Deuxième chambre civile Section A CC/MM R.G. N° : 2 A 01/01929 Minute N° 2 M 02/00776 Copie exécutoire à : Me Fernand BUEB Le 5-09-02 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. SAMSON, Président de Chambre, Mme LOWENSTEIN, Conseiller M. CUENOT, Conseiller, Greffier ad'hoc présent aux débats : Christine WEIGEL Greffier présent au prononcé : Nathalie NEFF DEBATS A L'AUDIENCE PUBLIQUE du 29 Mai 2002 ARRET par défaut du 05 Septembre 2002 prononcé publiquement par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : 208-83 Action en opposabilité ou en inopposabilité d'une décision de divorce rendue à l'étranger Demande d'exequatur APPELANTE et Réquérante : L'OFFICE CANTONAL DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN ès-qualité de représentant de l'enfant Didier Laurent BENGSCH, mineur, né le 27-08-1988 à REUTLINGEN, élisant domicile à :
Postfach 2143 D-72711 REUTLINGEN (ALLEMAGNE) représenté par Maîtres BUEB et SPIESER, avocats à COLMAR en aide juridictionnelle totale N°01/1495 du 07-12-2001 INTIME et Requis : Monsieur Rémy X..., né le 26 Juillet 1967 à MULHOUSE demeurant 87 Avenue de Lutterbach, à 68200 MULHOUSE non représenté, tentative (PV de recherches art. 659 le 7-11-2001)
Attendu que L'OFFICE CANTONAL DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN, agissant en qualité de représentant de l'enfant mineur Didier Laurent BENGSCH, a relevé appel le 19 avril 2001 d'un jugement du 12 décembre 2000 du Tribunal de grande instance de MULHOUSE, qui a rejeté sa requête tendant à obtenir l'exécution en FRANCE d'une décision du 23 novembre 1992 du Tribunal d'instance de REUTLINGEN, lequel a condamné Monsieur Rémy X... à payer une pension alimentaire pour le compte du mineur Didier Laurent BENGSCH ;
Attendu qu'il n'est pas justifié de la notification de cette décision
à L'OFFICE CANTONAL DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN, et que dès lors, l'appel relevé par cet organisme le 19 avril 2001 apparaît comme recevable ;
Attendu qu'au soutien de son recours, l'OFFICE CANTONAL DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN indique essentiellement que le jugement du Tribunal d'instance de REUTLINGEN a bien été notifié conformément à la procédure allemande le 05 janvier 1993, et qu'il est définitif ;
qu'il sollicite en conséquence l'exécution en FRANCE du jugement du 23 novembre 1992 du Tribunal d'instance de REUTLINGEN ;
Attendu que malgré des recherches approfondies, Maître BOUCHARD, Huissier de justice, n'a pas pu rencontrer Monsieur Rémy X..., et qu'il a dressé finalement le 07 novembre 2001 un procès verbal de recherches conforme à l'article 659 du Code de procédure civile ;
que la Cour doit donc statuer par défaut à l'égard de Monsieur Rémy X... ;
Attendu que la Cour observe que par jugement du 07 novembre 1989, le Tribunal d'instance de REUTLINGEN a régulièrement reconnu la paternité de Monsieur Rémy X... relativement à l'enfant Didier Laurent BENGSCH ;
Attendu que L'OFFICE CANTONAL DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN a sollicité le 1er juillet 1992 du même Tribunal d'instance la fixation d'une pension alimentaire progressive conformément à la loi allemande ; .../...
