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20/06/2001 | FRANCE | N°1998/05078

France | France, Cour d'appel de colmar, 20 juin 2001, 1998/05078


MLG/Da PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section B RG N 1 B 199805078 Minute N 1M596/2001 Expédition à : Maîtres CAHN etamp; associés Maîtres WELSCHINGER etamp; associés Le 20.06.2001 Le greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 20 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES X... ET DU DELIBERE Mme GOYET, président de chambre, Mme MAILLARD, conseiller, Mme MAZARIN, conseiller. GREFFIER AD HOC PRESENT LORS DES X... :

Mlle BARSCH GREFFIER PRESENT AU Y... :

Mme ARMSPACH-SENGLE X... à l'audience publique du

11/04/2001 ARRET CONTRADICTOIRE du 20/06/2001 prononcé publiquement par le président. NATURE D...

MLG/Da PREMIERE CHAMBRE CIVILE Section B RG N 1 B 199805078 Minute N 1M596/2001 Expédition à : Maîtres CAHN etamp; associés Maîtres WELSCHINGER etamp; associés Le 20.06.2001 Le greffier

république française

au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE COLMAR

ARRET DU 20 JUIN 2001 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES X... ET DU DELIBERE Mme GOYET, président de chambre, Mme MAILLARD, conseiller, Mme MAZARIN, conseiller. GREFFIER AD HOC PRESENT LORS DES X... :

Mlle BARSCH GREFFIER PRESENT AU Y... :

Mme ARMSPACH-SENGLE X... à l'audience publique du 11/04/2001 ARRET CONTRADICTOIRE du 20/06/2001 prononcé publiquement par le président. NATURE DE L'AFFAIRE : 539 Autres demandes relatives au cautionnement. APPELANTE et défenderesse : SA CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE (CIAL) ayant son siège social 31 rue Wenger Valentin 67000 STRASBOURG représentée par son représentant légal représentée par Maîtres CAHN etamp; associés, avocats à la cour INTIME et demandeur : Monsieur Jean-Jacques Z... ...; associés, avocats à la cour Plaidant : Maître Olivia LACOURIE-DENIS, avocat à PARIS.

Par acte sous seing privé en date du 30 décembre 1994, le CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE a consenti à la société VILLA MEDICA, un prêt d'un montant de 1.500.000 Frs remboursable en 60 mensualités et destiné à financer l'acquisition de matériel médical et chirurgical. Le remboursement de ce prêt était garanti par :

- le cautionnement hypothécaire consenti suivant acte authentique du 30 décembre 1994 par le docteur Jean-Jacques Z... à hauteur de

1.000.000 Frs, intérêts, frais et accessoires en sus, sur les biens

immobiliers lui appartenant sis 11, rue du Forst à BRUNSTATT (Haut- Rhin) ;

- le nantissement au premier rang du fonds de commerce de la société VILLA MEDICA à hauteur de 1.500.000 Frs ;

- le nantissement du matériel financé ;

- la cession au profit du CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE

LORRAINE de la réserve de propriété du fournisseur du matériel.

Par jugement du tribunal de commerce de PARIS, la société VILLA MEDICA a été déclarée en liquidation de biens.

M. Jean-Jacques Z..., n'ayant pas exécuté son engagement de caution, le CIAL a intenté une procédure d'exécution forcée des biens hypothéqués à son profit, et par ordonnance du 8 novembre 1996, confirmée en appel, le tribunal d'instance a ordonné l'adjudication forcée de ces biens.

Par exploit du 27 décembre 1996, M. Jean-Jacques Z... a fait assigner le CIAL devant le tribunal de grande instance de MULHOUSE aux fins d'être déchargé de la caution au profit du CIAL et de voir déclarer nul et de nul effet le commandement de payer qui lui a été signifié le 23 octobre 1996 à la requête du CIAL, ainsi que tous les actes subséquents, et condamner le CIAL aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 Frs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il reprochait au CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE d'avoir rendu le nantissement des matériels inefficace en ne vérifiant pas la réalité de la livraison et l'existence de l'état du matériel et d'avoir poursuivi abusivement pendant plusieurs mois le contrat de prêt alors que la banque pouvait exiger le remboursement immédiat du prêt dès le premier impayé et revendiquer le matériel dès le mois de

février 1995 en mettant en jeu la clause de réserve de propriété.

