La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2001 | FRANCE | N°1999/05419

France | France, Cour d'appel de colmar, 20 juin 2001, 1999/05419


MLG/Da PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section B RG N 1 B 199905419 Minute N 1M Expédition à : Maîtres HEICHELBECH etamp; associés Maîtres WEMAERE etamp; CAMINADE Le Le greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 20 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES X... ET DU DELIBERE Mme GOYET, président de chambre, Mme MAILLARD, conseiller, Mme VIEILLEDENT, conseiller. GREFFIER PRESENT AUX X... : Mme SCHOENBERGER GREFFIER PRESENT AU Y... :

Mme ARMSPACH-SENGLE X... à l'audience publique du 12/04/2001 ARRET CONTRADICT

OIRE du 20/06/2001 prononcé publiquement par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : 476 De...

MLG/Da PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section B RG N 1 B 199905419 Minute N 1M Expédition à : Maîtres HEICHELBECH etamp; associés Maîtres WEMAERE etamp; CAMINADE Le Le greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 20 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES X... ET DU DELIBERE Mme GOYET, président de chambre, Mme MAILLARD, conseiller, Mme VIEILLEDENT, conseiller. GREFFIER PRESENT AUX X... : Mme SCHOENBERGER GREFFIER PRESENT AU Y... :

Mme ARMSPACH-SENGLE X... à l'audience publique du 12/04/2001 ARRET CONTRADICTOIRE du 20/06/2001 prononcé publiquement par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : 476 Demande formée contre une caution en cas de redressement judiciaire du débiteur principal. APPELANT et défendeur : Monsieur Roger Z... ...; associés, avocats à la cour INTIMEE et demanderesse : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE D'ALSACE (C.R.C.A.) ayant son siège social 1 place de la Gare 67000 STRASBOURG représentée par ses représentants légaux représentée par Maîtres WEMAERE etamp; CAMINADE, avocats à la cour

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE D'ALSACE a assigné M. Roger Z... devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG en paiement de la somme de 3.500.000 Frs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 mars 1994, date de la première mise en demeure, sur le fondement d'un acte de cautionnement signé le 26 mars 1993 à hauteur de 3.500.000 Frs en garantie des sommes dues sur le solde débiteur du compte courant n 48 144 680 010 de la société SCIERIE Z... Frères à GUNSTETT.

M. Roger Z... s'est opposé à la demande en faisant valoir que les trois documents signés par lui, le 26 mars 1993, ne concernaient que

la caution bois et qu'il n'avait garanti le CREDIT AGRICOLE à hauteur de 3.500.000 Frs que pour les "cautions bois", alors que le CREDIT AGRICOLE n'a jamais délivré aucune caution bois.

Le CREDIT AGRICOLE a rétorqué qu'il y avait deux engagements distincts de M. Z... : l'un garantissant le compte courant, et l'autre le remboursement des sommes que la banque pouvait être amenée à débourser, en vertu de sa propre caution bois.

Par ordonnance du 23 mai 1996, le juge de la mise en état a ordonné la comparution personnelle des parties, mesure qui a été exécutée.

M. Z... a formé une demande reconventionnelle contre le CREDIT AGRICOLE en paiement de la somme de 3.500.000 Frs.

Par jugement du 13 novembre 1998, le tribunal de grande instance de STRASBOURG a :

- condamné M. Z... à payer à la Caisse Régionale de CREDIT

AGRICOLE MUTUEL D'ALSACE, la somme de 3.500.000 Frs avec les

intérêts au taux légal à compter du 21 mars 1994,

- débouté M. Z... de l'intégralité de ses fins, moyens et

conclusions,

- condamné le défendeur aux entiers frais et dépens de l'instance,

tant sur demande principale que sur demande reconventionnelle, y

compris ceux de la procédure conservatoire ayant donné lieu à

l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal d'instance de

WISSEMBOURG du 7 octobre 1994,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal a considéré que M. Z... ne pouvait soutenir que les trois documents contractuels signés le 26 mars 1993 ne concernaient que la caution bois, alors que l'un d'eux concernait le compte

courant de la scierie Z... Frères et que la banque démontrait qu'il avait toujours été caution de la facilité de caisse avancée par le CREDIT AGRICOLE à la scierie Z... et que la ligne caution bois et la ligne découvert en compte à hauteur de 3.500.000 Frs pouvaient être utilisées alternativement et non cumulativement ; que le fait que M. Z... n'ait ajouté qu'ultérieurement la mention relative aux intérêts, frais et accessoires, ne pouvait affecter la régularité du cautionnement et que M. Z... ne pouvait se prévaloir d'une quelconque nullité de son engagement de caution, soit en application de l'article 2015, soit en raison du dol qu'il aurait subi ;

qu'il ne pouvait davantage se prévaloir des dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 car la première information aurait due être donnée avant le 26 mars 1994, alors que la société Z... avait été mise en redressement judiciaire le 17 janvier 1994, la créance de la banque se trouvant figée à cette date.

Le tribunal a également considéré comme non fondée la demande reconventionnelle de M. Z... dès lors que celui-ci ne prouvait pas une faute de la banque, qui n'avait aucune raison d'accepter une diminution de sa garantie tant que ses concours n'étaient pas amortis, et qu'il n'était pas établi que la banque ait eu un comportement anormal à l'origine des difficultés de la société Scierie Z....

