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14/10/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006943092

France | France, Cour d'appel de colmar, 14 octobre 2003, JURITEXT000006943092


D.V. N° RG 1 A 01/03432 MINUTE N° 1M783/2003 Copie exécutoire aux avocats SCP CAHN ET ASSOCIES Maître BECKERS Le 14/10/2003 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 14 Octobre 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. HOFFBECK, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER PRESENT AUX DEBATS ET AU PRONONCE : Mme X..., DEBATS A l'audience publique du 09 Septembre 2003 ARRET DU 14 Octobre 2003 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par M.

DIE, Conseiller. NATURE DE L'AFFAIRE : Autres demandes relatives ...

D.V. N° RG 1 A 01/03432 MINUTE N° 1M783/2003 Copie exécutoire aux avocats SCP CAHN ET ASSOCIES Maître BECKERS Le 14/10/2003 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 14 Octobre 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. HOFFBECK, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER PRESENT AUX DEBATS ET AU PRONONCE : Mme X..., DEBATS A l'audience publique du 09 Septembre 2003 ARRET DU 14 Octobre 2003 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par M. DIE, Conseiller. NATURE DE L'AFFAIRE : Autres demandes relatives aux dirigeants du groupement. APPELANT (sous 1A 3432/01) et INTIME (sous 1A 327/02) :

Monsieur Michel Y..., ... par Me Rosemarie BECKERS, Avocat à la Cour, plaidant Maître DEBRE Myriam, Avocat à STRASBOURG, INTIMEE (sous 1A 3432/01) et APPELANTE (sous 1A 327/02) : LA S.A.

- de condamner la société Eurodirect Marketing au paiement d'une somme de 1.524,49 ä (10.000 francs ) pour résistance abusive, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- de la condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 4.573,47 ä au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- de dire que la décision à intervenir sera publiée aux frais de la société Eurodirect Marketing dans deux journaux, les Dernières Nouvelles d'Alsace et La Tribune.

M. Michel Y... précise en premier lieu qu'il n'est pas un spécialiste de la bourse, et que les acquisitions qu'il a faite ont été déterminées par la lecture d'un avis financier publié le 7 avril 1998 par la société Eurodirect Marketing qui prévoyait, pour 1998, un doublement de son résultat net après impôts. La transmission sur sa demande du document de référence 1997 enregistré auprès de la COB le 5 juin 1997 sous le n° R.98-248 n'a fait que conforter les perspectives annoncées :

"Si dans cette offre, il reste quelques ajustements à effectuer en y affectant des métiers périphériques, l'année 1998 devrait nous voir récolter les premiers fruits tant en terme d'activité (un chiffre d'affaires de 400 MF) qu'en terme de résultat (un résultat courant net d'impôt de 14 MF...)"

Contrairement à ce que soutient la société Eurodirect Marketing, l'annonce de ces résultats a été suivie, en mai et juin 1998, par une remontée du cours de l'action.une remontée du cours de l'action.

Lorsque le 4 septembre 1998 a été publié dans la Tribune l'annonce de la démission du président du conseil d'administration de la société et la désignation d'une nouvelle équipe dirigeant, M. Michel

Y... a "pressenti" que ce communiqué dissimulait une situation obérée et EURODIRECT MARKETING, ayant son siège social Forlen Zone Industrielle à 67118 GEISPOLSHEIM, représentée par son représentant légal, Représentée par la SCP CAHN ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, plaidant Maître ALEXANDRE, Avocat à STRASBOURG,

La société Eurodirect Marketing a pour activité le routage en vue de la vente par correspondance, la logistique du marketing direct (location d'adresses et de routage, éditique de gestion, fulfilment) ...

Cette société est cotée en Bourse depuis le 2 juillet 1996.

M. Michel Y... est actionnaire de cette société depuis le mois de septembre 1997.

Le 17 septembre 1998, il a vendu, à perte, une grande partie des actions qu'il détenait dans le capital social de la société Eurodirect Marketing et la totalité des actions BSA (filiale de société Eurodirect Marketing).