Le CIAL s'est opposé à la demande en faisant valoir notamment que, le fournisseur, en renonçant au bénéfice de sa réserve de propriété a transféré l'entière propriété des matériels vendus à la société VILLA MEDICA, la réserve de propriété devenant sans cause par l'effet du paiement et que la banque ne pouvait, en sa qualité de créancier nanti, être bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété et ne pouvait donc exercer une action en revendication.

Par jugement du 11 septembre 1998, le tribunal de grande instance de MULHOUSE a :

- déclaré la demande recevable,

- déchargé le docteur Z... de la caution consentie au profit du

CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE au titre des

engagements de la société VILLA MEDICA,

- déclaré nul le commandement de payer signifié le 23 octobre 1996

à la requête du CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE,

- débouté le docteur Z... de sa demande au titre de l'article 700

du NCPC

- condamné le CREDIT INDUSTRIEL D'ALSACE ET DE LORRAINE aux

dépens.

Le tribunal a considéré qu'aucune autorité de chose jugée n'était opposable à M. Z... et qu'on pouvait reprocher au CIAL de ne pas avoir exercé, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société VILLA MEDICA, l'action en revendication prévue par les articles 115 et suivants de la loi du 25 janvier 1985, qui lui aurait permis de récupérer une partie au moins du matériel existant à ce moment et répertorié, et de ne pas s'être assuré de l'efficacité de

son droit en vérifiant la réalité de la livraison, car aucun élément du dossier n'établissait la livraison intégrale ; que le docteur Z..., en sa qualité de directeur médical du Centre "VILLA MEDICA" ne pouvait engager les démarches nécessaires pour remédier aux carences constatées et que la perte du droit préférentiel procédait de la faute exclusive de la banque, entraînant l'application de l'article 2037 du Code civil.

Par déclaration reçue au greffe le 7 octobre 1998, le

CIAL a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Dans ses ultimes conclusions du 6 février 2001, le CIAL demande à la cour de :

- recevoir l'appel,

- infirmer le jugement entrepris,

- débouter M. Z... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. Z... aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'au

versement d'un montant de 10.000 Frs par application de l'article 700

du NCPC pour chacune des deux instances.

Il fait valoir en substance :

- que M. Z... ne peut plus invoquer l'article 2037 du Code civil notamment après l'arrêt du 4 juillet 1997 par lequel la cour, en

matière d'exécution forcée, a dit n'y avoir lieu à sursis de la procédure d'exécution forcée, arrêt devenu définitif ; que la cour a rejeté les arguments de fond présentés par M. Z... qui contestait la réalité des montants dus et que les conditions édictées par l'article 1351 du Code civil, à savoir identité de cause, d'objet et de partie sont remplies ;

- que le fournisseur du matériel, la société TECHNIQUES MEDICALES, ne peut lui avoir transmis la clause de réserve de propriété alors qu'il résulte de la facture de cette société, du 1er décembre 1994, que celle-ci a été acquittée dans son intégralité le 30 décembre 1994 ;

- que lorsqu'il a été approché par la société VILLA MEDICA pour obtenir un financement destiné à régler le solde de la facture de 1,5 million, il a exigé un nantissement du matériel acquis, et puisqu'il n'entendait pas que sa garantie puisse entrer en concurrence avec la réserve de propriété du fournisseur, il a demandé une renonciation dudit fournisseur au bénéfice de la clause de réserve de propriété et que le fournisseur, informé par sa cliente des modalités du prêt du CIAL, a accepté aussitôt après l'octroi du crédit du 30 décembre 1994 d'apposer la renonciation à la réserve de propriété sur la facture elle-même, et l'acquit à hauteur de 2.412.836,67 Frs, mention qui fait foi du paiement intégral de la facture ;