Par déclaration reçue au greffe, le 14 décembre 1998, M. Z... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par ses ultimes conclusions du 19 janvier 2001, M. Z... demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

et jugeant à nouveau :

- dire et juger nul le cautionnement du 26 mars 1993 en raison du dol dont le CREDIT AGRICOLE s'est rendu coupable,

subsidiairement,

- constater la disproportion entre l'engagement que le CREDIT AGRICOLE

a fait contracter à M. Z... et la consistance de son patrimoine, laquelle

rend cet engagement nul et non avenu,

- débouter le CREDIT AGRICOLE de l'intégralité de ses fins et conclusions

à l'encontre de M. Z...,

- dire et juger qu'en tous cas, le CREDIT AGRICOLE a commis une faute en exigeant de M. Z... un tel engagement hors de proportion avec ses

capacités financières,

- le condamner à payer, à titre de dédommagement un montant égal à celui

que le CREDIT AGRICOLE réclame au demandeur et auquel celui-ci par

impossible serait condamné,

Avant-dire droit :

- ordonner une expertise graphologique de l'acte de cautionnement du

26 mars 1993 (annexe 39) du CREDIT AGRICOLE portant tant sur les

mentions manuscrites que sur les mentions dactylographiées afin qu'il

soit examiné si lesdites mentions ont été portées en même temps et

notamment si la mention rajoutée est de la main de M. Z... ou d'une autre main,

En tant que de besoin,

- ordonner la comparution personnelle de M. Z... ainsi que l'audition

de M. A... avec confrontation dans le cadre d'une procédure de

vérification d'écriture laquelle s'impose de toute évidence,

- déclarer la demande reconventionnelle de M. Z... recevable et bien fondée,

Et y faisant droit,

- dire et juger la banque entièrement responsable de la déconfiture de

la société Z... du fait du refus inopiné de ses paiements, de la brusque

rupture de ses concours et de son comportement à l'égard de l'entreprise,

Et en conséquence,

- dire et juger le CREDIT AGRICOLE entièrement responsable du préjudice

subi par la caution dans la mesure où elle serait condamnée à garantir

tout ou partie du solde débiteur du compte courant de la société Z...,

- condamner le CREDIT AGRICOLE à payer à M. Z... la somme de

3.500.000 Frs augmentée des intérêts au taux légal à compter du

21 mars 1994, ou de toute autre somme susceptible d'être mise à la charge

de la caution,

- ordonner la compensation judiciaire de ce montant à due concurrence des

montants qui pourraient être mis à sa charge,

En tout état de cause :

- condamner le CREDIT AGRICOLE à réparer le préjudice subi par

M. Z... à titre d'actionnaire,

- condamner le CREDIT AGRICOLE au paiement en conséquence d'un

montant de 1.000.000 Frs à titre de provision à M. Z..., avec les

intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire et avant-dire droit :

- ordonner une expertise aux frais de l'appelant afin de déterminer

la valeur des actions de M. Roger Z... à la date du 1er janvier 1991,

- réserver les droits du défendeur et appelant à conclure définitivement

après dépôt du rapport d'expertise,

- condamner le CREDIT AGRICOLE à l'intégralité des dépens de la

procédure de première instance ainsi que de la présente procédure, et à

payer à M. Z... une somme de 50.000 Frs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait valoir en substance au soutien de son appel :

- qu'avant le 26 mars 1993, le CREDIT AGRICOLE, qui se trouvait alors être le seul établissement de crédit entretenant des relations avec

la Scierie Z..., avait autorisé une facilité de caisse de 500.000,00 Frs et des lignes de "cautions bois" pour 3.000.000 Frs. et que le mécanisme de "cautions bois" auquel la banque avait accepté de participer, devait permettre l'acquisition de lots de bois lors d'adjudications auprès de diverses administrations et tiers fournisseurs, notamment l'O.N.F.; que son engagement de caution, en contrepartie de ce mécanisme de "cautions bois" par la banque, n'était en rien problématique, dès lors qu'il était uniquement destiné à sécuriser les opérations de vente de bois de la part d'organismes publics et de tiers fournisseurs et qu'il avait comme contrepartie la marchandise acquise par la société Z..., mais qu'il n'était nullement dans son intention d'alourdir ses engagements en qualité de caution des comptes courants de la Scierie Z..., qu'il pensait donc s'engager vis-à-vis de la banque, en cautionnant lui-même la caution de la banque, sans grand risque, à hauteur de 3.500.000 Frs et la présentation des trois actes qu'il a signés le 26 mars 1993 était de nature à légitimer cette croyance ; qu'en effet, le premier de ces documents s'intitule "Convention de garantie ou de cautionnement bancaire" et formalise l'accord de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE pour fournir le "cautionnement bois" à la Scierie Z... ; le deuxième acte, qui s'intitule "Engagement de caution", constitue la contrepartie de l'engagement précédent, dès lors que M. Z... s'engage à fournir au CREDIT AGRICOLE un cautionnement solidaire pour un montant de 3.500.000 Frs, et qu'il pouvait fort bien penser que le troisième document était la confirmation de l'acte précédent ;

- que cet acte, sur lequel se fonde le CREDIT AGRICOLE, a manifestement fait l'objet d'ajouts successifs, car lors de la signature en date du 26 mars 1993, il avait été porté sur le formulaire préimprimé la mention de l'engagement de M. Z... à

