COUR D'APPEL
DE CHAMBERY
Première Présidence
AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le VINGT QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Sophie MESSA, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :
Dans la cause N° RG 24/00043 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HQ32 débattue à notre audience publique du 16 Juillet 2024 (Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière) - RG au fond n° 24/00861 - 1ère section
ENTRE
SAS PROLAC GROUPE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Ayatnt pour avocat postulant la SELARL BOLLONJEON, avocat au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant Me Laurence CALLAMARD, avocat au barreau de LYON
Demanderesse en référé
ET
SCP BTSG², es-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société PROLAC GROUPE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stéphane MILLIAND, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Monsieur le procureur général par interim, représenté par Madame Aurélie GOUTAGNY, substitut général - Parquet Général, - [Adresse 5]
Défenderesses en référé
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Exposé du litige
La SAS PROLAC GROUPE, constituée le 20 mars 2018, a pour objet social, la location de machines et matériels, la mise à disposition du logiciel prolac, l'accomplissement, l'exécution de tous les mandats de gestion, d'administration et de direction, ainsi que la fourniture de services et l'assistance aux entreprises, la participation directe ou indirecte de la société à toutes les activités ou opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières en France ou à l'étranger sous quelque forme que ce soit. Son président est [C] [F].
Sur requête du ministère public, le tribunal de commerce de Chambéry a, par jugement réputé contradictoire du 06 juin 2024 :
-Ouvert une procédure de redressement judiciaire concernant la SAS PROLAC GROUPE.
-Fixé au 6 Décembre 2024 la fin de la période d'observation.
-Fixé au 6 Juin 2024 la cessation des paiements.
-Désigné en qualité de juges commissaires Mme Aurélie ROUSSEAUX et M. Jean-Michel
LABORDE.
-Désigné la SCP BTSG / Me [Z] [W], [Adresse 3], en qualité de mandataire judiciaire lequel devra déposer au greffe la liste des créances déclarées visée aux articles L.624-1 et L.631-18 du code de commerce, dans un délai de 8 mois à compter de l'expiration du délai de déclaration des créances.
-Désigné la SELARL [K] [X], [Adresse 4]. aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent.
-Dit qu'un premier rapport, dressé par le chef d'entreprise, précisant et justifiant conformément aux dispositions de l'article L.631-15 du code de commerce, que l'entreprise dispose des capacités financières suffisantes à sa poursuite d'activité sera déposé au greffe et fixe la comparution des parties pour entendre la lecture dudit rapport et voir statuer ce que de droit sur la poursuite d'activité et le maintien de la période d'observation, à l'audience du tribunal du 8 Juillet 2024 à 15h30, Salle A.
Par jugement du 08 juillet 2024, le tribunal de commerce de Chambéry a :
-constaté que l'entreprise dispose de capacités financières suffisantes pour poursuivre son activité.
-en conséquence, maintenu la SAS PROLAC GROUPE en période d'observation, laquelle prendra fin au 06/12/2024, sauf renouvellement pour une nouvelle période.
-dit que l'affaire reviendra à l'audience en chambre du conseil de ce tribunal du 18 novembre 2024 à 14 heures, [Adresse 1], Salle A, à l'effet qu'il soit statué sur le renouvellement de la période d'observation, la fin de la procédure, l'arrêt du plan ou le prononcé de la liquidation judiciaire de l'entreprise, en cas de redressement manifestement impossible.
La SAS PROLAC GROUPE a, le 18 juin 2024, interjeté appel de la décision rendue le 6 juin 2024 (DA n° 24/00849 et RG n° 24/00861) émettant des critiques à l'encontre des chefs du jugement prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire la concernant.
Par actes de commissaire de justice signifiés le 1er juillet 2024, la SAS PROLAC GROUPE a fait assigner la SCP BTSG2 ainsi que le ministère public devant
madame la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, statuant en référé sur le fondement de l'article R. 661-1 du code de commerce afin de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry.
L'affaire a été appelée à l'audience du 16 juillet 2024.
La SAS PROLAC GROUPE demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées par voie électronique le 15 juillet 2024, de :
- Constater qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 06 juin 2024 ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'endroit de la société PROLAC GROUPE ;
- Ordonner le sursis à l'exécution de droit attachée à ladite décision ;
- Réserver les dépens.
Elle soutient que le tribunal de commerce de Chambéry ne disposait pas des éléments nécessaires pour apprécier l'état de cessation des paiements.
Elle indique que la cession de certaines de ses activités à ses filiales PROLAC SAVOIE et PROLAC TARENTAISE explique le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation de l'exercice clos au 30 juin 2023 en ce que son activité consiste désormais à financer et louer du matériel à ces dernières. Elle ajoute que les créances déclarées au 24 juin 2024 ne sont pas exigibles, contestées ou pour lesquelles des délais de paiement ont été consentis.
Elle déclare ainsi disposer d'un actif disponible suffisant et partant, ne pas être en état de cessation des paiements.
La société BTSG2 demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées par voie électronique le 15 juillet 2024, de :
- Rejeter la demande de sursis à l'exécution de la société PROLAC GROUPE ;
- Condamner cette dernière aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle énonce que le montant des créances déclarées au 24 juin 2024 est de plus de 1 million d'euros et que d'autres créances à déclarer sont à prévoir. Elle relève que le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation de l'exercice clos au 30 juin 2023 sont inférieurs aux exercices clos antérieurs. Elle estime par ailleurs que, la SAS PROLAC GROUPE a une activité rentable mais qu'elle ne dispose pas d'une trésorerie et d'un actif disponible suffisants pour s'acquitter de ses dettes exigibles.
Elle ajoute que la procédure de redressement judiciaire est adaptée à la SAS PROLAC GROUPE dont la période d'observation a été maintenue jusqu'au 06 décembre 2024 sauf renouvellement pour une nouvelle période.