- que dès lors, il y a bien eu renonciation à la réserve de propriété par le fournisseur rendant la vente parfaite entre les parties et la propriété du matériel objet de la facture du 1er décembre 1994 a été acquise de plein droit à l'acquéreur, la société VILLA MEDICA, conformément à l'article 1583 du Code civil, ce qui lui a permis de constituer valablement le nantissement du matériel au profit du CIAL, nantissement inscrit le 10 janvier 1995 au greffe du tribunal de commerce de PARIS et constitué sur l'intégralité des matériels financés ainsi qu'il est démontré par le bordereau d'inscription qui

n'excepte aucun des matériels financés ;

- qu'en vertu de l'article 2 du contrat de prêt, le CIAL n'avait pas à vérifier la livraison du matériel puisqu'il y est prévu que la somme prêtée sera mise à la disposition de l'emprunteur sur demande de ce dernier, en une seule fois, pour le montant global du crédit, au moyen d'un virement effectué par le CIAL sur le compte courant de l'emprunteur ouvert sur ses livres ; que l'emprunteur était seul en mesure de s'assurer de l'intégralité et de la conformité de la livraison des matériels médicaux et, en conséquence, de l'opportunité du règlement aux fournisseurs et que le docteur Z... a admis que les parties avaient convenu de déléguer à l'emprunteur le règlement aux fournisseurs et partant, le soin de vérifier la conformité de la livraison ;

- que la banque n'a pas compromis le recours de la caution contre le débiteur principal puisque sa créance privilégiée a bien été proposée à l'admission au passif de la SA VILLA MEDICA pour le montant déclaré par le CIAL, soit 1.582.332,24 Frs ; que si la société VILLA MEDICA avait accepté de régler le prix total, c'est également la démonstration qu'elle avait reçu livraison du matériel et le CIAL n'était pas tenu de vérifier la livraison intégrale du matériel ;

- que M. Z... ne peut prétendre avoir fait du contrôle de la livraison des matériels la cause impulsive et déterminante de son engagement dès lors que l'acte de prêt, d'une part, et l'acte par lequel il a affecté hypothécairement son immeuble, d'autre part, stipulent que l'obligation du prêteur est de tenir les fonds à disposition au compte courant de la société VILLA MEDICA ; que d'ailleurs, ni le débiteur, ni M. Z... n'ont informé la banque d'un éventuel défaut de livraison qui ne peut être établi par les constatations du commissaire priseur, cet inventaire ne permettant pas de remettre en cause la livraison intervenue la première semaine

de décembre 1994 ;

- qu'à titre subsidiaire, le docteur Z... avait des relations suivies avec la société VILLA MEDICA ainsi que l'attestent les chèques émis par lui à son ordre et qu'il y avait des intérêts manifestes dans la société au jour de la livraison et qu'il n'aurait pas engagé son patrimoine si le matériel n'avait pas été livré ; que la plainte déposée par lui contre M. A... le 30 septembre 1996 démontre que le docteur Z... s'est aperçu d'une livraison incomplète et qu'il a appris, de plus, que le fournisseur avait récupéré une partie du matériel, mais qu'il n'a jamais alerté le CIAL de ses constatations ; qu'ainsi, la perte du droit allégué procède de la faute du débiteur principal et de la caution ;

- que la preuve du soutien abusif n'est pas rapportée car le soutien de la banque venait en relais d'encaissement et d'une augmentation de capital par les actionnaires (lettre du PDG Monsieur NOIROT du 17 février 1995) ; que par ailleurs, si la banque n'avait pas accompagné par son concours de trésorerie cette jeune société dans son projet de lancement de la clinique, jusqu'à ce qu'elle perçoive les apports promis par le P.D.G., ainsi que les premières recettes d'exploitation, le crédit que M. Z... garantissait aurait tout aussi rapidement été impayé, ce qui aurait eu pour conséquence de rendre exigible les montants ainsi prêtés ;

- que M. Z... a été régulièrement tenu informé par le CIAL des difficultés de l'entreprise et qu'il n'a pas demandé au CIAL d'engager l'action résolutoire, qu'il a, au contraire, tenté lui-même de soutenir la société ; que le CIAL pouvait exercer l'action en revendication car la condition de l'affectation du matériel médical en nantissement excluait la condition de la cession au CIAL de la réserve de propriété qui devait être entendue comme une renonciation par le fournisseur à sa réserve de propriété.

