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28/02/2002 | FRANCE | N°97/02260

France | France, Cour d'appel de colmar, 28 février 2002, 97/02260


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A MS/CW R.G. N° 2 A 97/02260 Minute N° 2 M 250.2002 Copies exécutoires à Maîtres BUEB etamp; SPIESER Maîtres ROSENBLIEH, WELSCHINGER etamp; WIESEL Le 28 février 2002 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 28 FEVRIER 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Marc SAMSON, Président de Chambre Colette LOWENSTEIN, Conseiller Christian CUENOT, Conseiller Greffier ad hoc présent aux débats : Christine WEIGEL Greffier présent au prononcé :

Chantal GULMANN DEBATS en audience publ

ique du 16 janvier 2002 ARRET CONTRADICTOIRE du 28 février 2002 pr...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE Section A MS/CW R.G. N° 2 A 97/02260 Minute N° 2 M 250.2002 Copies exécutoires à Maîtres BUEB etamp; SPIESER Maîtres ROSENBLIEH, WELSCHINGER etamp; WIESEL Le 28 février 2002 Le Greffier, RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRET DU 28 FEVRIER 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Marc SAMSON, Président de Chambre Colette LOWENSTEIN, Conseiller Christian CUENOT, Conseiller Greffier ad hoc présent aux débats : Christine WEIGEL Greffier présent au prononcé :

Chantal GULMANN DEBATS en audience publique du 16 janvier 2002 ARRET CONTRADICTOIRE du 28 février 2002 prononcé publiquement par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : DEMANDE DE DEMOLITION D'UNE CONSTRUCTION OU D'ENLEVEMENT D'UNE PLANTATION FAITE SUR LE TERRAIN D'AUTRUI APPELANTS et demandeurs : 1 - Monsieur Guy X... 2 - Monsieur Marc X... 3 - Monsieur Serge X... ...; SPIESER, avocats à COLMAR INTIMEE et défenderesse :

Madame Anne Y... épouse Z... ...; WIESEL, avocats à COLMAR

Madame Z... et les consorts X... sont propriétaires à LUTZELBOURG de deux maisons accolées en bordure de la rue Ackermann, dont l'immeuble de Madame Z... forme le n° 159, et celui des consorts X... le n° 158.

Ces deux immeubles disposent à l'arrière de terrains dont la limite cadastrale suit, sur une distance appréciable, l'axe de leur pignon commun, perpendiculairement à la rue.

Cependant, au départ de cette limite, est implanté sur la propriété des consorts X... un mur ancien, laissant du côté de la propriété

de Madame Z... un espace libre d'environ 1,15 mètre de large sur 6,40 mètres de long.

Il apparaît qu'en 1992, selon ce qui se déduit d'une lettre du maire de la commune en date du 30 septembre de cette année, Madame Z... a fait couvrir la partie arrière de sa propriété d'une terrasse, au niveau haut du rez-de-chaussée, qui va jusqu'à ce mur, qui couvre de ce fait une fenêtre de la cave de l'immeuble des consorts X..., et permet des vues, droite et oblique, sur celui-ci.

Le 29 janvier 1993 Madame Z... a saisi le Tribunal d'instance de SARREBOURG d'une demande tendant à ce qu'il soit jugé que la limite entre sa propriété et celle des consorts X... était déterminée par le mur en cause, et à ce qu'un géomètre soit désigné pour procéder à l'abornement des propriétés et à la rectification en conséquence du plan cadastral.

Elle fondait sa demande sur la prescription acquisitive par trente ans, ayant porté sur la bande de terrain d'environ 9 m située sur la propriété X... entre la limite cadastrale et ledit mur.

Les consorts X... ayant pour leur part saisi le 31 mars 1993 le Tribunal de grande instance de SAVERNE d'une demande tendant à ce qu'il soit constaté que Monsieur et Madame Z... avaient construit une terrasse empiétant sur leur propriété, et portant atteinte à un droit de vue, d'ensoleillement et de lumière, et qu'en conséquence Monsieur et Madame Z... soient condamnés à démolir ladite terrasse, ou qu'eux-mêmes soient autorisés à le faire, le Tribunal d'instance de SARREBOURG a renvoyé au Tribunal de grande instance de SAVERNE la demande dont il était saisi.

