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13/05/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944509

France | France, Cour d'appel de colmar, 13 mai 2004, JURITEXT000006944509


. DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A CC/CW MINUTE N° 444/2004 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 03/03276 Copies exécutoires à : Maîtres WETZEL etamp; FRICK Maître LEVY Le 13 mai 2004 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 13 mai 2004

Décision déférée à la Cour : ordonnance d'exequatur du 28 mai 2003 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE APPELANT et requis :

Monsieur Bruno X... né le 12 mars 1964 à REIMS (57) demeurant 14, rue Manicor 68120 RICHWILLER représenté par Maîtres WETZEL etamp; FRI

CK, avocats à COLMAR INTIMEE et requérante :

La Société de droit suisse EXTRA...

. DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A CC/CW MINUTE N° 444/2004 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 03/03276 Copies exécutoires à : Maîtres WETZEL etamp; FRICK Maître LEVY Le 13 mai 2004 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 13 mai 2004

Décision déférée à la Cour : ordonnance d'exequatur du 28 mai 2003 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE APPELANT et requis :

Monsieur Bruno X... né le 12 mars 1964 à REIMS (57) demeurant 14, rue Manicor 68120 RICHWILLER représenté par Maîtres WETZEL etamp; FRICK, avocats à COLMAR INTIMEE et requérante :

La Société de droit suisse EXTRA EXPRESS TRANSPORT LOGISTIK AG prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social Im Wannenboden 9 CH 4133 PRATTELN (SUISSE) représentée par Maître LEVY, avocat à COLMAR plaidant : Maître STAHL, avocat à MULHOUSE COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 mars 2004, en audience publique, devant la Cour composée de : Marc SAMSON, Président de Chambre Christian CUENOT, Conseiller Philippe ALLARD, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Nathalie NEFF ARRET : - Contradictoire - prononcé publiquement par Marc SAMSON, Président - signé par Marc SAMSON, Président et Nathalie NEFF, greffier présent au prononcé.

Attendu que la Société de droit suisse EXTRA EXPRESS TRANSPORT LOGISTIK AG a sollicité par requête du 7 avril 2003 l'autorisation d'exécuter en FRANCE un jugement rendu le 16 janvier 2003 par le Tribunal de LIESTAL contre Monsieur Bruno X... ;

Attendu que par ordonnance du 28 mai 2003, le Président du Tribunal de grande instance de MULHOUSE lui a donné l'autorisation sollicitée ;

Attendu que Monsieur Bruno X... a relevé appel de cette ordonnance le 4 juillet 2003 ;

qu'en l'absence de justification d'une signification de celle-ci, l'appel apparaît comme recevable ;

Attendu qu'au soutien de celui-ci, Monsieur X... indique que la reconnaissance en FRANCE de la décision du Tribunal de LIESTAL serait contraire à l'ordre public, parce que cette décision ne comporte aucune motivation, et que son exécution est assortie de sanctions pénales ;

qu'il fait valoir en outre qu'il n'a pas été justifié de sa citation en temps utile, non plus que de la signification de la décision en cause ;

qu'il conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise, au rejet de la requête de la Société EXTRA EXPRESS TRANSPORT LOGISTIK, et à sa condamnation à lui payer 1.000 ä sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la Société de droit suisse EXTRA EXPRESS TRANSPORT LOGISTIK AG conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, en soulignant que la convention de LUGANO prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions, et que l'ordre public ne peut y faire échec qu'à titre exceptionnel ;

qu'elle fait valoir que la motivation d'un jugement relève de la loi de procédure du pays dans lequel il est rendu, et qu'en l'espèce, la décision du Tribunal de LIESTAL a été rendue au terme d'une procédure orale, après un examen des pièces versées justifiant la demande ;

qu'elle indique qu'elle justifie d'une convocation en temps utile de Monsieur X..., qui mentionne lui-même la date du 20 novembre 2002 ;

qu'elle réclame une compensation de 1.000 ä pour son obligation de plaider ;

Attendu que la Cour note que la société requérante produit une expédition régulière du jugement rendu le 16 janvier 2003 par le

Président du Tribunal de LIESTAL dans l'affaire qui l'opposait à Monsieur Bruno X... ... ;

