La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2001 | FRANCE | N°00/02104

France | France, Cour d'appel de colmar, 05 décembre 2001, 00/02104


N° RG 00/02104 MINUTE N° 1090/2001

Copie exécutoire aux avocats Le 10.12.2001 Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 DECEMBRE 2001

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS AVEC ACCORD DES AVOCATS : Mme GOYET, Président de Chambre, Magistrat-Rapporteur. LORS DU DELIBERE :

Mme GOYET, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER PRESENT AUX DEBATS ET AU PRONONCE : Mme X..., DEBATS A l'audience publique du 14 Septembre 2001 ARRET DU 05 Décembr

e 2001 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par le Président. NATURE DE L'...

N° RG 00/02104 MINUTE N° 1090/2001

Copie exécutoire aux avocats Le 10.12.2001 Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 DECEMBRE 2001

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS AVEC ACCORD DES AVOCATS : Mme GOYET, Président de Chambre, Magistrat-Rapporteur. LORS DU DELIBERE :

Mme GOYET, Président de Chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller. GREFFIER PRESENT AUX DEBATS ET AU PRONONCE : Mme X..., DEBATS A l'audience publique du 14 Septembre 2001 ARRET DU 05 Décembre 2001 Contradictoire Prononcé à l'audience publique par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : 476 CAUTION.

APPELANTE et demanderesse : LA SA BANQUE DE L'ECONOMIE DE COMMERCE ET DE LA MONETIQUE, ayant son siège social 34, rue du Wacken à 67002 STRASBOURG CEDEX, représentée par son représentant légal Représentée par la SCP CAHN - LEVY - BERGMANN, Avocats à la Cour, plaidant Maître MORIN-BUCHSER, Avocat à STRASBOURG, INTIME et défendeur : Monsieur Marcel Y..., ... par Me BUEB, Avocat à la Cour,

.../... 1.

Par contrat d'ouverture de crédit du 27 août 1990, la Banque de l'Economie Crédit Mutuel (BECM) a consenti à la S.à.R.L. Société d'Etudes et de Transactions Immobilières (SETIM) un crédit à court terme de 320.000 francs concernant une opération immobilière d'acquisition d'un terrain rue du Château à 67270 WILWISHEIM et de lotissement du même terrain dénommé "Le Château".

Le même jour, M. Y..., gérant de la SETIM, a signé un engagement de caution portant sur un capital de 320.000 francs et sur les intérêts, frais et accessoires.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 janvier 1993, M. Y... a informé la BECM de ce qu'il avait démissionné de la fonction de gérant, le 1er décembre 1992, et cédé les parts qu'il

détenait dans la société SETIM, dans la SCI SETIM et dans la SCI EUCLIDE.

Il demandait donc d'annuler les six cautions qu'il avait consenties à la BECM et notamment celle concernant le lotissement de WILWISHEIM.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 février 1993, la BECM répondait à M. Y... qu'elle levait son engagement dans les dossiers suivants :

- SETIM SARL garantie financière - caution 50.000 F,

- SETIM SARL prêt de 25.000 F - caution 25.000 F,

- SETIM SARL terrain de l'Elsau - caution de 1.500.000 F,

- SETIM SARL compte courant n° 108/90625545 - caution 200.000 F, mais qu'elle ne levait pas l'engagement de caution dans les dossiers non soldés, et notamment dans le dossier SETIM SARL lotissement de WILWISHEIM crédit à court terme de 320.000 F en compte n° 108/90625548 en cours actuel 117.273,90 F - caution de F 320.000.

Le 2 mai 1995, la SARL SETIM a été mise en liquidation judiciaire.

La BECM a assigné M. Y... en référé en avril 1995 en paiement d'une provision de 137.469,23 francs restant due au titre du compte courant n° 90625548 pour lequel M. Y... s'était engagé comme caution à hauteur de 320.000 F.

