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14/11/2002 | FRANCE | N°00/03987

France | France, Cour d'appel de colmar, 14 novembre 2002, 00/03987


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A

CC/CW R.G. N° 2 A 00/03987 Minute N° 2 M 1123.2002 Copies exécutoires à : Maîtres WEMAERE, CAMINADE etamp; LEVEN-EDEL Maître NICO La S.C.P. CAHN etamp; ASSOCIES Le 14 novembre 2002 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 14 NOVEMBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Marc SAMSON, Président de Chambre Christian CUENOT, Conseiller Philippe ALLARD, Conseiller Greffier présent aux débats et au prononcé : Nathalie NEFF DEBATS en audience publique du 26 septembre 2002 AR

RET CONTRADICTOIRE du 14 novembre 2002 prononcé publiquement par...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A

CC/CW R.G. N° 2 A 00/03987 Minute N° 2 M 1123.2002 Copies exécutoires à : Maîtres WEMAERE, CAMINADE etamp; LEVEN-EDEL Maître NICO La S.C.P. CAHN etamp; ASSOCIES Le 14 novembre 2002 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 14 NOVEMBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Marc SAMSON, Président de Chambre Christian CUENOT, Conseiller Philippe ALLARD, Conseiller Greffier présent aux débats et au prononcé : Nathalie NEFF DEBATS en audience publique du 26 septembre 2002 ARRET CONTRADICTOIRE du 14 novembre 2002 prononcé publiquement par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : DEMANDE EN NULLITE DE LA VENTE OU D'UNE CLAUSE DE LA VENTE APPELANTS et défendeurs : 1 - Maître Christian GRUNDLER demeurant 50, rue Etienne Marcel B.P. 232 75063 PARIS CEDEX 02 2 - La S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER ayant son siège 50, rue Etienne Marcel B.P. 232 75063 PARIS CEDEX 02 représentés par Maîtres WEMAERE, CAMINADE etamp; LEVEN-EDEL, avocats à COLMAR plaidant : Maître REGNAULT, avocat à PARIS

INTIMEE et défenderesse APPELANTE sous II A 4099/00 : La COMPAGNIE FONCIERE DE REHABILITATION URBAINE (C.F.R.U.), en liquidation amiable ayant son siège social 12, rue de Presbourg 75016 PARIS représentée par son liquidateur amiable Maître Isabelle DIDIER demeurant 11, rue de Tiquetonne 75002 PARIS représentée par la S.C.P. CAHN etamp; ASSOCIES, avocats à COLMAR plaidant : Maître BRAUN, avocat à PARIS

INTIMES et demandeurs : 1 - Monsieur Patrick X... né le 18 octobre 1936 à NANTES (Loire-Atlantique) 2 - Madame Cécile X... née Y... née le 7 novembre 1940 à CARQUEFOU (Loire-Atlantique) demeurant ensemble 21, rue du Préfet Bonnefoy 44000 NANTES

représentés par Maître NICO, avocat à COLMAR * * *

Vu le jugement du 5 juillet 2000 du Tribunal de grande instance de STRASBOURG, qui a annulé une vente immobilière du 22 décembre 1986 consentie par la société C.F.R.U. aux époux X..., et qui a condamné cette société à rembourser aux acquéreurs le prix de vente, le coût des travaux de réparation, les intérêts des prêts contractés et les divers frais, ainsi qu'à leur payer des dommages et intérêts et une compensation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout solidairement avec Maître GRUNDLER et la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER, jugés responsables d'une faute professionnelle dans cette transaction ;

Vu les appels relevés contre ce jugement le 31 juillet 2000 par Maître GRUNDLER et la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER, et le 4 août 2000 par la société C.F.R.U., dans des conditions de recevabilité non contestées ;

Vu les conclusions d'appel de Maître GRUNDLER et de la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER, qui opposent à l'action des époux X... la prescription de l'article 1304 du Code civil, et qui contestent subsidiairement toute faute dans leur concours à une transaction dont l'exécution leur échappait ;

Vu les conclusions d'appel de la société C.F.R.U., qui se prévaut également de la prescription, et qui conteste en outre la réalité de l'erreur ou du dol invoqués par les époux X... ;

Vu les conclusions des époux X..., destinées à obtenir généralement la confirmation du jugement entrepris, sauf à leur allouer diverses indemnités complémentaires omises par le premier juge, et à rectifier le montant des dommages et intérêts supplémentaires ;

Attendu qu'il faut rappeler que Maître X..., qui exerce la profession d'huissier de justice à NANTES et qui dispose de revenus

assez importants, a été tenté par une opération de défiscalisation dans les termes de l'article 156-1 3ème du Code général des impôts, relatif à la déduction des déficits fonciers engendrés par les opérations de restauration immobilière dans les secteurs sauvegardés ;

