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06/11/2002 | FRANCE | N°00/01938

France | France, Cour d'appel de colmar, 06 novembre 2002, 00/01938


N° RG 1 B 00/01938 MINUTE N° 913/2002 Copie exécutoire aux avocats Maître HEICHELBECH Maître LEVY Maître LAISSUE-STRAVOPODIS Le 07.11.2002 Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme GOYET, président de chambre, Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIÉ, conseiller GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ : Mme X..., DÉBATS A l'audience publique du 26 Septembre 2002 ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2002 Contradictoire Prononcé à l'au

dience publique par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : Cautionnement - Rec...

N° RG 1 B 00/01938 MINUTE N° 913/2002 Copie exécutoire aux avocats Maître HEICHELBECH Maître LEVY Maître LAISSUE-STRAVOPODIS Le 07.11.2002 Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme GOYET, président de chambre, Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIÉ, conseiller GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ : Mme X..., DÉBATS A l'audience publique du 26 Septembre 2002 ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2002 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : Cautionnement - Recours de la caution qui a payé contre le débiteur principal ou contre une autre caution APPELANTE ET DEMANDERESSE : SA GRANDE BRASSERIE MÉTÉOR 6 rue du Général Lebocq 67270 HOCHFELDEN représentée par son représentant légal Représentant : Maîtres HEICHELBECH et associés, avocats à la cour INTIMES ET DÉFENDEURS : 1) SARL MEZZA LUNA en liquidation ayant son siège social 47 rue du Fossé des Tanneurs 67000 STRASBOURG représentée par Maître Gérard CLAUS, mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur de la sàrl MEZZ LUNA demeurant 5, rue des Frères Lumière 67201 ECKBOLSHEIM Représentant : Maître Claude LEVY, avocat à la cour

.../2 2) Monsieur Imed Y... demeurant 129 rue Lourmelle 75017 PARIS 3) Monsieur Mohamed Z... demeurant 44 rue des Sports 67100 STRASBOURG 4) Madame Samia Y... demeurant 44 rue des Sports 67100 STRASBOURG Représentant : Maître LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la cour Plaidant : Maître PEREZ, avocat à STRASBOURG * * * * * * *

Suivant acte sous seing privé du 27 janvier 1993, la Société

Financière de l'Equipement Industriel et Commercial a consenti à la SARL Mezza Luna une ouverture de crédit de 150.000 francs pour financer l'achat de matériel d'exploitation d'un fonds de commerce de brasserie-restaurant. M. Imed Y... et la SA La Grande Brasserie Météor se sont portés cautions solidaires de la SARL Mezza Luna pour le remboursement de cette ouverture de crédit.

En contrepartie de cet engagement, la SA La Grande Brasserie Météor a obtenu un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL Mezza Luna, une promesse de nantissement sur la licence d'exploitation de quatrième catégorie, ainsi que le cautionnement solidaire et hypothécaire de M. Imed Y..., de M. Mohamed Z... et de Mme Samia Y... épouse Z....

La SARL Mezza Luna n'a pas été en mesure de faire face à ses obligations à l'égard de l'organisme de crédit en sorte que la SA La Grande Brasserie Météor, en tant que caution solidaire, a été amenée à s'acquitter d'une somme de 175.085,43 francs.

Par ailleurs au mois de mars 1995, la SARL Mezza Luna devait à la SA La Grande Brasserie Météor une somme de 3.445,87 francs à titre de diverses factures pour livraisons de boissons.

Suivant acte sous seing privé du 18 avril 1996, la SARL Mezza Luna a vendu à la SA La Grande Brasserie Météor sa licence de débit de bissons de quatrième catégorie pour un prix de 180.000 francs. Il est stipulé à l'acte que :

"Le prix a été payé comptant, ce jour au crédit du compte ouvert au nom de la SARL Mezza Luna dans les livres de la SA La Grande Brasserie Météor en compensation d'arriérés du prêt et de marchandises d'égal montant."