Par conclusions récapitulatives du 25 septembre 2000, M. Jean-Jacques Z... demande à la cour de :

* confirmer le jugement en ses dispositions non contraires aux présentes

* recevoir le docteur Z... en son appel incident et infirmer partiellement

le jugement,

Statuant à nouveau,

* condamner le CIAL à payer au docteur Z... la somme de 20.000 Frs sur le fondement de l'article 700 du NCPC au titre de la procédure de

première instance,

* condamner le CIAL à payer au docteur Z... la somme de 10.000 Frs sur le fondement de l'article 700 du NCPC au titre de la procédure

d'appel,

* condamner le CIAL aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il soutient pour l'essentiel :

- qu'il connaissait de longue date M. Gérard A..., dirigeant de fait de la SA VILLA MEDICA ayant pour objet l'exploitation d'un centre médico-chirurgical d'esthétique à PARIS, et a accepté d'exercer les fonctions de directeur médical du centre, par convention du 12 décembre 1994, mais n'avait aucune responsabilité dans la gestion de la société, étant seulement chargé d'assurer la bonne marche de la clinique au titre de ses activités médicales et de coordonner les actes médicaux ; que sa fonction ne le rendait nullement responsable de la commande et de la livraison du matériel chirurgical commandé par la société et partiellement financé par le

CIAL, car ce matériel, qui concernait essentiellement les blocs opératoires, avait été déjà commandé et réceptionné par le docteur B..., anesthésiste ;

- qu'il a accepté de se porter caution hypothécaire du prêt de 1.500.000 Frs consenti par le CIAL à la SA VILLA MEDICA à hauteur de 1.000.000 Frs, que le fournisseur a renoncé au profit du CIAL à exercer ses droits résultant de la réserve de propriété du matériel en lui cédant la clause de réserve de propriété dont il bénéficiait, et que le CIAL a également bénéficié d'un nantissement sur le fonds de commerce et sur le matériel financé ;

- que la cour d'appel de COLMAR ne s'étant pas prononcée sur le fond du litige, son arrêt du 4 juillet 1997 ne peut lui interdire d'invoquer l'article 2037 du Code civil ;

- qu'il est en droit d'invoquer ce texte car le CIAL a rendu le nantissement des matériels inefficace pour n'avoir pas veillé ni à l'affectation des fonds prêtés, ni à la livraison du matériel financé et son existence dans les locaux de la société VILLA MEDICA, privant ainsi le nantissement de toute efficacité, et n'a pas, dès le premier impayé, revendiqué le matériel ; qu'il n'a pas davantage, à la suite du jugement de liquidation judiciaire, mis en jeu la clause de réserve de propriété ;

- que le CIAL n'a pas cherché à vérifier l'utilisation de la somme prêtée, alors que le fournisseur a acquitté la facture globale le 30 décembre 1994 et qu'à cette date, le fournisseur ne pouvait avoir été réglé puisque le prêt était du 30 décembre 1994 et que les fonds n'avaient pas encore été mis à la disposition de l'emprunteur ;

- que la facture acquittée par le fournisseur et la renonciation expresse de ce dernier à la réserve de propriété n'étaient pas des documents suffisants pour établir la livraison du matériel en sa totalité et pour que la prise de nantissement produise un effet

quelconque, il était indispensable que la banque s'assure que le matériel avait bien été livré, alors que c'était au créancier nanti et non à l'emprunteur de s'assurer de la bonne livraison du matériel pour rendre efficace le nantissement; que le CIAL ne s'est pas davantage assuré de la pose de la plaque prévue à l'article 4 de la loi du 18 janvier 1951 ;

- qu'il est établi par l'inventaire du matériel et du mobilier effectué dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société VILLA MEDICA, que du matériel financé par le CIAL n'a jamais été livré et que certains matériels avaient disparu;

- que le CIAL est dans l'incapacité totale de prouver que tout le matériel avait bien été livré en décembre 1994 et qu'il n'appartenait pas au liquidateur d'engager les actions utiles pour reconstituer l'actif de la débitrice, puisque le CIAL bénéficiait d'une clause de réserve de propriété ;

