HP/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 30 Juillet 2024
N° RG 21/02143 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G2XF
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 16 Septembre 2021
Appelantes
Compagnie d'assurance MMA IARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentées par la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentées par la SELARL CVS, avocats plaidants au barreau de LYON
Intimée
S.A.R.L. CHRYSARIS dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL YDES, avocats plaidants au barreau de LYON
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Date de l'ordonnance de clôture : 18 Décembre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 février 2024
Date de mise à disposition : 30 juillet 2024
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Composition de la cour :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
La société Chrysaris (Sarl) exploite un fonds de commerce au rez-de-chaussée d'un immeuble locatif appartenant aux consorts [S], selon deux baux commerciaux l'un concernant le magasin en lui-même et l'autre, une réserve attenante donnant sur un [Adresse 6] à [Localité 4] :
- Un premier bail commercial du 3 juin 1997 situé à l'angle de la [Adresse 2] et du [Adresse 6] formant un magasin ayant deux vitrines et devantures sur chacune de ces deux voies,
- Un second bail commercial du 20 juillet 1998 concernant un local sis [Adresse 6] (lot n°2).
La société Chrysaris a souscrit pour les besoins de son activité une police d'assurance multirisque des commerces non alimentaires dite «Azur Professionnel », dont les garanties sont aujourd'hui assurées par la société MMA Iard (Sa).
L'hôtel [5], exploité par la société [5] (Sarl), situé [Adresse 3], occupe les étages supérieurs du bâtiment. La société MMA Iard est également l'assureur de la société [5]. Le 30 mai 2013, un incendie a pris naissance au sein de l'hôtel [5] endommageant les locaux occupés par la société Chrysaris suite à l'intervention des pompiers.
Après cet incendie, le maire de la commune d'[Localité 4] a rendu un arrêté de « risque de péril majeur » le 18 juin 2013 puis un arrêté de « péril ordinaire » le 5 août 2013. Par arrêté municipal du 26 février 2014, la suspension de la fermeture de l'établissement exploité par la société Chrysaris a été prononcée.
Le 1er juillet 2014, la société Chrysaris a fait signifier à son bailleur, l'indivision [S], une demande de renouvellement de bail commercial. Le bailleur a fait droit à la demande concernant la boutique, mais a fait signifier à la société Chrysaris le 16 avril 2015 la résiliation de plein droit du bail portant sur la réserve, au titre de l'article 1722 du code civil.
Par acte d'huissier du 3 novembre 2015, la société Chrysaris a fait délivrer à son bailleur et à son assureur une assignation en vue de demander l'instauration d'une expertise pour fixer la perte de valeur du fonds de commerce suite au sinistre.
Par ordonnance du 1er décembre 2015, rectifiée par ordonnance du 13 février 2016, le président du tribunal de grande instance de Chambéry a désigné M. [D] [I] en qualité d'expert judiciaire. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 25 janvier 2017.
Par actes d'huissiers des 26 mars, 28 mars et 5 et 6 avril 2018, la société Chrysaris a fait assigner la société MMA Iard, la société [5], Mmes [J] et [U] et MM. [R] et [N] [S] devant le tribunal de grande instance de Chambéry, notamment aux fins de réparation de son préjudice résultant de la perte de valeur de son fonds de commerce. Par acte d'huissier de justice du 5 février 2019, la société [5] a fait assigner la société MMA Iard et la MMA Iard Assurances Mutuelles en intervention forcée, aux fins de garantie. Les instances ont été jointes.
Par jugement du 16 septembre 2021, le tribunal de grande instance de Chambéry, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- Dit que la clause 4-3 de la garantie J du contrat d'assurances « Azur Professionnel » souscrit auprès de la société MMA IARD est réputée non écrite ;
- Condamné la société MMA Iard à payer à la société Chrysaris une somme de 26 709 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte de valeur de son fonds de commerce au titre de garantie « J » du contrat d'assurances « Azur Professionnel » correspondant aux postes d'indemnisation suivants :
- 18 025 euros au titre de la perte de valeur des éléments incorporels du fonds de commerce, autre que le droit au bail,
- 8 684 euros au titre de la disparition du droit au bail de la réserve ;
- Dit n'y a voir lieu à statuer sur la demande subsidiaire de la société Chrysaris ;
- Condamné la société MMA Iard à payer à la société Chrysaris la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Condamné la société Chrysaris à payer à la société [5] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Débouté la société MMA Iard et la MMA Iard Mutuelles de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société MMA Iard aux dépens de l'instance, dont les frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon, avocats et de la SCP Christine Visier-Philippe- Carole Ollagnon-Delroise & Associés.