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier

1999, se prévalant de sa qualité d'actionnaire, il a, sous la plume de son conseil, reproché à la société Eurodirect Marketing d'avoir fait publier, le 7 avril 1998, dans les pages de la Tribune, un communiqué comportant des informations erronées sur ses résultats prévisionnels pour 1998 ( résultat net de + 14 MF), d'avoir réitéré ces informations dans le document, diffusé lors de l'assemblée générale du 18 juin 1998 et qui, à sa demande, lui a été transmis le 25 juin 1998, de ne les avoir démenties (- 18,5 MF pour six mois) que par communiqué du 16 octobre 1998, alors que par communiqué du 4 septembre 1998 un changement de l'équipe dirigeante de la société Eurodirect Marketing avait été annoncé sans qu'il ait été fait allusion à ces résultats négatifs. Il a en conséquence réclamé la

vraisemblablement un mauvais résultat pour l'exercice considéré en sorte que dès le 17 septembre 1998 à a vendu tous ses titres. La publication le 16 octobre 1998 d'un nouveau communiqué de la société Eurodirect Marketing lui a donné raison puisque cette société a révélé une perte de 18,5 MF soit un écart de 44 MF par rapport aux prévisions du 7 avril 1998.

En droit M. Michel Y... rappelle qu'il se fonde sur les dispositions de l'ordonnance du 28 septembre 1967 qui punit des peines prévues pour le délits d'initiés "le fait pour toute personne de répandre sciemment dans le public, par des voies et moyens quelconques, des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur le marché réglementé de nature à agir sur les cours."

Pour M. Michel Y... il n'y a pas à distinguer entre informations obligatoires et facultatives, il suffit de constater que l'information fausse et mensongère et qu'elle a été rendue publique. L'explication donnée par la société Eurodirect Marketing sur les pertes enregistrées (à savoir le rachat des société Syntone et BS dans le cadre d'un plan de cession) n'est pas sérieuse puisque ces investissements, effectués en 1997, expliquaient déjà, selon Eurodirect Marketing, la diminution du résultat net consolidé pour 1997. En toute hypothèse la société Eurodirect Marketing a

"promis" un doublement du résultat net courant après impôt en 1998 et la réalisation, au cours de cet exercice, du chiffre d'affaires annoncé ne dédouane pas cette société de ses fausses affirmations sur le résultat attendu.

Non seulement ces informations mensongères ont été énoncées dans le réparation du préjudice qu'il avait subi du fait des renseignements erronés que cette société avait fait diffuser sur ses perspectives de résultats pour 1998, qui l'avaient déterminé à acquérir des titres.

A quoi, la société Eurodirect Marketing a répondu le 29 janvier 1999, qu'il appartenait à M. Michel Y... d'assumer "le risque inhérent à un placement en actions cotées en bourse", les prévisions établies par la société Eurodirect Marketing ayant été "victimes d'un retournement de la conjoncture" et ne s'étant, par conséquent, pas réalisées.

Par acte signifié le 17 mai 1999, M. Michel Y... a fait assigner la société Eurodirect Marketing à comparaître devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, pour l'entendre

condamner, sur le fondement- des dispositions de l'article 10-1 al. 3 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, au paiement d'une somme de 110.000 francs à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre 10.000 francs pour résistance abusive et 10.000 francs (portée à 20.000 francs dans les conclusions récapitulatives) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions, M. Michel Y... a également sollicité la publication du jugement à intervenir dans les Dernières Nouvelles d'Alsace et dans la Tribune. Subsidiairement, il a conclu à la saisine de la Commission des Opérations de Bourse pour que celle-ci ouvre une enquête sur la situation de la société Eurodirect Marketing, ou à la désignation d'un expert.

La société Eurodirect Marketing a conclu à l'irrecevabilité de la demande et à son absence de fondement, au débouté de M. Michel Y... et à sa condamnation aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une somme de 20.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de

procédure civile.

Par jugement prononcé le 8 juin 2001, le tribunal a condamné la communiqué du mois d'avril 1998, mais elles ont été reprises dans le document de référence 1997 adressé à la COB et communiquées aux actionnaires en vue de l'assemblée générale réunie pour l'approbation des comptes de l'exercice 1997.

Le fait que la COB, qui ne peut tout connaître, n'ait pas engagé de poursuites à l'encontre de la société Eurodirect Marketing n'est évidemment pas significatif, et ne sont pas plus sérieuses les explications contradictoires de la société Eurodirect Marketing qui, suivant les besoins de son argumentation, affirme :

- tantôt que M. Michel Y... est le seul à s'être plaint des agissements de la société Eurodirect Marketing, tantôt qu'il serait téléguidé par d'autres actionnaires soucieux de s'assurer des résultats d'une première procédure.