Par ordonnance du 24 octobre 1995, le juge des référés commerciaux au tribunal de grande instance de STRASBOURG a condamné M. Y... à verser à la BECM la somme de 113.850,46 francs à titre de provision. Cette ordonnance a été infirmée par arrêt du 21 juillet 1998 de la cour d'appel de ce siège qui a dit qu'il n'y avait lieu à référé.

Par exploit du 3 août 1998, la Banque de l'Economie du Commerce et de la Monétique (BECM) a fait citer M. Marcel Y... devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG en paiement de la somme de 137.469,23 francs avec les intérêts conventionnels à 10,25 % à

compter du 1er juillet 1994 et de dommages et intérêts.

M. Y... a conclu au débouté de la demande et a présenté une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 30.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 3 mars 2000, le tribunal de grande instance de STRASBOURG, chambre commerciale, a :

- débouté la BECM de sa demande à l'encontre de M. Marcel Y...,

- condamné la BECM à payer à M. Marcel Y... la somme de 5.000 francs soit 762,23 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la BECM aux dépens ainsi qu'à payer à M. Y... la somme de 7.000 francs soit 1.067,72 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le premier juge a considéré qu'il résultait des pièces versées aux débats que la volonté commune des parties était d'affecter le cautionnement de 320.000 francs à l'ouverture de crédit concernant l'opération immobilière "Le Château" à WILWISHEIM et que la banque ne pouvait dès lors invoquer le caractère général du cautionnement et que si le compte n° 108/90625548 était débiteur de 117.273,90 francs à la date à laquelle M. Y... avait révoqué son engagement de caution, un chèque de 146.215 francs remis par M. Z... à la société SETIM le 3 septembre 1993, concernant l'acquisition d'un lot dans le lotissement de WILWISHEIM, devait rendre le solde de ce compte créditeur si ce chèque n'avait pas été crédité sur le compte général de la société SETIM n° 108/90625545 ; le premier juge a estimé en conséquence que la banque avait commis une faute dans son obligation de surveillance de l'affectation spécifique pour chaque ouverture de crédit correspondant à des opérations immobilières déterminées et qu'elle aurait dû affecter le paiement de M. Z... au compte de l'opération immobilière de WILWISHEIM ce qui aurait eu pour effet de le rendre créditeur et de décharger M. Y... de sa

garantie subsistante ; qu'elle devait donc être déboutée de sa demande.

Par déclaration reçue au greffe le 27 avril 2000, la S.A. Banque de l'Economie du Commerce et de la Monétique a interjeté appel de ce jugement dans des conditions dont la régularité n'est pas discutée.

Par conclusions récapitulatives du 1er mars 2001, elle demande à la cour de :

[* sur l'appel principal :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner M. Marcel Y... à payer à la Banque de l'Economie du Crédit du Commerce et de la Monétique anciennement Banque de l'Economie Crédit Mutuel la somme de 137.469,23 francs avec les intérêts conventionnels à 10,25 % à compter du 1er juillet 1994,

- condamner le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 20.000 francs à titre de dommages et intérêts, avec les intérêts légaux à compter du jour du jugement à intervenir,

- condamner le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 25.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts pour une année entière et dire que ceux-ci se capitaliseront à leur tour dans les mêmes conditions,

- condamner la défendeur en tous les frais et dépens des deux instances.

*] sur l'appel incident :

- dire et juger l'appel irrecevable,

- écarter les nouvelles prétentions émises par M. Y..., en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile,

- en toute hypothèse, débouter M. Y... de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

- le condamner aux entiers frais et dépens de l'appel incident.