Le procureur général s'oppose à l'arrêt de l'exécution provisoire. Il fait valoir oralement que la SAS PROLAC SAVOIE a une activité économique réelle mais que l'importance de ses dettes interroge sur ses capacités de remboursement et démontre l'absence de moyen sérieux de réformation.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions, arguments et moyens des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées.
Sur ce
Sur l'arrêt de l'exécution provisoire
L'article R. 661-1 alinéa 1er du code de commerce dispose que les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.
L'alinéa second du même article précise toutefois que par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux.
Ainsi, il appartient à la société PROLAC GROUPE de démontrer l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision de première instance.
L'article L. 631-1 du code de commerce dispose qu'il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
La décision du tribunal de commerce de Chambéry motive l'état de cessation des paiements de la société PROLAC GROUPE en ces termes ' il résulte des informations recueillies par le tribunal, notamment en chambre du conseil et des pièces produites que la société PROLAC GROUPE se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible'; pour autant, la décision n'explicite pas les éléments recueillis ni les pièces produites permettant, ce jour, de les examiner et de caractériser l'état de cessation des paiements ;
En revanche, la société PROLAC GROUPE communique en pièce n°1 une note établie par le président du tribual de commerce de Chambéry, en application de l'article L.631-3-1 du code de commerce, à l'attention du ministère public exposant les faits de nature à ce que ce dernier apprécie l'opportunité de saisir le tribunal aux fins de l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire; il résulte de cette note que les comptes annuels des exercices clos les 30 juin 2021, 30 juin 2022 et 30 juin 2023 n'ont pas été reçus au greffe, que la société ENGIE a assigné la société PROLAC GROUPE devant le tribunal de commerce le 14 septembre 2023 en paiement de la somme de 32 267,28 euros, qu'il existe une dette, au montant inconnu, au pôle de recouvrement spécialisé de la direction départementale des impôts et que la société est débitrice à l'égard de l'URSSAF d'une somme de 14 923 euros dont 3 663 euros de part salariale à la suite d'un redressement de contrôle sur les années 2020 à 2022 ;
La société PROLAC GROUPE justifie du dépôt des comptes 2022 et 2023, ainsi que de sa régularité fiscale ainsi que celles de ses filiales, PROLAC TARENTAISE et PROLAC SAVOIE, à l'égard de la TVA et l'impôt sur les sociétés au 17 juin 2024 (pièce n° 8 du demandeur) ;
L'exercice clos au 31 décembre 2023 révèle un chiffre d'affaires de 1 726 338 euros, pour un résultat d'exploitation de 34 937 euros, un résultat de l'exerce de 170 923 euros et des fonds propres à hauteur de 355 418 euros ;
Le mandataire judiciaire communique l'état des créances déclarées au 24 juin 2024, pour un montant de 1 078 089,17 euros (pièce n°2 du défendeur), dont il résulte des pièces communiquées que pour l'essentiel, elles ne sont pas exigibles, sont contestées, ou bénéficient de délais de paiement.
Ainsi, l'apport en compte courant d'associés consenti par M. [C] [F], Mme [T] [F], M. [M] [O] et RP CONCEPT, pour un montant global de 525 242,98 euros, inscrits à la liste des créances déclarées, constitue, dès lors qu'aucun associé n'en sollicite, en l'état, le remboursement, une réserve de crédit devant être prise en considération au titre de l'actif disponible et non du passif exigible ;
Le mandataire judiciaire indique que la trésorerie actuelle est de 15 000 euros, étant précisé que l'actif disponible ne se résume pas au montant de la trésorerie.
Il résulte du bilan au 30 juin 2023 que l'actif circulant est de 985 848 euros ;
La société ALP SERRURERIE atteste le 24 juin 2024 que la société PROLAC GROUPE a une dette de 60 534.53 euros pour laquelle elle a consenti des délais de paiement ( pièce n°13) ;
La société CREDO ROBOTIQ atteste le 26 juin 2024 que la société PROLAC GROUPE a une dette de 59 950.80 euros pour laquelle elle consent un délai de paiement de 60 jours ( pièce n°18) ;
La Caisse de Crédit Agricole des Savoie atteste le 25 juin 2024 de ce que la société PROLAC GROUPE est, au 6 juin 2024, à jour des remboursements des prêts n°00002120700, 00001986331, inscrits à la déclaration de créance pour un montant de 21 224 euros ;
La société COROLA a déclaré une créance de 87 000 euros tandis qu'il résulte de la balance auxiliaire ( pièce n°12) qu'elle a, elle-même, une dette de 105 000 euros à l'égard de la société PROLAC GROUPE ;
Enfin, la créance de 40 195, 55 euros de la société ENGIE ainsi que la créance de la société GAZPROM de 47 524, 22 euros sont contestées (pièces n° 3 et 11 du demandeur).
En conséquence, sans qu'il n'y ait lieu de préjuger sur les chances de succès de l'appel, il est avéré que la société PROLAC GROUPE rapporte l'existence d'un moyen sérieux d'infirmation de la décision pour absence de caractérisation de l'état de cessation des paiements, étant rappelé que le caractère sérieux de ce moyen ne signifie pas pour autant qu'il sera jugé comme pertinent par la formation collégiale de la cour d'appel, qui sera amenée à statuer sur les mérites de ce recours sans égard pour la présente ordonnance.
Sur les dépens
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en matière de référé.
DECLARONS recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la SAS PROLAC GROUPE ;
ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 06 juin 2024 du tribunal de commerce de Chambéry.
LAISSONS à chacune des parties la charge de ses dépens.
Ainsi prononcé publiquement, le 24 juillet 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Sophie MESSA, greffière.
La greffière La première présidente