Les deux affaires ont été jointes et, par jugement du 10 mars 1997 le Tribunal : - a dit que la limite entre les deux fonds voisins était constituée par le mur existant à l'arrière des maisons et clôturant la cour de la propriété des époux Z..., qu'il a autorisés à faire

aborner les propriétés à leurs frais, et à faire rectifier le cadastre, - a condamné les époux Z... à ériger à leurs frais sur la terrasse, en limite de propriété, une clôture translucide opaque, respectant la distance légale minimum entre la clôture et la fenêtre des consorts X... pour empêcher toute vue réciproque.

Le Tribunal a admis l'acquisition par Madame Z..., par prescription trentenaire, de la bande de terre déterminée par le mur en cause, et considéré, par ailleurs, que si la terrasse construite par Madame Z... n'obstruait aucune ouverture réelle, elle constituait par contre une vue illégale sur le fonds des consorts X... ----------

Les consorts X... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 30 avril 1997.

Sur leur demande, une expertise a été confiée à Monsieur A... par ordonnance du 17 septembre 1998, avec pour mission de dire si la terrasse construite par Monsieur et Madame Z... prenait appui sur le mur de leur propriété, et de se prononcer sur l'existence de dégradations et d'infiltrations affectant celle-ci.

L'expert a déposé son rapport le 20 janvier 1999.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives reçues le 26 octobre 2001, les consorts X... demandent à la Cour : - de constater que les époux Z... ont construit une terrasse sur leur propriété, et de les condamner sous astreinte à enlever cet ouvrage, - en tant que de besoin de constater leur droit de vue et la perte de soleil et d'éclairage, et de constater la création d'une vue illégale du fait de la construction de la terrasse, - subsidiairement de constater l'existence d'un trouble anormal de voisinage, et de les autoriser à faire démolir la terrasse aux frais des époux Z... si ceux-ci ne procédaient pas à cette démolition.

Ils font valoir que la possession de Madame Z... est équivoque dès lors qu'elle avait offert au précédent propriétaire de leur fonds

d'acheter la bande de terre en cause, et que le mur qui la délimite a été érigé à raison de la présence d'une source pour laquelle leur fonds est toujours grevé d'une servitude de droit d'eau, et qu'il était percé d'une porte.

Ils soulignent que la terrasse construite sans permis par Madame Z... empiète sur leur fonds et constitue une vue illégale, ainsi que le Tribunal l'a admis et qu'en outre elle gêne l'entretien de leur façade, l'ouverture d'une fenêtre et l'utilisation des lieux, tandis qu'elle constitue une source d'humidité et empêche l'aération de leur construction, en sorte que la solution adoptée par le premier juge n'est pas satisfactoire et ne tient pas compte du trouble anormal qu'ils subissent. ----------

Madame Z... demande pour sa part la confirmation du jugement entrepris.

Elle fait valoir que le mur en cause a été construit anciennement pour séparer les cours des deux immeubles, et qu'en tout état de cause la bande de terrain qu'il délimite a été acquise par usucapion dès lors qu'elle est utilisée par ses auteurs depuis 1929 sans interruption, par des actes de possession qui présentent les qualités requises par l'article 2279 du Code civil.

Elle souligne que la proposition d'acquisition dont les consorts X... font état concerne une autre partie du terrain.

Elle affirme que, comme l'indique l'expert, sa terrasse ne prend pas appui sur le mur, et qu'elle ne provoque aucune perte de soleil et d'éclairage pour l'immeuble des consorts X...

Elle indique que la fenêtre de l'immeuble de ceux-ci se trouve à plus de deux mètres, et que sa terrasse donne sur des toits, en sorte que la terrasse ne pose aucun problème de vue ou d'entretien.