- que lui-même ne s'est engagé en qualité de caution que dans la mesure où le contrat de prêt prévoit à l'article II que l'emprunteur ne pourra exiger l'utilisation du crédit qu'après la signature du contrat et après constitution régulière des garanties prévues, et que si le créancier nanti ne devait pas vérifier proprement dit le matériel livré, il devait vérifier la réalité de la livraison ;

- qu'il serait na'f de croire qu'il appartenait à la société VILLA MEDICA de dénoncer un éventuel défaut de livraison au CIAL, alors que les agissements frauduleux du dirigeant de fait de la société VILLA MEDICA ont été amplement démontrés ; qu'en ce qui le concerne lui-même, si ses fonctions lui avaient permis de pouvoir vérifier la réalité et la conformité de la livraison du matériel, il n'aurait certainement pas manqué de le faire en sa qualité de co-obligé solidaire ;

- que le CIAL a soutenu abusivement l'emprunteur car il a fait preuve

d'une très grave négligence dans le contrôle des découverts de la société VILLA MEDICA et il est à l'origine de l'aggravation de ce découvert passé de 1.294.650 Frs le 12 janvier 1995 à 2.392.183,50 Frs le 1er mars 1995, de sorte que les échéances du crédit ne pouvaient être payées ; que plutôt que de se contenter d'une promesse de virement de TVA faite par la société VILLA MEDICA, il aurait dû obtenir un abandon par la société VILLA MEDICA de sa créance sur le TRESOR PUBLIC ;

- que bien que l'emprunteur n'ait payé qu'une seule échéance et que son compte courant présentait un solde débiteur très important, le CIAL a poursuivi abusivement pendant plusieurs mois le contrat de prêt, alors qu'il avait la possibilité d'en exiger le remboursement immédiat dès le premier impayé, ce qui était déjà le cas en février 1995, et de mettre en jeu immédiatement la clause de réserve de propriété en revendiquant immédiatement dès le mois de février 1995 l'intégralité du matériel ;

- qu'en aucun cas, la renonciation par le vendeur à la clause de réserve de propriété n'a transféré la propriété du matériel à la société VILLA MEDICA, mais bien au contraire au CIAL ;

- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée car il n'avait aucune responsabilité dans le choix du matériel chirurgical, lequel avait été commandé et réceptionné par le docteur B..., anesthésiste ; que son rôle était de coordonner les actes médicaux, et la réception du matériel chirurgical n'entrait pas dans ses attributions et était en tout état de cause antérieure à la prise d'effet de ses fonctions ;

- que la clause de réserve de propriété est un accessoire de la créance dans le bénéfice duquel la caution se trouve subrogée de plein droit et qu'il peut se prévaloir de l'article 2037 du Code

civil à l'égard du créancier qui a privé le nantissement de toute efficacité, n'a pas exercé en temps utile l'action résolutoire et a négligé de revendiquer dans le délai légal.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont déclaré à bon droit la demande recevable ;

Attendu, au fond, qu'il convient de relever d'emblée que la caution, M. Z..., ne peut à la fois reprocher au CIAL d'avoir privé le nantissement sur le matériel de toute efficacité et de ne pas avoir revendiqué le même matériel, car ces deux garanties ne peuvent s'exercer en même temps : en effet, soit le débiteur principal du CIAL est devenu propriétaire du matériel, condition indispensable pour consentir un nantissement sur celui-ci, soit le CIAL est devenu propriétaire du même matériel, en vertu de la clause de réserve de propriété et il ne peut pas bénéficier d'un nantissement sur le même matériel puisqu'il en est propriétaire ;

Attendu, en réalité, qu'il ressort très clairement des différents documents contractuels et des pièces versées aux débats, que le CIAL ne pouvait juridiquement bénéficier d'une cession de la clause de réserve de propriété, dans la mesure où il n'a consenti qu'un prêt à l'emprunteur, la société VILLA MEDICA, et que c'est la société VILLA MEDICA qui devait payer le prix du matériel acquis, en partie à l'aide de l'emprunt ; or, la clause de réserve de propriété, prévue par l'article 121 de la loi de 1985 devenu l'article L 621-122 du Code de commerce est une garantie exclusivement attachée au paiement du prix de vente puisque ce texte édicte que "peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure (collective), les biens vendus avec une clause de

réserve de propriété subordonnant le transfert de propriété au paiement du prix.".