Cet acte de cession a été enregistré à la recette des impôts de Strasbourg Ouest le 21 novembre 1996 et a fait l'objet d'une publication aux Affiches du Moniteur le 4 février 1997. A la suite de

cette publicité plusieurs oppositions ont été formulées.

Par jugement prononcé le 7 avril 1997 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, la SARL Mezza Luna a été mise en liquidation judiciaire. La SA La Grande Brasserie Météor a déclaré une créance de 180.000 francs, à titre privilégié, par acte du 18 avril 1997.

Par lettre du 19 septembre 1997, Maître Gérard Claus agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Mezza Luna a sollicité de la SA La Grande Brasserie Météor le paiement du prix de vente de la licence. Il résulte de l'exposé des faits du jugement entrepris que la SA La Grande Brasserie Météor a adressé un chèque de 180.000 francs le 31 octobre 1997 à Maître Gérard Claus en règlement du prix de cession.

Par acte des 27 mars 3, 4 et 22 avril 1997 la SA La Grande Brasserie Météor a fait assigner Maître Gérard Claus en sa qualité de liquidateur de la SARL Mezza Luna, M. Imed Y..., M. Mohamed Z... et Mme Samia Y... épouse Z... en leur qualité de cautions solidaires de la SARL Mezza Luna pour entendre :

- fixer le montant de sa créance à l'égard de la SARL Mezza Luna à 175.085,43 francs à titre privilégié et 3.445,87 francs à titre chirographaire, avec intérêts de droit ;

- condamner M. Imed Y..., M. Mohamed Z... et Mme Samia Y..., solidairement, au règlement de ces créances, à charge pour eux de se retourner contre la SARL Mezza Luna ;

- de condamner les défendeurs aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 12.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans l'hypothèse où la compensation serait reconnue valable : - de constater que la SARL Mezza Luna a été réglée deux fois du prix de la cession de

licence ;

- de dire que Maître Gérard Claus en sa qualité de liquidateur de la SARL Mezza Luna devra restituer le montant de 180.000 francs augmenté des intérêts de droit à la SA La Grande Brasserie Météor, à titre privilégié, sur le fondement de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 modifié par la loi de 1994.

La SARL Mezza Luna a conclu à l'irrecevabilité et à l'absence de fondement de la demande, ainsi qu'à la condamnation de la SA La Grande Brasserie Météor aux dépens et au paiement d'une somme de 8.000 francs par application des dispositions de article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les cautions ont conclu à l'extinction de leur obligation par suite de l'extinction réciproque des créances compensées. Elles ont sollicité la condamnation de la SA La Grande Brasserie Météor aux dépens au paiement d'une indemnité de procédure et au versement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement prononcé le 23 mars 2000, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la SA La Grande Brasserie Météor de l'ensemble de ses prétentions dirigées tant à l'encontre de Maître Gérard Claus que des consorts A.... Il a également rejeté la demande reconventionnelle de ces derniers en paiement de dommages et intérêts. Il a condamné la SA La Grande Brasserie Météor aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 4.000 francs d'une part à Maître Gérard Claus es qualités, d'autre part aux consorts Y... Z..., sur le fondement des dispositions de l'article700 du nouveau Code de procédure civile.

Le tribunal a tout d'abord relevé que s'agissant de la vente d'un élément isolé du fonds de commerce (licence IV), l'acte n'était pas nécessairement soumis aux formalités de publicité. Toutefois et dans la mesure où les parties avaient décidé de s'y soumettre les dispositions de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909 étaient

applicables.