Au visa principalement des motifs suivants :
La société Chrysaris justifie d'un droit à garantie concernant la perte partielle de droit au bail à la charge de son assureur, la société MMA Iard ;
Pour le préjudice résultant des éléments incorporels du fonds de commerce autre que le droit au bail, la société Chrysaris démontre l'existence d'une diminution certaine et définitive de la clientèle du fait de la réduction de la superficie des locaux ;
La disposition contractuelle qui vise à réduire l'indemnisation due au titre de la valeur du fonds de commerce des sommes versées au titre de la garantie K a pour effet de priver de substance la garantie J puisque l'assuré ne peut pas cumuler ces deux garanties qui ont pourtant un fondement et un objet distinct ;
La société Mma Iard sera condamnée à payer à la société Chrysaris une somme de 26 709 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte de valeur de son fonds de commerce au titre de garantie « J ».
Par déclaration au greffe du 29 octobre 2021, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a condamné la société Chrysaris à payer à la société [5] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 31 janvier 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles sollicitent l'infirmation de la décision et demandent à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit non écrite la clause 4 ' 3 du contrat d'assurance et les a condamnés en conséquence à payer à la société Chrysaris la somme de 26 709 euros, en principal ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger qu'il n'est pas justifié que la perte d'exploitation de la réserve n'a engendré aucune perte de clientèle ;
- Dire et juger valable la clause 4-3, garantie J du contrat d'assurance et en faire application ;
- Dire et juger en conséquence que la garantie perte de valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce, hors droit au bail, n'est pas mobilisable ;
- Dire et juger en tout état de cause que l'indemnité versée au titre des pertes d'exploitation à hauteur de 19 052 euros absorbe l'éventuelle perte de valeur des éléments incorporels du fonds de commerce, en exécution des dispositions contractuelles opposables à l'assuré
- Dire et juger que la résiliation du bail de la réserve est intervenue au-delà de la période de garantie contractuelle d'un an ;
- Dire et juger en tout état de cause que le préjudice invoqué par la société Chrysaris constitue une perte de chance, non-garantie ;
- Dire et juger en conséquence que leur garantie n'est pas mobilisable ;
- Rejeter en conséquence toutes demandes formulées à leur encontre ;
- Condamner in solidum la société Chrysaris à leur régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de M. Grimaud, Lexavoué.
Par dernières écritures du 25 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Chrysaris sollicite de la cour de confirmer le jugement entrepris sauf s'agissant de l'indemnité procédurale et statuant de nouveau de ce chef :
- Condamner la société MMA Iard à lui payer la somme de 5 341 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant,
- Condamner la société MMA Iard à lui payer la somme de 3 965 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile exposés dans le cadre de l'instance d'appel.
Une ordonnance en date du 18 décembre 2023 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 février 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
MOTIFS ET DÉCISION
A la suite de l'incendie en date du 30 mai 2013 dans un immeuble voisin, un des deux locaux commerciaux loués depuis juillet 1998 par la société Chrysaris, d'une surface de 18 m² à usage de réserve, a été détruit et le bail résilié par la bailleresse le 16 avril 2015. Si la société Chrysaris a été indemnisée pour son préjudice matériel (94 102 euros au titre des marchandises et les agencements) et pour sa perte d'exploitation (19 252 euros), elle n'a pas été indemnisée pour la perte de la valeur vénale de son fonds de commerce pour laquelle elle se dit garantie.
Aux termes du contrat d'assurance souscrit, la société Chrysaris a notamment souscrit au titre des conséquences financières d'événements tels qu'une destruction par incendie la garantie 'j' 'valeur vénale du fonds de commerce' (pages 25 à 26 des conditions générales), l'indemnisation intervenue au titre de la perte d'exploitation susvisée l'ayant été au titre de la garantie 'k' 'Pertes d'Exploitation'.