- tantôt que la cause des pertes enregistrées en 1998 réside l'achat des sociétés Syntone et BS et dans l'activité de routage de Strasbourg subissant les conséquences de l'érosion "programmée"du

contrat postal, tantôt que ces événements ne sont pas susceptibles d'incidence sur les résultats de l'entreprise.

M. Michel Y... soutient encore que la communication des résultats de l'exercice aurait dû, au regard des termes du communiqué du 7 avril 1998, être faite à l'occasion de l'annonce de la démission du président du conseil d'administration de la société Eurodirect Marketing en septembre 1998 et non pas, tardivement, le 16 octobre 1996.

Le demandeur reproche en conséquence deux fautes à la société Eurodirect Marketing: - la diffusion d'informations mensongères d'une part ; - le défaut d'information de son actionnariat d'autre part.

Sur le préjudice, M. Michel Y... rappelle que la société Eurodirect Marketing avait annoncé un doublement de ses résultats par rapport à 1997, annonce qui est un des éléments les plus porteurs et

société Eurodirect Marketing à payer à M. Michel Y... la somme de 40.000 francs soit 6.097,96 ä avec intérêts au taux légal à compter du jugement, aux dépens de l'instance et au versement d'une somme de 6.000 francs (914,69 ä) par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que la société Eurodirect Marketing avait, en toute connaissance de cause, fait diffuser, courant avril 1998, dans un journal financier destiné à tout public, des prévisions de résultats pour l'exercice en cours, qu'elle savait ne pouvoir atteindre, et ce afin de maintenir le cours de ses actions, voire de le faire augmenter.

Sur l'appréciation du préjudice, les premiers juges ont toutefois estimé qu'il y avait lieu de tenir compte de l'aléa qu'accepte de prendre tout acquéreur de titres en bourse, en sorte qu'ils ont limité le montant de l'indemnité due à M. Michel Y... par la société Eurodirect Marketing, à la somme de 6.097,96 ä.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 29 juin 2001, la société Eurodirect Marketing a interjeté appel de ce jugement.

M. Michel Y... a également formé un

recours contre cette décision par déclaration déposée le 16 juillet 2001.

Les deux procédures ont été jointes.

En l'état de ses dernières conclusions récapitulatives d'appel déposées le 9 juillet 2002, la société Eurodirect Marketing demande à la cour : - de déclarer l'appel recevable et fondé ; - d'infirmer le jugement entrepris ; - de débouter M. Michel Y... de toutes ses prétentions ;

- de le condamner aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 2.300 ä pour la procédure de première instance et de 3.000 ä pour la procédure d'appel, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

les plus suivis par les investisseurs, alors que l'exercice s'est soldé par une perte de 30 MF soit un écart de 44 MF par rapport aux prévisions. Il n'est pas imaginable que les dirigeants de la société Eurodirect Marketing aient à ce point pu se méprendre sur les résultats de l'activité de l'entreprise sauf à admettre une faute caractérisée de gestion dont ils devraient également répondre à l'égard des actionnaires.

M. Michel Y... rappelle que son action est fondée sur les manquements de la société Eurodirect Marketing qui ont été pour lui la cause de perte financière non négligeables.

En effet, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, le cours de l'action n'a pas baissé en mai-juin 1998, il a augmenté, en particulier à la suite de l'assemblée générale du 18 juin 1998, où l'annonce des résultats mirifiques de l'entreprise pour 1998 avaient été réitérée. C'est seulement à partir de la mi juillet 1998 que le cours de l'action a commencé à chuter.

M. Michel Y... insiste sur le fait que l'indemnisation qu'il réclame est la réparation du préjudice consécutif à la faute imputable à la société Eurodirect Marketing et non "aux aléas boursiers" en sorte que les seuls titres pris en compte dans l'évaluation de ce dommage sont les actions achetées après la publication du communiqué du 7 avril 1998. Il est sans emport à cet égard que ces titres aient été acquis le 18 mai 1998, soit plus d'un mois après cette date, de même qu'il est indifférent

que les actions aient été vendues les 17 et 18 septembre 1998, soit après l'annonce de la démission du président du conseil d'administration de la société Eurodirect Marketing (4 septembre 1998) mais avant le communiqué du 16 octobre 1998, dont il a été démontré qu'il était tardif.