concurrence d'un montant principal de 3.500.000 Frs, soit un montant identique à celui de l'engagement de "caution bois" souscrit par la banque, et aucune mention n'avait été apposée quant à un compte de la société pouvant bénéficier de cet engagement ; qu'il avait d'autant moins de raisons de se douter que la banque souhaitait lui faire souscrire un engagement distinct de la caution pour les opérations "cautions bois", qu'il lui a été demandé de porter la même mention manuscrite sur les deux actes, à savoir : "Cautionnement solidaire de la somme de : 3.500.000 Frs" puisque la banque a dû avouer en cours de procédure que la mention supplémentaire figurant sur l'acte de cautionnement litigieux, à savoir : "en principal plus intérêts, frais et accessoires" avait été ajoutée, postérieurement à la date de la signature de l'acte, c'est à dire, au 26 mars 1993 ; que la banque affirme qu'il a porté lui-même ce rajout, ce qu'il conteste formellement, même si l'écriture lui ressemble; qu'on peut constater que la mention : "Lu et approuvé" portée par le responsable du CREDIT AGRICOLE, M. A... sur le contrat de gage, est très semblable, raison pour laquelle il sollicite une expertise graphologique de l'acte et l'audition de M. A..., ce, d'autant plus que la banque a également ajouté après sa signature, le numéro de compte (48144681.010) auquel était censément affecté l'engagement de caution, dénaturant ainsi l'acte qui avait initialement été soumis à sa signature ; que le CREDIT AGRICOLE s'est rendu coupable de manoeuvres dolosives qui ont conduit M. Z... à apposer sa signature sur un acte dont la portée a été changée et qui a été modifié à plusieurs reprises après que celui-ci ait été signé, de sorte que la nullité de l'acte de cautionnement ainsi souscrit devra être prononcée par la cour de céans, en application des dispositions de l'article 1116 du Code civil ;

- qu'il existait une totale disproportion entre les engagements

cautionnés par M. Z... et son patrimoine personnel, disproportion que la banque ne pouvait ignorer : qu'outre ses actions dans la Scierie Z... et la Scierie BLOCH, il ne disposait que d'une maison d'habitation, alors qu'il a souscrit des actes de cautionnement à hauteur de 10.500.000,00 Frs, soit 6.500.000,00 Frs de caution bois, 500.000 Frs de cautionnement de compte courant déjà souscrit et prétendument 3.500.000 Frs en plus, pour garantir le découvert du compte n 48 144 681.010 et de surcroît, la caution, pour garantir la caution bois de la banque, car c'est de façon divinatoire qu'il a été considéré par le tribunal, suivant en cela les explications fournies par le CREDIT AGRICOLE, que les engagements étaient alternatifs et non cumulatifs, alors que les actes eux-mêmes ne contiennent aucune mention en ce sens, de sorte qu'il doit être considéré qu'ils s'interprètent comme étant cumulatifs et non alternatifs, sauf à les dénaturer ;

- que de tels engagements hors de proportion avec ses possibilités financières n'ont pu être obtenus que par dol, alors que la banque savait qu'il s'était également engagé envers la BANQUE POPULAIRE ; que l'acte de cautionnement est, par conséquent, nul et en tout cas, totalement inopérant et que, quoiqu'il en soit, le CREDIT AGRICOLE a commis une faute au regard de ses obligations de banquier et tout simplement, de son obligation de conseil en imposant à M. Z... des risques disproportionnés ;

S'agissant de sa demande reconventionnelle, M. Z... soutient que la banque a, dès 1992 et jusqu'au bout des opérations de liquidation judiciaire de la société Z..., précipité sa perte en rejetant de façon inopinée des instruments de paiement émis par la société Z..., en négligeant le recouvrement de cessions DAILLY, ce qui a nécessité que soit consenti un total de prêts de 9.000.000,00 Frs à l'entreprise, garantis par un stock de bois évalué lui-même à

9.000.000,00 Frs, selon contrat de prêt du 13 janvier 1992, qu'elle a créé des impayés au moment du remboursement de ce prêt alors même qu'elle s'opposait parallèlement au déblocage, au fur et à mesure du stock de bois gagé, lequel aurait permis de faire face au déficit existant, de sorte que la société Z... n'a pu trouver d'autres partenaires bancaires que le CREDIT AGRICOLE ;

- que malgré l'insistance de Maître RAEIS et l'observation des magistrats chargés d'instruire la procédure de redressement de la Scierie Z..., le CREDIT AGRICOLE a refusé de donner mainlevée de son gage, ce qui a précipité la perte de la Scierie Z... ; que de plus, la banque a violé les dispositions de l'article 60 de la loi bancaire du 24 juin 1984 et a interrompu son soutien à un moment particulièrement préjudiciable à son client, ce qui a précipité son dépôt de bilan, et ces fautes avérées ont causé un préjudice certain à M. Z... en sa qualité d'actionnaire de la société Scierie Z... et de caution lourdement engagée ; que son préjudice doit être évalué à 1.000.000 Frs.

Par conclusions du 5 mai 2000, la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ALSACE demande à la cour :

- rejeter l'appel,

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner l'appelant en tous les dépens ainsi qu'à la somme de

50.000 Frs par application de l'article 700 du NCPC.

Le CREDIT AGRICOLE expose qu'il s'approprie les motifs des premiers juges conformément aux dispositions de l'article 954 alinéa 2 du NCPC ; que M. Z... affirme une nouvelle fois qu'il n'aurait jamais eu l'intention de cautionner le découvert du compte 48 144 681.010 alors qu'en sa qualité de dirigeant de la Scierie Z..., il connaissait parfaitement les modalités de fonctionnement de la ligne de financement des approvisionnements de la société Z... et qu'il a

toujours été caution personnelle du découvert en compte de la Scierie Z..., ainsi que cela résulte des courriers adressés par le CREDIT AGRICOLE à KLEBER AUDIT ; qu'il n'est pas sérieux pour M. Z... de faire plaider l'ignorance ou l'incompréhension alors qu'il savait parfaitement qu'en pratique, la ligne de financement des approvisionnements bois de la Scierie Z... n'était essentiellement utilisée que sous forme de découvert en compte au moment où il s'est engagé comme caution et qu'il résulte de ses nombreux courriers de 1993 qu'il a régulièrement refusé à la Scierie Z... de souscrire des cautions bois, au motif qu'elle avait d'ores et déjà consommé l'intégralité de l'autorisation de crédit dont elle bénéficiait ; qu'il n'a jamais été question que le plafond de 3.500.000 Frs défini en 1991 et renouvelé en 1992 soit dépassé ;

