La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2002 | FRANCE | N°99/02462

France | France, Cour d'appel de colmar, 08 janvier 2002, 99/02462


N° RG 99/02462 MINUTE N° Copie exécutoire aux avocats Maître STRAVOPODIS SCP CAHN Le 08/01/2002 Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 08 Janvier 2002

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. GUEUDET, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER PRESENT AUX DEBATS ET AU PRONONCE : Mme X..., DEBATS A l'audience publique du 20 Novembre 2001 ARRET DU 08 Janvier 2002 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par le Président. NATURE DE L'AFFAI

RE : 364 DEMANDE EN RESPONSABILITE CIVILE FORMEE CONTRE LES DIRIGEA...

N° RG 99/02462 MINUTE N° Copie exécutoire aux avocats Maître STRAVOPODIS SCP CAHN Le 08/01/2002 Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 08 Janvier 2002

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : M. GUEUDET, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER PRESENT AUX DEBATS ET AU PRONONCE : Mme X..., DEBATS A l'audience publique du 20 Novembre 2001 ARRET DU 08 Janvier 2002 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : 364 DEMANDE EN RESPONSABILITE CIVILE FORMEE CONTRE LES DIRIGEANTS. APPELANTE et défenderesse : Madame Corine Y..., ... par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, Avocat à la Cour, INTIME et demandeur : Monsieur LE RECEVEUR PRINCIPAL DES Z..., ayant son siège social 1, Place du Marché à 67120 MOLSHEIM, Représenté par la SCP CAHN, LEVY et BERGMANN, Avocats à la Cour, .../... 1.

La S.à.R.L. EUROSPORT créée le 19 avril 1989 dont la gérante était Mme Corine Y... a été mise en redressement judiciaire le 8 mars 1994 puis en liquidation judiciaire le 29 novembre 1994.

Mme Y... en sa qualité de gérante s'étant abstenue de payer la T.V.A. déclarée au titre des mois de novembre 1992 à février 1993, de juillet 1993, de décembre 1993 à janvier 1994, de mars 1994 et d'octobre et novembre 1994, ainsi que d'effectuer la déclaration de taxe d'apprentissage pour l'année 1993, l'administration fiscale a procédé à des avis de mise en recouvrement et à des mises en demeure qui sont restées sans effet.

Autorisé par décision du Directeur des Services Fiscaux du BAS-RHIN du 3 février 1998, le Receveur Principal des Z... de MOLSHEIM a assigné Mme Y... devant le président du tribunal de grande instance de SAVERNE le 7 avril 1998 pour obtenir sa condamnation solidaire avec la société au paiement des impositions dues s'élevant à 182.883,34 francs.

Par jugement du 7 avril 1999 le tribunal de grande instance de SAVERNE a fait droit à cette demande et a condamné Mme Y... au paiement d'une somme de 182.883,34 francs.

Mme Y... a interjeté appel de ce jugement le 7 avril 1999.

Dans ses dernières conclusions du 30 avril 2001 elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater la prescription de l'action de l'administration fiscale au regard des dispositions de

l'article L 274 du Livre des procédures fiscales, de dire que pendant la période ou la S.à.R.L. EUROSPORT était en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, Mme Y... était dessaisie de l'administration et de la gestion de l'entreprise de sorte qu'il ne saurait lui être fait application de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, de déclarer irrecevable en tout cas mal fondée l'action du Receveur Principal des Z..., de mettre les entiers frais et dépens à sa charge.

A l'appui de ses conclusions elle fait valoir :

- qu'en application de l'article L 274 du Code des procédures fiscales, l'action intentée le 7 avril 1998 était prescrite alors en premier lieu qu'aucune action interruptive de prescription n'avait été engagée à l'encontre de la société dans le délai de quatre ans pour défauts de déclaration ou de paiement, en second lieu que l'ouverture de la procédure collective à supposer qu'elle puisse constituer un acte interruptif de prescription à l'égard de la société, ne peut en tout cas pas constituer un acte interruptif à l'égard de Mme Y..., en troisième lieu que la déclaration de créance n'est pas non plus de nature à interrompre la prescription à l'égard de Mme Y... et qu'il n'est pas établi que cette formalité aurait été accomplie,

- que l'administration fiscale s'est abstenue durant plusieurs années d'agir à l'encontre de Mme Y..., sans que les motifs qu'elle invoque (le temps nécessaire à l'étude du dossier ou l'attente d'un certificat d'irrécouvrabilité) puissent être considérés comme des motifs valables et que nonobstant les dispositions des articles L 269 et L 269 A du Livre des procédures fiscales elle s'est abstenue de procéder aux mesures d'exécution et d'exercer son droit de poursuite individuelle après le prononcé de la liquidation judiciaire,

- qu'une action imprescriptible serait contraire à l'exigence du

procès équitable au regard de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme,

- que l'existence de manoeuvres frauduleuses n'est pas établie et que la seule incapacité de la société a procéder au paiement de ses dettes ne peut être qualifiée d'inobservation grave et répétée des obligations fiscales, alors que l'argent disponible a été utilisé au mieux des affaires sociales pour régler les salariés et faire fonctionner la société,

- qu'en tout cas Mme Y... ne peut être tenue pour responsable de l'absence de déclarations et de paiement de la T.V.A. courante pendant la durée des procédures collectives, puisqu'elle était dessaisie et représentée par le liquidateur,

- qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les faits invoqués à son encontre et l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale alors que l'irrécouvrabilité est due à l'importance des créances salariales superprivilégiées et aux difficultés économiques rencontrées par l'entreprise.