Elle souligne que les maisons étant à flanc de coteau, chacune d'elle dispose sur l'autre, à l'arrière, de vues droites. ----------

SUR QUOI, LA COUR,

Vu les pièces et les écrits des parties, auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation ;

Attendu, en la forme, que l'appel a été interjeté suivant les formalités légales, que la date de signification du jugement ne résulte pas du dossier ;

Attendu quant au fond que la situation des lieux, dans la partie comprise entre la façade arrière des maisons et le coteau auxquelles elles tournent le dos, procède manifestement d'une organisation ancienne, répondant à des fonctions particulières ;

qu'en effet un lavoir était construit à cet endroit, comportant un puits auquel les occupants de l'immeuble sis au n° 160 de la rue avaient accès, bénéficiant à cette fin d'une servitude de passage et de puisage qui serait perdue par le fait de la réalisation de la terrasse, selon les témoignages produits par les consorts X... ;

que ces témoignages permettent de considérer que les actes d'appropriation incompatibles avec une utilisation commune de la bande de terre en cause sont d'apparition récente ;

qu'il n'est pas soutenu que la servitude de passage et de puisage grevant le fonds de Madame Z... serait éteinte par le non usage ;

Attendu qu'il apparaît d'autre part qu'un soupirail des caves de l'immeuble des consorts X... ouvre du côté du mur donnant sur la propriété Z... ;

Attendu qu'il ne peut, dans ces conditions, être soutenu que le mur avait été construit pour séparer les cours des deux immeubles, une telle séparation se concevant au demeurant sur la ligne séparative des fonds, et non sur l'un d'eux, et étant en principe mitoyenne, ce qui n'est pas le cas du mur en question ;

qu'il est en effet acquis en l'état que ce mur appartient aux consorts X... ;

Attendu par ailleurs que les circonstances exposées plus haut font douter du caractère exclusif des actes de possession que Madame Z... et ses auteurs ont pu accomplir sur la bande de terre en cause ;

Attendu que le caractère équivoque de la possession de Madame Z... est confirmé par la lettre que lui ont adressée le 16 août 1991 les dames B..., AMBOS et FISCHER, propriétaires du fonds vendu peu après aux consorts X..., donnant leur accord "pour la cession d'une bande de terrain jouxtant notre immeuble ... d'une largeur allant de 1 à 1,50 mètre sur une longueur allant jusqu'à la limite extrême de votre construction en bois" ;

que la précision apportée par Madame B..., par une lettre adressée le 15 janvier 1998 à Madame Z..., selon laquelle cet accord concernait la partie supérieure du terrain, à usage de jardin, n'apparaît guère convaincante compte tenu du contexte dans lequel cette lettre est intervenue ;

Attendu que c'est dans ces conditions à tort que le Tribunal a admis que Madame Z... était devenue propriétaire par usucapion de la bande de terre en cause ;

qu'il y a lieu de s'en tenir aux limites telles qu'elles résultent du cadastre, formant une présomption qui n'a pas été détruite par la preuve contraire, et évitant une imbrication de propriétés qui répond mal aux nécessités de l'entretien de chacune d'elles ;

qu'il sera en conséquence fait droit à la demande des consorts X... quant à la destruction de la terrasse, pour ce qui empiète sur leur propriété ; ----------

Attendu que sera ainsi libérée l'ouverture donnant à l'extérieur du mur en question ;

