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26/06/2001 | FRANCE | N°2001/00462

France | France, Cour d'appel de colmar, 26 juin 2001, 2001/00462


PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section A RG N 1 A 200100462 Minute N 1M Expédition à : Maîtres CAHN ET ASSOCIES Maître BUEB Arrêt notifié aux parties. Le 26/06/2001 Le Greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 26 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE M. GUEUDET, Président de Chambre, Mme MAILLARD, Conseiller, Mme VIEILLEDENT, Conseiller. GREFFIER LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE : Mme X.... DEBATS à l'audience en chambre du conseil du 28/05/2001 ARRET CONTRADICTOIRE du 26 JUIN 2001 prononc

é publiquement par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : 406 RESOLUTION DU PLAN DE C...

PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section A RG N 1 A 200100462 Minute N 1M Expédition à : Maîtres CAHN ET ASSOCIES Maître BUEB Arrêt notifié aux parties. Le 26/06/2001 Le Greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 26 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE M. GUEUDET, Président de Chambre, Mme MAILLARD, Conseiller, Mme VIEILLEDENT, Conseiller. GREFFIER LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE : Mme X.... DEBATS à l'audience en chambre du conseil du 28/05/2001 ARRET CONTRADICTOIRE du 26 JUIN 2001 prononcé publiquement par le Président. NATURE DE L'AFFAIRE : 406 RESOLUTION DU PLAN DE CONTINUATION. APPELANTE et défenderesse : LA S.A. OCEAN MER DU NORD, ayant son siège social 14, Rue du Vieux Marché aux Grains à 67000 STRASBOURG, représentée par M. Jean-Pierre Y..., représentant légal, représentée par Maîtres CAHN ET ASSOCIES, Avocats à la Cour, plaidant Maître MISSLIN, Avoca à STRASBOURG, INTIME et demandeur : Maître Claude WEIL, commissaire à l'exécution de plan de la S.A. OCEAN MER DU NORD, demeurant 28, Rue de Lattre de Tassigny à 67300 SCHILTIGHEIM, représenté par Maître BUEB, Avocat à la Cour, INTIME : Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUEprès le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG représenté en instance d'appel par Monsieur le PROCUREUR GENERAL près la COUR D'APPEL de COLMAR 68000 INTIMEE : Maître Fabienne WINDENBERGER-JENNER, liquidateur, demeurant 5, Rue des Frères Lumière à 67200 ECKBOLSHEIM, représentée par Maître BUEB, Avocat à la Cour,

.../... 3.

La S.A.Océan Mer du Nord, représentée par son président du conseil d'administration, M. Jean Pierre Y... exploitait, 14 rue du Vieux Marché aux Grains à Strasbourg, un fonds de commerce de marées et salaisons, achat et vente de gibiers et volailles.

Par jugement prononcé le 12 février 1996, le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de cette société. Maître Jenner a été désigné en qualité de représentant des créanciers, et Maître Claude Weil en tant qu'administrateur.

Par jugement du 10 février 1997, le tribunal a arrêté le plan de redressement et d'apurement du passif de la société SA Océan Mer du Nord, fixé le terme du plan au 1er janvier 2007 et désigné Maître Claude Weil en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par requête datée du 15 novembre 2000, celui-ci a sollicité la résolution de ce plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au motif que la société débitrice n'était plus en mesure de poursuivre l'exploitation du fonds.

La S.A.Océan Mer du Nord a en dernier lieu fait connaître qu'elle souhaitait reprendre l'exploitation du fonds.

Le ministère public a conclu à la résolution du plan et à la liquidation judiciaire.

Par jugement prononcé le 22 janvier 2001, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé la résolution du plan de redressement arrêté par jugement du 10 février 1997, ainsi

que la liquidation judiciaire de la S.A.Océan Mer du Nord. Il a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 22 janvier 2001 et désigné Maître Windenberger Jenner en qualité de liquidateur.