Elle fait valoir au soutien de son appel :

- que le chèque constitue un instrument de paiement que le bénéficiaire remet à sa banque, avec mandat d'encaisser celui-ci sur le compte qu'il désigne et que la banque n'a pas d'obligation d'apprécier en opportunité l'affectation ou la destination des fonds qui sont remis par le client, que le premier juge a dénaturé l'article 5 du contrat d'ouverture de crédit puisque l'obligation qu'il édicte est à la charge de la débitrice (la société SETIM) et non de la banque laquelle n'avait aucun pouvoir pour contraindre le remettant à affecter spécialement à l'un quelconque des comptes les remises de chèques en raison du principe de non ingérence ou de non immixtion,

- qu'elle n'avait contracté aucune obligation à l'encontre du débiteur principal, et dès lors pas plus à l'égard de la caution, d'affecter spécialement tel ou tel montant sans instruction du remettant et sans connaissance de l'origine des fonds pour en déduire leur destination effective,

- qu'elle n'a donc pu commettre aucune faute de nature contractuelle dans ses rapports avec son client (la débitrice principale) et dès lors délictuelle dans ses rapports avec la caution, car la faute délictuelle suppose nécessairement préalablement la démonstration d'une faute contractuelle de la banque dans ses rapports avec la débitrice principale, la société SETIM,

- que l'interprétation du premier juge quant à l'affectation du cautionnement de 320.000 francs dénature les termes clairs et précis de l'engagement de caution au mépris de l'article 1134 du Code civil car le cautionnement dont il s'agit était un cautionnement pour toute somme, de sorte qu'il garantissait tant les montants dus au titre du compte 45 que du compte 48,

- que de plus l'acte de prêt du 27 août 1990 contenait une clause dite d'unité de compte, qui disposait que conformément aux conditions générales de la banque auxquelles les parties déclarent souscrire et dont elles affirment avoir reçu un exemplaire, il est formellement convenu que tous les comptes ouverts tant auprès de la banque créancière qu'auprès de ses agences, même sous des rubriques ou qualifications différentes, forment irrémédiablement un compte unique, indivisible et global, et qu'en conséquence il était expressément stipulé que le solde global, après compensation des crédits et débits de tous les comptes, représentait à tout moment et en particulier à la fin des relations d'affaires le solde du compte-courant unique ; qu'il était en outre stipulé que les garanties matérialisées serviraient également de sûreté pour tout autre engagement, quel qu'en soit le montant et la nature, que la partie débitrice pourrait avoir vis-à-vis de la banque créancière au moment de la fusion des comptes, de sorte que l'affectation du chèque de M. Z... était sans effet sur l'étendue de l'obligation pensant sur M. Y...

Par conclusions du 29 novembre 2000, M. Marcel Y... demande à la cour de :

- déclarer la BECM mal fondée en son appel, le rejeter,

- statuant sur appel incident subsidiaire, déclarer M. Y... fondé en sa demande reconventionnelle aux fins de responsabilité de la banque, - confirmer le jugement,

- condamner la BECM aux dépens et à payer à M. Y... la somme de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose :

- qu'il ressort très clairement des propres écrits de la BECM que le

cautionnement de 320.000 francs garantit la bonne fin des opérations financières relatives au lotissement de WILWISHEIM,

- que l'unité des comptes de la société SETIM et la prise en charge de leur solde n'a jamais été acceptée par la caution ce qui résulte des courriers produits et notamment du courrier de la BECM du 16 février 1993 ; que selon l'article 2015 du Code civil, le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté et qu'une clause d'unité de compte, stipulée avec la société SETIM dans le cadre du fonctionnement de son compte courant général, n'est pas opposable à la caution qui a contracté pour une opération particulière et que la BECM elle-même l'a mis en demeure de régler le solde débiteur du compte courant n° 48 correspondant à une opération immobilière déterminée, celle de WILWISHEIM,

