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03/09/2024 | FRANCE | N°23/01726

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 03 septembre 2024, 23/01726


HP/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 03 Septembre 2024





N° RG 23/01726 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HMAA



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 30 Novembre 2023





Appelant



M. [E] [U]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]



Représenté par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représenté par la SELA

RL MARC PETERS, avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE









Intimés



Me [N] [M] es-qualités de mandataire judiciaire de Monsieur [E] [U], demeurant [Adresse 2]



Représenté par la SE...

HP/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 03 Septembre 2024

N° RG 23/01726 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HMAA

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 30 Novembre 2023

Appelant

M. [E] [U]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représenté par la SELARL MARC PETERS, avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE

Intimés

Me [N] [M] es-qualités de mandataire judiciaire de Monsieur [E] [U], demeurant [Adresse 2]

Représenté par la SELARL JURIS-MONT BLANC, avocats au barreau de BONNEVILLE

MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE ALPES DU NORD, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par Me Catherine REY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

Mme la PROCUREURE GENERALE,

[Adresse 6]

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 13 Mai 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 juin 2024

Date de mise à disposition : 03 septembre 2024

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseillère,

avec l'assistance de Mme Sylvie DURAND, Greffier présent à l'appel des causes, dépôt des dossiers et fixation de la date de délibéré,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et Procédure

M. [E] [U] exerce une activité de paysagiste et de vente de bois et est affilié à la MSA des Alpes du Nord depuis le 1er décembre 2007.

M. [E] [U] n'ayant pas réglé l'ensemble de ses cotisations personnelles et patronales depuis 2013, la MSA des Alpes du Nord l'a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Annecy aux fins de voir prononcer l'ouverture d'une procédure collective, sa créance, étant selon elle de 168 625,39 euros.

Par jugement contradictoire en date du 30 novembre 2023, le tribunal de commerce d'Annecy a :

- constaté l'état de cessation des paiements de M. [E] [U] ;

- prononcé un redressement judiciaire avec une période d'observation de six mois ;

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er octobre 2023 ;

- dit que cette procédure ne s'appliquait qu'au patrimoine professionnel de M. [E] [U] ;

- désigné Me [M] en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 11 décembre 2023, M. [E] [U] a interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 26 avril 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [E] [U] sollicite de la cour :

- annuler le jugement du Tribunal de Commerce d'Annecy du 30 novembre 2023 ;

- condamner la MSA Alpes du Nord à lui payer une indemnité procédurale de 5 000 euros et aux dépens de première instance et d'appel ;

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris ;

- dire et juger, au besoin en relevant le moyen d'office, que le Tribunal de Commerce ne pouvait ouvrir la procédure de redressement judiciaire à défaut de la saisine préalable du Président du Tribunal Judiciaire de Bonneville ;

- dire et juger que la créance de la MSA n'est pas exigible à raison des actions en contestation pendantes et, en toute état de cause qu'elle ne saurait être supérieure à 79 327,64 euros à la date de l'action en redressement judiciaire intentée par ladite mutuelle, savoir le 24 octobre 2023 ;

- dire et juger que'il n'était pas, et n'est pas en état de cessation des paiements, et en conséquence dire n'y avoir lieu à procédure de redressement judiciaire ;

- condamner la MSA Alpes du Nord à lui payer une indemnité procédurale de 5 000 euros et aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, M. [E] [U] fait valoir notamment que :

' La MSA est son seul créancier ;

' L'assignation de la MSA n'a pas été précédée d'une procèdure de réglement amiable, alors qu'il s'agit d'une règle d'ordre public ;

' Il appartient à la MSA de démontrer qu'il est en état de cessation des paiements ce qu'elle ne fait pas, d'autant qu'il a un encours client de 124 296 euros et un solde bancaire créditeur d'environ 50 000 euros ;

' La créance invoquée ne correspond pas aux sommes figurant sur les contraintes et une majorité des sommes sont prescrites, la créance désormais justifiée devant la cour est de 123 825,29 euros ce qui démontre que le montant n'est pas certain et la dette non prescrite est de 79 343,60 euros ;

Par dernières écritures en date du 7 mai 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Mutualité sociale agricole Alpes du Nord (MSA Alpes du Nord) sollicite de la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- dire que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure collective ;

- rejeter les demandes de condamnations de M. [E] [U] à son encontre.

Au soutien de ses prétentions, la Mutuelle sociale Agricole Alpes du nord fait valoir notamment que :

' La fin de non recevoir tirée de l'absence de règlement amiable aurait dû être soulevée dans les premières conclusions d'appel ;

' Elle produit des contraintes à hauteur de 123 845,61 euros, outre les cotisation 2023, portant le total à 140 312.91 euros ;

' Le chèque de 30 000 euros remis le jour de l'audience a été rejeté par la banque ;

' Les pièces comptables versées par M. [E] [U] n'ont pas été validées par son expert-comptable.