Dans ses dernières conclusions du 12 mars 2001 le Receveur Principal des Z... de MOLSHEIM demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner Mme Corine Y... à payer solidairement avec la S.à.R.L. EUROSPORT les impositions dues à savoir 173.606,34 francs de droits et 9.277 francs de pénalités soit au total 182.883,34 francs, de la condamner aux entiers frais et dépens des deux instances et de constater que l'action du comptable public n'est pas prescrite.

A l'appui de ses conclusions il fait valoir :

- que l'action n'est pas prescrite alors en premier lieu que la prescription a été interrompue d'une part par l'ouverture de la procédure collective le 8 mars 1994, et par les déclarations de créance des 24 mai 1994, 27 juillet 1994 et 9 août 1994 en ce qui

concerne les créances nées avant l'ouverture de la procédure, et d'autre part par les actes de poursuite et les avis à tiers détenteurs des 17 janvier 1996 et 4 avril 1997 en ce qui concerne les créances nées pendant la période d'observation, en second lieu que les poursuites dirigées contre le dirigeant social sont possibles tant qu'elles peuvent encore l'être contre la société,

- que l'action a été introduite dans les délais dès qu'il est apparu que la dette fiscale serait irrécouvrable envers la société,

- que l'absence de paiement de la T.V.A. par une société constitue une inobservation grave et répétée aux obligations fiscales ainsi que le retient constamment la jurisprudence et qu'il a même été jugé que la rétention de T.V.A. dans une situation prévisible de cessation des paiements caractérisait les manoeuvres frauduleuses au sens de l'article L 267 du L.P.F.,

- que l'administration fiscale a mis en oeuvre toutes les diligences nécessaires en établissant des avis de mise en recouvrement, des mises en demeure de payer et en décernant des avis à tiers détenteurs qui se sont avérés pour l'essentiel infructueux,

- que l'impossibilité de recouvrer les créances fiscales a pour cause exclusive le comportement du dirigeant dès lors en premier lieu qu'à la suite de l'ouverture de la procédure collective aucun acte de poursuite ne pouvait plus être engagé, en second lieu que s'agissant des créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure, des avis à tiers détenteurs ont été adressés sans succès au liquidateur, en troisième lieu que les motifs pour lesquels les créances n'ont pas été payées sont indifférents, en quatrième lieu que Mme Y... a conservé pendant la période d'observation la libre administration de la société et que les impositions réclamées concernent toute une période antérieure à la liquidation judiciaire, en cinquième lieu que les conditions requises par les articles L 269 et L 269A du L.P.F. ne

sont pas réunies en l'espèce pour que le comptable public puisse exercer son droit de poursuite individuelle,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales le dirigeant d'une société, d'une personne morale, ou de tout autre groupement peut en cas de manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales, ayant rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités, si le dirigeant n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition ;

Attendu qu'il est constant que Mme Corine Y... était le dirigeant de droit de la S.à.R.L. EUROSPORT et qu'elle n'a pas été déclarée tenue des dettes sociales de la société par une autre disposition ;

1) sur la prescription :

Attendu que les poursuites contre le dirigeant social, fondées sur les dispositions de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales demeurent possibles tant que les poursuites tendant au recouvrement

des créances fiscales contre la société ne sont pas prescrites ;

Attendu qu'en application de l'article L 274 du Livre des procédures fiscales, l'action est prescrite lorsque le comptable public n'a exercé aucune poursuite contre le créancier retardataire pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle sous réserve des actes interruptifs de la prescription ;

Attendu qu'en l'espèce, l'administration fiscale invoque des créances nées avant l'ouverture de la procédure collective, relatives d'une part à l'absence de paiement de la T.V.A. déclarée pour les mois de novembre 1992 à février 1993, juillet 1993, décembre 1993 à janvier 1994 et d'autre part à l'absence de déclaration de taxe d'apprentissage relative à l'année 1993 et des créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective relatives à l'absence de paiement de la T.V.A. pour les mois de mars 1994, octobre et novembre 1994 ;

Attendu que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement les 24 janvier 1993, 12 février 1993, 12 mars 1993, 16 avril 1993, 4 octobre 1993, 10 mars 1992, 25 avril 1994, 13 mai 1994, 10 août 1994 et 14 mars 1994 ;