Il ajoute que les reproches de manoeuvres dolosives sont dénués de tout fondement et que si la mention "en principal plus intérêts, frais et accessoires" a été ajoutée par M. Z..., quelques temps après la signature de l'acte, les actes soumis à la signature de M. Z..., notamment l'engagement de caution litigieux, comportaient bien, dès l'origine, toutes les indications nécessaires, notamment l'intitulé du compte dont le découvert devait être garanti ;

que M. Z... ne démontre pas l'existence d'une disproportion entre son engagement et son patrimoine personnel dès lors qu'il était propriétaire à titre de bien propre de sa maison d'habitation, laquelle a fait l'objet d'une donation partage dans les jours précédant le déclenchement des poursuites à son encontre, de telle sorte que le CREDIT AGRICOLE a engagé une action paulienne ; que par ailleurs, en sa qualité de dirigeant de la Scierie Z..., c'est en toute connaissance de cause qu'il a pris les engagements qu'il a cru devoir prendre.

En réponse à l'action en responsabilité de M. Z..., le CREDIT

AGRICOLE rétorque qu'il n'est pas prouvé qu'il aurait asphyxié l'activité de la Scierie Z... en s'opposant à la résiliation des stocks de bois gagés, car s'agissant d'un gage sur chose fongible, il était loisible à la Scierie Z... d'opérer tous les mouvements de stocks nécessaires à la bonne gestion de son activité, à condition de remplacer les marchandises retirées par des marchandises de même quantité et de même nature, que la dénonciation des concours est intervenue le 4 janvier 1994 après le déclenchement d'une procédure d'alerte et alors que les dirigeants de la Scierie Z... n'étaient pas en mesure de remédier à la situation, et elle était parfaitement justifiée, comme le confirme au demeurant le redressement judiciaire prononcé le 17 janvier 1994 et la liquidation judiciaire qui s'en est suivie.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que :

- par courrier du 18 mars 1992, le CREDIT AGRICOLE a rappelé à la Scierie Z... sarl les nouvelles lignes de crédit mises en place en décembre 1991 pour les sociétés Z... et BLOCH pour un montant total de 17.800.000 Frs dont pour la Scierie Z... Frères, notamment une facilité de caisse de 500.000 Frs et des lignes de caution bois de 3.000.000 Frs, a constaté un dépassement de ces lignes de crédit de 1.484.000 Frs et a consenti un dépassement global des lignes autorisées à hauteur de 1.800.000 Frs jusqu'au 31 mai 1992, mais en attirant l'attention de la société Scierie Z... sur le fait qu'il ne tolérerait pas de dépassement au-delà des 1.800.000 Frs ;

- par courrier du 9 avril 1992, le CREDIT AGRICOLE avisait la société Scierie Z... qu'il n'avait pu payer plusieurs chèques car leur paiement aurait entraîné un dépassement de 2.178.331,15 Frs des

lignes de crédit accordées ;

- par courrier du 10 novembre 1992, le CREDIT AGRICOLE rappelait à la société Scierie Z... qu'elle avait annoncé en septembre 1992 que le compte courant entrerait à nouveau dans son plafond de 500.000 Frs, au plus tard fin octobre 1992, alors qu'au 9 novembre 1992, il présentait un solde débiteur de 2.216.000 Frs et prévenait la société qu'elle ne pouvait continuer à fonctionner ainsi et lui laissait un délai de deux mois pour trouver un autre établissement de crédit et rétablir le plafond de l'autorisation de découvert ;

- par courrier du 10 février 1993, la sàrl Scierie Z... Frères présentait au CREDIT AGRICOLE un projet d'objectif pour l'année 1993 prévoyant notamment une diminution de stock de 6.000.000 Frs et un projet d'investissement sur le site de NIEDERBRONN portant sur 3.015.000 Frs HT ;

- par courrier du 15 février 1993, la même société transmettait au CREDIT AGRICOLE une pétition des membres du personnel se plaignant des virements tardifs des salaires, dont ceux de janvier non encore effectués ;

- par courrier du 16 février 1993, le CREDIT AGRICOLE écrivait à la Scierie Z... Frères dans les termes suivants : "Nous avons accepté le 15 courant de payer les salaires du mois de janvier ainsi qu'un chèque de 90.000 Frs et ceci à titre tout à fait exceptionnel et en dépassement des lignes que nous vous avons accordées et dont je vous rappelle les montants : - facilité de caisse + cautionnement bois 3.500 KF, - mobilisation du poste "client" garanti par cessions Dailly : 5.000 KF, - financement du stock par billet à ordre 4.500 KF. Vous nous avez par ailleurs sollicités pour la mise en place de cautions bois pour un montant de 1.332 KF. Nous ne pouvons donner suite à votre demande... Il est également de votre ressort de gérer votre trésorerie de manière à fonctionner dans les lignes disponibles

et tout particulièrement en agissant sur la vitesse de règlement de vos créances cédées.".

