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15/01/2002 | FRANCE | N°99/03431

France | France, Cour d'appel de colmar, 15 janvier 2002, 99/03431


N° RG 1 B 99/03431 MINUTE N° Copie exécutoire aux avocats Maîtres HARNIST etamp; ACKERMANN S.C.P. CAHN, LÉVY, BERGMANN Le 15/01/2002 Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 JANVIER 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. GUEUDET, président de chambre Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIÉ, conseiller GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ : Mme X..., DÉBATS A l'audience publique du 13 novembre 2001 ARRÊT DU 15 JANVIER 2002 Par défaut Prononcé à l'audience

publique par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : Demande en responsabilité contr...

N° RG 1 B 99/03431 MINUTE N° Copie exécutoire aux avocats Maîtres HARNIST etamp; ACKERMANN S.C.P. CAHN, LÉVY, BERGMANN Le 15/01/2002 Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 JANVIER 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. GUEUDET, président de chambre Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIÉ, conseiller GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ : Mme X..., DÉBATS A l'audience publique du 13 novembre 2001 ARRÊT DU 15 JANVIER 2002 Par défaut Prononcé à l'audience publique par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : Demande en responsabilité contre le transporteur :

transport terrestre de marchandises. APPELANTE et demanderesse :

CIGNA INSURANCE COMPAGNY OF EUROPE NV devenue ACE INSURANCE SA NV ayant son siège 9/11 rue Belliard Straat B 1040 BRUXELLES représentée par son représentant légal Représentée par Maître Dominique HARNIST, avocat à la cour Plaidant : Maître PILPOUL, avocat à PARIS. INTIMÉES et défenderesses : 1) SOCIÉTÉ DELACHER etamp; Cie GMBHOST 3 Concordiaplatz 10/13 VIENNE (Autriche) représentée par ses représentants légaux non représentée, régulièrement assignée à Parquet, le 10/12/1999 par exploit de Maître Gérard SCHAMING, huissier de justice à COLMAR.

../1 2)SOCIÉTÉ BILDSTEIN MBH 17 Kaiser Franz Joseph Ring 81 Postfach 1-250 BADEN représentée par son représentant légal 3) COMPAGNIE LUTZ ASSUKERANZ MAKLERGESELLSCHAFT 31 Franz Josephs Kai 31 A 101 VIENNE MBH (Autriche) représentée par ses représentants légaux Représentées par la SCP CAHN, LEVY, BERGMANN, avocats à la cour Plaidant : Maître GRUBER, avocat à PARIS. 4) SOCIÉTÉ TRANSPORTS NAD SLOVAK 268/98 Piestanska 92231 SOKOLOVOE (République Slovaque) représentée par ses représentants légaux non représentée, régulièrement assignée à Parquet, le 10 décembre 1999, par exploit de Maître SCHMAMING, huissier de justice à COLMAR.

Selon contrat de commission de transport du 16 mars 1994, la société de droit allemand WRIGLEY Gmbh a confié à la société autrichienne BILDSTEIN l'organisation d'un transport de 1.800 cartons de chewing-gum de la société WRIGLEY, située en FRANCE à BISHEIM, à destination de la société JV RIF à SAINT-PETERSBOURG en RUSSIE.

La société BILDSTEIN a confié l'exécution du transport à une société autrichienne DELACHER, qui, elle-même, l'a confiée à une société NAD SLOVAK située en SLOVAQUIE.

Le contrat de transport a été établi le 17 mars 1994 entre la société WRIGLEY SA et la société slovaque NAD SLOVAK sur un imprimé C.M.R.;

Dans la nuit du 27 au 28 mars 1997, alors qu'à la suite d'un incident technique, le camion était stationné en RUSSIE, sur un parking le long de la route de PSKOV à LENINGRAD, des malfaiteurs ont enlevé les deux chauffeurs qui se trouvaient dans la cabine et se sont emparés du camion et de sa marchandise ;

Suite à l'indemnisation du préjudice subi, la société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE, assureur de WRIGLEY Gmbh, a assigné le 24 février 1995, devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de

COLMAR, la société BILDSTEIN MBH, la compagnie LUTZ ASSUKERANTZ MAKLERGESELLSCHAFT, la société DELACHER et Cie Gmbh et la société de transports NAD SLOVAK, en vue d'obtenir la condamnation solidaire des sociétés BILDSTEIN, DELACHER, NAD SLOVAK, au paiement de la contre-valeur en francs français, au jour du jugement, de la somme de 216.270 DM avec les intérêts au taux légal à compter de la demande, et la condamnation de la société LUTZ au paiement de la même somme ; Par jugement du 20 mai 1999, le tribunal a déclaré irrecevables les demandes dirigées contre les sociétés BILDSTEIN, DELACHER et LUTZ, recevable la demande dirigée contre la société NAD SLOVAK, mais a débouté la société demanderesse de cette demande, a condamné la société CIGNA aux entiers frais et dépens et au paiement d'une indemnité de 10.000 F à la partie défenderesse, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le tribunal a retenu en premier lieu que la société CIGNA, subrogée dans les droits des sociétés WRIGLEY Gmbh et WRIGLEY SA, avait qualité pour agir, en second lieu que la C.M.R. ne s'appliquait pas dans les rapports entre le commissionnaire de transports et son donneur d'ordre, en troisième lieu, qu'à défaut pour les parties d'avoir convenu de la loi régissant le contrat, il convenait, par application de l'article 4 de la Convention de ROME, de faire application de la loi autrichienne qui était celle qui présentait le lien le plus étroit avec le contrat, en quatrième lieu que le droit autrichien était constitué par les dispositions des ASP qui prévoient une prescription de six mois pour engager l'action et que ce délai n'ayant pas été respecté, l'action était prescrite, en cinquième lieu et à titre surabondant, qu'il n'était pas prouvé que les sociétés BILDSTEIN et DELACHER auraient commis une faute et qu'elles ne pouvaient pas, en application du droit autrichien, être

responsables des fautes commises par le transporteur qu'elles s'étaient substituées ;