Attendu qu'une étude du 1er décembre 1986 d'une société spécialisée S.A.G.E.P. l'a convaincu de l'intérêt d'une telle opération, et que pour la réalisation de celle-ci, il s'est adressé à une société C.F.R.U., COMPAGNIE FONCIERE DE REHABILITATION URBAINE, qui avait un projet dans un secteur sauvegardé de STRASBOURG, sur un immeuble du 7 quai des Pêcheurs ;

Attendu qu'il a acquis le 22 décembre 1986 un lot de copropriété dans cet immeuble, et qu'il a opéré dès cette année-là des déductions appréciables au titre des travaux entrepris dans le cadre d'une association foncière libre ;

Attendu cependant que la Direction Régionale des Impôts de NANTES a estimé que l'opération en cause ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article 156-1 3ème du Code général des impôts, au motif que les travaux n'avaient pas été autorisés (motif abandonné ultérieurement), et surtout qu'ils dépassaient par leur importance la simple restauration, et constituaient une véritable reconstruction, d'ailleurs décidée à l'initiative du vendeur et non pas de l'AFUL ;

Attendu que la Direction des Impôts a donc adressé aux époux X... deux notifications de redressement le 8 décembre 1989 et le 20 mars 1990, pour les revenus de 1986, 1987 et 1988, et qu'elle a mis en recouvrement le 18 mars 1991 un important arriéré d'impôts sur le revenu ;

qu'elle a procédé à une nouvelle notification de redressement le 25 août 1993 pour les revenus de 1989 à 1991 ;

Attendu que les époux X... ont saisi le Tribunal administratif de

NANTES, avec le concours du conseil de la société S.A.G.E.P., mais que leur réclamation a été rejetée par jugement du 13 juillet 1995 ; Attendu que par actes des 10 juin, 5 juillet, 9 juillet et 17 juillet 1996, les époux X... ont saisi le Tribunal de grande instance de STRASBOURG d'une action destinée à faire annuler la vente du 22 décembre 1986, et à faire condamner la société S.A.G.E.P., la société C.F.R.U. et le notaire chargé de la vente à leur rembourser la totalité des dépenses effectuées dans le cadre de cette opération ;

Attendu que cette action en annulation ne peut pas cependant prospérer, tant pour des raisons de prescription que pour des raisons de fond assez évidentes pour être signalées cumulativement avec les premières ;

Attendu que l'action en annulation se prescrit par 5 années conformément à l'article 1304 du Code civil, et que dans le cas d'erreur ou de dol, fondement invoqué par les époux X..., la prescription commence de courir à compter de la découverte de l'erreur ou du dol ;

Attendu que les époux X... ont découvert le problème majeur posé par leur opération de défiscalisation dès la notification des premiers redressements des 8 décembre 1989 et 20 mars 1990, et que le jugement du Tribunal administratif n'a fait qu'altérer l'espoir de corriger les effets du redressement fiscal, sans d'ailleurs en principe le ruiner totalement, puisqu'il était susceptible d'appel ; Attendu que situer la révélation du vice au jour de la décision de la juridiction administrative pourrait aussi bien conduire à admettre qu'il n'est pas réellement apparu tant que le Conseil d'Etat n'a pas statué irrévocablement sur la validité du redressement fiscal ;

que cela ne paraît pas soutenable, et que d'ailleurs les impositions

éludées sont devenues juridiquement exigibles le 18 mars 1991, soit encore plus de 5 années avant l'engagement de l'action en nullité ;

Mais attendu qu'il reste possible de rappeler surabondamment à Maître X... que son action en nullité était de toute façon vouée à l'échec au fond ;

Attendu que la seule erreur commise par lui lors de la vente du 22 décembre1986 est une erreur sur sa motivation fiscale, étrangère aux obligations conventionnelles des parties ;

que dans une affaire exactement similaire jugée le 13 février 2001, la Cour de Cassation a rappelé que l'erreur sur un motif fiscal extérieur au contrat, même déterminant et connu de l'autre partie, ne pouvait entraîner l'annulation à défaut de stipulation faisant entrer ce motif dans le champ contractuel ;

Attendu qu'il est donc évident que l'erreur invoquée par Maître X... ne pouvait pas être une cause d'annulation de la vente du 22 décembre 1986 ;

Attendu qu'il est encore plus évident qu'il n'y a pas eu de dol ;

que rien n'indique que le promoteur connaissait l'impossibilité de bénéficier de l'avantage de défiscalisation, et qu'en réalité, le problème vient des difficultés d'application de la loi dite "MALRAUX", de certaines de ses ambigu'tés et surtout de la sévérité de l'administration à l'égard des opérations de défiscalisation effectuées dans le cadre de celle-ci ;

que la société S.A.G.E.P. y a fait une allusion discrète dans son étude, et qu'il aurait été peut être plus opportun pour elle, dont le cas n'est pas soumis à cette Cour cependant, de le signaler plus explicitement à ses clients ;