Le tribunal a constaté que l'entreprise n'existait plus faute d'exploitation et de salariés, que l'apurement du passif avait été assuré in extremis par des moyens étrangers à l'activité de l'entreprise commerciale et sans que celle-ci ne tienne de comptabilité conforme aux règles en vigueur. Il a considéré, dans ces conditions, que le maintien de la procédure et du redressement judiciaire constituait une fraude à la loi, et qu'il devait y être mis fin.

Le 29 janvier 2001, la S.A.Océan Mer du Nord a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives déposées le 28 mai 2001, la S.A.Océan Mer du Nord demande à la cour : - d'infirmer le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau :

- de dire qu'il n'y a pas lieu à résolution du plan de redressement arrêté le 10 février 1997 par le tribunal de grande instance de Strasbourg ; - de statuer ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de ses conclusions, l'appelante rappelle que depuis dix ans les locaux d'exploitation souffrent d'un défaut flagrant d'entretien imputable au bailleur, au point que le magasin a dû être fermé à la suite d'une décision administrative du 10 février 2000.

Par ordonnance du 14 mars 2000, le juge des référés a même suspendu le paiement des loyers dus par la S.A.Océan Mer du Nord.

L'existence de ce litige explique non seulement la procédure collective dont cette société a fait l'objet, mais également l'échec des tentatives mises en oeuvre pour restructurer l'entreprise.

La S.A.Océan Mer du Nord a, dans ces conditions, fait assigner le bailleur devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour

obtenir sa condamnation à effectuer les travaux nécessaires à la réouverture du commerce. Elle affirme être en mesure, dans l'attente de la décision judiciaire à venir, de payer les dividendes annuels, étant observé que la société n'a plus aucune charge à payer du fait de l'arrêt provisoire de l'activité et de la suspension des loyers.

Elle rappelle que jusqu'à ce jour, les dividendes annuels ont toujours été honorés et soutient que le tribunal ne pouvait motiver sa décision par l'absence d'exploitation du fonds. Il ressort en effet des dispositions de l'article 80 de la loi du 25 janvier 1985 que seul un manquement aux obligations résultant du plan peut justifier sa résolution. Or en l'espèce, la seule obligation imposée à la S.A.Océan Mer du Nord par le plan arrêté le 10 février 1997 est le paiement d'annuités, obligation qui a été respectée.

Elle affirme qu'elle a toujours manifesté la volonté de reprendre l'exploitation du fonds dès que les travaux de remise en état incombant au bailleur seraient exécutés. Elle s'est d'ailleurs opposée au commandement qui lui avait été décerné visant la clause résolutoire de plein droit du bail, la procédure étant également en cours de ce chef.

Elle admet que depuis le début de l'année 2000 la comptabilité n'a plus été régulièrement tenue mais explique cette carence par le défaut d'activité et l'insuffisance de ses ressources.

En l'état de leurs dernières conclusions, Maître Windenberger Jenner et Maître Claude Weil demandent à la cour : - de déclarer la S.A. Océan Mer du Nord mal fondée en son appel ; - de le rejeter ; - de confirmer le jugement ;

- de condamner la S.A. Océan Mer du Nord aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 8.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les intimés relèvent tout d'abord que l'échéance de janvier 2001,

contrairement aux observations de la S.A.Océan Mer du Nord n'a pas été payée, puisqu'une partie se trouve consignée sur le compte CARPA de Maître Kempf.

Ils rappellent que depuis la loi du 10 juin 1994, l'inexécution des engagements financiers qui justifiait la résolution du plan au titre de l'article 80 de la loi du 25 janvier 1985 a été étendue à l'inexécution des engagements, de toute nature, du débiteur.

Ils considèrent en conséquence que le tribunal a justement prononcé la liquidation judiciaire en se fondant sur l'arrêt d'exploitation du fonds. La S.A.Océan Mer du Nord reconnaît d'ailleurs la fermeture des locaux commerciaux à la suite d'une décision administrative de février 2000 - en fait depuis le début de l'année 1999. Or, selon les conclusions d'un rapport d'expertise judiciaire, le bailleur ne serait pas responsable de la fermeture intervenue.