S'agissant de la demande dirigée contre le transporteur, le tribunal, après avoir énoncé que le contrat était régi par la C.M.R., a retenu qu'il était démontré que le transporteur était exonéré de sa responsabilité dans la mesure où la perte de la marchandise était due à des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier ;

La société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE a interjeté appel de ce jugement le 5 juillet 1999 ;

Dans ses dernières conclusions du 16 juin 2000, l'appelante demande à la cour :

- dire et juger la compagnie CIGNA, aujourd'hui dénommée ACE

INSURANCE, recevable et bien fondée en son appel.

- infirmer le jugement entrepris.

- constater que les conditions générales ASP sont inopposables

aux sociétés WRIGLEY FRANCE et WRIGLEY Gmbh, et par

voie de conséquence, à la compagnie CIGNA aujourd'hui

dénommée ACE INSURANCE.

En conséquence,

- dire et juger qu'est applicable dans les rapports entre

BILDSTEIN et WRIGLEY Gmbh la convention C.M.R. ou, à

défaut, la loi française.

- dire et juger qu'est applicable dans les rapports entre

BILDSTEIN et WRIGLEY France, la loi française et la

convention C.M.R.

Subsidiairement, pour le cas où la cour ferait application des

conditions générales ASP :

- constater que la prescription de l'article 64 des conditions ASP

ne fut jamais acquise faute d'avoir commencé à courir.

- dire et juger que les sociétés BILDSTEIN et DELACHER sont

responsables, aussi bien des fautes du transporteur, la société

NAD SLOVAK, que de leurs propres fautes.

- dire et juger que les éléments constitutifs de l'article 17-2 de la C.M.R. ne sont pas réunis.

En conséquence,

- dire et juger que la responsabilité du transporteur, la société

NAD SLOVAK, dans la survenance du vol, est entière.

En conséquence,

- condamner solidairement les intimées à payer à la compagnie

CIGNA la contre-valeur, au jour de la décision à intervenir, de

DM 216.270, majorée des intérêts au taux légal à compter du

jour de la demande.

- ordonner la capitalisation des intérêts.

- condamner les intimées sous la même solidarité au paiement de

la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code

de procédure civile.

- condamner la ou les parties succombantes aux entiers dépens de

première instance et d'appel.

A l'appui de ses conclusions, elle fait valoir :

[* que le fait qu'elle ait changé de raison sociale avant la déclaration d'appel, n'a pas pour effet d'en affecter la régularité dès lors que la publication de la délibération de l'Assemblée générale est postérieure à l'appel, et que la partie adverse ne justifie pas du grief que lui aurait causé l'irrégularité qu'elle invoque ;

*] qu'en sa double qualité de subrogée dans les droits de son assurée WRIGLEY Gmbh qu'elle a désintéressée, et de cessionnaire des droits de WRIGLEY FRANCE, partie au contrat de transport, elle a

incontestablement qualité pour agir ;

* que la C.M.R. est applicable tant dans les rapports entre l'expéditeur et le transporteur, que dans les rapports entre le donneur d'ordre et le concessionnaire de transport ;

* que s'agissant des rapports entre la société WRIGLEY Gmbh et les commissionnaires de transports, il n'est pas établi que la société WRIGLEY aurait accepté de se soumettre aux conditions générales ASP qui sont d'ailleurs différentes du droit autrichien, de sorte que s'agissant d'un transport international, seule la C.M.R peut s'appliquer, alors en premier lieu que le "spéditeur" autrichien doit être considéré comme un transporteur, même s'il fait réaliser le transport par un autre, en second lieu, que le commissionnaire, qui est recherché en qualité de garant du transporteur, est soumis à la C.M.R., en troisième lieu, que le tribunal de commerce de VIENNE (Autriche) a expressément écarté l'application de l'article 52 des conditions générales ASP pour appliquer la C.M.R. lorsqu'il s'agissait d'un transport à prix fixe ;

* que la Convention de ROME ne peut s'appliquer car l'AUTRICHE ne l'a pas signée et qu'à supposer cette Convention applicable, ce serait le droit français qui devrait s'appliquer au contrat dès lors que la vente entre WRIGLEY ALLEMAGNE et WRIGLEY FRANCE a été conclue en FRANCE, que la marchandise a été enlevée en FRANCE, et que la lettre C.M.R. a été établie en FRANCE ;

* à titre subsidiaire, que si les conditions ASP devaient s'appliquer, la prescription ne serait pas acquise dès lors que la prescription ne commence à courir qu'à compter de la connaissance que l'ayant droit a de la réclamation, et au plus tard à la livraison de la marchandise, et qu'en l'espèce, il n'existe ni livraison, ni réclamation ;

* qu'en application de la C.M.R., le commissionnaire de transports

est responsable de la faute de ses substitués ;

[* que la société NAD SLOVAK ne peut se prévaloir de la force majeure, alors que, compte tenu des risques connus de vols de marchandises en RUSSIE, il aurait appartenu au transporteur de préparer avec minutie le transport, qu'il n'est pas prouvé que le véhicule était en panne puisque les voleurs ont pu s'en emparer, qu'un incident mécanique n'est pas constitutif de force majeure, et que le chauffeur a fait preuve d'imprudence en dormant dans son véhicule sur un parking situé en bordure de route ;