De plus, les partie ayant convenu de compenser le prix de cession de la licence avec le montant de la créance certaine liquide et fongible de la SA La Grande Brasserie Météor à l'égard de la SARL Mezza Luna (prix de marchandises et remboursement du solde du prêt) le paiement était censé avoir eu lieu le jour même de l'acte, soit avant accomplissement des formalité de publicité. Le tribunal a rappelé que cette irrégularité est sanctionnée par l'inopposabilité du paiement aux tiers mais qu'elle n'affecte en rien la validité de la vente elle même. Le tribunal en a déduit que la vente était valable entre la SARL Mezza Luna et la SA La Grande Brasserie Météor et avait opéré transfert de la propriété de la licence. L'ouverture de la procédure collective intervenue le 7 avril 1997 soit près de 10 mois plus tard, n'avait pu remettre en cause la validité de l'acte - par référence aux dispositions de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, actuellement L 621-107 du Code de commerce - dès lors que le paiement par compensation avait eu lieu plusieurs mois avant la date de cessation des paiements (fixée au 7 avril 1997 par le tribunal de la procédure collective).

Le tribunal a également déduit de la compensation des créances réciproques de la SA La Grande Brasserie Météor et de la SARL Mezza Luna, l'extinction du cautionnement consenti par les consorts A... au profit de la SA La Grande Brasserie Météor, en garantie du paiement de la créance de cette dernière.

A l'égard des créanciers de la SARL Mezza Luna en revanche, le tribunal a considéré que la compensation des créances intervenue le 18 juin 1996 ne leur était pas opposable. Il a d'ailleurs relevé que la SA La Grande Brasserie Météor avait, courant octobre 1997, fait droit, sans discussion ni réserve à la demande en paiement de Maître Gérard Claus et estimé que la sanction du double paiement n'était que

la conséquence du paiement précipité qu'elle avait effectué le 18 juin 1996 au préjudice des créanciers de la SARL Mezza Luna. Il a en conséquence rejeté la demande de la brasserie tendant à la fixation de la créance de la SA La Grande Brasserie Météor au passif de la SARL Mezza Luna à la somme de 180.000 francs.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 14 avril 2000, la SA La Grande Brasserie Météor a interjeté appel de ce jugement en intimant la SARL Mezza Luna représentée par Maître Gérard Claus es qualités de liquidateur, M. Imed Y..., M. Mohamed Z... et Mme Samia Y...

En l'état de ses dernières conclusions récapitulatives déposées le 29 janvier 2002, l'appelante demande à la cour : - de déclarer l'appel recevable et fondé ; - d'infirmer le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau :

- de dire que Maître Gérard Claus es qualités de liquidateur de la SARL Mezza Luna devra restitution du montant de 27.440,82 ä (180.000 francs) avec intérêts de droit à la SA La Grande Brasserie Météor à titre privilégié, sur le fondement de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, modifié par la loi de 1994.

Subsidiairement :

- de fixer la créance de la SA La Grande Brasserie Météor à titre privilégié, pour un montant de 26.691,60 ä (175.085,43 francs) avec intérêts de droit et à la somme de 525,32 ä (3.445,87 francs) augmentée des intérêts de droit , en règlement de marchandises impayées à tite chirographaire ;

- de condamner solidairement M. Imed Y..., M. Mohamed Z... et Mme Samia Y... au règlement de ces créances ;

- de les condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de

1.829,39 ä (12.000 francs) au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA La Grande Brasserie Météor fait valoir au soutien de ces prétentions que, contrairement à ce qu'a admis le tribunal :

- d'une part la compensation n'a pas pu jouer, s'agissant de la cession d'une licence de la quatrième catégorie soumise à l'application des dispositions de la loi du 17 mars 1909 ;

- d'autre part, qu'une telle opération tomberait sous le coup des dispositions de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, dont la sanction est la nullité absolue.

L'appelante déduit des dispositions de la loi du 17 mars 1909 que la cession d'une licence IV ne peut prendre effet qu'à l'issue du délai d'opposition prévu par la loi après exécution des formalité de publicité. En l'espèce et au regard du nombre et du montant des oppositions reçues dans les délais, aucune compensation n'a pu jouer entre les parties et sorte que les consorts A... restent tenus par leur engagement de caution. Elle ajoute que l'exécution plus rapide des formalités de publicité aurait été sans incidence dans la mesure où l'ensemble des créanciers opposants existait déjà au moment de la signature de l'acte sous seing privé.