Les principales clauses de cette garantie sont reproduites dans le jugement entrepris auquel il convient donc de se référer. Toutefois, sont principalement en question les dispositions des articles 2 'objet de la garantie' et 4 'dispositions spéciales en cas de sinistres' sous-paragraphe 4.3 ' paiement de l'indemnité'. En effet, l'article 2 vise en tant qu'objet de cette garantie la perte totale ou partielle de la valeur vénale du fonds de commerce qui comprend deux éléments, d'une part le droit au bail, d'autre part, ses autres éléments incorporels, l'article 2.1.2 disposant s'agissant d'une perte partielle qu''il y a perte partielle lorsqu'il y a diminution certaine et définitive de la clientèle du fait de la réduction de la superficie des locaux entraînant une perte partielle de droit au bail, ou du transfert de l'activité dans d'autres locaux, ou de l'interruption prolongée de l'exploitation résultant du sinistre garanti des locaux'. L'article 4 sous-paragraphe 4-3 prévoit que l'indemnité due au titre de la valeur vénale des éléments incorporels autres que le droit au bail est réduite du montant des indemnités pertes d'exploitation ou indemnités journalières d'arrêt d'activité dont l'assuré peut bénéficier par ailleurs.
Les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles soutiennent, .concernant la perte du droit au bail que la société Chrysaris aurait dû solliciter, de sa bailleresse une indemnisation de résiliation, que la résiliation étant intervenue après la fin de la garantie 'perte d'exploitation' d'une durée d'un an et enfin que le préjudice invoqué ne résulte que d'une perte de chance, en l'absence d'altération de la surface de vente. S'agissant de la diminution de la valeurs vénale des éléments incorporels autres que le droit au bail, elles font valoir principalement qu'il y a lieu de défalquer le montant des pertes d'exploitation perçues dès après le sinistre.
I - Sur l'indemnisation du droit au bail
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en écartant la position des sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles :
- tendant à soutenir qu'il appartenait à la société Chrysaris de solliciter de sa bailleresse une indemnité d'éviction pour la résiliation du bail afférant à la réserve, considérant que :
- parmi les motifs énoncés dans le contrat d'assurance liant les parties au titre de la perte totale d'exploitation, figure de façon expresse le refus du propriétaire de reconstruire ou remetttre les lieux en état en cas de résiliation de plein droit du bail en application des articles 1722 et 1741 du code civil ;
- l'article 1722 du code civil prévoit justement le cas d'une résiliation de plein droit sans indemnité de résiliation en cas de destruction partielle ou totale de la chose louée, ce qui est le cas en l'espèce, puisque la chose louée, la réserve de 18 m² a été détruite du fait d'un incendie et la sommation délivrée par la bailleresse à sa preneuse visait expressément le fait que la résiliation du bail était la conséquence de l'incendie du 30 mai 2013.
- les dispositions du contrat d'assurance n'imposent pas à l'assurée de solliciter en premier lieu une indemnité d'éviction à sa bailleresse avant d'actionner la garantie de l'assureur au titre de la perte de la valeur vénale du fonds de commerce ;
- tendant à soutenir que la société Chrysaris n'était plus garantie au titre de la perte d'exploitation laquelle était d'une durée d'un an à compter du 29 mai 2014, alors que le bail avait été résilié le 16 avril 2015, en considérant que :
- le fait générateur du dommage est l'incendie du 30 mai 2014, survenu pendant une période à laquelle la société Chrysaris était encore assurée ;
- l'assureur est tenu d'indemniser les préjudices qui sont la conséquence des sinistres survenus pendant la période de couverture du risque, étant ajouté par la cour que la durée d'indemnisation d'un an n'est prévue que pour la garantie pertes d'exploitation (garantie K) et non pour la garantie J valeur vénale du fonds de commerce.
- tendant à soutenir que le préjudice subi au titre du droit au bail constitue une perte de chance, en considérant que le préjudice allégué par la société Chrysaris est un préjudice actuel et certain. En effet, le bail sur la réserve est intervenu le 16 avril 2015, de sorte que la demande au titre de la perte de la valeur vénale du fonds de commerce qui inclut le droit au bail ne peut être considérée comme une perte de chance.