Par dernières écritures en date du 13 mai 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Me [N] [M], ès qualités de mandataire judiciaire, sollicite de la cour de :

- déclarer irrecevable la demande d'annulation du jugement ;

- confirmer le jugement entrepris.

Au soutien de ses écritures, Me [N] [M] fait valoir que :

' M. [E] [U] n'est plus recevable à soulever une fin de non recevoir et ce par application des articles 910-4 et 905-2 du code de procédure civile ;

' M. [E] [U] reconnaît en tout état de cause être débiteur de la somme de 79 327 euros auprès de la MSA Alpes du Nord et le chèque de 30 000 euros qui'il a remis à l'audience a été rejeté ;

' La période d'observation a été renouvelée mais M. [E] [U] ne collabore pas à la procédure.

Par conclusions en date du 16 avril 2024, la procureure générale a sollicité la confirmation du jugement entrepris.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

L'ordonnance de clôture était rendue le 13 mai 2024 et l'affaire était appelée à l'audience du 3 juin 2024.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la fin de non recevoir

L'article L631-5 du code de commerce dernier alinéa dispose : 'En outre, la procédure (de redressement judiciaire) ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur exerçant une activité agricole qui n'est pas constitué sous la forme d'une société commerciale que si le président du tribunal judiciaire a été saisi, préalablement à l'assignation, d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime.

Aux termes de l'article R 631-2 alinéa 1 du code de commerce, 'l'assignation d'un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. Lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, le créancier joint à sa demande une attestation, délivrée par le greffier, de la saisine du président du tribunal judiciaire en application de l'article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime'.

L'article 351-2 du code rural et de la pêche maritime énonce : 'les dirigeants des exploitations agricoles en difficulté ou leurs créanciers peuvent saisir le président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l'exploitation d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur'.

Sauf le cas d'un débiteur exerçant une activité agricole sous la forme d'une société commerciale, la procédure collective ne peut être ouverte, à l'encontre d'une exploitation agricole, que si le président du tribunal judiciaire a été préalablement saisi d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural.

En l'espèce, il résulte de l'extrait RCS produit par la MSA que M. [W] exerce en exploitation directe les activités de paysagiste et de vente de bois et est soumis aux cotisations de la MSA, étant précisé que l'activité de paysagiste relève des travaux agricoles en application des dispositions de l'article L722-2 du code rural précité.

La MSA, à l'origine de l'ouverture de la procédure collective de redressement judiciaire, n'a pas saisi le président du tribunal judiciaire d'Annecy aux fins de désignation d'un conciliateur.

Or l'absence de demande préalable de désignation d'un conciliateur constitue une fin de non recevoir d'ordre public (Com., 26 avril 2000, pourvoi n° 96-22.510, Bulletin civil 2000, IV, n° 86 Com., 5 mai 2004, pourvoi n° 02-20.244).

En vertu de l'article 123 du code de procédure civile, 'Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt' et l'article 124 suivant précise que 'les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse'.

En conséquence, M. [W] est bien fondé à présenter cette fin de non recevoir dans ses écritures récapitulatives du 26 avril 2024, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une demande au fond et que les articles 905-2 et 914 du code de procédure civile cités par la MSA et le mandataire judiciaire n'ont donc pas vocation à s'appliquer.

Ainsi, la demande de la MSA tendant à l'ouverture d'une procédure de règlement judiciaire à l'encontre de M. [W] est irrecevable. Il y a lieu de requalifier la demande d'annulation du jugement en demande d'irrecevabilité des prétentions de la MSA.

Succombant, la Mutuelle sociale Agricole Alpes du nord sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. L'équité commande de condamner cette dernière à payer à M. [E] [W] une indemnité procédurale de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris,

Déclare irrecevables les prétentions de la Mutuelle sociale Agricole Alpes du nord aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [E] [W],

Condamne la Mutuelle sociale Agricole Alpes du nord aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Condamne la Mutuelle sociale Agricole Alpes du nord aux dépens d'appel,

Condamne la Mutuelle sociale Agricole Alpes du nord à payer à M. [E] [W] une indemnité procédurale de 3 000 euros.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 03 septembre 2024

à

Me Michel FILLARD

la SELARL JURIS-MONT BLANC

Me Catherine REY

Parquet Général

Copie exécutoire délivrée le 03 septembre 2024

à

Me Michel FILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01726
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;23.01726 ?
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