- dans un courrier en réponse du 19 février 1993, la société Scierie Z... Frères indiquait que tous ses problèmes de fonctionnement étaient imposés par le refus de mise en place d'une ligne de cautionnement suffisante qui ne lui permettait pas l'utilisation du crédit fournisseur de 120 à 150 jours et que les causes principales de ses pertes de fonds de roulement provenaient du refus par la B.N.P. d'honorer le paiement d'un accréditif et la dénonciation par la BANQUE POPULAIRE et le C.C.F. de l'ensemble des lignes accordées ; - par courrier du 23 février 1993, le CREDIT AGRICOLE avisait la Scierie Z... Frères qu'il n'entendait pas dépasser ses concours actuels et ne pouvait donner satisfaction à sa demande de 3.291.000 Frs de cautions supplémentaires ;

- par courrier du 5 mars 1993, il précisait qu'il n'avait jamais souhaité devenir le seul banquier de l'entreprise et que le plafond de 3.500.000 Frs de caution et de découvert aurait dû être suffisant s'il avait été accompagné d'un déstockage selon le rythme auquel M. Z... s'était engagé ;

- par courrier du 31 mars 1993, le CREDIT AGRICOLE rappelait à nouveau que les cautionnements bois sollicités "seront effectués dès lors qu'ils s'inscriront dans la ligne "Facilité de caisse + caution bois de 3.500.000 Frs" ;

- par courrier du 27 juillet 1993, le CREDIT AGRICOLE avisait KLEBER AUDIT, commissaire aux comptes de la sàrl Scierie Z... de laon bois de 3.500.000 Frs" ;

- par courrier du 27 juillet 1993, le CREDIT AGRICOLE avisait KLEBER AUDIT, commissaire aux comptes de la sàrl Scierie Z... de la situation des comptes arrêtés au 30 juin 1993 ; Sous le paragraphe 3

de ce courrier, figure notamment la mention : "Facilité de caisse sur compte n 48 144 681 010 et/ou cautions bois : 3.500.000 Frs", et sous le paragraphe 7 concernant les garanties "caution de M. Roger Z... pour la facilité de caisse + prêt n 810 + prêt n 815 + prêt n 816 + caution bois + court terme stocks" ;

- par courrier du 27 décembre 1993 répondant à une demande de M. Roger Z... de mise en place d'un cautionnement bois de 1.700.000 Frs, le CREDIT AGRICOLE rappelait que la société Z... Frères bénéficiait des autorisations ci-dessous : - ligne de découvert/cautionnement bois

3.500.000 Frs - ligne de mobilisation Dailly sous forme de découvert

5.000.000 Frs - court terme s/stock sous forme de billet à ordre

4.500.000 Frs - crédits à moyen terme sur stocks

3.185.891 Frs

soit au total :

16.185.891 Frs et que tous ces concours de trésorerie étaient utilisés en totalité, sauf la ligne de mobilisation Dailly ;

Le CREDIT AGRICOLE concluait qu'un second banquier devait être trouvé par les soins de la société ;

- que dans son courrier du 6 janvier 1994, la société Scierie Z...

Frères rappelait les autorisations en place et mentionnait notamment : "Ligne de découvert/cautionnement bois 3.500.000 Frs" ;

- que par lettre du 4 janvier 1994, le CREDIT AGRICOLE dénonçait l'ensemble des concours consentis à la société Scierie Z... Frères au vu d'une perte de 3.500.000 Frs sur l'exercice arrêté au 30 juin 1996, d'une procédure d'alerte engagée par le commissaire aux comptes, de l'impossibilité de reconstituer les fonds propres et des difficultés rencontrées pour trouver d'autres partenaires bancaires ; Attendu que par jugement du 17 janvier 1994, le tribunal de grande instance de STRASBOURG a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à la suite d'une déclaration de cessation de paiement ;

que le CREDIT AGRICOLE a déclaré sa créance qui a été admise à titre privilégié pour la somme de 8.302.635,28 Frs, et à titre chirographaire pour la somme de 4.827.880,82 Frs ;

Attendu que c'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'examiner les moyens développés par M. Z..., à la fois sur la nullité de son engagement de caution et sur la responsabilité de la banque ;

Attendu que s'agissant d'abord de la validité de l'engagement de caution du 26 mars 1993 portant sur le solde débiteur du compte courant de la sàrl Scierie Z... Frères, il convient d'observer que, le même jour, le CREDIT AGRICOLE a signé une convention de garantie ou de caution bancaire et M. Roger Z... un engagement de caution à hauteur de 3.500.000 Frs, par lequel il s'engageait à garantir à la banque le remboursement immédiat des sommes qu'elle pourrait être amenée à débourser en qualité de caution du débiteur, ainsi qu'un deuxième engagement de caution de la Scierie Z... Frères envers le CREDIT AGRICOLE à concurrence de 3.500.000 Frs représentant le solde

débiteur de son compte n 48 144 681 010;

Attendu que les explications de M. Z... selon lesquelles en signant l'acte concernant le compte courant, il pensait qu'il s'agissait d'une confirmation de l'acte précédent parce que le montant sur lequel il portait était le même et que la mention manuscrite était identique, ne sont pas crédibles car aussi bien la présentation d'ensemble que le texte des deux actes sont très visiblement différents ; que, de plus, M. Z..., en sa qualité d'homme d'affaires avisé, dirigeant de deux sociétés, discutant âprement avec la banque pour contester sa politique à l'égard de ses entreprises (ainsi qu'il résulte des correspondances produites), ne peut sérieusement prétendre qu'il a cru que les deux actes sur lesquels il a apposé la mention manuscrite ne concernaient que le seul cautionnement bois, ce qui est absurde et contraire à toute pratique habituelle ;