De même, le jugement entrepris sera confirmé sur la fixation du préjudice lié au droit au bail en l'absence de contestation formelle concernant directement ce montant. En effet, il résulte du rapport d'expertise qu'avant de proposer une valeur, l'expert a vérifié l'usage du bien loué dont le bail a été résilié, il a vérifié le dernier prix de marché connu (31 juillet 2001, 6 097,96 euros) et il a estimé que le droit au bail est en réalité adossé à une valeur sous-jacente de nature immobilière ce qui l'a conduit à se référer à l'indice Insee du coût de la construction pour le réévaluer, préconisation judicieuse qu'il y a lieu de suivre, de sorte que le montant du préjudice lié à la perte du droit au bail est effectivement de 8 684 euros.
II - Sur l'indemnisation au titre des éléments incorporels autres que le droit au bail
Les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles estiment que la condition de mise en oeuvre de l'indemnisation relative à la perte certaine et définitive de clientèle visée au contrat n'est pas remplie et qu'en tout état de cause, la somme déjà versée au titre des pertes d'exploitation englobe le montant de la perte déterminée par expertise.
' Sur les conditions du droit à indemnisation
Aux termes du contrat, 'il y a perte partielle s'il y a diminution certaine et définitive de la clientèle' dans trois cas possibles, en l'espèce 'du fait de la réduction de la superficie des locaux entraînant une perte partielle du droit au bail'.
Certes, comme le font valoir les sociétés d'assurance, la réduction de la superficie des locaux loués résulte de la perte d'une réserve qui permettait le stockage des modèles et non une surface de vente et si également, la société Chrysaris a pu stocker des modèles sur une mezzanine à l'intérieur de l'espace de vente, il résulte, comme l'a justement souligné le premier juge, du rapport d'expertise une diminution du chiffre d'affaire du magasin après sa réouverture ensuite de l'incendie dont une partie déterminée par l'expert comme étant lié à l'incendie. Cette diminution du chiffre d'affaire, conséquence directe d'une perte de clientèle certaine et définitive, résulte à l'évidence de cette diminution de la surface commerciale. En effet, une zone de stockage sur une mezzanine est moins confortable qu'une réserve dédiée, diminuant l'offre tant les modèles que dans les pointures, moins esthétique pour la clientèle et moins commode pour la personne assurant la vente, personne qui devient moins disponible pour la clientèle. En outre, dans les éléments incorporels d'un fonds de commerce autres que le droit au bail figure la zone de chalandise réduite par la fermeture du [Adresse 6] et dans l'absolu par l'inutilité de présenter des modèles dans le [Adresse 6] fermé.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la société Chrysaris remplissait les conditions du droit à indemnisation.
' Sur le montant de l'indemnisation
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a considéré, en application de la clause 4-2 de la garantie J et au vu du rapport d'expertise que la perte de la valeur des éléments incorporels du fonds commercial autres que le droit au bail devait être fixée à la somme de 18 025 euros.
' Sur la limitation de l'indemnité
Comme déjà visé, la clause paragraphe 4.3 du contrat prévoit que l'indemnité due au titre de la valeur vénale des éléments incorporels autres que le droit au bail est réduite du montant des indemnités pertes d'exploitation. En l'espèce, le montant versé au titre des indemnités pertes d'exploitation est d'ailleurs supérieur.
Les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles estiment que la valeur vénale d'un fonds de commerce est basée pour la majeure partie sur le chiffre d'affaire qui sert aussi à l'évaluation des pertes d'exploitations et soutiennent qu'en l'espèce, les deux préjudices se confondent, les autres éléments du fonds étant peu valorisés.
Cependant, le contrat souscrit par la société Chrysaris auprès des MMA, qui fait loi entre les parties en application de l'article 1134 ancien du code civil (version applicable au litige), prévoit de façon distincte deux garanties, la garantie J 'perte de la valeur vénale' et la garantie K 'pertes d'exploitation'. Il n'est pas contesté que la société Chrysaris ait souscrit les deux garanties.
Ces deux garanties n'ont pas le même objet, la première concernant la perte totale ou partielle de la valeur vénale du fonds de commerce, la seconde la perte de la marge brute consécutive à la baisse du chiffre d'affaire résultant d'un événement garanti et les frais supplémentaires d'exploitation engagés pour réduire cette perte, pendant la période d'indemnisation limitée à 12 mois à partir du jour du sinistre.
