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