*] que les sociétés BILDSTEIN et DELACHER, qui étaient chargées d'organiser un transport vers une destination qu'elles savaient à haut risque, auraient dû faire preuve d'une vigilance particulière en affrétant un transporteur compétent et préparé à ce type de prestation en mettant à sa disposition des moyens efficaces et en prévoyant des lieux de stationnement appropriés ;

[* que le préjudice s'élève à la somme de 216.270 DM qu'elle a payée à WRIGLEY Gmbh ;

Dans ses dernières conclusions du 20 octobre 2000, les sociétés BILDSTEIN M.B.H. et LUTZ ASSUKERANTZ MAKLERGESELLSCHAFT demandent à la cour de déclarer l'appel irrecevable, et en tout cas mal fondé, de débouter l'appelante de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris, de condamner la Compagnie CIGNA aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de 25.000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de ses conclusions, elles font valoir :

*] que la déclaration d'appel est nulle dans la mesure où la société appelante n'a pas indiqué sa véritable dénomination sociale et qu'il s'agit d'une nullité de fond n'exigeant pas la preuve d'un grief dès lors qu'elle n'avait plus capacité à agir ;

* qu'aucune demande n'a été formulée en appel contre la société LUTZ qui n'est qu'un courtier d'assurances et qui avait été justement mise hors de cause par le tribunal ;

* que la demande de CIGNA est irrecevable alors que la compagnie d'assurances ne pouvait qu'indemniser le propriétaire de la marchandise perdue, c'est à dire la société WRIGLEY SA, et que le droit d'action dont elle dispose contre le transporteur ne l'autorise pas à agir contre la société BILDSTEIN avec laquelle elle n'a aucun lien contractuel ;

* que la C.M.R,. qui régit exclusivement les contrats de transports internationnaux, ne peut s'appliquer au contrat de commission de transport, même si elle est indirectement applicable dans les rapports client-commissionnaire lorsque le commissionnaire est garant du transporteur, ou lorsque l'existence et l'étendue de sa responsabilité dépendent de celle du transporteur qu'il garantit ;

* que le contrat de commission de transport était soumis conventionnellement aux ASP, et que la société de droit allemand WRIGLEY Gmbh, qui avait l'habitude de travailler avec la société de droit autrichien BILDSTEIN depuis 1992 ne peut prétendre ne pas avoir eu connaissance de ces règles qui étaient mentionnées dans les documents commerciaux liant les parties, alors surtout que les ASP ne sont que la reprise des ASP allemands, que WRIGLEY connaissait nécessairement ;

* à titre subsidiaire, que c'est à bon droit et par des motifs exempts de critiques que le tribunal a retenu par application de l'article 4 de la Convention de ROME que le droit autrichien s'appliquait au contrat de commission et qu'il a admis, ainsi que cela ressort d'un certificat de coutume que les règles résultant des ASP relevaient, à défaut de stipulation conventionnelle contraire des us et coutumes faisant partie du droit positif autrichien

applicable entre commerçants :

* que la partie adverse ne peut se prévaloir d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de VIENNE qui a écarté l'application des ASP pour retenir l'application de la C.M.R. dans un litige opposant CIGNA à BILDSTEIN à propos d'un transport effectué en RUSSIE, alors que la situation juridique et l'économie des contrats n'étaient pas les mêmes, et que la cour ne peut être liée par une décision rendue en première instance par une juridiction autrichienne ;

* que la traduction faite par la partie adverse de l'article 64 des ASP prévoyant un délai de prescription de six mois est erronée en ce qu'elle concerne le point de départ de ce délai de prescription, alors que ce texte, tel qu'il résulte du certificat de coutume, prévoit que la prescription prend naissance au moment où l'ayant droit acquiert la connaissance de sa créance, mais au plus tard, au moment de la livraison de la marchandise ;

* qu'en l'espèce, l'ayant-droit, la société WRIGLEY Gmbh, dans les droits de laquelle la société CIGNA est subrogée, avait connaissance de sa créance, c'est à dire de son droit d'agir lorsqu'elle a été informée du sinistre, c'est à dire dès le 7 avril 1994, de sorte qu'il lui appartenait d'agir avant le 7 octobre 1994, ou à tout le moins, s'agissant de CIGNA, dès le 18 août 1994, date à laquelle elle a eu connaissance du sinistre par son assurée ;

* que de plus, par application de l'article 37 des ASP, le donneur d'ordre, qui a lui-même conclu une assurance, ne peut transmettre ses droits à l'assureur ;

* que si le Code de commerce autrichien devait s'appliquer, le commissionnaire ne peut être responsable que des fautes personnelles qu'il commet directement, à l'exclusion des faits commis par le transporteur, et que la partie adverse est mal fondée à se prévaloir d'une jurisprudence de la cour d'appel de VERSAILLES du 30 novembre

1995 sans en communiquer d'ailleurs les références, pour soutenir que seule la C.M.R. s'appliquerait, alors que la Cour suprême autrichienne a jugé que le commissionnaire n'était pas responsable de la faute du transporteur intermédiaire s'il n'a pas commis de faute dans le choix et le recrutement de ce dernier ;

* que la partie adverse ne rapporte pas la preuve d'une faute personnelle commise par la société BILDSTEIN qui a pris toutes les précautions nécessaires pour faire assurer le transport en collaborant d'ailleurs avec un commissaire aux avaries réputé en matière de société de transports vers l'Est ;

* que la valeur de départ du prix de la marchandise doit seule être prise en considération et ne peut s'élever à 256.270 DM alors que le prix de vente est supérieur de 100 % au prix d'achat ou de revient ; * à titre subsidiaire, que la responsabilité de la perte de la marchandise ne peut incomber au transporteur qui n'a commis aucune faute et qui ne pouvait éviter le vol du camion, eu égard aux circonstances relatées par le chauffeur.