Attendu que ce jugement, rendu à l'audience même du 16 janvier 2003, condamne Monsieur X... à payer à la Société EXTRA EXPRESS TRANSPORT LOGISTIK une somme principale de 8.907,50 F et ses intérêts au taux de 5 %, ainsi qu'à restituer à celle-ci les clés d'un véhicule et les disques de son tachymètre, sous la menace des peines de l'article 292 du Code pénal, stipulant qu'à défaut de suite donnée aux dispositions émises à son encontre par une autorité compétente, toute personne sera passible de détention ou devra payer une amende ; Attendu que le sixième paragraphe de la décision met également à la charge de Monsieur X... une indemnité de 2.098,20 F, et qu'il est indiqué à la fin de celle-ci qu'un recours en appel peut être intenté dans un délai de trois jours à compter de la date du jugement ;

Attendu que Monsieur X... a bien reçu une convocation le 11 décembre 2002, même si c'est par le moyen théoriquement contestable d'une requête adressée directement à la Mairie de son domicile ;

Attendu que la convention de LUGANO du 16 septembre 1988 prévoit dans son article 26 le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière civile et commerciale ;

que son article 27 précise cependant que par exception, ne sont pas reconnues les décisions dont la reconnaissance serait contraire à l'ordre public de l'état requis ;

Attendu qu'en l'espèce, une difficulté tient à l'absence de motivation formelle de la décision prise par le Tribunal de LIESTAL ; que même s'il résulte du procès-verbal des débats que la juridiction a dûment examiné toutes les pièces produites, les raisons de sa décision ne sont pas expressément mentionnées, ni en fait, ni en

droit ;

que cela rend un peu difficile l'émission d'éventuelles objections par recours contre la décision en cause, d'autant que le délai d'appel est extrêmement bref, puisqu'il est de trois jours à compter de son prononcé ;

Mais attendu surtout que l'exécution de la décision est assortie de sanctions pénales d'amende et de détention, dans des conditions qui n'apparaissent pas comme compatibles avec les principes fondamentaux à la base du système actuel des voies d'exécution en FRANCE ;

que la contrainte par corps a en effet été abrogée en matière civile et commerciale par une loi du 22 juillet 1867 ;

qu'intégrer dans l'ordre juridique interne français une décision assortie de sanctions pénales de détention en cas d'inexécution rendrait possible une poursuite et une détention en SUISSE de Monsieur X..., qui conteste par exemple non sans vraisemblance avoir conservé des disques de tachymètre ;

Attendu que pour les raisons précédentes, la décision du Tribunal de LIESTAL, un peu délicate à admettre en ce qu'elle ne donne pas expressément ses motifs, est nettement contraire à l'ordre public français en ce qu'elle garantit son exécution par une sanction pénale de détention ;

Attendu donc que par exception au principe de l'article 26 de la convention de LUGANO, la décision du Tribunal de LIESTAL du 16 janvier 2003 ne peut pas être ramenée à exécution en FRANCE ;

Attendu que la Cour réforme par conséquent l'ordonnance entreprise ; Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire, alors que Monsieur X... aurait dû normalement se rendre à

la convocation du Tribunal de LIESTAL ;

que pour le même motif, les frais de procédure sont compensés ; PAR CES MOTIFS ============== LA COUR RECOIT l'appel de Monsieur Bruno X... contre l'ordonnance du 28 mai 2003 du Président du Tribunal de grande instance de MULHOUSE ; REFORME l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, REJETTE la requête présentée par la Société de droit suisse EXTRA EXPRESS TRANSPORT LOGISTIK AG pour être autorisée à exécuter en FRANCE une décision rendue le 16 janvier 2003 par le Tribunal de LIESTAL contre Monsieur Bruno X... ; REJETTE les demandes présentées de part et d'autre sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LAISSE à chaque partie la charge des frais de procédure exposés par elle.

Et, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944509
Date de la décision : 13/05/2004

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS

La décision d'un tribunal suisse qui n'est pas motivée, ni en fait, ni en droit, et dont l'exécution est assortie de sanctions pénales d'amende et de détention est nettement contraire à l'ordre public français. Dès lors, par exception au principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière civile et commerciale, prévue à l'article 26 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, cette décision ne peut être ramenée à exécution en France, conformément à l'article 27 de la même Convention


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2004-05-13;juritext000006944509 ?
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