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07/03/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006940031

France | France, Cour d'appel de colmar, 07 mars 2002, JURITEXT000006940031


Deuxième chambre civile Section A CL/MM R.G. N° : 2 A 01/01651 Minute N° 2 M 202/0285 Copie au Ministère Public Copie exécutoire à :

MaîtreEdwige CAMINADE Le 7-03-02 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 07 MARS 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Marc SAMSON, Président Colette LOWENSTEIN, Conseiller, Christian CUENOT, Conseiller, Greffier ad hoc présent aux débats : Astrid dollé Greffier présent au prononcé : Chantal GULMANN, MINISTÈRE PUBLIC :

auquel le dossier a été communiqué, Mon

sieur X..., Substitut-Général DEBATS en chambre du conseil du 23 Janvier 2002...

Deuxième chambre civile Section A CL/MM R.G. N° : 2 A 01/01651 Minute N° 2 M 202/0285 Copie au Ministère Public Copie exécutoire à :

MaîtreEdwige CAMINADE Le 7-03-02 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 07 MARS 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Marc SAMSON, Président Colette LOWENSTEIN, Conseiller, Christian CUENOT, Conseiller, Greffier ad hoc présent aux débats : Astrid dollé Greffier présent au prononcé : Chantal GULMANN, MINISTÈRE PUBLIC :

auquel le dossier a été communiqué, Monsieur X..., Substitut-Général DEBATS en chambre du conseil du 23 Janvier 2002 ARRET CONTRADICTOIRE du 07 Mars 2002 prononcé publiquement par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : 265 - Demande d'adoption simple APPELANTE et demanderesse : Madame Zerga Ghania Y..., née le 05 Mars 1944 à MOSTAGANEM (ALGERIE), demeurant 8 Avenue Robert Schuman 68100 MULHOUSE représentée maîtres wemaere, caminade et leven edel, avocats à colmar aide juridictionnelle Totale N° 68066 01/365 du 10/04/2001

DECISION FRAPPEE D'APPEL: ========================

Par jugement en date du 24 octobre 2000, le Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE a:

- débouté Mme Zerga Y..., née le 5 mars 1944, en Algérie, de nationalité française, des fins de sa demande en adoption simple de M. Youcef Y..., né le 29 mars 1979, en Algérie, de nationalité algérienne, neveu de la requérante;

- condamné Mme Zerga Y... aux dépens;

Les motivations du Tribunal étaient les suivantes:

- M. Youcef Y..., entré sur le territoire national le 31 mai 2000 à l'aide d'un visa touristique de court séjour a, dès le 8 juin 2000,

déclaré consentir à la mesure d'adoption présentée par Mme Zerga Y...;

- la mesure envisagée est prohibée par la loi du statut personnel de M. Youcef Y...;

- M. Youcef Y... n'a en France aucune vie personnelle, stable et constituée;

- il n'existe pas de justes motifs à l'adoption; CONCLUSIONS ET MOYENS DES PARTIES: ===================================

Par acte enregistré au Secrétariat du Tribunal de MULHOUSE le 15 janvier 2001, Mme Zerga Y... a relevé appel du jugement sus-visé et, sollicitant son infirmation, a, par conclusions enregistrées le 14 juin 2001, demandé à la Cour de :

- prononcer l'adoption simple par Mme Zerga Y... de M. Youcef Y... avec toutes les conséquences de droit;

- ordonner les mesures de publicité prescrites par la loi;

- statuer ce que de droit quant aux frais;

A l'appui de son appel Mme Zerga Y... fait valoir que:

- les conditions légales de l'adoption simple sont réunies;

- l'adoptante et l'adopté ont donné leur consentement par acte reçu par Me Pfeiffer, notaire à Mulhouse, le 8 juin 2000;

- Mme Zerga Y... étant de nationalité française, il échet d'appliquer la loi française;

- à défaut de justification du contenu de la loi étrangère, cette loi ne peut être prise en considération;