qu'ainsi, la réserve de propriété constitue exclusivement l'accessoire de la créance du vendeur en lui garantissant le paiement du prix et qu'elle ne peut donc être transmise à titre principal en vue de garantir une autre créance ;

qu'il s'en suit que le vendeur du matériel médical ne pouvait céder la clause de réserve de propriété au CIAL puisque celui-ci ne lui a pas payé le prix de vente du matériel (comme cela aurait été le cas dans le cadre d'un contrat de crédit-bail), ce prix ayant été payé par la société VILLA MEDICA ;

Attendu qu'il résulte d'ailleurs très clairement de la facture du 1er décembre 1994 établie par TECHNIQUES MEDICALES, le fournisseur du matériel, au nom de la SA VILLA MEDICA, que la facture a été "acquittée pour la somme de 2.412.836,67 Frs TTC" le 30 décembre 1994 et qu'à cette même date, Jacques MAGNIER, gérant de la société TECHNIQUES MEDICALES, a déclaré renoncer à la clause de réserve de propriété attachée au matériel installé "VILLA MEDICA" 3, rue Keppler à PARIS ; que dans ces conditions, le vendeur a admis que le prix de vente a été payé et a renoncé expressément à invoquer la clause de propriété, de sorte que le transfert de propriété au profit de l'acquéreur s'est opéré à la date du 30 décembre 1994 et que l'acquéreur, la société VILLA MEDICA, a ainsi pu consentir au CIAL un nantissement sur le matériel vendu et livré au cours de la première semaine de décembre 1994, selon la mention figurant au contrat de prêt sous le paragraphe 2 de l'article VII concernant le nantissement du matériel et de l'outillage ;

Attendu, certes, que le même contrat de prêt indique sous l'article II concernant la réalisation du crédit que "l'emprunteur ne pourra exiger l'utilisation du crédit...qu'après constitution du crédit

régulière des garanties prévues" dont l'énumération suit, comprenant notamment la "cession au profit du CIAL de la réserve de propriété du fournisseur du matériel" ; que cette expression maladroite et inexacte renvoie en réalité à la mention suivante figurant sous le paragraphe 2 de l'article VII concernant le nantissement du matériel et de l'outillage : "A noter que le fournisseur a renoncé, au profit du CIAL, à exercer ses droits résultant de la réserve de propriété du matériel par acte sous seing privé en date du 30 décembre 1994" ;

Attendu que cette renonciation prend tout son sens si l'on sait, comme le rappelle d'ailleurs M. Z..., qu'à la date du 30 décembre 1994, la SA VILLA MEDICA n'avait pas encore la possibilité de verser entre les mains du fournisseur le montant du prêt qui ne devait être débloqué qu'après la réalisation de toutes les garanties, et que le CIAL voulait obtenir le nantissement sur le matériel qui ne pouvait être efficace que si la SA VILLA MEDICA devenait propriétaire du matériel, raison pour laquelle le fournisseur a accepté de renoncer à la clause de réserve de propriété qui aurait retardé le transfert de propriété jusqu'au paiement effectif du prix ;

Attendu que c'est par conséquent à tort que les premiers juges ont reproché au CIAL de ne pas avoir exercé l'action en revendication prévue par les articles 115 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 en vertu de la clause de réserve de propriété puisque le CIAL ne pouvait bénéficier de cette clause, dans la mesure où il n'a pas payé lui-même le prix de vente au fournisseur qui ne pouvait le subroger dans ses droits et qu'il n'est donc jamais devenu propriétaire du matériel en cause, condition nécessaire pour pouvoir revendiquer celui-ci dans le cadre de la faillite ;

Mais attendu que M. Z... reproche également au CIAL d'avoir privé le nantissement du matériel et de l'outillage de toute efficacité par sa faute, pour n'avoir pas vérifié la réalité de la livraison

intégrale du matériel nanti ;