Par ailleurs, la période prise en considération pour leur calcul est différente : pour les pertes d'exploitation, est prise en considération la perte de la marge brute calculée en appliquant le taux de marge brute à la différence entre le chiffre d'affaire qui aurait été réalisé à dire d'expert pendant la période d'indemnisation en l'absence de sinistre et le chiffre d'affaire effectivement réalisé pendant cette même période. En l'espèce, cette perte de marge brute a été évaluée à la somme de 19 252 euros. En effet, le magasin a été fermé de la date du sinistre le 30 mai 2013 et n'a réouvert que le 1er avril 2014. En revanche, pour la perte de la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce hors le droit au bail, l'indemnité pour perte partielle est calculée en comparant la valeur du fonds de commerce 12 mois après le sinistre, ou après la fin de la période d'indemnisation au titre des pertes d'exploitation, d'autre part, la valeur du fonds de commerce avant sinistre actualisé.
La garantie perte d'exploitations indemnise en l'espèce l'arrêt de l'activité du magasin entre le sinistre et la réouverture tandis que la garantie perte de la valeur vénale indemnise la perte partielle pérenne de la valeur des éléments incorporels autres que le droit au bail suite à l'incendie.
Enfin, l'article 1131 ancien du code civil dans sa version applicable au litige prévoit que 'L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet'. Or, si l'indemnité perte d'exploitation était défalquée de l'indemnité perte de la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce autres que le droit au bail, la garantie J sera privée de sa substance dès lors que l'assurée ne pourrait pas cumuler les deux garanties et ce alors même qu'elle a cotisé pour les deux garanties, étant ajouté que les sociétés d'assurance affirment qu'un cumul est possible mais sans fournir d'exemples. Contrairement à ce que soutient les sociétés d'assurance, le contrat d'assurances en lui-même n'est pas nul, seule la disposition de cette garantie J qui tend à limiter le droit à indemnisation en l'espèce en créant un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, - l'une règle une cotisation pour deux garanties différentes, mais la seconde ne règle pas des indemnités différentes pour chacune des garanties- doit être écartée.
En tout état de cause, les sociétés d'assurances MMA. ne démontrent pas que les pertes d'exploitation versées pendant la période d'arrêt d'activité correspondent à la perte d'exploitation pérenne retenue pour la perte de la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce autres que le droit au bail.
En définitive, au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société MMA. Iard à payer à la société Chrysaris la somme de 18 025 euros au titre de la perte de valeur des éléments incorporels du fonds de commerce autres que le droit au bail.
III - Sur les mesures accessoires
Succombant, la société MMA Iard sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel distraits au profit de la scp saillet & Bozon, société d'avocats, sur son affirmation de droits, la décision de première instance sur les dépens étant confirmée.
La société Chrysaris demande la réformation du jugement de première instance en ce que l'indemnité procédurale allouée a été de 2 500 euros. Elle demande une indemnité procédurale en première instance de 5 341 euros outre les 2 500 euros déjà alloués; Il convient d'infirmer la décision et de lui allouer une indemnité procédurale de 6 000 euros au total pour la première instance.
L'équité commande de faire droit à sa demande d'indemnité procédurale en cause d'appel à hauteur de 3 965 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel sauf en ce qu'il a condamné la société MMA Iard à payer à la société Chrysaris une indemnité procédurale en première instance de 2 500 euros,
Statuant de nouveau de ce seul chef,
Condamne la société MMA Iard à payer à la société Chrysaris une indemnité procédurale en première instance de 6 000 euros,
Y ajoutant,
Condamne la société MMA Iard aux dépens d'appel distraits au profit de la scp saillet & Bozon, société d'avocats, sur son affirmation de droits,
Condamne la société MMA Iard à payer à la société Chrysaris une indemnité procédurale de 3 941 euros en cause d'appel,
Déboute les sociétés MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande d'indemnité procédurale.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 30 juillet 2024
à
la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY
la SCP SAILLET & BOZON
Copie exécutoire délivrée le 30 juillet 2024
à
la SCP SAILLET & BOZON