- l'interdiction à l'adoption de certaines législations étrangères ne concerne que les cas où il y a rupture des liens du sang, ce qui n'est pas le cas de l'adoption simple;

- l'adoption simple n'est pas conditionnée par l'existence préalable d'une vie stable et constituée sur le territoire français ou par

l'intention de créer un véritable lien de filiation, un intérêt, même purement patrimonial, étant suffisant;

- Mme Zerga Y... n'a jamais eu d'enfant et en souffre;

- Mme Zerga Y... a fréquenté son neveu quasi quotidiennement depuis sa naissance et souhaite lui apporter un soutien moral et financier;

- depuis son arrivée en France en 1983, Mme Zerga Y... s'est rendue régulièrement en Algérie, chez son frère, entretenant des liens affectifs suivis et étroits avec l'adopté;

- seule est interdite la fraude à la loi, laquelle n'est pas démontrée, aucun élément ne permettant d'affirmer que l'adoption simple de M. Youcef Y... lui permettra d'obtenir un titre de séjour;

M. le Procureur Général a, de son côté, conclu à la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que:

- la loi nationale de l'enfant doit déterminer les conditions de son consentement;

- l'art. 46 du C. de la Famille algérien dispose que l'adoption est interdite par la charia et la loi;

- M. Youcef Y... étant âgé de 21 ans lors de la demande, Mme Zerga Y... n'aura pas à assumer les droits et obligations nées d'un lien de filiation;

- les liens familiaux entre Mme Zerga Y... et M. Youcef Y... sont suffisants pour leur permettre de manifester l'intérêt et l'attachement qu'ils se portent sans qu'il soit besoin d'y rajouter un lien de filiation;

VU le dossier de la procédure, les pièces produites et les écrits, ainsi que le jugement, auxquels la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et des moyens; ========= / SUR CE / ======== Quant à la recevabilité de l'appel:

Attendu que la recevabilité de l'appel en la forme n'est pas contestée; Quant aux conditions d'âge:

Attendu que les conditions d'âge sont remplies; Quant à la loi personnelle de M. Youcef Y...:

Attendu que M. Youcef Y... est de nationalité algérienne;

Attendu que la règle de solution du conflit de lois renvoie à la loi personnelle de l'adopté en matière de consentement;

Attendu que l'art. 46 du C. de la famille algérien de 1984 dispose :

"l'adoption (tabbani) est interdite par la charia et la loi", sans qu'aucune distinction soit faite entre l'adoption plénière et l'adoption simple;

Attendu que, compte-tenu de cette prohibition, la loi algérienne ne comporte aucune désignation des formes selon lesquelles le consentement de l'adopté doit être recueilli (Editions du Juris-Classeur - 2000, n° 21);

Attendu que l'application du droit international privé français,

respectueux des législations étrangères, s'oppose à la constitution en France de rapports juridiques non susceptibles d'être reconnus dans le pays d'origine des intéressés (circulaire du 16 février 1999);

Attendu que le consentement de M. Youcef Y..., donné en violation de la loi algérienne, est dès lors sans valeur; Quant à l'intérêt de M. Youcef Y... et à la finalité de l'adoption:

Attendu qu'aux termes de l'art. 353 du C. Civil, l'adoption doit être conforme à l'intérêt de l'enfant;

Attendu par ailleurs que l'adoption a pour finalité de créer un lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté;

Attendu que M. Youcef Y... était, lors de l'acte du 8 juin 2000, âgé de plus de 21 ans;

que M. Youcef Y... demeure en Algérie et ne réside en France qu'à la suite d'une attestation d'accueil délivrée par Mme Zerga Y... le 12 mai 2000 ayant permis à l'intéressé d'obtenir un visa touristique expiré depuis le 25 octobre 2000;

Attendu que, pour démontrer des liens affectifs existant entre Mme Zerga Y... et M. Youcef Y... depuis 21 ans, il est produit:

- deux photographies prises le même jour alors que M. Youcef Y... avait environ deux ans;