Sur l'appel interjeté par M. Michel Y... : - de déclarer ses prétentions irrecevables ou mal fondées et de l'en débouter ;

- de le condamner aux dépens de l'appel et au paiement d'une somme de 2.500 ä à titre d'indemnité de procédure.

La société Eurodirect Marketing fait valoir que le tribunal a omis de tenir compte :

- d'une part de l'obligation faite aux entreprises cotées en Bourse de publier leurs résultats ainsi que "l'évolution prévisible au cours de l'exercice et les événements importants survenus au cours du semestre écoulé"(article 295 à 297-1 du décret du 23 mars 1967 et 341-1 de la loi sur les sociétés commerciales). A ce titre, le communiqué du 7 avril 1998 comportait les éléments obligatoires sur

le projet de comptes 1997 et une information - facultative à cette date - sur les prévisions de l'exercice en cours (obligatoire seulement à la fin du mois d'octobre 1998), ce que n'ignorait pas M. Michel Y..., habitué des opérations de bourse ;

- d'autre part, l'évocation, en avril 1998, des résultats susceptibles d'être atteints au cours de l'exercice ne constituait pas une "information" mais une "prévision", voire un pronostic dépourvu de caractère officiel. En toute hypothèse, il est évident pour tout un chacun que le 7 avril 1998 la société Eurodirect Marketing ne pouvait garantir ce qui se produirait le 31 décembre suivant.

Or les pronostics de la société Eurodirect Marketing n'étaient pas fantaisistes puisque le chiffre d'affaires prévu a effectivement été réalisé. Le bénéfice escompté d'une telle augmentation n'a, en revanche, pas été obtenu. La société Eurodirect Marketing soutient qu'elle s'est expliquée sur les raisons de cet échec et, contrairement à ce qu'ont pu penser les premiers juges, la pertinence

de ces explications est sans incidence sur le présent litige. La La perte découlant directement de la différence entre le prix d'achat et le prix de revente des actions acquises après le 7 avril 1998 s'élève à 12.008,43 ä. M. Michel Y... entend également mettre en compte le fait que le coût de ces investissements a été "gelé" et qu'il n'a pu effectuer d'autres opérations.

Aucun de ces postes de dommage ne révèle l'existence d'un quelconque aléa.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens;

Il est constant que la société Eurodirect Marketing a le 7 avril 1998 fait paraître dans les pages de La tribune, un communiqué relatif à ses résultats annuels 1997 où les perspectives pour 1998 étaient annoncées dans les termes suivants :

"Pour 1998, le groupe annonce un CA global de 390 MF et un résultat courant après impôt de 14 MF. Cette rentabilité devrait être atteinte

grâce au maintien des positions sur les activités de location d'adresses et de routage et grâce à une forte valeur ajoutée des activités de traitement de l'adresse de personnalisation et d'éditique de gestion. Initialement routeur de VPC, Eurodirect Marketing est devenu dans un délai très court, un groupe qui offre une prestation complète de logistique de marketing direct."

Le 4 septembre 1998, la société Eurodirect Marketing faisait paraître un nouveau communiqué, toujours dans les colonnes de La Tribune informant le public sur le changement intervenu dans la composition de son équipe dirigeante.

Enfin le 16 octobre 1998, un troisième communiqué de la société Eurodirect Marketing révélait un "résultat de l'entreprise consolidante avant impôt" de -18,5 MF pour les six premiers mois de l'exercice , résultats que la société Eurodirect Marketing expliquait

seule question qui se pose est de savoir si la société Eurodirect Marketing a commis une faute en faisant diffuser le ou les communiqués parus dans les colonnes de la Tribune en avril 1998 et octobre 1998.

A cet égard, la société Eurodirect Marketing relève que la Commission des Opérations de Bourse n'est pas intervenue pour solliciter une rectification des communiqués en cause.

Elle remarque ensuite que M. Michel Y... est le seul à s'être plaint.

Elle relève enfin que le communiqué du mois d'avril 1998 n'a pas été suivi d'une hausse du cours de l'action.

