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12/02/2003 | FRANCE | N°01/01908

France | France, Cour d'appel de colmar, 12 février 2003, 01/01908


N° RG 1 B 01/01908 MINUTE N° 113/2003 Copie exécutoire aux avocats SCP CAHN etamp; associés Maître WETZEL Le 14.02.2003 Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 12 Février 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET AVEC L'ACCORD DES AVOCATS : Mme GOYET, président de chambre, magistrat-rapporteur, COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme GOYET, président de chambre, Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIÉ, conseiller qui ont délibéré sur rapport du magistrat-rapporteur. GREFFIER PRÉSENT A

UX DÉBATS ET AU PRONONCÉ :

Mme ARMSPACH-SENGLE, DÉBATS A l'audience publ...

N° RG 1 B 01/01908 MINUTE N° 113/2003 Copie exécutoire aux avocats SCP CAHN etamp; associés Maître WETZEL Le 14.02.2003 Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 12 Février 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET AVEC L'ACCORD DES AVOCATS : Mme GOYET, président de chambre, magistrat-rapporteur, COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme GOYET, président de chambre, Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIÉ, conseiller qui ont délibéré sur rapport du magistrat-rapporteur. GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ :

Mme ARMSPACH-SENGLE, DÉBATS A l'audience publique du 13 Décembre 2002 ARRÊT du 12 Février 2003 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : Demande en nullité des promesses de vente ou de vente de fonds de commerce APPELANTE ET DEMANDERESSE : Madame Alice X... ...; associés, avocats à la cour INTIMÉE ET DÉFENDERESSE : SARL LES PONTS Y... ayant son siège social 8 rue du Faubourg National 67000 STRASBOURG représentée par ses représentants légaux Représentant : Maître WETZEL, avocat à la cour Plaidant : Maître Stéphane MEYER, avocat à STRASBOURG

.../1

Madame Alice X... divorcée BLAISON a été locataire-gérant du fonds de commerce de brasserie-restaurant "AU CERF" à STRASBOURG du 18.01.1965 au 15.5.1975 date à laquelle elle a acquis le fonds.

Par acte sous seing privé du 31.8.1985, Madame X... a vendu le fonds à Madame Z... pour 200.000 F.

Par la suite elle a engagé une procédure en annulation de l'acte pour erreur en affirmant qu'elle n'a vendu que le petit fonds pour ce prix.

Après avoir été déboutée en première instance et en appel et après avoir formé un pourvoi en cassation, Madame X... a conclu avec Madame Z... une transaction en date du 14 décembre 1992, reçue par Maître DREYER, notaire, qui stipule que Madame Z... rétrocède à Madame X... le fonds de commerce en question et Madame X... aura la propriété du fonds à compter du 1er décembre 1992 par la prise de possession réelle et effective et ce au prix de 110.000 F.

Par acte du 27.5.1993, Madame X... a conclu avec Madame A... une vente du petit fonds de brasserie-restaurant au prix de 250.000 F et une location-gérance, et a donné son droit de préférence à Madame A... en cas de vente du fonds de commerce ;

Par acte du 9.7.1993 un contrat de location-gérance a été conclu entre Madame X... et la SARL LES PONTS Y..., représentée par sa gérante, Madame A....

Le contrat a été conclu pour une durée de 9 ans, avec faculté pour chacune des parties de dénoncer le contrat à chaque échéance triennale et pour un loyer mensuel de 8.500 F HT pour les murs et le fond.

Par lettre du 20.12.1995 avec effet au 1.01.1998, Madame X... a dénoncé le contrat de location-gérance et a saisi le juge des référés aux fins d'expulsion de la SARL LES PONTS Y....

Par ordonnance du 3.12.1996, Madame X... a été déboutée de sa demande, le juge des référés estimant sérieuses les contestations de la SARL LES PONTS Y... qui faisait valoir qu'on était en présence d'un bail commercial et non d'un contrat de location-gérance.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la cour de ce siège du 28.10.1997.

Par acte du 14.4.1999, Madame X... a assigné la SARL LES PONTS Y... devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG aux fins d'obtenir son expulsion, dès lors qu'elle a mis régulièrement fin au

contrat de location-gérance.

La SARL LES PONTS Y... s'est opposée à la demande en faisant valoir que le contrat liant les parties devait être requalifié en bail commercial.