La société NAD SLOVAK a été assignée à Parquet le 10 décembre 1999, conformément aux dispositions de l'article 686 du nouveau Code de procédure civile ;

L'acte d'appel et les conclusions d'appel ont été remis le 12 juin 2000 à cette société, selon attestation d'une autorité slovaque ;

La société DELACHER a été assignée à Parquet le 10 décembre 1999, conformément aux dispositions de l'article 686 du nouveau Code de procédure civile.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

1) Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'appel a été interjeté le 06 juillet 1999 par la société CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE qui était partie en première instance, alors qu'il ressort des pièces versées aux débats que par assemblée générale du 7 juin 1999, la société avait changé de raison sociale pour se dénommer désormais "ACE INSURANCE", et que cette décision avait été publiée le 4 octobre 1999 ;

Attendu que l'article 901 du nouveau Code de procédure civile précise que la déclaration d'appel doit, à peine de nullité, comporter, s'agissant de l'appel formé par une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

Attendu que l'indication dans la déclaration d'appel de l'ancienne dénomination de la société appelante, ne constitue qu'une irrégularité de forme, dès lors que la personne morale avait bien une existence légale, seule sa raison sociale ayant été modifiée, que cette irrégularité ne peut entraîner la nullité que si la preuve d'un grief est rapportée, et qu'elle peut, en tout état de cause, être régularisée par application de l'article 115 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'en l'espèce, la société BILDSTEIN ne justifie d'aucun grief que lui aurait causé l'irrégularité qu'elle dénonce, et que par ailleurs la société appelante a régularisé la situation en indiquant sa nouvelle dénomination sociale ;

Attendu que le moyen de nullité de la déclaration d'appel doit être écarté, et que l'appel doit être déclaré recevable ;

2) Sur la recevabilité de la demande :

Attendu que la recevabilité de la demande dirigée contre la société de transport n'est pas discutée ;

Attendu que la société BILDSTEIN soutient que la demande dirigée contre elle est irrecevable pour défaut de qualité de la compagnie

d'assurances et pour prescription de l'action ;

Attendu que CIGNA ASSURANCES, qui a indemnisé WRIGLEY Gmbh du préjudice subi à la suite du vol de la marchandise, agit contre le transporteur et contre le commissionnaire de transports sur le fondement de deux actes sous seing privé, d'une part une cession de l'ensemble de ses droits y compris ceux issus du contrat de transport et/ ou d'expédition consentie le 8 avril 1994 par WRIGLEY SA, l'expéditeur à CIGNA FRANKFURT, et d'autre part une subrogation conventionnelle du 24 août 1994 par laquelle WRIGLEY Gmbh, bénéficiaire d'une indemnité d'assurance de 216.270 DM subroge CIGNA FRANKFURT dans tous ses droits et actions ;

Attendu que la société BILDSTEIN soutient en premier lieu que la compagnie d'assurances qui a indemnisé WRIGLEY SA, propriétaire de la marchandise, ne peut être subrogée que dans les droits de la société française et qu'en l'absence de lien de droit entre cette société et le commissionnaire de transports, l'action est irrecevable ;

qu'elle fait encore valoir, nonobstant cette première analyse, que WRIGLEY Gmbh ne pouvait subroger valablement la compagnie d'assurances dans ses droits dès lors qu'aux termes des conditions générales des commissionnaires de transports dites ASP, applicables au contrat, le donneur d'ordre qui assuré lui-même la marchandise ne pouvait transmettre ses droits à l'assureur ;

Attendu que le contrat d'assurance garantissant le vol de la marchandise n'a pas été versé aux débats par les parties et qu'il n'est pas possible de déterminer si le contrat a été conclu par le commissionnaire de transports pour le compte de son donneur d'ordre, conformément à la législation allemande ou autrichienne, ou si la WRIGLEY Gmbh a assuré elle-même la marchandise ;

qu'il est toutefois certain, au vu de l'acte de subrogation et des preuves du paiement versés aux débats par la compagnie d'assurances,

que c'est bien WRIGLEY Gmbh qui a bénéficié de l'indemnité d'assurance, sans qu'aucune pièce n'établisse que cette indemnité aurait été perçue pour le compte de WRIGLEY SA ;

que par ailleurs, contrairement à ce que prétend la société BILDSTEIN, WRIGLEY Gmbh n'apparaît pas être le propriétaire de la marchandise assurée, alors en premier lieu que les factures pro-forma sont établies en DM par WRIGLEY Gmbh au nom de la société russe, et en second lieu que le procès verbal d'audience du tribunal d'instance de WOLFRATHAUSEN, versé aux débats par la compagnie d'assurances, fait clairement apparaître que WRIGLEY Gmbh achetait la marchandise et la revendait avec une marge de 100 % à des société russes ;

Attendu qu'il est donc établi que CIGNA ASSURANCES est bien subrogée dans les droits de WRIGLEY Gmbh et non de WRIGLEY SA et qu'elle a qualité à agir à l'encontre de son co-contractant sur le fondement de la subrogation conventionnelle ;

Attendu que BILDSTEIN soutient que CIGNA INSURANCE ne pouvait être valablement subrogée dans les droits de WRIGLEY Gmbh, compte tenu des dispositions de l'article 37 des ASP, qui, selon la traduction libre qu'elle en donne, serait libellé comme suit : "Si le donneur d'ordre conclut lui-même une assurance, tout droit à des dommages et intérêts résultant des risques couverts par cette assurance et existant à l'encontre du spéditeur sont exclus, ils ne seront pas transmis à l'assureur".