Elle ajoute que les dispositions de l'article L 621-107 du Code de commerce ont pour objet de sanctionner les paiements préférentiels ou inhabituels. Or en stipulant une compensation, la SARL Mezza Luna a favorisé la SA La Grande Brasserie Météor de façon disproportionnée, cette disproportion étant apparue au moment de la publication. Il en résulte que la cession est nulle de nullité absolue, et que les cautions restent tenues dans les termes de leur engagement . C'est d'ailleurs la conclusion de Maître Gérard Claus pour la SARL Mezza

Luna. Dans ces conditions, la débitrice principale ne peut sérieusement contester sa propre obligation à la dette.

Subsidiairement, si la cour devait estimer que la compensation a joué le règlement effectué le 19 septembre 1997 entre les mains du liquidateur serait indu, et Maître Gérard Claus aurait commis une faute en exigeant ce paiement de la SA La Grande Brasserie Météor. Dans cette hypothèse, la SA La Grande Brasserie Météor aurait une créance fondée sur l'enrichissement sans cause, dont elle pourrait se prévaloir dans le cadre de l'application des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 modifié par la loi de 1994 (actuellement L 621-32 du Code de commerce) et revendiquer le caractère privilégié de cette créance.

En conclusion, la SA La Grande Brasserie Météor estime qu'elle est en droit de prétendre soit à la restitution du prix indûment payé (180.000 francs), soit à l'admission de sa créance, à titre privilégié, à hauteur de 175.085,43 francs, et à tite chirographaire, pour 3.445,87 francs.

Suivant conclusions déposées le 7 novembre 2001, Maître Gérard Claus, ès qualités de liquidateur de la SARL Mezza Luna, demande à la cour :

- de rejeter l'appel comme mal fondé ;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le caractère privilégié de la créance alléguée par la demanderesse sur le fondement de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

- de rejeter les demandes nouvelles formulées par la SA La Grande Brasserie Météor comme irrecevables pour le première fois devant la cour ;

- de condamner la SA La Grande Brasserie Météor au paiement de la somme de 10.000 francs au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - de la condamner aux entiers dépens des deux instances.

Maître Gérard Claus fait tout d'abord observer que le paiement du prix de la licence de boissons, régularisé en octobre 1997, est sans rapport avec le cautionnement qui fonde la présente procédure, en sorte que le raisonnement de la SA La Grande Brasserie Météor qui consiste à opérer une confusion entre les deux est nécessairement voué à l'échec. En effet modifiant le fondement juridique de sa demande - relative au cautionnement - la SA La Grande Brasserie Météor tente de soutenir qu'il y aurait lieu de lui rembourser à titre privilégié la somme payée en octobre 1997 qui correspondrait à un enrichissement sans cause.

En cause d'appel, la SA La Grande Brasserie Météor est contrainte d'admettre que sa créance ne relève pas de l'application des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 puisque le cautionement date du 27 janvier 1993, motif pour lequel elle se fonde sur le paiement effectué en octobre 1997. De plus, lors de l'ouverture de la procédure collective, la créance de la SA La Grande Brasserie Météor au titre du cautionnement n'existait plus puisque le 18 juin 1996 les parties avaient convenu de réduire la créance de l'appelante au prix de la licence cédée.

Quant au fondement de l'enrichissement sans cause, il ne peut être retenu. La SA La Grande Brasserie Météor invoque en effet une erreur prétendue qui l'aurait conduite à payer "une seconde fois" le prix, en octobre 1997. Toutefois, la preuve de cette erreur n'est en rien rapportée, et à supposer qu'elle ait été commise, elle serait du seul fait de la SA La Grande Brasserie Météor.