- que s'agissant du cautionnement de ce compte, l'obligation de couverture prend fin avec la révocation de l'engagement de caution. L'obligation de règlement qui ne peut concerner que les créances déjà nées au moment de la révocation tient compte des remises ultérieures qui ont été portées au crédit du compte ou qui auraient dû l'être ; que la BECM avait l'obligation d'encaisser le chèque de 146.215 francs des consorts Z..., acquéreurs d'un terrain à WILWISHEIM, sur le compte qui était spécialement prévu à cet effet, ainsi qu'il est prévu dans l'acte d'ouverture de crédit, qui fait obligation à SETIM de porter au crédit de ce compte tous les montants pouvant résulter de l'opération et que c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que la banque a commis une faute dans son obligation de surveillance de l'affectation spécifique pour chaque ouverture de crédit correspondant à des opérations immobilières déterminées, qu'il entend donc former une demande reconventionnelle, de telle manière qu'en tant que de besoin la cour sera amenée à considérer que la BECM

a commis une faute, que M. Y... a subi un préjudice du fait de l'encaissement du chèque Z... sur un autre compte, et qu'il y a un lien de causalité entre les deux, ce préjudice étant d'un montant au moins équivalent à celui des prétentions de la BECM,

- que de plus l'attitude de la BECM a été dolosive car elle n'a accepté de reconnaître qu'elle avait reçu le chèque Z... et de fournir les précisions nécessaires sur son imputation que sur intervention du conseiller de la mise en état à hauteur de la procédure d'appel dans le cadre du référé.

M. Y... ajoute que cette demande reconventionnelle est subsidiaire, car il est de règle selon l'article 2036 du Code civil et la jurisprudence subséquente que la caution peut invoquer les règles d'imputation des paiements et demander que le paiement fait soit appliqué à la dette cautionnée (article 1256 du Code civil).

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens ;

Attendu que, par acte du 27 août 1990, M. Y..., alors gérant de la S.à.R.L. SETIM, s'est porté caution de cette société envers la Banque Fédérative du Crédit Mutuel de STRASBOURG à hauteur de 320.000 francs dans des termes généraux sur un formulaire type de cautionnement, dont se prévaut à présent la banque pour prétendre que M. Y... reste engagé en sa qualité de caution ;

Mais attendu que l'article 1163 du Code civil dispose que "quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter" ;

Qu'en l'espèce il est clairement établi que l'engagement de caution donné le 27 août 1990 par M. Y..., à hauteur de 320.000 francs, était affecté dans la volonté des deux parties à l'ouverture de

crédit de 320.000 francs consentie le même jour par la BECM à la S.à.R.L. SETIM pour l'opération immobilière "Le Château" à WILWISHEIM ;

que cette volonté commune ressort du courrier du 19 janvier 1993 de M. Y... dans lequel il énumère les différentes cautions qu'il déclare "annuler" à la suite de la cession de ses parts dans la S.à.R.L. SETIM et la SCI EUCLIDE, parmi lesquelles figure la "caution lotissement à WILWISHEIM", et de la réponse du 16 février 1993 de la BECM, qui énumère à son tour les différentes cautions consenties par M. Y... pour des opérations particulières et accepte de "lever" la caution de M. Y... pour le compte courant n° 108/90625545 mais refuse de le faire en ce qui concerne la caution de 320.000 francs pour le crédit à court terme du compte n° 108/90625548 du lotissement de WILWISHEIM, du fait qu'il subsiste un encours de 117.273,90 francs ;

que la banque a, par conséquent, admis que le cautionnement de 320.000 francs était bien affecté au compte 48 concernant le lotissement de WILWISHEIM ;

qu'il résulte par ailleurs de l'arrêt de la cour de ce siège du 21 juillet 1998 versé aux débats par M. Y... que la banque réitéré cette position dans l'assignation en référé dans laquelle il est indiqué que M. Y... est poursuivi en sa qualité de caution selon acte du 27 août 1990 au titre du solde débiteur du compte courant n° 906255548, ainsi que dans ses conclusions du 4 octobre 1996 dans lesquelles il est écrit :

"ce chèque (de 146.215 francs) n'a pas été encaissé sur le compte n° 0010890625548 ouvert dans les livres de la banque dans le cadre duquel a été consentie l'ouverture de crédit de 320.000 francs, après le 27 août 1990, garantie par la caution solidaire du débiteur ;