Attendu que la requête a été régulièrement remise à la personne même de Monsieur Rémy X... le 25 septembre 1992 ;
qu'un procès verbal de gendarmerie a été établi à cette occasion ;
Attendu que par jugement du 23 novembre 1992, dont une expédition est produite, le Tribunal d'instance de REUTLINGEN a condamné Monsieur X... à payer une pension du montant sollicité ;
que Monsieur X... n'a pas comparu ni fait présenter d'observation au
Tribunal d'instance de REUTLINGEN ;
Attendu cependant que la Cour est obligée de constater, comme le premier juge, qu'il n'est pas réellement justifié d'une notification à la partie défaillante de ce jugement, susceptible de le rendre exécutoire contre elle conformément à l'article 47 de la convention signée à BRUXELLES le 27 septembre 1968, alors applicable ;
Attendu qu'il est produit en effet un double de lettre de notification, qui indique que le jugement sera considéré comme signifié à la date du 05 janvier 1993 par remise à la Poste, et qu'un recours peut être formé dans le délai de deux semaines à compter de la notification ;
Attendu qu'à la suite de la décision de rejet de sa demande d'exécution, l'OFFICE DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN a produit un document complémentaire dressé par le secrétaire-greffier du Tribunal d'instance de REUTLINGEN, pour attester qu'il a notifié par la voie postale le jugement du 23 novembre 1992 ;
que la date initiale du 05 janvier 1993, presque effacée, a été maladroitement repassée et transformée par erreur en 05 janvier 1995 ;
Attendu que quoi qu'il en soit de cette erreur, la procédure suivie à cette occasion n'est pas véritablement satisfaisante au regard des principes fondamentaux et d'ordre public de la procédure applicable en FRANCE ;
Attendu que le certificat du greffe destiné à établir une notification par la voie postale simple n'est pas totalement satisfaisant, et qu'il aurait été préférable que la réalité de l'envoi à la date indiquée soit corroborée par un document émanant de l'administration des Postes ; .../...
Mais attendu surtout qu'il n'y a aucune preuve de la réception effective du courrier, en l'absence d'accusé de réception signé par
le destinataire ;
Attendu que le délai de deux semaines pour former un recours peut donc s'avérer illusoire si le courrier n'a pas effectivement touché le destinataire ;
Attendu que la procédure française connaît dans certaines matières la notification par voie postale, mais que l'article 670-1 du Code de procédure civile dispose qu'en cas de retour au secrétariat de la juridiction d'une lettre de notification qui n'a pas pu être remise à son destinataire, le secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification, c'est-à-dire par recours à un huissier de justice qui établit un acte authentique ;
Attendu que c'est à cette condition seulement que le délai d'appel peut commencer de courir ;
Attendu que la procédure suivie pour faire courir le délai d'appel contre le jugement du Tribunal d'instance de REUTLINGEN n'est pas suffisamment protectrice des droits du défendeur, et qu'elle se trouve en contradiction avec les principes d'ordre public de la procédure applicable en FRANCE ;
Attendu qu'il n'est pas possible en effet d'admettre qu'un jugement est devenu définitif quinze jours après l'envoi d'une lettre simple dont l'expédition n'est pas formellement établie, et dont surtout la réception par le destinataire n'est aucunement prouvée ;
qu'il y a là une manière insuffisamment protectrice des droits de la défense de rendre un jugement définitif ;
Attendu que le défendeur est sans doute dans le cas d'espèce d'une désinvolture et d'une mauvaise foi totales, puisqu'il n'a jamais fait face à ses responsabilités de père ;
Attendu cependant qu'il n'y a qu'une seule procédure susceptible d'être suivie à l'égard de tous les défendeurs, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi ; .../...
qu'il est à craindre que dans le cas d'une action importante et sérieusement contes-table, le défendeur défaillant ne puisse pas relever effectivement appel compte tenu de la manière suivie pour rendre les jugements définitifs selon la procédure applicable en ALLEMAGNE ;
Attendu que l'exécution en FRANCE d'une décision rendue définitive par les moyens précédents est incompatible avec l'ordre public, et doit être refusée conformément à l'article 5 de la convention du 02 octobre 1973 de la Haye, et conformément à l'article 27 de la convention du 27 septembre 1968 de BRUXELLES ;
Attendu que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le rejet de la demande d'exécution en FRANCE du jugement du 23 novembre 1992 du Tribunal d'instance de REUTLINGEN. P A R C E Y... M O T I F Y...
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt par défaut et en dernier ressort, après en avoir délibéré :
reçoit l'appel de l'OFFICE CANTONAL DE LA JEUNESSE DE REUTLINGEN agissant en qualité de représentant de l'enfant Didier Laurent BENGSCH contre le jugement du 12 décembre 2000 du Tribunal de grande instance de MULHOUSE ;
Au fond,
Confirme le jugement entrepris ;
laisse à l'appelant la charge de ses frais.
Et, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.