Attendu que si le CIAL bénéficiait bien d'un nantissement sur ce matériel accordé valablement par le débiteur principal, puisque le fournisseur avait accepté le transfert immédiat de sa propriété à l'acquéreur, aucun élément du dossier ne permet de dire qu'il a commis une faute à l'origine de la perte de cette garantie ;

qu'il faut noter, en premier lieu, que le CIAL justifie avoir publié le nantissement par la production du bordereau d'inscription établi par le tribunal de commerce de PARIS, le 10 janvier 1995, et, en second lieu, qu'il n'a pas laissé dépérir cette sûreté puisqu'au contraire, il a pu mettre sa garantie en oeuvre dans le cadre de la procédure collective et a perçu le prix de vente du matériel à hauteur de 348.395 Frs HT ;

Attendu que ce que M. Z... reproche en réalité au CIAL, c'est de ne pas s'être rendu dans les locaux du centre de chirurgie esthétique pour vérifier que l'intégralité du matériel facturé avait bien été livrée ;

Mais attendu que le rôle et la mission d'une banque est de dispenser des crédits et non de s'immiscer dans la gestion de ses clients en exerçant des contrôles, à moins qu'elle ne s'y soit expressément engagée envers des tiers et notamment envers les cautions ;

que ni l'acte de prêt, ni l'acte de caution hypothécaire ne contiennent un quelconque engagement en ce sens puisqu'au contraire, l'acte de caution du 30 décembre 1994 mentionne qu'il "est prévu que la somme prêtée sera mise à la disposition de l'emprunteur sur demande de ce dernier, en une seule fois, pour le montant global du crédit au moyen d'un virement effectué par le CIAL sur le compte courant de l'emprunteur ouvert sur ses livres" ;

qu'il n'était aucunement prévu que le CIAL exerce un contrôle quelconque sur la réalité de la livraison qui avait déjà été

effectuée début décembre 1994, selon l'acte de prêt ;

que M. Z... a d'ailleurs indiqué lui-même qu'au moment où il a pris ses fonctions comme directeur médical, le matériel chirurgical avait été réceptionné par le docteur B..., anesthésiste ; qu'il aurait donc pu s'assurer lui-même du caractère complet de cette livraison avant de signer l'acte de cautionnement hypothécaire ;

que d'autre part, dans l'acte de prêt du 30 décembre 1994, signé par M. Christian NOIROT, président du conseil d'administration de la SA VILLA MEDICA, et non par M. A..., l'emprunteur a indiqué lui-même que le matériel donné en nantissement avait été livré durant le première semaine du mois de décembre 1994 ; or le CIAL n'avait aucune raison de mettre en doute cette précision et n'avait aucune obligation d'aller vérifier sur place l'affirmation de l'emprunteur puisqu'il ne s'y est pasucune raison de mettre en doute cette précision et n'avait aucune obligation d'aller vérifier sur place l'affirmation de l'emprunteur puisqu'il ne s'y est pas engagé vis à vis de la caution, M. Z... ; qu'il s'en suit qu'il n'appartient nullement au CIAL de démontrer que la livraison a été effective pour l'ensemble du matériel commandé par le docteur B... ;

qu'il est d'ailleurs curieux de constater que M. Z... a écrit lui-même dans la plainte qu'il a portée le 20 septembre 1996 contre M. Gérard A...: "Par ailleurs, ayant exercé ses activités dans les locaux de la clinique, le docteur Z... avait pu s'apercevoir que l'intégralité du matériel n'avait jamais été livrée à la société VILLA MEDICA" ;

que cette précision prouve que M. Z... pouvait, même s'il n'était pas chargé de la gestion, vérifier la présence, dans les locaux du centre, du matériel commandé en se renseignant notamment auprès du docteur B... ; qu'il faut observer également que M. Z... n'a pas jugé nécessaire d'en avertir le CIAL, ce qui démontre que cette

banque n'était en rien responsable des agissements des responsables de la société ;

Attendu qu'il n'est donc pas démontré que c'est par la faute du CIAL que le nantissement a été privé d'une partie de son efficacité ;