Attendu que l'examen de ce moyen suppose en premier lieu que soit déterminée la loi applicable pour apprécier la validité de la Convention, en second lieu, que l'article 37 des ASP puisse avoir la portée juridique que lui donne la société BILDSTEIN, et en troisième lieu que cette disposition ne soit pas contraire à une disposition d'ordre public ;

Attendu que s'agissant d'une subrogation conventionnelle accordée par

une société allemande à une société belge, la validité d'une telle convention ne peut s'apprécier par rapport aux stipulations contractuelles qui lieraient la société WRIGLEY Gmbh à la société BILDSTEIN ;

qu'au surplus, en l'absence de production du contrat d'assurances, d'une traduction certifiée conforme et d'un certificat de coutume établissant de manière certaine la portée juridique de l'article 37 des ASP, il n'est pas établi que les conditions visées à cet article seraient réunies ;

que le moyen invoqué par la société BILDSTEIN doit être rejeté ;

Attendu que la société BILDSTEIN soutient en deuxième lieu que la société WRIGLEY SA ne dispose d'aucun droit contre le commissionnaire de transport et que l'un des deux actes qu'elle qualifie de subrogation n'a pas d'objet, faute de paiement ;

Attendu qu'il est certain que WRIGLEY SA, ayant la qualité d'expéditeur au contrat de transport, n'est pas le bénéficiaire de l'indemnité d'assurance, et qu'il n'est nullement établi qu'elle aurait subi un préjudice suite au vol de la marchandise vendue par WRIGLEY Gmbh à la société russe ;

Attendu que s'agissant d'une cession de droits consentie par une société française à une société belge, cette cession relève de la loi française;

que l'assureur n'est pas recevable à agir en vertu d'une cession de droits consentie par un tiers qui n'a pas été indemnisé et qui ne justifie d'aucun préjudice, donc d'aucun droit de créance ;

que l'action dirigée contre BILDSTEIN, en vertu de l'acte de cession de créance, est donc irrecevable ;

Attendu que la société BILDSTEIN soutient en troisième lieu que l'action intentée par CIGNA serait prescrite, en application de l'article 64 des ASP applicable au contrat de commission de

transport ;

Attendu que le contrat de commission de transport rédigé en langue allemande, conclu entre une société allemande et une société autrichienne, ne comporte certes aucune référence au droit applicable au contrat, mais qu'il résulte des pièces versées aux débats que WRIGLEY Gmbh a demandé en 1992 à BILDSTEIN de lui fournir ses offres pour l'organisation des transports, que par lettre du 20 novembre 1992, la sociétéIGLEY Gmbh a demandé en 1992 à BILDSTEIN de lui fournir ses offres pour l'organisation des transports, que par lettre du 20 novembre 1992, la société BILDSTEIN a fait parvenir à WRIGLEY Gmbh ses offres et conditions particulières avec une clause prévoyant que les relations contractuelles entre les parties étaient soumises aux ASP et de quelle manière ces conditions générales publiées au WIENER ZEITUNG pouvaient être connues par le co-contractant ; que préalablement au contrat, objet de la présente procédure, WRIGLEY Gmbh avait confié l'organisation des transports à destination de la RUSSIE à BILDSTEIN ainsi qu'en font foi les factures versées aux débats faisant référence aux ASP et le jugement rendu par le tribunal de commerce de VIENNE (Autriche) ;

Attendu que ce contrat de commission de transport, conclu entre deux sociétés étrangères, ne peut relever ni du droit français, ni de la C.M.R. qui ne concerne que le contrat de transport international de marchandises, sauf ces incidences éventuelles à l'égard du commissionnaire de transports lorsque sa responsabilité est recherchée en tant que garant de ses substitués;

que c'est en vain que ACE INSURANCE prétend que le spéditeur autrichien doit être considéré comme un transporteur international et être soumis à la C.M.R., en se fondant d'une part sur un arrêt rendu le 30 novembre 1995 par la cour d'appel de VERSAILLES qu'elle produit en annexe, et d'autre part, sur un jugement rendu par le tribunal de

commerce de VIENNE (Autriche), alors d'une part que la juridiction française a, au vu des éléments de l'espèce qui lui étaient soumis, considéré que le spéditeur autrichien devait être considéré comme voiturier, ce qui n'est pas le cas dans la présente instance dans laquelle la qualité de commissionnaire de transport de la société BILDSTEIN n'est pas discutée, et d'autre part, qu'il n'est pas établi que la position prise par le tribunal de commerce de VIENNE, qui n'est corroborée par aucun article de doctrine ou par une jurisprudence constante de diverses juridictions et de la Cour Suprême autrichienne, constitue l'état de droit positif actuel autrichien ;

Attendu que c'est donc à bon droit et par des motifs que la cour adopte, que le premier juge a retenu qu'il convenait de déterminer le droit applicable au contrat, en fonction de la Convention de ROME du 19 juin 1980 entrée en vigueur en FRANCE, le 1er avril 1991 ;

Attendu que cette convention conserve le principe de l'autonomie de la volonté et donne la liberté aux parties de choisir la loi applicable à leur contrat, ce qui n'exclut nullement la possibilité pour elles de soumettre le contrat à des dispositions non étatiques dès lors que celles-ci ne sont pas contraires à l'ordre public et aux dispositions impératives de la loi qui serait applicable selon le droit conventionnel;