Par jugement du 30.3.2001, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de STRASBOURG a :

- requalifié le contrat passé entre les parties le 8.6.1993 et dit qu'il s'agit d'un bail commercial,

- débouté Madame X... de son entière demande,

- condamné Madame X... aux dépens ainsi qu'à payer à la SARL LES PONTS Y... la somme de 7.000,00 francs, soit 1.067,14 ä par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le tribunal a considéré :

- que Madame X... ne justifiait d'aucune exploitation effective du fonds du 1.1.1992 au 27.5.1992 jusqu'au 27.5.1993, ni de la réalité des travaux effectués après avoir récupéré le fonds et qu'elle ne démontrait pas qu'à la conclusion du contrat de location-gérance, sa clientèle n'avait pas disparu,

- que Madame X... a vendu le petit fonds pour 250.000 F alors qu'aucun inventaire de matériel vendu n'a été établi et que le descriptif annexé à la transaction du 14.12.1992 indiquait une valeur de 55.000 F, y compris la machine à café exclue de la vente à Madame A..., de sorte que le montant de 250.000 F apparaît avoir été un pas de porte,

- que la durée du contrat de 9 ans avec faculté de résiliation triennale était identique à celle des baux commerciaux,

- que le contrat devait donc être requalifié en bail commercial.

Par déclaration reçue au greffe le 19.4.2001, Madame Alice X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives du 25.2.2002, Madame X... demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- dire et constater que le contrat du 8 juillet 1993 est un contrat de location-gérance et

- dire en conséquence que le congé du 20 décembre 1995 est régulier en la forme et au fond,

- dire et juger, à titre subsidiaire, qu'en tout état de cause le congé du 29 décembre 1998 est régulier en la forme et au fond,

en conséquence,

- constater que la SARL LES PONTS Y... est devenue occupante sans droit, ni titre depuis le 1er juillet 1996, subsidiairement depuis le 1er juillet 1999,

- condamner la SARL LES PONTS Y... à évacuer, de toute personne et de tout bien dépendant d'elle, le fonds de commerce qu'elle occupe dans l'immeuble 8 rue du Faubourg National à STRASBOURG et à restituer ledit fonds à Madame X... en se conformant aux obligations du locataire-gérant sortant,

- condamner la SARL LES PONTS Y... à payer à Madame X... à titre d'indemnité d'occupation avec effet au 1er juillet 1996, subsidiairement au 1er juillet 1999, la somme de 16 000 F soit 2 439,18ä hors taxes par mois à titre provisionnel ;

- réserver à Madame X... le droit de chiffrer son préjudice définitif après restitution du fonds,

- condamner la partie adverse aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 20 000 F soit 3 048,98 ä la 1ère instance, et 20 000 F soit 3 048,98 ä pour l'instance d'appel, par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir au soutien de son appel :

- qu'elle est redevenue propriétaire du fonds de commerce en vertu de la transaction du 14.12.1992 qui n'a fait l'objet d'aucune demande d'annulation,

- qu'aussi bien l'acte du 27.5.1993 que le contrat de location-gérance sont sans équivoque sur le fait que Madame X... est restée propriétaire du fonds et qu'elle a donné en location-gérance le fonds de commerce, l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage, la licence et le droit au bail pour une durée déterminée ; que le prix du loyer a également été fixé avec la mention que la somme déterminée "correspond au loyer des murs et du fonds" et que la partie adverse s'est fait inscrire au Registre du Commerce en qualité de gérante libre,

- qu'il y a donc lieu de donner foi aux titres, étant précisé que c'est Madame A... qui a rédigé ou fait rédiger l'ensemble des actes,

- que le fait que le contrat ait une durée de 9 ans n'autorise pas à requalifier le contrat en bail commercial, dès lors que rien n'interdit qu'un contrat de location-gérance ne puisse pas être convenu pour une durée de 9 années avec faculté réciproque de résiliation triennale,

- que le fonds a été exploité sans interruption, sauf pendant une très courte période séparant la date de la transaction intervenue entre Madame Z... et Madame X... et la conclusion du contrat de location-gérance qui a suivi, pendant laquelle elle a réalisé des travaux de mise en conformité car l'autorisation d'exploiter avait été refusée en raison de la non conformité des locaux avec les normes de sécurité en vigueur,

- qu'il ne peut y avoir requalification du contrat car celui-ci a notamment prévu la location de la licence IV indispensable à l'exploitation d'un fonds de brasserie-restaurant ; que la société