Enfin la SA La Grande Brasserie Météor ne peut agir que par référence à sa déclaration de créance qui vise expressément le "cautionnement Sofinec", toute autre prétentions serait irrecevable comme fondée sur une créance en toute hypothèse, éteinte.

En l'état de leurs dernières conclusions déposées le 19 janvier 2001,

M. Imed Y... M. Mohamed Z... et Mme Samia Y... de mandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions qui concernent les consorts A... ;

- de condamner la SA La Grande Brasserie Météor au paiement, à chacun d'eux, d'une somme de 7.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur les effets de la compensation légale, les consorts Y... -Z... font tout d'abord observer que contrairement aux affirmations de la SA La Grande Brasserie Météor et conformément à une jurisprudence ancienne et constante, la sanction de l'inexécution des formalités de publicité prévues par la loi du 17 mars 1909 n'est pas la nullité de la cession du fonds mais son inopposabilité aux tiers. Cette solution s'impose d'autant plus en l'espèce qu'il ne s'agit pas d'une cession de fonds, mais seulement de la vente d'un élément isolé de ce fonds, non soumise aux formalités de publicité.

La vente était donc parfaite dès le 18 avril 1996, en sorte que les cautions de la SARL Mezza Luna étaient déliées de leur obligation à cette date.

Dans la mesure où la SA La Grande Brasserie Météor a payé deux fois le prix, il lui appartenait de déclarer sa créance au passif de la SARL Mezza Luna mais cette créance ne concerne en rien les cautions définitivement libérées depuis le 18 juin 1996.

S'agissant de l'application des dispositions de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, les consorts Y... Z... soutiennent que la cession n'a pas eu lieu au cours de la période suspecte, mais plus d'un an avant la date de cessation des paiements et en tout état de cause cette convention n'a pas de raison d'être annulée : il ne s'agit pas d'un acte gratuit et la compensation est un mode d'extinction des créances admis par la loi.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens

Sur la recevabilité des prétentions de la SA La Grande Brasserie Météor

Contrairement à ce qu'affirme Maître Gérard Claus, il ne ressort pas du rapprochement des conclusions de première instance (voir conclusions récapitulatives déposées le 26 juillet 1999) et d'appel que la SA La Grande Brasserie Météor ait formulé de demandes nouvelles devant la cour, puisque tant en première instance qu'en appel sa demande avait pour objet :

- soit la fixation de sa créance à l'encontre de la SARL Mezza Luna à hauteur de 175.085,43 francs, à titre privilégié et de 3.445,87 francs, à titre chirographaire ;

- soit la restitution par Maître Gérard Claus de la somme de 180.000 francs, à titre privilégié sur le fondement des dispositions de article 40 de la loi du 25 janvier 1985.

Il y a donc lieu de déclarer les prétentions de la SA La Grande Brasserie Météor recevables de ce chef.

Sur les effets de la compensation

S'il résulte des dispositions de l'article 1290 du Code civil que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, entre des dettes réciproques, certaines liquides et fongibles, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives, a fortiori en est il de même lorsque les parties ont voulu opérer compensation entre elles.

En l'espèce la SA La Grande Brasserie Météor était créancière de la SARL Mezza Luna au titre au titre de : - sa subrogation dans les droits de la société de financement Sofinec pour un montant total de 175.085,43 francs ; - d'un solde sur factures de livraison de

marchandises pour une somme de 3.445,87 francs.

De son côté la SARL Mezza Luna était créancière de la SA La Grande Brasserie Météor au titre du prix de vente de la licence de débit de boissons de IVème catégorie, soit un montant de 180.000 francs.

Par l'effet de l'accord des parties le compensation s'est opérée dès 18 avril 1996 :

"La présente vente est consentie et acceptée moyennant le prix de F. 180.000, lequel prix a été payé comptant, ce jour au crédit du compte ouvert au nom de la SARL Mezza Luna dans les livres de la SA La Grande Brasserie Météor en compensation d'arriérés du prêt et de marchandises d'égal montant."