Attendu au contraire que la signature, le même jour, des deux actes de cautionnement, l'un garantissant la banque du remboursement des sommes payées par elle en exécution de sa propre caution et l'autre garantissant le découvert en compte courant, est parfaitement conforme aux exigences et à la pratique du CREDIT AGRICOLE envers la sàrl Scierie Z... Frères, telles qu'elles ressortent de ses correspondances tant antérieures que postérieures à la signature des deux actes;

qu'en effet, il est constant qu'avant le 26 mars 1993, M. Z... cautionnait le découvert en compte à hauteur de 500.000 Frs, la caution bois portant quant à elle sur 3.000.000 Frs ; or, il résulte du courrier du CREDIT AGRICOLE du 10 novembre 1992 que la Scierie Z... avait largement dépassé le découvert autorisé puisqu'il atteignait 2.216.000 Frs et qu'elle devait impérativement résorber le découvert dans un délai de deux mois en trouvant une autre banque ;

que M. Z... n'ayant jamais trouvé un autre établissement financier

et n'arrivant manifestement pas à respecter le maximum de 500.000 Frs autorisé sur le compte (cf. lettre du CREDIT AGRICOLE du 16 février 1993), il était logique que le CREDIT AGRICOLE lui demande de cautionner le compte courant à hauteur de 3.500.000 Frs, tout en augmentant l'autorisation de découvert en compte à ce montant ;

que d'autre part, il résulte de manière indiscutable des correspondances citées ci-dessus que le CREDIT AGRICOLE n'a jamais accepté de cumuler le cautionnement bois consenti par elle et l'autorisation de découvert en compte puisqu'avant le 26 mars 1967, le découvert autorisé sur le compte et la caution bois représentait un total de 3.500.000 Frs et qu'après cette date, le CREDIT AGRICOLE, en énumérant les lignes de crédit autorisées, a toujours maintenu l'enveloppe de 3.500.000 Frs pour ce qu'il appelait la "ligne de découvert/cautionnement" (cf courrier du 27 décembre 1993 du CREDIT AGRICOLE) ou la "facilité de caisse sur compte n 48 144 681 010 et/ou cautions bois" (cf. courrier du 27 juillet 1993 CREDIT AGRICOLE à KLEBER AUDIT" ;

que bien plus, dans son courrier du 31 mars 1993, postérieur de quelques jours seulement au cautionnement litigieux, la banque prévenait, on ne peut plus clairement, M. Z... que les cautionnements bois n'étaient accordés que s'ils ne dépassaient pas la ligne "Facilité de caisse + cautionnement bois de 3.500.000 Frs"; Attendu qu'il s'en suit que dès lors que la Scierie Z... pouvait utiliser alternativement la caution-bois ou le découvert en compte pour ses achats de bois dans la limite de 3.500.000 Frs, il était cohérent pour la banque de demander à M. Z... de cautionner à la fois sa caution bois et le découvert à hauteur de 3.500.000 Frs pour pouvoir mettre en oeuvre sa garantie indifféremment dans l'un et l'autre cas ; qu'en procédant ainsi, le CREDIT AGRICOLE n'a nullement

aggravé la situation de M. Z... qui, quoiqu'il en soit de l'utilisation de cette ligne de crédit alternative, n'a jamais été engagé au-delà de 3.500.000 Frs ; que cet élément, contesté par M. Z... pour les besoins de la cause, est d'ailleurs tellement indiscutable que par les nombreux courriers précités, le CREDIT AGRICOLE a régulièrement refusé d'accéder aux demande de M. Z... de dépasser cette ligne de crédit en accordant des cautions de bois supplémentaires et lui a signifié très clairement qu'il lui appartenait de gérer sa trésorerie de façon à ne pas dépasser cette ligne ou de trouver d'autres financements ;

Attendu que M. Z... ne peut d'ailleurs faire croire qu'il était prêt à sous-cautionner les cautions bois de la banque jusqu'à hauteur de 6.500.000 Frs parce que ce mécanisme était particulièrement peu risqué pour lui, dès lors qu'il avait pour contrepartie les marchandises achetées (cf. page 5 de ses conclusions du 19 janvier 2001), alors qu'il a admis par ailleurs que sa société avait des problèmes de fonds de roulement depuis la défection de ses trois autres banques (BNP, CCF et BANQUE POPULAIRE), ce dont il résulte que si le CREDIT AGRICOLE avait été amené à exécuter sa caution par manque de trésorerie de la Scierie Z..., M. Z... aurait été engagé à payer de la même manière que pour le cautionnement du découvert et à des taux d'intérêts sensiblement identiques au vu des stipulations de l'acte de caution bancaire ;

Attendu qu'il apparaît, dans ces conditions, indiscutable que M. Z... n'a été victime d'aucun dol de la part des services du CREDIT AGRICOLE et qu'il a, en connaissance de cause, accepté de cautionner le découvert du compte de sa société;

Attendu que la discussion sur les différents rajouts sur l'acte litigieux imputés au CREDIT AGRICOLE par M. Z... apparaît, dans ces conditions, dénuée d'intérêt ;

qu'en premier lieu, même en admettant que le numéro du compte et le taux d'intérêt n'aient été ajoutés qu'après signature de l'acte par M. Z..., cette omission ne pouvait entraîner aucune confusion dans l'esprit de M. Z..., dès lors que le texte pré-imprimé de l'acte visait "le solde débiteur de son compte n ..." et que la caution déclarait "s'engager à régulariser ledit compte" et "dispenser la Caisse Régionale de l'informer de la situation du compte débiteur", termes sans équivoque sur l'objet de l'engagement ;

que s'agissant en second lieu du rajout "en principal, plus intérêts, frais et accessoires" dans la mention manuscrite, la cour estime qu'il est inutile de recourir à une expertise en écritures parce que l'examen de ce rajout permet de dire avec certitude qu'il est de la même main que la mention "cautionnement solidaire de la somme de trois millions cinq cent mille francs", les voyelles "a" et "o" étant écrites à l'identique (en présentant une boucle caractéristique), de même que les consonnes "n", "f", "s", et "t" ; que d'autre part, la même mention sur l'acte non daté cautionnant le solde débiteur à hauteur de 500.000 Frs qui porte à la fois sur le capital, les intérêts, frais et accessoires, est d'une ressemblance frappante pour toutes les lettres, sauf pour les "p" qui sont ouverts dans ce dernier acte, alors que la boucle de cette consonne est plus fermée dans l'acte litigieux ;

qu'au demeurant, il faut noter que le CREDIT AGRICOLE ne réclame pas les intérêts, frais et accessoires dans la présente procédure, puisqu'il n'a demandé et obtenu que les intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure de payer, en vertu de l'article 1153 du Code civil, et non les intérêts conventionnels;

Attendu en conséquence que pour ces motifs et ceux du premier juge, il y a lieu de déclarer valable l'engagement de caution de M. Roger Z... garantissant le paiement du solde débiteur du compte courant à

concurrence de 3.500.000 Frs.