Maître Claude Weil précise que le dirigeant n'a jamais manifesté une réelle volonté de rouvrir le magasin depuis la date de cette fermeture, qu'il n'a pas remis les documents comptables des exercices 1997/98, 1998/99, 1999/2000, et que depuis plusieurs mois, les comptes annuels ne sont plus déposés ni les assemblée, tenues. Enfin l'évolution catastrophique du chiffre d'affaires exclut toute possibilité de rentabiliser quelque exploitation du fonds que ce soit, aucun renseignement n'étant donné sur la situation financière de l'entreprise ou sur sa situation sociale.

Le ministère public, à qui la procédure a été régulièrement communiquée, conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour le plus ample exposé de leurs moyens ;

L'article L 621-82 du Code de commerce (anciennement article 80 de la loi du 25 janvier 1985 modifié par la loi du 10 juin 1994) dispose :

"Si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans le délai fixé par le plan, le tribunal peut d'office ou à la demande d'un créancier, le commissaire à l'exécution du plan entendu, prononcer la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire"

Il en résulte que l'inexécution des engagements de toute nature et pas seulement financiers sont susceptibles de justifier la résolution du plan.

D'autre part, il ressort des dispositions de l'article L 621-54 du Code de commerce (anciennement 18 de la loi du 25 janvier 1985) qu'un plan de redressement d'une entreprise ne peut se concevoir en dehors du maintien de l'activité - et en l'occurrence de l'exploitation du fonds de commerce - puisque l'objet de cette procédure est précisément de permettre à l'entreprise de rétablir son activité économique et de maintenir les emplois qu'elle avait créés.

Il est d'ailleurs clairement énoncé dans le dispositif du jugement du 10 février 1997 qui avait arrêté le plan, que la S.A.Océan Mer du Nord "maintenait en l'état ses activités".

Il en résulte que dans le cadre d'un plan de redressement et d'apurement du passif, le maintien de l'activité constitue l'un des engagements essentiels du débiteur.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'exploitation du fonds de poissonnerie, vente de gibiers, volailles dans les locaux situés rue du Vieux Marché aux Grains à Strasbourg a cessé depuis le mois de février 2000. De l'aveu même de l'appelante, les salariés ont été licenciés, et la société n'a plus d'activité. La S.A.Océan Mer du Nord reconnaît l'absence de comptabilité depuis le début de l'année 2000, et il ressort du rapport d'expertise de M. Jean Louis Z... que si les comptes annuels 1998 et 1999 ont été établis, la S.A.Océan Mer du Nord n'a pas été en mesure de "fournir les éléments comptables

pour l'exercice 1999/2000" (voir rapport d'expertise de M. Jean-Louis Z... p.3). Enfin la S.A.Océan Mer du Nord ne conteste pas que les assemblées ne soient plus tenues.

La question qui se pose est en conséquence de savoir si cette cessation de l'activité s'analyse en une suspension ponctuelle de l'activité ou s'il s'agit d'une interruption définitive de l'exploitation du fonds.

A cet égard, le rapport de M. de Monteclerc expert désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, décrit les locaux loués comme vétustes et totalement dégradés, jusque dans leur structure portante, par des infiltrations anciennes. Ces désordres sont généralisés et interdisent toute reprise de l'activité avant réfection totale des lieux.

Les circonstances qui ont conduit à cette situation n'apparaissent pas aussi simples que la S.A.Océan Mer du Nord l'expose. En effet, si la responsabilité du bailleur semble indéniablement engagée, il semblerait qu'elle ne soit pas exclusive dès lors que les infiltrations proviennent de la chaussée et semblent avoir pour origine les travaux d'aménagement entrepris il y a quelques années par la CUS (remplacement du trottoir par des pavés autobloquants).