Attendu qu'il résulte d'un certificat de coutume établi le 15 septembre 1998 par Maître Richard Y..., avocat à la cour d'appel de PARIS , accrédité auprès de l'Ambassade d'AUTRICHE en FRANCE, que les conditions générales des commissionnaires de transports appartiennent aux usages commerciaux et s'appliquent de plein droit au défaut de convention contraire ;

que dès lors, sous réserve des dispositions impératives de la loi applicable au contrat, il apparaît que ces conditions générales

pouvaient être librement adoptées par les parties pour régir leur convention ;

Attendu que pour apprécier si ces conditions générales ont été acceptées par la société WRIGLEY Gmbh, il y a lieu également de se référer aux dispositions de la Convention de ROME ;

que cette Convention prévoit en son article 4 que l'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les articles 8 et 9 qui disposent que la validité du consentement doit s'apprécier au regard de la loi applicable au contrat en vertu de la convention, sauf la possibilité pour une partie de se référer à la loi du pays dans lequel elle a sa résidence habituelle s'il résulte des circonstances qu'il ne serait pas raisonnable de déterminer l'effet du comportement de celle-ci par la loi précédente ;

Attendu que l'article 4 de la Convention ne vise expressément que le choix de la loi applicable au contrat, mais dès lors qu'il est prévu l'application des conditions générales d'une profession ayant valeur d'usages commerciaux, il y a lieu de se référer à cette disposition pour apprécier la validité du consentement de WRIGLEY Gmbh ;

Attendu que la loi applicable au contrat en vertu de la Convention de ROME est également déterminée par l'article 4 de la Convention ;

Attendu que le premier juge a justement retenu par des motifs que la cour adopte, qu'à défaut de choix par les parties d'une loi spécifique, le contrat relevait du droit autrichien dès lors que la prestation caractéristique, à savoir l'organisation du transport de bout en bout, devait être fournie par une société autrichienne ayant un seul et principal établissement en AUTRICHE et que le contrat présentait ainsi les liens les plus étroits avec l'AUTRICHE ;

que les éléments de rattachement à la loi française invoqués par la société d'assurances sont étrangers au contrat de commission de

transport puisqu'ils concernent soit le contrat de vente conclu entre WRIGLEY SA et WRIGLEY Gmbh qui n'est d'ailleurs pas versé aux débats, soit le contrat de transport conclu entre WRIGLEY SA et le transporteur ;

Attendu que c'est donc par application de droit autrichien qu'il convient de rechercher si WRIGLEY Gmbh a donné son consentement pour l'application des ASP au contrat ;

Attendu que, selon le certificat de coutume précité, il est indiqué que "les usages commerciaux, et notamment les contrats d'adhésion matérialisés par des conditions générales pré-imprimées, sont applicables et reconnus comme tels par la jurisprudence autrichienne lorsqu'ils ont cours entre commerçants engagés dans des relations professionnelles suivies, et lorsqu'il est régulièrement fait référence auxdites conditions";

Attendu qu'il n'est pas soutenu que des circonstances particulières rendraient inapplicables de telles dispositions et qu'il n'est invoqué aucune disposition contraire du droit allemand qui est celui de la résidence de WRIGLEY SA ;

Attendu que dès lors que la clause écrite, en langue allemande, en caractères suffisamment apparents, était comprise de WRIGLEY Gmbh, que sur la base des conditions particulières et générales, de l'offre du 20 décembre 1992 comportant cette clause, elle a commandé divers transports à BILDSTEIN sans jamais se prévaloir de l'application d'autres règles que préalablement au transport litigieux, elle avait déjà commandé d'autres transports en RUSSIE et reçu des factures mentionnant les conditions ASP, il y a lieu d'admettre, s'agissant de relations entre deux commerçants ayant établi des relations suivies, que WRIGLEY Gmbh a accepté tacitement de soumettre le contrat de commission de transport aux ASP dont elle était en mesure de connaître le contenu, eu égard aux indications qui lui avaient été

fournies ;

Attendu qu'il convient donc de retenir que les parties ont convenu de soumettre leur contrat aux ASP ;

Attendu qu'il résulte du certificat de coutume de M. Richard Y..., que l'article 64 des conditions générales de ASP dispose que "les créances contre le commissionnaire, quel que soit le fondement juridique, et indépendamment du degré du culpabilité, sont prescrites en six mois. La prescription prend naissance au moment où l'ayant-droit acquiert connaissance de sa créance, mais au plus tard au moment de la livraison" ;

Attendu que la compagnie d'assurances fournit une autre traduction de cet article quant au point de départ de la prescription, en se fondant sur une traduction faite par un traducteur juré aux termes de laquelle "le délai de prescription commence à courir à partir du moment où l'ayant droit a eu connaissance de la réclamation, mais au plus tôt toutefois au moment de la livraison ;

que la différence entre les deux traductions porte d'une part sur les termes "mit der kenntnis der Berechtigten" traduit dans un cas comme "connaissance de la créance" et dans l'autre comme "connaissance de la réclamation" et d'autre part, sur le terme "jedoch" traduit dans un cas comme "mais" et dans l'autre "mais toutefois" ;

Attendu que dès lors qu'il existe un certificat de coutume établi par un juriste autrichien connaissant la portée exacte des termes juridiques, il y a lieu d'adopter la traduction qu'il a donnée de l'article 64 des ASP ;

qu'en tout cas, l'ayant droit ne peut être que celui qui subit un dommage à la suite d'une opération de transport, et que le point de départ de la prescription ne peut s'apprécier que par rapport à la connaissance qu'il a eue de ce dommage, c'est à dire au moment où naît sa créance de dommages et intérêts ;

qu'admettre que la prescription commence au moment où la victime du dommage aurait eu connaissance de la réclamation qu'il formule lui-même, serait totalement dépourvu de sens ;