Attendu que la prescription de la dette fiscale d'une société est suspendue par sa mise en redressement judiciaire et que cette suspension produit son effet jusqu'à ce que le créancier recouvre son droit de poursuite individuelle après clôture de la procédure de liquidation ;

qu'en l'espèce il n'est pas établi que la procédure de liquidation aurait été clôturée ;

Attendu que de plus, les déclarations de créances qui équivalent à une demande en justice interrompent le délai de prescription ;

qu'en l'espèce le Trésor Public a déclaré ses créances de T.V.A. le

24 mai 1994 et sa créance relative à la taxe d'apprentissage le 9 août 1994;

que le délai de quatre ans qui avait commencé à courir pour la créance la plus ancienne au plus tôt le 24 janvier 1993 est donc interrompu et qu'il n'est pas prouvé que les créances fiscales auraient été définitivement admises ;

Attendu que l'action introduite le 7 avril 1998 n'était pas prescrite à l'égard de la société et par conséquent à l'égard de son dirigeant ;

Attendu que s'agissant des créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, le point de départ de la prescription pour la créance de T.V.A. la plus ancienne, remonte au 25 avril 1994, de sorte que le délai de quatre ans n'étant pas expiré à la date de l'assignation du 7 avril 1998 ;

que dès lors le moyen tiré des dispositions des articles L 269 et L 269 A du Livre des procédures fiscales est sans emport dans la présente procédure ;

Attendu que le moyen tiré de la prétendue violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, fondé sur l'imprescriptibilité de l'action est totalement inopérant dès lors que les textes prévoient bien un délai de prescription, et que ce délai a été interrompu ou suspendu ou n'était pas encore expiré ;

Attendu que pour ces motifs et ceux complémentaires non contraires du premier juge que la Cour adopte, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme Y... ;

2) sur le fond :

Attendu qu'il est constant que la dirigeante de la société EUROSPORT s'est abstenue de payer la T.V.A. pendant plusieurs mois avant l'ouverture de la procédure collective et qu'elle a continué à manquer à ses obligations pendant la poursuite d'activité, au cours

de laquelle elle était seulement assistée par l'administrateur ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge ;

Attendu que le dirigeant de la société qui a conservé pour se procurer de la trésorerie et assurer artificiellement sa survie, des sommes qu'elle aurait dû reverser au Trésor Public a commis un manquement grave et répété à ses obligations fiscales ;

que les motifs qu'elle invoque pour justifier cette rétention de sommes qu'elle avait collectées, à savoir le paiement des salariés et le maintien de son activité, ne sont pas de nature à justifier les manquements qu'elle a commis et à ôter à ceux-ci leur caractère de gravité, alors qu'ils démontrent au contraire la volonté de Mme Y... de poursuivre artificiellement une activité déficitaire au préjudice du Trésor Public ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que le comptable public a utilisé en vain tous les actes de poursuite à sa disposition pour obtenir en temps utile le paiement des impositions par la société EUROSPORT et qu'il n'existe aucune circonstance autre que le défaut de paiement, ayant rendu impossible le recouvrement des impositions dues ;

Attendu qu'en effet, le comptable chargé du recouvrement a émis dans les cinq mois au maximum de l'exigibilité, des avis de mise en

recouvrement qui ont été rapidement suivis d'une mise en demeure de payer conformément à l'article L 257 du Livre des procédure fiscales ; qu'il a adressé, les 18 février 1993, 22 février 1993, 23 mars 1993, des avis à tiers détenteurs qui se sont avérés infructueux, et qu'il a fait procéder les 10 mars 1993, 8 juin 1993, 21 janvier 1994 à des mesures d'exécution forcée sur les biens du débiteur qui lui ont permis de récupérer un montant de 23.057,66 francs, qu'enfin suite à l'ouverture de la procédure collective il ne pouvait plus engager de poursuites et a régulièrement déclaré ses créances au passif de la société débitrice ;

que s'agissant des sommes dues pendant la poursuite d'activité, il a également procédé à des avis de mise en recouvrement les 25 avril 1994, 10 août 1994 et 14 mars 1995, et adressé au mandataire liquidateur plusieurs avis à tiers détente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 99/02462
Date de la décision : 08/01/2002

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Procédure - Action - Prescription

Les poursuites contre le dirigeant social prévues à l'article L 267 du Livre des procédures fiscales demeurent possibles tant que les poursuites tendant au recouvrement des créances fiscales contre la société ne sont pas prescrites : la prescription est acquise si le créancier n'a exercé aucune poursuite pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, sous réserve des actes suspensifs ou interruptifs de prescription. La prescription est suspendue par la mise en redressement judiciaire de la société; de plus, les déclarations de créances de l'administration fiscale, qui équivalent à une demande en justice, interrompent le délai de prescription. Ainsi, l'action introduite par le Trésor Public n'est pas prescrite contre la société et par conséquent contre son dirigeant.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2002-01-08;99.02462 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award