De plus la responsabilité du preneur pour défaut d'entretien a également été envisagée dans les motifs des décisions de référé (voir ordonnance du 14 mars 2000, p. 3 :"... la présente décision, constatant le délabrement complet des locaux, ne prend pas partie sur toutes les causes de la vétusté impliquant nécessairement une part de responsabilité du locataire compte tenu de l'entretien.")

Dès lors à supposer que les procédures entreprises par la S.A.Océan Mer du Nord aboutissent favorablement, il apparaît évident que cette issue n'est pas imminente, et l'exécution des décisions à intervenir, encore plus lointaine.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la poursuite de la procédure génère des charges : en effet l'ordonnance du 12 octobre 1999 n'a pas suspendu le paiement des loyers comme l'affirme la S.A. Océan Mer du Nord mais seulement autorisé la locataire "à consigner un montant de 5.000 francs sur le loyer mensuel - de 14.808 francs - avec obligation de verser la somme sur le compte CARPA de son conseil, à compter du 1er octobre 1999, et jusqu'à exécution des travaux".

Or, la S.A.Océan Mer du Nord ne dit rien du paiement du loyer depuis l'intervention de l'ordonnance non plus que de la consignation du solde.

Aucun renseignement n'est donné sur les moyens dont dispose l'appelante pour financer les aménagements destinés à la mise en exploitation du fonds - qui restent en toute hypothèse à sa charge - si ce n'est que de son propre aveu, la S.A. Océan Mer du Nord n'a même pas les fonds nécessaires pour permettre l'établissement d'une comptabilité minimale.

Enfin, aux termes du rapport d'expertise de M. Jean Louis Z... sur lequel se fondent les intimés, l'origine des difficultés économiques et financières rencontrées par la S.A. Océan Mer du Nord n'est pas exclusivement liée à l'état de délabrement des locaux d'exploitation, mais tient également à : "- une modification des zones de chalandise ; - une concurrence accrue de la part de la grande distribution ; - un manque de dynamisme commercial de la part de M. Y... devant cette situation."

D'ailleurs si l'on reprend l'historique de l'activité de la S.A. Océan Mer du Nord, l'on constate que la première baisse significative de son chiffre d'affaires remonte à 1990 et n'a fait que se poursuivre au cours des années, passant ainsi de 8.165.630 francs en 1990 à 576.000 francs en 1999. Une telle évolution suivie de la

fermeture du magasin pendant plus d'une année entraîne la disparition de la clientèle.

Il apparaît en conséquence qu'indépendamment du règlement intégral du dividende annuel concernant l'exercice 2000, l'activité de la S.A.Océan Mer du Nord a été interrompue sans perspective de reprise, en sorte que le redressement de l'entreprise n'est plus possible, et que la liquidation judiciaire doit être prononcée.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, de rejeter la demande de la S.A.Océan Mer du Nord et de dire que les frais seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

P A R C E A... M O T I F A...

LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement,

après débats en chambre du conseil et en dernier ressort :

Constate que la recevabilité formelle de l'appel n'est pas contestée ;

Au fond :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute la S.A.Océan Mer du Nord de sa demande ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Et le présent arrêt a été signé par le président, et par le greffier présent au

prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 2001/00462
Date de la décision : 26/06/2001

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Plan - Plan de continuation - Résolution - Cause

L'article L621-82 du nouveau code de commerce, (ancien article 80 de la loi du 25 janvier 1985, modifié par la loi du 10 juin 1994) prévoit que l'inexécution des engagements de toute nature, et pas seulement des engagements financiers, est susceptible de justifier la résolution d'un plan de redressement. D'autre part, il ressort des dispositions de l'article L621-54 du même code (article 18 de la loi du 25 janvier 1985), qu'un plan de redressement ne peut se concevoir en dehors du maintien de l'activité. Il en résulte que dans le cadre d'un plan de redressement et d'apurement du passif, le maintien de l'activité constitue l'un des engagements essentiels du débiteur, dont le non-respect est dès lors susceptible de justifier la résolution du plan


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2001-06-26;2001.00462 ?
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