Attendu que la règle édictée, qui prévoit un double point de départ de la prescription, soit la date où la victime du dommage en a eu connaissance lorsque ce dommage est survenu en cours de transport avant la livraison, ou encore en l'absence de livraison, au plus tard, à la date où celle-ci a eu lieu, ne peut donc être interprétée comme le souhaite la compagnie d'assurances ;

Attendu qu'en l'espèce, si on peut admettre qu'il n'y a pas eu livraison de la marchandise, dans la mesure où le destinataire ne l'a jamais réceptionnée, il n'en demeure pas moins que la société WRIGLEY Gmbh a eu connaissance du dommages dès le 7 avril 1994 par un courrier de son courtier d'assurances ;

qu'il n'est pas prouvé que le délai de six mois aurait été interrompu ou suspendu, de sorte que le délai de prescription était acquis dès le 7 octobre 1994 ;

que l'action introduite le 24 février 1995 est donc prescrite ;

Attendu qu'il n'est pas soutenu que les actions fondées sur la faute personnelle du commissionnaire de transport autrichien seraient soumises à un autre délai de prescription et qu'en tout cas, il n'est pas précisé quel serait, selon la loi autrichienne, le délai de prescription concernant ces actions ;

Attendu que dans ces conditions, il convient de déclarer irrecevable pour cause de prescription l'action intentée par la compagnie d'assurances à l'encontre de la société BILDSTEIN sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens de fond invoqués par les parties ;

qu'à titre superfétatoire, il y a lieu d'adopter en tant que de besoin la motivation du premier juge qui a retenu qu'il n'était démontré aucune faute personnelle du commissionnaire de transports ;

3) Sur l'action dirigée contre le transporteur :

Attendu qu'il est constant que le contrat de transport signé entre la société WRIGLEY SA, l'expéditeur mentionné au contrat, et le transporteur, est soumis à la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route, signée à GENÈVE le 19 mai 1956, ainsi que l'a retenu le premier juge, par des motifs non critiqués par les parties que la cour adopte ;

Attendu que le tribunal faisant application de l'article 17-2 de la C.M.R, a retenu que le transporteur était déchargé de la responsabilité prévue par l'article 17-1, dans la mesure où la perte de la marchandise avait pour cause "des circonstances que le transporteur ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier " ;

Attendu qu'il est établi, tant par la déposition des deux chauffeurs de la société NAD SLOVAK, Messieurs Z... et GLOS, que par un rapport de la section consulaire du Bureau de la représentation diplomatique slovaque à MOSCOU, que les deux chauffeurs ont été agressés en pleine nuit, alors qu'ils dormaient dans la cabine de leur camion stationné sur un parking en bordure d'une route entre PSKOV et LENINGRAD, qu'ils ont été ligotés et séquestrés pendant plusieurs jours avant d'être relâchés, et que les malfaiteurs se sont emparés du camion et de la remorque ;

que selon les chauffeurs, ils auraient été obligés de s'arrêter sur ce parking, vers 20 H 30, en raison d'une panne les empêchant de poursuivre leur chemin, et auraient décidé de passer la nuit dans le véhicule avant de réparer la panne le lendemain matin ;

Attendu que dès lors, que le véhicule et la remorque ont été dérobés par les malfaiteurs aussitôt après l'agression des chauffeurs, il ne peut être établi que le camion était en panne et qu'il ne pouvait

poursuivre son chemin ;

que dans ces conditions, le stationnement d'un véhicule poids lourd en pleine nuit, en rase campagne, effectué pour un prétendu incident mécanique qui n'est d'ailleurs pas établi et qui ne constitue pas une cause étrangère au transporteur et qui a permis de faciliter l'agression et la perte de la marchandise, ne constitue pas un cas de force majeure ;

Attendu que la responsabilité du transporteur est donc engagée à défaut pour lui de rapporter la preuve que les conditions requises par l'article 17-2 de la C.M.R. sont réunies ;

Attendu que le transporteur n'a pas comparu, mais qu'en application de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, le juge ne doit faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;

Attendu que le premier juge ayant déchargé le transporteur de toute responsabilité sur le fondement de la force majeure, et la cour ayant infirmé le jugement sur ce point, il y a lieu de vérifier si le montant de la demande est justifié au regard des dispositions de la C.M.R. que les parties ont estimé applicables en l'espèce ;

Attendu qu'en application de l'article 23-1 de la C.M.R. en cas de perte totale ou partielle, l'indemnité doit être calculée d'après la valeur qu'avait le marchandise au lieu et à l'époque de la prise en charge ;

que par ailleurs, en application de l'article 23-3 de la C.M.R., l'indemnité due par le transporteur ne peut dépasser 8,33 unités de compte par kilogramme de poids brut manquant ;

que l'unité de compte est représentée par le droit de tirage spécial tel qu'il est défini par le F.M.I., dont il convient de retenir le cours au jour de la présente décision ;

Attendu qu'il n'est pas établi que les conditions pour une réparation

plus étendue (déclaration de valeur, déclaration d'intérêt spécial, ou faute lourde du transporteur), seraient réunies en l'espèce ;

que les conditions dans lesquelles le vol de la marchandise a eu lieu si elles ne permettent pas d'établir l'existence d'un cas de force majeure, sont exclusives de toutes faute lourde du transporteur ;

Attendu que la marchandise transportée par la société NAD SLOVAK avait un poids total de 18.603 kgs ;

Attendu que l'indemnité réclamée par la société d'assurances s'élève à 216.870 DM ;