Contrairement à ce que soutient M. Michel Y..., il n'y a eu aucun communiqué en juin 1998 et le 16 octobre 1998, la société Eurodirect Marketing a publié le communiqué prévu par l'article 297 du décret du 23 mars 1967 et l'article 341-1 de la loi du 24 juillet 1966 où il était révélé que les bénéfices de l'exercice ne seraient pas ceux escomptés en raison des pertes enregistrées par les sociétés Syntone et BS et par l'activité routage à Strasbourg. Aucune faute ne peut être reprochée à la société Eurodirect Marketing de ce chef.

En toute hypothèse, M. Michel Y... ne peut se prévaloir du moindre préjudice.

En premier lieu, parce que toute activité de placement en bourse est nécessairement aléatoire, ensuite parce que les communiqués incriminés n'ont pas entraîné la hausse du cours de l'action de la société Eurodirect Marketing, au contraire : les titres ont baissé et cette tendance est allée en se confirmant, enfin parce qu'il n'existe aucun lien entre l'évolution du portefeuille de M. Michel Y... en titres société Eurodirect Marketing et les communiqués litigieux.

Il apparaît en effet qu'avant le 7 avril 1998, M. Michel Y... avait acheté du 25 septembre 1997 au 4 mars 1998, 489 actions

par : - les pertes enregistrées par les sociétés Syntone et BS+ en Ile de France ; - les activités de routage de Strasbourg , subissant "les conséquences de l'érosion programmée du contrat postal".

De fait pour la totalité de l'exercice 1998, les résultats ont été de - 30 MF, soit un différentiel, par rapport aux résultats annoncés dans le communiqué du 7 avril 1998, de 44 MF.

M. Michel Y..., fonde son action dirigée contre la société Eurodirect Marketing sur les dispositions des règlements COB relatifs à la sincérité, à l'exactitude et à la précision des informations diffusées dans le public par les sociétés côtées en Bourse. Il entend, en l'occurrence, voir engager la responsabilité de la société Eurodirect Marketing à son égard pour avoir sciemment fait publier une information mensongère sur les résultats prévisibles de 1998 dans le but d'attirer les investisseurs, et pour n'avoir démenti cette "information" que de façon tardive.

La société Eurodirect Marketing conteste le caractère mensonger de l'information qui lui est reproché. Elle fait d'ailleurs observer que le chiffre d'affaires prévisionnel également annoncé dans le communiqué a été atteint, que les informations prévisionnelles sont par nature aléatoires et qu'en l'espèce, les résultats négatifs de 1998 s'expliquent par des événements imprévus, survenus en 1998.

En tout état de cause elle conteste le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué.

Il convient en premier lieu d'écarter l'argumentation développée par

la société Eurodirect Marketing relative au respect des obligations qui lui incombaient en matière de publication de ses résultats annuels, semestriels et trimestriels, qui n'est pas ici en cause.

La question qui se pose est celle de l'exactitude et de la sincérité de l'information publiée le 7 avril 1998 par la société Eurodirect Marketing. La circonstance que cette information soit afférente à des Eurodirect Marketing pour des valeur de 226 francs à 330 francs. Les achat suivants datent du 15 mai 1998, soit bien après la date de publication du premier communiqué qui n'a donc eu aucune influence sur la décision d'achat de M. Michel Y...

Quant aux ventes, elles sont intervenues avant le communiqué, également critiqué, du 16 octobre 1998 et n'ont pu en conséquence être déterminées par cette information. La société Eurodirect Marketing fait également observer que :

- M. Michel Y... a cédé en septembre 1998, plus de titres qu'il n'en avait acquis en mai 1998;

- les actions acquises en mai 1998 ont été achetées à la baisse, plus

d'un mois après la parution du communiqué litigieux.

Il n'existe en conséquence aucun lien de causalité entre ces publications et le "préjudice" allégué, ce qui conduit à s'interroger sur le but réellement poursuivi par M. Michel Y...

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 17 octobre 2002, M. Michel Y... demande à la cour : - de déclarer l'appel de la société Eurodirect Marketing mal fondé ;

- de confirmer le jugement entrepris sur le principe de la condamnation de la société Eurodirect Marketing à réparer le préjudice subi par M. Michel Y...