Attendu que la banque invoque encore la clause d'unité des comptes

figurant dans l'article 8 du contrat d'ouverture de crédit, aux termes duquel le solde global après compensation des crédits et débits de tous les comptes représente le solde du compte courant unique, pour prétendre que quoiqu'il en soit de l'affectation du chèque de 146.215 francs émis par M. Z... à l'ordre de la société SETIM pour l'acquisition d'un terrain dans le lotissement de WILWISHEIM, la garantie donnée par M. Y... devait également servir de sûreté pour tout autre engagement que la partie débitrice pourrait avoir vis-à-vis de la banque créancière à la fusion des comptes ;

Mais attendu qu'une telle clause ne figure nullement dans l'engagement de caution de M. Y... ; que celui-ci a été contracté dans le cadre de l'ouverture de crédit pour l'opération immobilière Le château de WILWISHEIM, ainsi qu'il a été démontré ci-dessus, et ne saurait être étendu à d'autres obligations, par application de l'article 2015 du Code civil ;

que la banque est d'autant plus mal venue d'invoquer à l'encontre de la caution la clause d'unité de compte qu'elle réclame en réalité ce qu'elle estime être le solde débiteur du compte n° 48 concernant le lotissement de WILWISHEIM et non pas le résultat obtenu après fusion des comptes ;

Attendu enfin que pour maintenir sa demande à l'encontre de M. Y... au titre du cautionnement du compte n° 48, la banque, tout en admettant à présent (après l'avoir longtemps contesté), qu'un chèque de 146.215 francs représentant le prix d'acquisition d'un lot dans le lotissement Le château à WILWISHEIM a bien été encaissé par la S.à.R.L. SETIM le 8 septembre 1993, prétend que c'est le débiteur (la société SETIM) qui a affecté le paiement du chèque au compte courant général n° 45 et que la banque n'avait aucun pouvoir de contraindre le remettant à affecter spécialement à l'un quelconque des comptes les remises de chèque, au risque de s'immiscer dans sa gestion, et

qu'elle n'avait pas à se préoccuper de l'origine des fonds;

Mais attendu que l'article 1134 du Code civil dispose que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;

qu'en l'espèce lorsque M. Y... a révoqué ses engagements de caution donnés notamment pour différentes opérations immobilières, dont celle de WILWISHEIM, la BECM a refusé de lever la caution pour ce compte au motif qu'il subsistait un encours ; que si M. Y... était en effet en droit de refuser de cautionner toute dette nouvelle née après la date d'effectivité de la révocation de son cautionnement, il restait tenu de règler les dettes nées antérieurement à cette résiliation ce qui était le cas du solde débiteur de 117.273,90 francs subsistant sur le compte n° 48 à la date du courrier de la BECM du 16 février 1993 ;

qu'en revanche toutes les remises postérieures concernant l'opération de WILWISHEIM devaient venir apurer ce solde en vertu du contrat d'ouverture de crédit du 27 août 1990 qui stipule sous son article 5 que "pour permettre le contrôle du déroulement financier de l'opération, la débitrice s'oblige à centraliser tous les mouvements de fonds relatifs à l'opération immobilière faisant l'objet du présent crédit de la banque; à ce titre la débitrice s'oblige à verser au compte précité tous les fonds destinés à quelque titre que ce soit à la réalisation de l'ensemble immobilier, tels que versements des acquéreurs, prêts, avances, subventions etc...";

qu'il résulte des termes de cette clause que si c'est la débitrice qui s'oblige à affecter au compte n° 48 tous les fonds concernant cette opération (et donc le chèque de l'acquéreur Z... de 146.215 francs) cette obligation a pour but de permettre le contrôle par la banque du déroulement financier de l'opération ;

qu'il s'en suit qu'à partir du moment où M. Y... avait abandonné la gérance de la société SETIM, tout en restant tenu comme caution de la bonne fin de cette opération immobilière vis-à-vis de la banque,

celle-ci avait en contrepartie l'obligation vis-à-vis de la caution de contrôler la bonne affectation des fonds perçus par la société SETIM sur le compte n° 48 ;