Attendu que ce montant est inférieur au plafond prévu par la C.M.R ; Attendu toutefois que ce montant correspond à la valeur de la marchandise à l'arrivée en RUSSIE, telle qu'elle a été facturée par WRIGLEYS Gmbh à la société russe ;

que la valeur de la marchandise au lieu et à l'époque de la prise en charge n'est pas connue, en l'absence de contrat de vente entre WRIGLEY Gmbh et WRIGLEY SA ;

qu'il y a lieu d'estimer la valeur départ d'après le cours en bourse, ou à défaut, d'après le prix courant sur le marché ou à défaut de l'un ou de l'autre, d'après la valeur usuelle des marchandises de même nature ;

qu'à défaut de cotation en bourse, et de tout élément permettant de déterminer le prix courant sur le marché, il y a lieu de se référer à la valeur usuelle de la marchandise ;

que selon un procès-verbal d'audition de l'ancien directeur financier de WRIGLEY Gmbh devant le juge d'instance de WOLFRATHAUSEN en ALLEMAGNE, dans une affaire opposant CIGNA à BILDSHEIM à propos d'un transport de chewing-gum en RUSSIE, la société WRIGLEY Gmbh achetait le chewing-gum à un prix tarifaire déterminé, et que la différence entre le prix d'achat et le prix de vente était de 100 %, le

pourcentage représentant le bénéfice de la société de distribution et de marketing ;

qu'il en résulte que la valeur usuelle de la marchandise, au départ de WRIGLEY SA, correspondait au prix auquel WRIGLEY Gmbh l'avait acquise ;

qu'ACE INSURANCE, dans une procédure l'opposant à BILDSHEIM devant le tribunal de commerce de VIENNE (Autriche) également à propos d'un vol de chewing-gum en RUSSIE avait d'ailleurs réduit sa demande à la moitié de la somme qui avait été assurée, et qui correspondait au prix de vente ;

Attendu que dans ces conditions, le montant de l'indemnité doit être fixé à 216.270 : 2 = 108.135 DM soit 55.288,55 ä ;

Attendu que cette somme doit porter intérêt au taux de 5 % à compter du jour de la demande en justice ;

Attendu que la demande de capitalisation des intérêts est justifiée; Attendu qu'ainsi que l'a relevé justement le premier juge, le commissionnaire de transport ne peut, en application des ASP, être tenu des fautes commises par le transporteur qu'il s'est substitué ; 5) Sur les dépens :

Attendu que les dépens relatifs à la demande dirigée contre la société BILDSTEIN et DELACHER et LUTZ doivent incomber à ACE INSURANCE ;

que les dépens relatifs à la demande dirigée contre la société NAD SLOVAK doivent incomber à cette société ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles de la présente instance pour un montant de 2.000 ä . PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt par défaut, après en avoir délibéré en dernier ressort, DECLARE l'appel recevable en la forme ; Au fond, CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes dirigées contre la société BILDSTEIN SPEDITION, LUTZ ASSEKURANZ et DELACHER ; L'INFIRME pour le surplus ; Statuant à nouveau, CONDAMNE la société NAD SLOVAK à payer à la société ACE INSURANCE SA NV, la somme de 55.288,55 ä (cinquante cinq mille deux cent quatre vingt huit euros cinquante cinq centimes) avec les intérêts au taux de 5 % à compter de l'assignation ; ORDONNE la capitalisation des intérêts ; DEBOUTE la société ACE INSURANCE du surplus de sa demande ; La CONDAMNE aux dépens relatifs à la demande dirigée contre les sociétés BILDSTEIN, LUTZ ASSUKERANZ et DELACHER ; CONDAMNE la société NAD SLOVAK aux dépens de première instance et d'appel relatifs à la demande dirigée à son encontre ; La CONDAMNE à payer à la société ACE INSURANCE, la somme de 2.000 ä (deux mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Et le présent arrêt a été signé par le président et le greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 99/03431
Date de la décision : 15/01/2002

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980.

Le contrat de commission de transport conclu entre deux sociétés étrangères, ne relève ni du droit français, ni de la Convention relative au contrat de transport international de marchandise par route (C.M.R), qui ne concerne que le contrat de transport international de marchandises. La Convention de Rome du 19 juin 1980, entrée en vigueur en France le 1er avril 1991, consacre le principe de l'autonomie de la volonté et donne la liberté aux parties de choisir la loi applicable : à défaut de choix par les parties d'une loi spécifique, le contrat relève du droit autrichien dès lors que la prestation caractéristique, à savoir, l'organisation du transport de la marchandise, devait être fournie par une société autrichienne ayant un seul et principal établissement en Autriche. C'est donc par application du droit autrichien qu'il convient de rechercher si la société donneuse d'ordre du transport a donné son consentement pour l'application des ASP (conditions générales applicables aux contrats de transport en Autriche) au contrat. L'article 64 des conditions générales des ASP dispose que les créances contre le commissionnaire sont préscrites en six mois à compter du moment où l'ayant droit acquiert connaissance de sa créance, mais au plus tard au moment de la livraison : en l'espèce, l'action est prescrite. Par ailleurs, en ce qui concerne l'action dirigée contre le transporteur, il est constant que le contrat signé entre l'expéditeur mentionné au contrat, et le transporteur, est soumis à la C.M.R. Faisant application de cette convention, les premiers juges ont retenu que le transporteur était déchargé de responsabilité, dans la mesure où la perte de la marchandise avait pour cause des "circonstances que le transporteur ne pouvait éviter". Cependant, le stationnement d'un poids lourd en pleine nuit en rase campagne, effectué pour un prétendu incident mécanique, ne constitue pas une cause étrangère au transporteur, et a permis de faciliter l'agression et la perte de la

marchandise


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2002-01-15;99.03431 ?
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