Attendu qu'en ce qui concerne le moyen tenant à la disproportion de l'engagement de caution par rapport aux revenus de M. Z... et à son patrimoine immobilier, il faut observer d'emblée que l'engagement litigieux porte sur une dette professionnelle et n'est pas soumis aux dispositions du Code de la consommation qui seul, sanctionne une telle disproportion ; que de plus, celle-ci n'est nullement démontrée puisqu'il résulte des développements qui précèdent que le double cautionnement du 26 mars 1993 ne se cumulait pas et que M. Z... n'est engagé qu'à concurrence de 3.500.000 Frs à la fois pour la caution bois et pour le découvert en compte courant ; qu'affirmer, comme il le fait, en page 9 de ses conclusions, qu'il s'est engagé à hauteur de 10.500.000 Frs pour la caution bois et le compte courant ne correspond à aucune réalité, puisque, faut-il le répéter, le CREDIT AGRICOLE a refusé fermement, après la signature des actes litigieux, de dépasser la ligne de crédit de 3.500.000 Frs à ce titre, ce qui démontre que la banque n'a jamais entendu engager la caution au-delà de ce montant ; que de plus, aucun des deux actes signés par M. Z..., le 26 mars 1993, ne prévoit que ce cautionnement se cumule avec un précédent cautionnement ;

que ce moyen sera donc écarté, étant observé qu'on ne saurait reprocher la moindre faute au CREDIT AGRICOLE à ce sujet, dans la mesure où les cautionnements étaient demandés au dirigeant de l'entreprise et n'étaient nullement excessifs par rapport aux lignes de crédit accordées par ailleurs par la banque à cette société qui était à responsabilité limitée ;

Attendu que s'agissant de la demande reconventionnelle de M. Z... qui estime le CREDIT AGRICOLE responsable de la déconfiture de la société SCIERIE Z... Frères, il convient encore de se référer aux nombreux courriers versés aux débats dont il ressort que la banque a,

dès le 18 mars 1992, prévenu fermement M. Z... qu'elle n'entendait pas dépasser les différentes lignes de crédit accordées à la société et qu'elle accordait très exceptionnellement jusqu'au 31 mai 1992 un dépassement au-delà duquel elle n'irait plus, menaces qu'elle a exécutées en rejetant des chèques en avril 1993 ;

que M. Roger Z... critiquait régulièrement cette attitude et cherchait à obtenir de nouveaux crédits de la banque par de nombreuses lettres de relance auxquelles le CREDIT AGRICOLE a toujours apporté une réponse négative en invitant M. Z... à prendre des mesures d'assainissement et à chercher d'autres partenaires financiers ; qu'il faut relever à ce sujet, que, dans son courrier du 10 février 1993, M. Z... s'est engagé à procéder au déstockage à hauteur de six millions de francs et qu'il n'apparaît pas qu'il ait procédé à cette mesure ; que le CREDIT AGRICOLE l'a également invité à activer le recouvrement des créances Dailly ; qu'à ce sujet, il faut relever que les conventions de cessions de créances par bordereau Dailly prévoient habituellement que c'est le débiteur et non le banquier qui est chargé du recouvrement des créances cédées et que M. Z... ne démontre pas, dans ces conditions, que la banque devait procéder elle-même au recouvrement des créances et aurait donc négligé de le faire ;

Attendu qu'il résulte encore de ce qui précède que le CREDIT AGRICOLE a eu un comportement parfaitement clair en refusant toutes les demandes de M. Z... de dépassement de crédit par l'octroi de nouvelles cautions bois et qu'on ne saurait lui imputer à faute son attitude, d'autant que sa créance a été admise définitivement pour un montant total de 13.130.516 Frs ; qu'un organisme de crédit ne saurait en effet être tenu d'augmenter indéfiniment son crédit à une entreprise (au risque d'être poursuivi ensuite pour fourniture abusive de crédit) et que sa responsabilité ne pourrait

éventuellement être engagée que s'il avait fait des promesses de crédit non tenues ;

que de plus, le CREDIT AGRICOLE a régulièrement invité M. Z... à trouver d'autres banques pour financer son entreprise et celui-ci a admis, dans son courrier du 19 février 1993, que ses pertes de fonds de roulement provenaient de la défection des autres banques avec lesquelles il travaillait, défection qui ne peut être reprochée au CREDIT AGRICOLE ;

qu'il n'est pas inutile d'observer par ailleurs que M. Z..., qui rend volontiers le CREDIT AGRICOLE responsable de toutes les difficultés connues par son entreprise, envisageait, dans sa lettre du 10 février 1993, un nouvel investissement de 3.015.000 Frs HT sur le site de NIEDERBRONN à financer par CREDIT BAIL (1.845.000 Frs), prêt bancaire (600.000 Frs) et auto-financement (570.000 Frs) alors que le 15 février 1993, soit 5 jours plus tard, ses salariés faisaient une pétition parce qu'à cette date, leurs salaires de janvier n'étaient pas encore payés et que, le 16 février 1993, le CREDIT AGRICOLE l'informait que ces salaires avaient exceptionnellement été payés par lui, malgré le dépassement des lignes de crédit ; qu'à la lumière de ces éléments, il est permis de douter du caractère rigoureux de la gestion de ses affaires par M. Z... ;