Sur l'appel incident :

- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 8 juin 2001 sur le montant alloué ;

- de condamner la société Eurodirect Marketing à lui payer la somme de 16.769,39 ä (110.000 francs) à titre de dommages et intérêts ( soit 12.008,43 ä du fait de la comptabilisation des pertes et 4.573,47 ä pour la perte de chance de gains) avec intérêts au taux

légal à compter de la mise en demeure, subsidiairement, à compter de l'assignation en justice ;

prévisions n'a pas pour effet d'exonérer l'émetteur de toute obligation de sincérité. Elle lui impose : - d'une part, de procéder à une appréciation "raisonnable" des risques ; - d'autre part, d'émettre des réserves quant aux événements d'ores et déjà connus qui seraient susceptibles de les affecter.

Il en va de même de son caractère prétendument facultatif : la circonstance que la société émettrice ne soit pas obligée de communiquer des informations ne l'autorise pas pour autant à faire diffuser des informations fausses lorsqu'elle choisit de les faire paraître.

Or, il est constant que la différence entre les résultats annoncés et les résultats effectifs est anormale par son importance (différentiel de 44 MF) et ne peut trouver son explication dans les fluctuations courantes de l'activité de l'entreprise.

Le communiqué du mois d'avril 1998 ne comporte aucune réserve, si ce n'est l'emploi du conditionnel qui ne constitue pas en soi une

information propre à renseigner le public sur la nature des événements susceptibles d'influer sur ce résultat.

De plus à s'en tenir aux explications de la société Eurodirect Marketing, les pertes enregistrées en 1998 seraient dues : - aux mauvais résultats des sociétés Syntone et BS+ ; - à une modification du contrat postal concernant les activités de routage de Strasbourg. Il importe ici de rappeler que les sociétés Syntone et BS+, acquises par Eurodirect Marketing en juillet 1997 (Syntone) et décembre 1997 (BS+), étaient alors des sociétés "malades" (procédure collective en cours). Le seuil de rentabilité de telles entreprises, est, de façon générale, exceptionnellement atteint dans les mois qui suivent leur rachat, en sorte que l'incidence de leurs résultats négatifs "raisonnablement prévisibles"doit nécessairement être prise en compte

dans l'appréciation des résultats du groupe acquéreur. En l'espèce, la société Eurodirect Marketing était d'autant plus à même de prendre la mesure de la situation, qu'elle avait acquis la société Syntone plus de 8 mois auparavant. Elle ne peut dès lors se contenter, pour justifier "l'erreur d'appréciation" commise d'invoquer un laconique "retournement de situation" sans préciser les circonstances particulières qui en seraient la cause. En toute hypothèse, la réalisation de tels investissements au cours d'un exercice apparaît, sauf exception, incompatible avec le "doublement du résultat courant après impôt" au cours de l'exercice suivant, comme énoncé dans le communiqué du 7 avril 1998.

Quant aux effets négatifs du contrat postal concernant les activités de routage de Strasbourg, il est constant que selon sa propre expression "l'érosion" de ce secteur d'activité était "programmée"(voir communiqué du 16 octobre 1998), alors que dans le "document de référence 1997" destiné à la COB et communiqué aux actionnaires elle affirmait que "la volonté affichée de la Poste de réduire le prix de la prestation postale représentait un faible risque pour Eurodirect Marketing".

Il en résulte que la société Eurodirect Marketing a, dès le 7 avril 1998, sciemment publié des perspectives de résultats dont elle savait qu'elles n'avaient raisonnablement pas de chance de se réaliser.

En tous les cas et en admettant même, comme semble le suggérer la

société Eurodirect Marketing, que les prévisions exagérément optimistes de ses dirigeants s'apparent à une grossière erreur d'appréciation plutôt qu'à la volonté de tromper, on relèvera, à la suite de M. Michel Y..., que cette appréciation inexacte des résultats de la société pour l'exercice en cours, a été réaffirmée, sans la moindre réserves dans le document de référence. Ainsi dans le titre intitulé "Rapport de gestion" est-il écrit au paragraphe "Perspectives 1998" :

"S'il (...) reste quelques ajustement à effectuer en y ajoutant des métiers périphériques l'année 1998 devait nous voir récolter les premiers fruits tant en terme d'activité (un chiffre d'affaires de près de 400 MF) qu'en terme de résultat (un résultat courant net d'impôt de 14 MF)"

Aucun nouveau communiqué n'a été publié jusqu'au mois de septembre 1998 et lorsqu'à cette date, la société Eurodirect Marketing a fait connaître le renouvellement de son équipe dirigeante, manifestement lié "à la forte dégradation des résultats" (voir rapport de gestion

de la société Eurodirect Marketing) et à la nécessité d'une "restructuration du groupe", aucune rectification n'a été faite quant aux résultats "prévisibles".