LES PONTS Y... ne peut soutenir qu'elle a créé le fonds alors qu'elle ne disposait même pas de l'élément fondamental et indispensable à l'exploitation du fonds, à savoir la licence ;

- que la vente du petit fonds porte sur le rachat de l'ensemble des éléments corporels meublant les locaux, s'agissant ici d'une pratique locale usuelle ; que le prix du matériel a été librement convenu et discuté entre les parties et surtout le compromis fixant ce prix a été rédigé par le conseil de Madame A... ;

- qu'il n'y a de toute évidence pas application du statut des baux commerciaux en présence des contrats qui ont été signés entre les parties, même si Madame X..., dans deux lettres qu'elle a adressées à sa locataire en décembre 1995 a employé, à tort et par erreur, le terme de bail commercial alors que la société LES PONTS Y... n'a jamais un seul instant douté de la qualification réelle et exacte du contrat ainsi que cela résulte notamment de ses lettres des 5 septembre 1994, 7 janvier 1997 et de la lettre de son conseil du 25 avril 1996 ;

- que le congé a été régulièrement donné par lettre du 20 décembre 1995 réceptionnée le 29 décembre 1995 pour le 1er juillet 1996, de sorte que le délai de préavis a été respecté ; qu'un deuxième congé a été délivré par huissier le 29 décembre 1998 pour l'échéance du 30 juin 1999 à titre conservatoire.

Par conclusions récapitulatives du 2 mai 2002, la sàrl LES PONTS Y... demande de :

- confirmer le jugement du 30 mars 2001 en ce qu'il a requalifié

le contrat passé entre les parties en bail commercial et en ce qu'il a débouté Mme X... de son entière demande ;

- condamner Mme X... à payer à la sàrl LES PONTS Y...

la somme de 4.800 ä par application de l'article 700 du nouveau

Code de procédure civile ;

- condamner Mme X... aux entiers frais et dépens.

Elle soutient en réponse :

-etgt; que l'intitulé "contrat de location-gérance" ne saurait lier le juge qui peut parfaitement dire et juger que le contrat litigieux était bien, en l'espèce, un bail commercial comme il sera démontré ; -etgt; qu'ainsi, le contrat prévoyait une durée dont les termes étaient contradictoires mais qui est, en fait, une durée de 9 années avec possibilité de dénonciation triennale, ce qui correspond aux dispositions de l'article 3-1 du décret du 30 septembre 1953 qui n'ont aucune justification dans le cadre d'un contrat de location-gérance ;

-etgt; qu'il résulte de la transaction intervenue entre Mme X... et l'exploitant précédent que le fonds n'avait plus aucune valeur, élément confirmé par le fait que pour l'année 1991, le chiffre d'affaires a chuté à 300.434 F, et le bénéfice à 32.279 F, et que pour l'année 1992, il n'y a eu aucun chiffre d'affaires établi, ni aucun bénéfice, et que le prix incluait 55.000 F de matériel, et lorsque les locaux ont été mis à la disposition de la sàrl LES PONTS Y... avec effet au 1er juillet 1993, le fonds n'existait déjà plus et avait depuis des années perdu toute clientèle ;

-etgt; que le fait que la licence soit la propriété de Mme X... n'a aucune incidence puisqu'en effet, il est classique qu'un restaurant soit exploité sans que le propriétaire ou l'exploitant soit propriétaire de la licence ;

-etgt; qu'il y a eu règlement d'un pas de porte, ce qui est incompatible avec un contrat de location-gérance, car il est évident que la sàrl LES PONTS Y... n'aurait jamais accepté de payer 250.000 F un matériel qui valait en réalité 47.000 F et dont aucun

inventaire a été dressé ; qu'il est certain que si, à l'époque où le fonds de commerce fonctionnait normalement, il a été vendu 200.000 F, le prix de 250.000 F en 1993 ne pouvait correspondre qu'au règlement du pas-de-porte mais certainement pas au prix d'un matériel sans valeur ;