Attendu qu'en ce qui concerne la rupture des crédits avec effet immédiat annoncée par le CREDIT AGRICOLE, dans sa lettre recommandée avec avis de réception du 4 janvier 1994, il faut constater que si la banque n'a pas respecté le délai de préavis de l'article 60-1 de la loi du 24 janvier 1984, devenu l'article 313-12 du Code monétaire et financier, ce texte permet néanmoins la rupture du crédit sans respecter un tel délai au cas où la situation du bénéficiaire du crédit "s'avérerait irrémédiablement compromise" ;

qu'en l'espèce, il est indéniable que le CREDIT AGRICOLE était fondé à mettre fin, avec effet immédiat, à ses concours dès lors que le commissaire aux comptes venait de déclencher la procédure d'alerte, que le dernier exercice faisait apparaître un perte de plus de 3,5 millions de francs, que les fonds propres ne pouvaient être reconstitués et que M. Z... n'avait pu trouver d'autres partenaires bancaires ;

que ces éléments caractérisaient bien une situation irrémédiablement compromise qui s'est vérifiée dès lors que la société Scierie Z... Frères, admise au bénéfice du redressement judiciaire dès le 17 janvier 1994, a été mise en liquidation de biens par la suite ;

Attendu qu'à ce sujet, M. Z... reproche également au CREDIT AGRICOLE d'avoir refusé de donner suite à la lettre de Maître RAEIS, administrateur judiciaire, du 26 janvier 1994, lui demandant de pouvoir utiliser le stock faisant l'objet d'un droit de gage au profit de cette banque ; que bien que le tribunal ait constaté que, le gage portant sur une chose fongible, il était loisible à la Scierie Z... d'opérer tous les mouvements de stocks nécessaires à la bonne gestion de son activité, à condition de remplacer les marchandises retirées par des marchandises de même quantité et de même nature, M. Z... a repris ce moyen en appel, ce qui veut dire qu'il reproche au CREDIT AGRICOLE de ne pas avoir renoncé à son gage pour permettre le redressement de l'entreprise, alors que, comme l'ont indiqué à juste titre les premiers juges, le CREDIT AGRICOLE n'avait aucune raison d'accepter une diminution de sa garantie tant que ses concours n'étaient pas remboursés, et qu'on ne peut donc considérer qu'il a commis une faute ; qu'au contraire, le courrier de Maître RAEIS démontre que le redressement de l'entreprise n'était possible que si la banque renonçait à son gage, malgré l'importance

de sa créance, et au risque de se voir opposer les dispositions de l'article 2037 du Code civil par les cautions ;

Attendu que par ailleurs, le bilan économique et social de Maître RAEIS, du 31 mars 1994, s'il relève que la rupture des concours par le CREDIT AGRICOLE a paralysé le fonctionnement de la société débitrice, constate également que les encours de cette société vis-à-vis de la banque étaient à la date de la résiliation, d'un total de 12.406.406 Frs et que le "résultat financier est fortement négatif, situation significative d'une sous-capitalisation et d'un recours systématique aux concours bancaires" et ajoute qu'il "convient de relever un mauvais suivi de la clientèle, respectivement de sa qualité", la société Z... devant faire face à de nombreux impayés auxquels s'ajoutait une conjoncture économique défavorable ; que Maître RAIES a encore constaté, dans son rapport, que le passif bancaire représentait 83 % de l'ensemble des dettes (étant observé que le CREDIT AGRICOLE est de très loin le plus gros créancier) et a relevé la faiblesse des comptes courants créditeurs des principaux associés de la société ;

Attendu qu'il ressort de ce qui précède que la gestion par M. Z... de la société Scierie Z... Frères a rendu celle-ci totalement dépendante des concours bancaires, que malgré le maintien de ces concours par le CREDIT AGRICOLE, lorsqu'il s'est retrouvé seul partenaire financier de la société, celle-ci a accusé une perte de plus de 3.500.000 Frs au cours de l'exercice clos en juin 1993 et qu'on ne peut, dans ces conditions, retenir une faute quelconque à l'encontre du CREDIT AGRICOLE qui était fondé à cesser ses concours avec effet immédiat ;

qu'il n'est d'ailleurs nullement démontré que si le CREDIT AGRICOLE avait laissé un délai à la société Z... avant la résiliation de ses

concours, celle-ci aurait pu évité le dépôt de bilan alors qu'elle avait été invitée à plusieurs reprises et en vain, à trouver des financements auprès d'autres banques ;

Attendu en conséquence, que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de M. Z..., aucune faute n'étant démontrée à l'encontre de la banque ;

Attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur du CREDIT AGRICOLE.

PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; CONDAMNE M. Z... aux dépens de l'instance d'appel ; Le CONDAMNE à payer à la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ALSACE, la somme de 8.000 Frs (huit mille francs) (ou 1.219,59 euros) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Et le présent arrêt a été signé par le président et le greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 1999/05419
Date de la décision : 20/06/2001

Analyses

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle - Responsabilité du créancier envers la caution - Cautionnement disproportionné avec les revenus de la caution - /

Le moyen tenant à la disproportion du cautionnement par rapport aux revenus de la caution ne peut être admis dès lors que l'engagement litigieux porte sur une dette professionnelle, dette qui n'est pas soumise aux dispositions du code de la consommation qui seul sanctionne une telle disproportion


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2001-06-20;1999.05419 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award