La SA La Grande Brasserie Météor soutient que ce mécanisme a été tenu en échec en raison de l'objet de la cession et des dispositions de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente des fonds de commerce (actuellement : articles L 141-5 et suivants du Code de commerce).

Pour l'appelante en effet la compensation ne pourrait intervenir "qu'à l'issue du délai d'opposition", puisque jusque là "son montant n'est pas certain".

Ce raisonnement procède d'une confusion entre le montant de la créance et le montant qui doit finalement être perçu par le créancier.

S'agissant du paiement du prix la question est réglée par les dispositions de l'article 1650 du Code civil selon lesquelles le prix est payé "au jour et au lieu réglés par la vente".

Or, il ressort clairement de la rédaction de l'acte que les parties ont entendu fixer le jour du paiement du prix à celui de la convention puisqu'il y est mentionné que "le prix a été payé comptant".

La simple indication dans l'acte selon laquelle "la présente vente

sera publiée conformément à la loi, dans un journal d'annonces légales" ne constitue pas une mention suffisante pour permettre à l'acquéreur de se prévaloir de l'application des articles L 141- 5 et suivants du Code de commerce - et par suite de l'opposabilité des oppositions - et ce d'autant moins en l'espèce que la SA La Grande Brasserie Météor n'a pas et de loin, respecté le délai légal pour procéder à ces publications (publication le 4 février 1997 pour une cession du 18 avril 1996) ce qui permet de penser qu'à l'époque de la cession elle n'envisageait pas de procéder à ces publications.

Il en résulte que la compensation s'est opérée entre les parties le 18 avril 1996, que les créances réciproques des parties se sont éteintes à cette date.

Sur la nullité de la cession de la licence IV sur le fondement des dispositions de l'article L 621-107 du Code de commerce

Ce texte dispose :

"Sont nuls, lorsqu'ils auront été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants ...tout paiement pour dettes échues fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires."

Il convient en premier lieu d'observer que l'action en nullité prévue par ce texte n'est ouverte aux termes de l'article L 621-110 du Code de commerce qu'à "administrateur, au représentant des créanciers, au liquidateur ou au commissaire à l'exécution du plan" et doit avoir pour effet de reconstituer le patrimoine du débiteur.

Au fond, les conditions d'application de l'article L 621-107 précité ne sont pas remplies en ce que la cession de la licence de débit de boissons ainsi que le paiement du prix par compensation ont eu lieu le 18 avril 1996 alors que la date de cessation des paiements a été

provisoirement fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective au 1er avril 1997 soit bien après la date du paiement.

Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Sur le fondement de l'enrichissement sans cause

Ce moyen ne concerne plus la créance de la SA La Grande Brasserie Météor résultant de l'exécution de son obligation de caution, mais le règlement effectué au profit de la SARL Mezza Luna entre les mains de Maître Gérard Claus à la suite de la réception de la lettre du 19 septembre 1997. Il ne peut en conséquence concerner en rien les consorts A... qui ne sont intervenus qu'en qualité de sous cautions - voire de cofidéjusseur en ce qui concerne M. Imed Y... - de la SA La Grande Brasserie Météor.

La SA La Grande Brasserie Météor soutient en effet que dans la mesure où la compensation aurait valablement joué entre les parties, elle aurait été tout aussi valablement libérée de son obligation de paiement du prix en sorte que le règlement intervenu en octobre 1997 serait sans cause et que la SA La Grande Brasserie Météor serait fondée à en solliciter la restitution sur le fondement des dispositions de l'article L 621-32 du Code de commerce puisque le paiement litigieux est intervenu après le prononcé du jugement d'ouverture.