-etgt; que Mme X... a essayé de tromper la sàrl LES PONTS Y... en lui faisant signer un contrat de location-gérance pour tenter d'éluder le décret de 1953, tout en sachant que les conditions pour éluder ce décret n'étaient pas remplies ; que d'ailleurs, le cabinet FESSLER, intermédiaire de la transaction, a fait payer à la sàrl LES PONTS Y..., des honoraires de vente et Mme X... elle-même a parlé de bail commercial dans sa lettre du 20 décembre 1995 ; que même à supposer que le contrat soit qualifié de location-gérance, une dénonciation, pour être valable pour la date du 1er juillet 1996, devrait avoir été faite le 30 décembre 1995 au plus tard, alors que Mme X... ne produit pas l'accusé de réception de sa lettre qui, de plus, a été adressée à Mme A... "AUX PONTS Y..." et non à la sàrl ;

-etgt; que le second congé n'a pas été donné selon les formes impératives du décret du 30 septembre 1953.

SUR CE, LA COUR,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

Attendu que Mme X... et Mme A... ont signé le 27 mai 1993 un premier acte s'intitulant "Compromis de vente" d'un petit fonds de brasserie-restaurant et de location-gérance, fixant le prix du petit fonds à 250.000 F et le loyer de la location-gérance à 102.000 F HT par an, payable par mensualités ;

que cet acte prévoyait un droit de préférence de Mme A... en cas de

vente du fonds de commerce ;

qu'un honoraire de 29.650 F TTC à la charge de Mme A... y était prévu au bénéfice de l'Agence Immobilière FESSLER ;

que par acte du 9 juillet 1993, un contrat de location-gérance a été signé entre Mme Alice X..., le bailleur, et la sàrl LES PONTS Y... en cours d'immatriculation représentée par sa gérante, Mme A..., le preneur, acte par lequel : "Mme X... donne à Mme A... qui accepte en location-gérance le fonds de commerce de brasserie comme sous le nom "LA BRASSERIE DU CERF", sis et exploité à STRASBOURG 8, rue du Faubourg National :

a) l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage" ;

b) la licence IV - catégorie dite "grande licence" ;

c) le droit au bail" moyennant un loyer mensuel de 8.500 F HT correspond au "loyer des murs et du fonds" ;

Attendu que l'ensemble des clauses de l'acte font référence à la location du fonds de commerce ; qu'au surplus, sous le titre "Droit de préemption" figure la clause suivante : "Les parties conviennent d'accorder au locataire-gérant un droit de préemption dans l'hypothèse d'une vente du fonds qui se concrétisera de la façon suivante : - Mme X... signifiera par lettre recommandée avec AR l'offre d'achat qu'elle aura reçue avec les conditions de cette offre. - A compter de la réception de ce courrier, Mme X... (il faut comprendre Mme A...) bénéficiera d'un délai d'un mois pour lever l'option au prix déjà déterminé de 850.000 F dont il convient de déduire la somme de 250.000 F déjà versée par Mme A... lors de l'achat du matériel dénommé "petit fonds". - L'absence de réponse dans ce délai équivaudra à un refus de lever l'option. Il est convenu entre les parties que ce prix déjà déterminé sera à chaque date anniversaire du contrat révisé sur les mêmes bases que le loyer du fonds.".

Attendu qu'il résulte également des pièces produites par Mme X... (annexes 11, 12 et 13) que le contrat de location-gérance a été rédigé par Maître Florence DIEUDONNÉ, mandatée à cette fin par Mme A...

Attendu qu'il apparaît ainsi, sans aucune ambigu'té, que les parties ont entendu conclure un contrat de location-gérance et non de bail commercial puisqu'elles ont même stipulé un droit de préemption au bénéfice de Mme A... en cas de vente du fonds de commerce dont le prix était d'ores et déjà fixé à 850.000 F et devait être révisé en même temps que le loyer du fonds ;

Attendu qu'il résulte par ailleurs de cette clause que le prix du petit fonds constituait bien une sorte de "pas-de-porte" puisqu'il devait venir ensuite en déduction du prix de vente, ce qui permet d'expliquer la raison pour laquelle les deux parties n'ont pas estimé utile de dresser un inventaire du matériel ainsi vendu et ce que rien n'interdit, même dans le cas d'une location-gérance ;

Attendu que dès lors que la commune intention des parties, à la date du contrat, ne peut faire l'objet d'aucun doute, il appartient à la sàrl LES PONTS Y... de prouver que ce contrat constitue en réalité un bail commercial en raison de l'inexistence du fonds au moment où il a été loué à la sàrl LES PONTS Y... ;