- une photographie datée de 1997, alors que M. Youcef Y... avait 18 ans;

- un unique courrier en date du 28 juin 1999, dans lequel M. Youcef Y..., s'il témoigne de liens d'affection à sa tante, évoque également son attachement à son père, à sa mère et à ses soeurs;

Attendu que ces documents très épisodiques démontrent que Mme Zerga Y... n'a pas réellement participé à l'éducation de M. Youcef Y... et tisser avec lui les liens qui naissent de la transmission des valeurs familiales et des actes de la vie quotidienne d'un foyer

tels que la surveillance des devoirs, les entretiens avec l'instituteur, la veille d'un enfant malade, etc;

Attendu qu'il n'existe donc aucun motif particulier justifiant la modification des rapports intra familiaux;

que les rapports affectifs -d'ailleurs ponctuels- existant d'ores et déjà entre tante et neveu permettent suffisamment aux parties de manifester leur attachement sans qu'il soit besoin d'y ajouter un lien de filiation;

Attendu par ailleurs que le père et la mère de M. Youcef Y... n'ont pas donné leur consentement à l'adoption;

Attendu que si certaines décisions de Cour d'Appel (la Cour de Cassation ne parait pas encore avoir statué sur ce point) ont autorisé l'adoption d'enfants majeurs, même en l'absence de consentement des père et mère, ces décisions ont toutes souligné le désintérêt de ceux-ci pour l'enfant;

Attendu que pareil désintérêt des père et mère n'est pas soutenu en l'espèce; qu'il résulte bien au contraire du courrier sus-visé en date du 28 juin 1999 que M. Youcef Y... a pour ses père et mère, ainsi que pour ses soeurs, la plus grande affection;

Attendu qu'il convient d'ailleurs de relever que les art. 347 et 348 du C. Civil exigent le consentement à l'adoption par les parents par le sang, sans faire aucune distinction entre les enfants mineurs et les enfants majeurs;

Attendu pour le moins que si la Cour prononçait l'adoption demandée, les père et mère de M. Youcef Y... pourraient avoir le sentiment d'être reniés par leur enfant, sentiment qui ne manquerait pas d'être partagé par toute la lignée paternelle et maternelle;

Attendu dès lors que même si l'adoption simple ne consomme pas la rupture juridique avec la famille d'origine, elle est cependant de

nature à créer une rupture, ou pour le moins un relâchement, des liens affectifs avec cette famille; que ces circonstances ne sont pas dans l'intérêt de M. Youcef Y...;

Attendu qu'il résulte de ces considérations que le jugement entrepris mérite entière confirmation. PAR CES MOTIFS, =============== LA COUR, statuant publiquement après débats en chambre du conseil;

Reçoit Mme Zerga Y... en son appel en la forme;

Au fond: rejette l'appel;

CONFIRME le jugement entrepris;

Laisse les dépens à la charge de Mme Zerga Y...

Et cet arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006940031
Date de la décision : 07/03/2002

Analyses

FILIATION - Filiation adoptive - Adoption plénière - Conditions - Consentement - Enfant étranger - Consentement donné dans les termes de la loi étrangère - Loi étrangère ignorant l'adoption plénière - /

L'application du droit international privé français, respectueux des législations étrangères, s'oppose à la constitution en France de rapports juridiques non susceptibles d'être reconnus dans le pays d'origine des intéressés. Ainsi, en matière d'adoption plénière ou simple, la règle de solution du conflit de lois renvoie à la loi personnelle de l'adopté en matière de consentement. L'article 46 du Code de la famille algérien de 1984 dispose que l'adoption est interdite par la charia et la loi. Il résulte de cette prohibition que la loi algérienne ne comporte aucune désignation des formes selon lesquelles le consentement de l'adopté doit être recueilli. Par suite, le consentement donné par l'adopté majeur en violation de la loi algérienne est sans valeur


Références :

Article 46 du Code de la famille algérienne de 1984

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2002-03-07;juritext000006940031 ?
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