Il est constant que le règlement de la somme de 180.000 francs par la SA La Grande Brasserie Météor correspond à un double paiement mais qui en l'occurrence n'est pas sans cause puisque conforme aux dispositions de l'article L 141-17 du Code de commerce selon lequel :

"L'acquéreur qui sans avoir fait dans les formes prescrites les publications ou avant l'expiration du délai de dix jours aura payé son vendeur ne sera pas libéré à l'égard des tiers".

De fait, à la suite de la publication par la SA La Grande Brasserie

Météor de la cession de la licence de débit de boissons, différentes oppositions ont été régularisées (voir lettre de Maître Gérard Claus du 19 septembre 1997) pour un montant supérieur au prix de ladite cession. Or dans cette hypothèse, le liquidateur est en droit de réclamer à l'acheteur les sommes qu'il a versées prématurément (Cass. com. 1er juin 1981Bull. Civ IV n° 256, p. 203). La cause du double paiement réside donc dans l'opposabilité à l'acheteur des oppositions formées par les créanciers du vendeur.

Sur la demande dirigée à l'encontre des consorts A...

Le fondement de la demande de la SA La Grande Brasserie Météor réside dans l'acte de cautionnement du 8 décembre 1992 concernant le remboursement du prêt de 150.000 francs consenti par la Sofinec à la SARL Mezza Luna.

Il en résulte que les demandes de la SA La Grande Brasserie Météor relative à la créance de 3.445, 87 francs pour paiement de factures, de même que la demande de restitution du paiement du prix de 180.000 francs ne peuvent concerner les consorts Y... Z... qui sont étrangers à ces opérations.

S'agissant du prêt, il suffit de rappeler que cette créance de la SA La Grande Brasserie Météor s'est éteinte le 18 avril 1996, par l'effet de la compensation avec la créance de la SARL Mezza Luna à l'égard de la SA La Grande Brasserie Météor, au titre de la cession de la avril 1996, par l'effet de la compensation avec la créance de la SARL Mezza Luna à l'égard de la SA La Grande Brasserie Météor, au titre de la cession de la licence de débit de boissons de catégorie IV, et que les garanties dont étaient assortie cette créance se sont éteintes avec elle.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la SA La Grande Brasserie Météor de

l'ensemble de ses prétentions, et de condamner l'appelante aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'au paiement à Maître Gérard Claus es qualités d'une part aux consorts A... d'autre part, d'une somme de 1.000 ä en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONSTATE que la recevabilité de l'appel non plus que sa régularité formelle ne sont contestées ;

DÉCLARE recevable au regard de l'article 563 du nouveau Code de procédure civile, la demande de la SA La Grande Brasserie Météor ;

AU FOND :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

REJETTE l'ensemble des prétentions de la SA La Grande Brasserie Météor ;

CONDAMNE la SA La Grande Brasserie Météor aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'au paiement, à Maître Gérard Claus es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Mezza Luna d'une part aux consorts A... d'autre part, de la somme de 1.000 ä (mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Et le présent arrêt a été signé par Madame GOYET, président de chambre, et par Madame X..., greffière présente au

prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 00/01938
Date de la décision : 06/11/2002

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Patrimoine - Période suspecte - Nullité de droit - Domaine d'application.

La compensation entre deux créances s'opère au jour de la convention dès lors que l'acte mentionne que le prix a été stipulé "payé comptant" et l'extinction des créances réciproques intervenue à cette date, soit antérieu- rement à la date de cessation des paiements d'un des deux créanciers, fait échec à l'application de l'article L 621-107 du code de commerce

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Règlement des créanciers.

Le règlement du prix de la licence effectué par l'acquéreur au liquidateur judi- ciaire, correspond certes à un double paiement puisqu'il était précédé d'une compensation, mais n'est pas sans cause puisque conforme aux dispositions de l'article L 141-17 du code de commerce selon lequel l'acquéreur qui, sans avoir fait dans les formes prescrites les publications ou avant l'expiration du délai de dix jours, aura payé son vendeur, ne sera pas li- béré à l'égard des tiers


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2002-11-06;00.01938 ?
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