Attendu que cette dernière se fonde essentiellement sur les termes de la transaction conclue le 12 décembre 1992 entre Mme Martine Z... et Mme Alice X..., dans le cadre d'un procès opposant les parties depuis 1986 au sujet de la vente du fonds de commerce, objet du présent litige, intervenue le 31 août 1985, et dont Mme X... demandait l'annulation ;

que dans le cadre de cette transaction, Mme Z... rétrocédait le fonds à Mme X... qui procédait en échange au règlement des créanciers de Mme Z..., dont la créance totale s'élevait à environ 110.000 F

;

que la sàrl LES PONTS Y... en déduit que le fonds n'avait plus aucune valeur, mais qu'un tel raisonnement ne saurait être suivi dans la mesure où il s'agissait d'une transaction, faisant suite à une très longue procédure, qui ne reflète pas forcément la valeur marchande du fonds, ce d'autant qu'il ressort du même acte que le privilège du vendeur et un nantissement en faveur de Mme B... étaient toujours inscrits sur le fonds, ce qui veut dire que le prix n'a pas été payé comptant et n'avait pas été apuré à la date de la transaction ;

que la sàrl LES PONTS Y... fait aussi observer que les chiffres d'affaires et les bénéfices des exercices du 1er janvier au 31 décembre 1989, 1990, et 1991, indiqués dans l'acte faisaient apparaître une très forte chute du chiffre d'affaires en 1991 (300.434 F) et du bénéfice au cours de la même année de 32.279 F et l'absence de toute indication pour 1992, mais s'il apparaît, au vu de ces chiffres, que l'activité du fonds de commerce avait nettement baissé en 1991, il en résulte en même temps que celui-ci était toujours exploité et avait même généré un bénéfice de 32.000 F ;

que par ailleurs, on ne saurait déduire du fait qu'aucun chiffre n'est indiqué pour 1992, la preuve que le fonds n'était plus exploité durant cette année, car Mme X... a récupéré le fonds à compter du 30 novembre 1992, selon l'acte du 14 décembre 1992, et à cette date, les comptes de l'exercice n'étaient pas encore arrêtés ;

Attendu, en conséquence, qu'aucun arrêt de l'exploitation du fonds n'est prouvé en-deçà de la période du 30 novembre 1992 au 27 mai 1993, de sorte que la disparition totale de toute clientèle n'est pas prouvée ;

qu'il faut d'ailleurs relever que la sàrl LES PONTS Y... s'abstient de produire ses propres bilans et qu'elle ne démontre donc

nullement, alors qu'elle a la charge de la preuve, qu'elle n'a fait qu'un chiffre d'affaires dérisoire pendant le début de son exploitation ;

qu'au contraire, elle n'a nullement remis en cause la qualification du contrat après avoir pris possession du fonds puisque non seulement elle s'est inscrite comme locataire-gérant à partir du 1er juillet 1993 au Registre du Commerce et des Sociétés, mais qu'elle a, dans des courriers du 5 septembre 1994 et du 7 janvier 1997, fait état du contrat de location-gérance sans contester nullement le bien-fondé de cette qualification ;

que ce n'est qu'à la suite de la notification du congé délivrée par huissier le 29 décembre 1998 pour le 30 juin 1999, que le conseil de la sàrl LES PONTS Y... a affirmé qu'il s'agissait non pas d'un contrat de location-gérance, mais d'un bail commercial ;

Attendu qu'à ce sujet, aucune déduction ne peut être tirée de la durée de 9 ans du contrat de location-gérance puisque les stipulations de ce contrat ne sont nullement conformes aux dispositions de l'article 3-1 du décret de 1953 devenu l'article L 145-4 du Code de commerce, dès lors qu'elles permettent au bailleur, dans tous les cas, de donner congé au preneur à l'expiration d'une période triennale, ce que ne peut faire le bailleur en vertu de l'article L 145-4 qu'afin de construire, reconstruire, surélever l'immeuble ou le rénover ;