Attendu que subsisteront par contre les vues irrégulières que cette terrasse a créées sur le fonds des consorts X... ;

que la vue oblique, contraire à l'article 679 du Code civil, exigeant

un recul de 60 centimètres existe quand bien même la première fenêtre de la façade arrière de l'immeuble des consorts X... serait à plus de deux mètres de la limite de propriété ;emière fenêtre de la façade arrière de l'immeuble des consorts X... serait à plus de deux mètres de la limite de propriété ;

qu'il est de fait que la vue droite, contraire à l'article 678 du même code dès lors qu'elle est ouverte à moins de 1,90 mètre de la limite de propriété, s'exerce en l'état sur une toiture partiellement en terrasse, située dans un plan horizontal de 30 centimètres plus haut que la terrasse de l'immeuble de Madame Z... ;

qu'à supposer cependant que la partie de toiture qui est déjà en terrasse ne soit pas actuellement accessible, il n'est pas certain que le remplacement de l'ensemble de cette toiture pour permettre l'accès direct à l'étage de l'immeuble des consorts X..., se heurterait aux mêmes refus que ceux que l'administration a opposés à une démolition et à la création d'une terrasse plus vaste ;

Attendu enfin qu'il importe peu que d'autres vues droites existent actuellement entre les deux immeubles à raison de la configuration du terrain, une telle circonstance n'étant pas de nature à autoriser la création de vues nouvelles ;

Attendu que le Tribunal a dès lors à juste titre ordonné la constitution d'une cloison opaque, interdisant les vues en cause ;

qu'il y a lieu cependant de préciser que ce dispositif supprimant ces vues, il n'y avait pas à imposer à Madame Z... le respect des distances légales pour son implantation ; ----------

Attendu que la condamnation étant prononcée sous astreinte, il n'y a pas lieu de permettre d'ores et déjà aux consorts X... de procéder eux-mêmes aux travaux nécessaires, les dispositions de l'article 1144 du Code civil étant susceptibles, le moment venu, de trouver à s'appliquer ;

Attendu que Madame Z... a entrepris les travaux litigieux sans attendre que soit fixée la limite de propriété non conforme au cadastre à laquelle elle prétendait ;

qu'elle n'a par ailleurs pris aucune disposition pour éviter toute infraction aux règles concernant les vues entre fonds voisins ;

qu'enfin l'expertise de Monsieur A... révèle que la terrasse qu'elle a fait construire est engravée dans le mur en cause où elle a provoqué des infiltrations faute de conformité aux règles de l'art ; qu'il y a lieu dans ces conditions de mettre à sa charge les frais de procédure, tout en la dispensant d'une contribution aux frais non répétibles des consorts X... ; PAR CES MOTIFS ==============

Reçoit l'appel en la forme, Y faisant droit quant au fond, Condamne Madame Z... à ramener à la limite cadastrale, la terrasse construite à l'arrière de son immeuble, Dit que les travaux nécessaires devront avoir été exécutés avant le soixantième jour suivant la signification du présent arrêt, et sous astreinte de 80 ä (QUATRE VINGT EUROS) par jour de retard passé ce délai, Rejette la demande des consorts X... d'être autorisés à exécuter eux-mêmes les travaux, Confirme le jugement entrepris quant à la mise en place par Madame Z..., en limite de propriété, d'une clôture ne permettant, depuis ladite terrasse, aucune vue sur le fonds des consorts X..., Précise quant à cela qu'il n'y a pas lieu à respect d'une distance légale, Condamne Madame Z... aux dépens, Déboute les consorts X... de leur demande d'application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Et, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 97/02260
Date de la décision : 28/02/2002

Analyses

PROPRIETE

Dans un conflit opposant deux propriétaires mitoyens, c'est à tort que les premiers juges ont admis que l'un d'eux était devenu propriétaire par usucapion d'une bande de terre intégrée à son terrain par un mur ancien, mais qui figure en réalité sur la propriété de son voisin au regard des plans cadastraux. En effet la possession est équivoque, dès lors que le possesseur avait offert aux précédents propriétaires du fonds voisin d'acheter la bande de terre en cause. Il en résulte que le prétendu propriétaire qui a construit une terrasse en partie sur le fonds voisin doit être condamné sous astreinte à diligenter des travaux afin de ramener ladite terrasse à la limite cadastrale et à prendre par ailleurs toutes dispositions pour éviter les infractions aux règles concernant les vues entre fonds voisins


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2002-02-28;97.02260 ?
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