Attendu que M. Z... invoque encore la faute de la banque en ce qu'elle n'a pas mis en oeuvre immédiatement l'action résolutoire et revendiqué le matériel;

qu'il a déjà été démontré que l'action en revendication du matériel n'était pas ouverte au CIAL ; qu'il aurait cependant pu faire jouer la clause résolutoire du prêt après le premier impayé, et mettre en oeuvre le nantissement du fonds de commerce et du matériel, mais qu'on n'aurait pas manqué de lui reprocher alors d'avoir rompu brutalement le crédit et empêché la jeune société d'amortir ses importants investissements ;

Attendu qu'il faut relever au surplus que dès le 12 janvier 1995, le CIAL a adressé une mise en garde, par lettre recommandée avec avis de réception, à la société VILLA MEDICA pour le dépassement du crédit autorisé en lui demandant de régulariser son compte ;

que par courrier du 23 janvier 1996, M. A... annonçait la restitution de TVA pour 1.024.897 Frs et proposait au CIAL de prendre contact avec la direction des services fiscaux pour vérifier ce fait ;

que par une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception du 14 février 1995, le CIAL notifiait à la société VILLA MEDICA qu'il dénonçait les comptes avec effet immédiat parce que, notamment, le virement de restitution de TVA de 1.024.897 Frs n'a pas été effectué sur le compte ouvert dans ses livres alors que ces fonds lui étaient destinés, ce que lui avait confirmé l'administration fiscale, et qu'il en avait tenu compte pour effectuer des règlements;

que le CIAL adressait en même temps une copie de cette lettre à M.

Z... ;

que par courrier du 17 février 1995, le président de la SA VILLA MEDICA, M. NOIROT annonçait au CIAL une augmentation de capital de 5.000.000 Frs et que, par courrier du 1er mars, la banque, au vu de ces promesses, a accepté de donner à la société un délai de grâce supplémentaire, courrier dont une copie a été adressée au docteur Z... ;

que cependant, par lettre du 22 mai 1995, le CIAL constatait que les promesses n'avaient pas été tenues et informait la société VILLA MEDICA qu'il donnait une suite contentieuse à ce dossier ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, il apparaît que le CIAL a réagi avec diligence devant l'augmentation du découvert et que s'il a attendu jusqu'en mai 1995 pour transmettre le dossier au contentieux (le crédit ayant été accordé le 30 décembre 1994), c'est au vu des promesses du dirigeant de la société d'assainir la situation; qu'on ne peut reprocher au CIAL d'avoir fait des avances de trésorerie au vu d'une restitution importante de TVA (dont il a vérifié la réalité auprès de l'administration fiscale), alors qu'il n'avait, à l'époque, aucune raison de douter de l'honnêteté des dirigeants d'une société animée en partie par des médecins ;

Attendu en conséquence qu'aucune faute ne peut être reprochée au CIAL à ce sujet ; qu'on ne voit d'ailleurs pas en quoi une attente de quelques mois avant la rupture du crédit a pu causer un préjudice à la caution car, en si peu de temps, le fonds de commerce n'a pu perdre de valeur et le matériel n'aurait pas davantage pu être vendu à un meilleur prix ;

Attendu que c'est donc à tort que le jugement a retenu une faute du CIAL déchargeant la caution en vertu de l'article 2037 du Code civil et qu'il sera infirmé;

Attendu que M. Z... ne peut, dans ces conditions, réclamer le bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mais qu'une indemnité de procédure sera allouée au CIAL ;

PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, INFIRME le jugement entrepris, Statuant à nouveau, DEBOUTE M. Z... de ses demandes, fins et conclusions ; Le CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel ; Le CONDAMNE à payer au CIAL, la somme de 8.000 Frs (huit mille francs) (ou 1.219,59 euros) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Et le présent arrêt a été signé par le président et le greffier présent au prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Numéro d'arrêt : 1998/05078
Date de la décision : 20/06/2001

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Patrimoine - Revendication - Clause de réserve de propriété - Opposabilité à la procédure collective - Conditions

L'article L 621-122 du code de commerce, dispose que peuvent être reven- diqués, les biens vendus avec clause de réserve de propriété subordonnant le transfert de propriété au paiement du prix. Il en résulte que la réserve de propriété, constitue exclusivement l'accessoire de la créance du vendeur, en lui garantissant le paiement du prix, et ne peut être transmise à titre principal en vue de garantir une autre créance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2001-06-20;1998.05078 ?
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