Attendu qu'il faut observer que l'architecte des Bâtiments de France a émis l'avis que la restauration de l'immeuble en cause était normale, et qu'elle n'avait pas créé de surface de plancher

supplémentaire, mais seulement permis l'occupation de locaux inutilisés jusque-là ;

Attendu que rien ne permet par conséquent de reconnaître une intention dolosive de la part de la société C.F.R.U. ;

Attendu que l'action en nullité intentée par les époux X... ne pouvait donc pas prospérer, à supposer même qu'ils l'aient engagée plus tôt ;

Attendu que l'action en responsabilité contre Maître GRUNDLER et la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER obéit par contre à la prescription de droit commun, et qu'elle est recevable ;

Attendu qu'au fond, il n'est pas possible de reprocher à ce notaire une participation à un dol qui n'existe pas pour les raisons précédemment mentionnées, et que les imputations assez vagues des époux X... manquent d'ailleurs de rigueur ;

qu'ils voient dans la participation de ce notaire à l'établissement des différents actes, notamment ceux constitutifs de l'association foncière, le signe qu'il aurait pris une part déterminante à une tromperie organisée à leur préjudice, mais que de telles considérations n'ont pas de valeur particulière ;

Attendu que le notaire est naturellement étranger à l'organisation matérielle de la rénovation, et à la possibilité consécutive pour les acquéreurs de bénéficier ou de ne pas bénéficier des avantages de défiscalisation ;

Attendu qu'il pouvait difficilement proposer de faire du succès de cette défiscalisaiton, toujours aléatoire, une condition à l'engagement des acquéreurs, et que cela aurait fragilisé des actes translatifs pendant une période d'une longueur indéfinie ;

Attendu qu'il serait théoriquement imaginable, encore que cela ne soit pas présenté ainsi dans les écritures des époux X..., qui préfèrent stigmatiser le rôle du notaire dans les termes assez peu

rigoureux précédemment relevés, de fonder un éventuel grief contre lui sur un manque d'information relatif aux risques de la défiscalisation en matière de restauration immobilière ;

Attendu cependant qu'un tel grief resterait assez hypothétique, et que rien ne permet de supposer exactement les conséquences d'un tel avertissement ;

Attendu que le notaire n'a pas non plus véritablement de mise en garde à donner aux parties sur la valeur des motifs qui les déterminent à contracter et sur les risques de leurs entreprises ;

Attendu enfin que le conseil fiscal relatif aux motifs du contrat était dans ce cas le rôle spécifique de la société S.A.G.E.P. ;

Attendu qu'il n'apparaît donc pas à cette Cour que Maître GRUNDLER ait juridiquement manqué aux obligations de sa charge ;

Attendu qu'il convient donc également d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de cet officier ministériel ;

Attendu que la Cour réforme en conséquence le jugement entrepris dans toutes ses dispositions qui lui sont dévolues ;

qu'il n'apparaît pas à cette Cour que l'absence en cause d'appel de l'Association Foncière, à l'égard de qui avait été édictée une disposition accessoire, pose un problème véritable, dans la mesure où il semble qu'elle soit actuellement en liquidation judiciaire, après avoir cessé depuis assez longtemps toute activité ;

Attendu que la Cour estime que l'action des époux X... n'avait rien d'abusif cependant, et qu'elle rejette la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société C.F.R.U. ;

Attendu que l'équité ne commande pas non plus d'allouer à cette société une compensation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il est justifié par contre d'allouer à Maître GRUNDLER et

à la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER une compensation de 1.200 ä sur le fondement de cette disposition ; PAR CES MOTIFS ============== LA COUR RECOIT les appels de Maître GRUNDLER, de la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER et de la société C.F.R.U. contre le jugement du 5 juillet 2000 du Tribunal de grande instance de STRASBOURG ; Au fond, REFORME le jugement entrepris en toutes ses dispositions dévolues à la Cour, et statuant à nouveau, DEBOUTE les époux X... de leur demande d'annulation de la vente immobilière consentie par la société C.F.R.U. le 22 décembre 1986, et les DEBOUTE de l'ensemble de leurs demandes de restitution, d'indemnités et de compensations diverses, tant en ce qu'elles sont présentées contre la société C.F.R.U. que contre Maître GRUNDLER et la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER ; REJETTE les demandes reconventionnelles de la société C.F.R.U., y compris celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les époux X... à payer à Maître GRUNDLER et à la S.C.P. PRUD'HOMME GRUNDLER, plaidant ensemble, une compensation unique de 1.200 ä (MILLE DEUX CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les époux X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Et, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 00/03987
Date de la décision : 14/11/2002

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Erreur - Erreur sur un motif du contrat - Motif extérieur à son objet - Erreur indifférente - /

L'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci, notamment sur le régime fiscal du bien acquis, n'est pas, faute de stipulation expresse, une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2002-11-14;00.03987 ?
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