Or : - d'une part aux termes du règlement COB n° 98-07 :

"Toute société côtée doit porter à la connaissance du public "tout fait important, susceptible, s'il était connu, d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier", cette obligation s'imposant d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, des informations qui se sont révélées erronées ont fait l'objet d'une diffusion antérieure par voie de presse ;

- d'autre part, au regard de l'ampleur des pertes, la société Eurodirect Marketing ne peut sérieusement soutenir qu'en août 1998, elle ignorait encore la réalité de la situation ;

- enfin, le caractère manifestement tardif de l'information relative aux résultats négatifs de la société Eurodirect Marketing a causé un préjudice certain aux actionnaires dans la mesure où le cours des

actions a commencé à chuter de façon significative à partir de la fin du mois de juillet/début du mois d'août 1998.

Il convient en dernier lieu de rappeler que l'intervention préalable de la COB ne constitue pas une condition de mise en oeuvre de la responsabilité d'une société côtée en bourse ou de ses dirigeants.

Les manquements de la société Eurodirect Marketing sont ainsi suffisamment caractérisés et engagent la responsabilité de la société Eurodirect Marketing à l'égard de M. Michel Y... dès lors que les informations afférentes aux résultats nets après impôts d'une société côtée en bourse, sont de nature à influer sur le cours des actions car ils constituent, pour les acquéreurs, une garantie de gains.

Le préjudice dont se prévaut M. Michel Y... est constitué par la différence entre le prix d'achat et le prix de vente des actions et bons de souscriptions d'actions acquis postérieurement à la publication du communiqué du 7 avril 1998.

Sur ce point la société Eurodirect Marketing conteste principalement le lien de causalité entre la faute et le préjudice, subsidiairement

l'appréciation du dommage dont elle considère qu'il est nécessairement affecté par un aléa boursier.

S'agissant du lien de causalité, il est constant que M. Michel Y... a commencé à acquérir des actions société Eurodirect Marketing dès le mois de septembre 1997, soit plusieurs mois avant la publication du communiqué litigieux. Il résulte cependant du rappel chronologique des achats effectués par M. Michel Y... que ces derniers se sont nettement amplifiés à partir du mois de mai 1998 : - septembre 1997 :

achat de 115 actions de la société Eurodirect Marketing ; - octobre 1997 : souscription d'actions de 100 actions de la société BSA ; - janvier 1998 : achat de 20 actions de la société Eurodirect Marketing ; - février 1998 : achat de 131 actions de la société Eurodirect Marketing ; - mars 1998 : achat de 123 actions de la société Eurodirect Marketing ; - mai 1998 : achat de 206 actions de la société Eurodirect Marketing ; - juin 1998 : achat de 380 actions de la société Eurodirect Marketing ;

- juillet 1998 : achat de 255 actions de la société Eurodirect Marketing et de 350 actions de la société BSA.

La circonstance qu'en avril 1998, l'actionnaire n'ait pas effectué d'achat, n'est pas significative de l'indifférence de M. Michel Y... à l'égard des informations communiquées le 7 avril 1998, dès lors que dans les trois mois qui ont suivi, ses achats d'actions Eurodirect Marketing et BSA ont été réguliers et très largement supérieurs aux opérations antérieurement réalisées. Il convient d'ajouter à cela que l'intéressé a pris le soin de réclamer aux dirigeants de la société Eurodirect Marketing la communication du document de référence 1997 afin de vérifier, au lendemain de l'assemblée générale des actionnaires, les informations publiées en avril 1998, ce qui atteste de l'intérêt qu'elles présentaient pour lui.

Enfin et contrairement à ce que soutient la société Eurodirect Marketing il ne ressort pas des pièces produites que la baisse des cours ait été amorcée dès le mois de mai 1998 : l'action affichait en effet une valeur de 31.73 francs et avril, 1998, de 31,42 francs en mai 1998 de 33,20 francs en juin 1998 et encore de 30,96 francs en

juillet 1998. C'est seulement à compter du mois d'août 1998 que la chute est apparue significative (22,44 francs) confirmée en septembre 1998en mai 1998 de 33,20 francs en juin 1998 et encore de 30,96 francs en juillet 1998. C'est seulement à compter du mois d'août 1998 que la chute est apparue significative (22,44 francs) confirmée en septembre 1998 (18,79 francs) et octobre 1998 (14,63 francs).