Attendu que contrairement à ce que soutient la banque, elle avait le pouvoir d'obliger la S.à.R.L. SETIM à encaisser le chèque de 146.215 francs sur le compte n° 48 ;

qu'il résulte en effet des pièces versées aux débats, et notamment du courrier de la BECM du 16 février 1993, que chaque opération immobilière entreprise par la société SETIM faisait l'objet d'un compte particulier; que le compte général n° 45 sur lequel a été encaissé le chèque ne devait dès lors recevoir aucun règlement procédant d'une opération immobilière, ce qui était manifestement le cas de ce chèque bien plus important que les écritures créditrices enregistrées sur ce compte (dont la plus importante était de 45.000 francs au vu de l'historique produit par la banque) et de plus émis par un particulier, nécessairement acquéreur d'un lot ;

Qu'il ne pouvait donc échapper à la vigilance des services de la banque que ce chèque devait être encaissé sur un compte particulier, en l'occurrence sur le compte 48 concernant le lotissement de WILWISHEIM, et la banque pouvait fort bien l'imposer à la société SETIM qui s'était engagée envers elle à affecter les versements des acquéreurs sur ce compte ;

Attendu que si le chèque de 146.215 francs avait été encaissé le 8 septembre 1993 sur le compte n° 48 conformément à la convention d'ouverture de crédit, ce compte serait devenu créditeur de 28.943 francs;

que la banque, qui avait l'obligation, vis-à-vis de la caution, de contrôler la bonne affectation de ce chèque par la société SETIM, ne peut se prévaloir de sa propre carence pour réclamer à la caution du compte n° 48 un solde débiteur qui aurait dû être apuré ;

Attendu que M. Y... sera en conséquence déchargé de son obligation de payer le solde du compte 48 ;

Attendu que le jugement entrepris sera confirmé pour ces motifs et ceux non contraires du premier juge;

Attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

P A R C E A... M O T I F A...

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

après en avoir délibéré,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la Banque de l'Economie de Commerce et de la Monétique aux dépens de l'instance d'appel,

La condamne à payer à M. Y... la somme de 15.000 francs (QUINZE MILLE FRANCS) soit 2.286,74 euros (DEUX MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT SIX EUROS ET SOIXANTE QUATORZE CENTS) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 00/02104
Date de la décision : 05/12/2001

Analyses

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle

En application de l'article 1163 du Code civil, quelques généraux que soient les termes de l'engagement de caution contracté par l'ancien gérant d'une société alors qu'il était en fonction, cet engagement doit être interprété comme étant affecté à l'ouverture d'un crédit consenti le même jour par la banque bénéficiaire du cautionnement, pour une opération immobilière : cette volonté commune des parties ressort de courriers par lesquels la banque a refusé de lever le cautionnement pour ledit crédit en raison du solde débiteur du compte, et a par conséquent admis que le cautionnement était bien affecté au compte concernant cette opération immobilière. Toutes les remises postérieures devaient venir apurer ce solde en vertu du contrat d'ouverture de crédit qui exigeait que la société débitrice verse au compte précité tous les fonds destinés à la réalisation de l'opération immobilière : tel n'a pas été le cas puisqu'un chèque destiné à apurer le compte a été déposé sur un autre compte par le nouveau gérant de la société ; or la banque avait vis à vis de l'ancien gérant, resté caution de ce compte, l'obligation de contrôler la bonne affectation des fonds et il ne pouvait échapper à sa vigilance que ce chèque devait être encaissé sur le compte ouvert pour l'opération. La banque ne peut se prévaloir de sa propre carence pour réclamer à la caution un solde débiteur qui aurait dû être apuré : la caution est en conséquence déchargée de son obligation de payer le solde de ce compte


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2001-12-05;00.02104 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award