Attendu enfin que Mme X... fait valoir que, pendant la période de non-exploitation du fonds, elle a fait faire des travaux de mise en conformité des locaux ;

que si elle ne produit pas les factures des travaux, elle justifie cependant qu'un procès-verbal du 12 octobre 1992 de la Commission de Sécurité de la Communauté Urbaine de STRASBOURG a dressé la liste des travaux à effectuer et a donné un avis défavorable à la délivrance de

l'autorisation préfectorale d'exploiter le débit de boissons "Restaurant Au Cerf" 8, rue du Faubourg national à STRASBOURG, à la suite duquel la Préfecture du BAS-RHIN a refusé à une dame Monique C... l'autorisation d'exploiter le même débit de boisson tant que les services de sécurité de la ville n'auraient pas constaté le respect des prescriptions imposées ;

qu'il apparaît, au vu de ces documents, que Mme X... a bien effectué les travaux en cause puisque, par arrêté du 26 août 1993, Mme Nadine A... a été autorisée à exploiter le débit de boissons de 4ème catégorie "LES PONTS Y..." anciennement "AU CERF", en sa qualité de gérante de la sàrl "LES PONTS Y..." ;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour estime que c'est à tort que le premier juge a requalifié le contrat de location-gérance en contrat de bail commercial, en l'absence de preuves suffisantes de l'inexistence du fonds de commerce au moment de sa location ;

Attendu que Mme X... était par conséquent en droit de donner congé à la sàrl LES PONTS Y... à l'expiration de chaque période triennale dans les conditions de forme prévues au contrat, moyennant lettre recommandée avec avis de réception et préavis de six mois ;

que cette condition n'est pas réunie pour le courrier du 20 décembre 1995 mettant fin au contrat avec effet au 1er juillet 1996 car Mme X... ne produit pas l'accusé de réception de cette lettre, et aucune lettre du conseil de Mme A... en date du 4 janvier 1996 n'est produite, le seul courrier de réception d'un congé par le conseil de Mme A... versé aux débats étant du 4 janvier 1999 après le congé donné le 29 décembre 1998 pour le 30 juin 1999 (annexe 6) ;

que seul, le congé précité délivré le 29 décembre 1998 par huissier à la sàrl LES PONTS Y... et remis à la personne de la fille de Mme A..., peut donc être pris en considération ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et de dire que le congé du 29 décembre 1998 est régulier en la forme et au fond, de constater que la sàrl LES PONTS Y... est occupante sans droit, ni titre depuis le 1er juillet 1999, et de la condamner à évacuer le fonds ;

Attendu que l'indemnité d'occupation sera fixée à 1.340 ä par mois ; Attendu que la sàrl LES PONTS Y... sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement d'une indemnité de procédure, mais il n'y a pas lieu de réserver à Mme X... quoi que ce soit. PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré en dernier ressort INFIRME le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, DIT n'y avoir lieu à requalification du contrat de location-gérance conclu le 8 juin 1993, en bail commercial ; En conséquence, DÉCLARE valable le congé donné par Mme X... le 29 décembre 1998 pour le 1er juillet 1999 ; DIT qu'à compter du 1er juillet 1999, la sàrl LES PONTS Y... est occupante sans droit, ni titre, des locaux commerciaux au 8, rue du Faubourg National à STRASBOURG ; CONDAMNE la sàrl LES PONTS Y... à évacuer toute personne ou tout bien dépendant d'elle dans l'immeuble 8, rue du Faubourg National à STRASBOURG et à restituer le fonds de commerce à Mme X... dans les conditions prévues au contrat ; CONDAMNE la sàrl LES PONTS Y... à payer à Mme X... à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er juillet 1999, la somme de 1.340 ä HT (mille trois cent quarante euros) par mois ; CONDAMNE la sàrl LES PONTS Y... aux dépens de première instance et d'appel ; LA CONDAMNE à payer à Mme X... la somme de 1.500 ä (mille cinq cents euros) pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel. Et le présent arrêt a été signé par Madame GOYET, président de

chambre, et par Madame ARMSPACH-SENGLE, greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 01/01908
Date de la décision : 12/02/2003

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Domaine d'application - Bail d'un local dans lequel un fonds de commerce est exploité - Fonds donné en location-gérance - Conditions - Inexistence d'éléments essentiels lors de la conclusion du contrat

Dès lors qu'il résulte de l'ensemble des clauses d'un acte faisant référence à la location d'un fonds de commerce que les parties ont entendu, sans ambigu'té, conclure un contrat de location-gérance et non un bail commercial, et que la commune intention des parties ne peut faire l'objet d'aucun doute, il appartient au preneur de prouver que le contrat est en réalité un bail commercial en raison de l'inexistence du fonds au moment où il lui a été loué


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2003-02-12;01.01908 ?
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