La circonstance que M. Michel Y... n'ait pas attendu la publication, en octobre 1998, des résultats de la société Eurodirect Marketing, pour vendre ses actions, apparaît également sans emport. En effet, la conjonction d'une chute continue du cours de l'action depuis le début du mois d'août 1998 et de l'annonce du renouvellement

de l'équipe dirigeante de la société Eurodirect Marketing constituait pour M. Michel Y..., qui n'est manifestement pas un néophyte en matière d'opérations boursières, un signal d'alarme suffisamment éloquent, qui ne remet pas en cause le fait qu'il ait pu être trompé par les informations diffusées en avril de la même année. Le marché a d'ailleurs réagi dans le même sens.

Il existe en conséquence un lien de causalité entre la faute reprochée à la société Eurodirect Marketing et le préjudice allégué par M. Michel Y.... En effet, la circonstance que M. Michel Y... ait d'une part régulièrement acquis des actions avant le mois d'avril 1997 et d'autre part conservé des actions de la société Eurodirect Marketing après le mois de septembre ou d'octobre 1998 démontre, certes, que ses décisions d'achat n'étaient pas strictement liées aux informations litigieuses, et que cet actionnaire conservait une certaine confiance dans cette société. Il convient toutefois d'observer que l'intéressé ne demande rien pour les quelques 489 actions qu'il a conservées et limite ses prétentions à la différence du cours des actions acquises postérieurement au 7 avril 1998 et vendues en septembre 1998, c'est à dire celles qu'il n'aurait pas achetées s'il n'avait pas été victime d'informations trompeuses. Son préjudice s'établit en conséquence à la somme de 12.008,43 ä.

Il n'y a pas lieu en revanche de tenir compte d'une prétendue "perte de chance de gains", totalement aléatoire, et liée à des

circonstances exclusivement étrangères, ni de faire droit aux prétentions de M. Michel Y... relative à la résistance opposée par la société Eurodirect Marketing dont il ne démontre pas en quoi elle pourrait être qualifiée d'abusive, étant rappelé que toute personne a le droit de se défendre en justice.

La publication du présent arrêt - qui en l'espèce relèverait davantage de la prévention que de la réparation - apparaît excessive au regard de la gravité relative de la faute, de l'importance du dommage et des répercussions qu'elle serait susceptible d'avoir sur l'avenir de la société.

Il appartient à la société Eurodirect Marketing qui succombe de supporter la charge des dépens et des frais irrépétibles d'instance. Un montant de 1.200 ä doit être alloué à ce titre à M. Michel Y....

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONSTATE que la recevabilité non plus que la régularité formelle des appels ne sont contestées ;

AU FOND :

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Eurodirect Marketing à l'égard de M. Michel Y... au titre de la diffusion d'informations trompeuses, condamné la société Eurodirect Marketing aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure ;

L'INFIRME sur le montant de l'indemnisation ;

ET STATUANT À NOUVEAU DE CE CHEF :

CONDAMNE la société Eurodirect Marketing à payer à M. Michel Y... le somme de 12.008,43 ä (douze mille huit euros et quarante trois centimes) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société Eurodirect Marketing aux dépens de l'instance

d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 1.200 ä (mille deux cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

REJETTE toute autre prétention des parties.

Et le présent arrêt a été signé par M. HOFFBECK, Président de Chambre, et par Mme X..., Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006943092
Date de la décision : 14/10/2003

Analyses

BOURSE - Bourse de valeurs - Opérations - Infractions - Diffusion d'informations fausses ou trompeuses - /JDF

Dès lors que les informations afférentes aux résultats nets après impôts d'une société cotée en bourse, sont de nature à influer sur le cours des actions car ils constituent, pour les acquéreurs, une garantie de gains, engage sa responsabilité envers un actionnaire la société qui annonce des résultats supérieurs de 44 millions de Francs par rapport aux résultats effectifs (en réalité un déficit) et qui a omis d'annoncer la restructuration du groupe lié à la forte dégradation des résultats, contrairement aux exigences du règlement COB n°98-07


Références :

Règlement COB n° 98-07

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2003-10-14;juritext000006943092 ?
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