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11/07/2024 | FRANCE | N°24/00099

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 11 juillet 2024, 24/00099


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES



du Jeudi 11 Juillet 2024







N° RG 24/00099 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HQSO



Appelant

M. [H] [I]

né le 01 Avril 1977 à [Localité 5]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]

hospitalisé à l'EPSM74

assisté de Me Anne-sophie TOUZOT, avocate dÃ

©signée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

EPSM 74

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

non comparant



et en présence de :



L'UDAF 74- curateur

[Adresse 1]

[Loc...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 11 Juillet 2024

N° RG 24/00099 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HQSO

Appelant

M. [H] [I]

né le 01 Avril 1977 à [Localité 5]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]

hospitalisé à l'EPSM74

assisté de Me Anne-sophie TOUZOT, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

EPSM 74

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

non comparant

et en présence de :

L'UDAF 74- curateur

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [Y] [S], déléguée mandataire

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 10 juillet 2024 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 11 juillet 2024,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Le 21 juin 2024 à 12h45, M. [I] [Z] était à nouveau admis en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent, suivant une décision du directeur de l'établissement public de santé mentale 74, prise sur la base d'un certificat médical d'admission délivré le 21 juin 2024 à 11h00 par le Docteur [F], médecin exerçant aux urgences du CH Alpes Léman, faisant état des éléments suivants :

- au titre des troubles mentaux et caractéristiques de la maladie du patient : ' troubles skizo affectif avec troubles du comportement sur voie publique avec voyage pathologique et rupture de traitement',

- au titre des motifs pour lesquels l'état de santé du patient nécessitait des soins immédiats assortis d'une surveillance continue en milieu hospitalier : 'délire mégalomaniaque avec discussion impossible et risque de nouveau voyage pathologique',

- au titre des raisons pour lesquelles il était impossible pour le patient de donner son consentement aux soins : ' délirant, calme, logorrhéique',

- ce pourquoi le péril était imminent pour la santé du patient : ' risque de voyage pathologique',

- au titre des explications pour lesquelles il était impossible d'obtenir une demande de tiers : 'conflit antérieur avec la mère'.

Le certificat de 24 heures, daté du 22 juin 2024 à 10h30, émanant du Docteur [G] [R], mentionnait :'patient bien connu de l'EPSM, hospitalisé en mai à [Localité 7], suite à un voyage pathologique. Ce jour : discours revendicateur, éléments persécutoires centrés contre sa mère qui aurait activé son hospitalisation. Période d'observation. En conséquence les soins psychiatriques en cas de péril imminent doivent se poursuivre à temps complet".

Le certificat de 72 heures, daté du 24 juin 2024 à 10 h00, émanant du Docteur [A] [P], indiquait : 'patient vu ce jour en entretien en chambre d'isolement suite à une agitation et risque d'hétéroagressivité. À l'entretien : nous retrouvons un patient qui s'apaise, mais reste dans le déni des symptômes et minimise les troubles du comportement présentés, il a arrêté son traitement et refuse de prendre ces derniers. Son état clinique actuel nécessite la poursuite des soins sans consentement.'

Le directeur de l'établissement public de santé mentale 74 a prolongé la mesure de soins psychiatriques sous la forme de l'hospitalisation complète en date du 24 juin 2024 à 10h15.

Un avis motivé du 24 juin 2024 émanant du Docteur [A] [P] concluait, pour les mêmes motifs que ceux indiqués dans le certificat de 72 heures, que les soins psychiatriques restaient justifiés et devaient être maintenus à temps complet.

Une note de situation a été rédigée le 25 juin 2024 à l'attention du juge des libertés et de la détention de Bonneville par l'UDAF de Haute-Savoie, en charge de la mesure de curatelle renforcée de M. [I] [Z]. Elle faisait état de ses inquiétudes quant à la dégradation de l'état de santé de ce majeur protégé, semblant ne pas adhérer au projet de soins proposé par l'EPSM74, précisant que depuis sa sortie d'hospitalisation en date du 29 janvier 2024, M. [I] avait, à nouveau, été hospitalisé :

- Du 28 février 2024 au 19 mars 2024 à [Localité 7],

- Du 19 mars 2024 au 25 avril 2024 à l'EPSM74,

- Du 28 avril 2024 au 16 mai 2024 à [Localité 7],

- Du 25 mai 2024 au 31 mai 2024 à [Localité 7].

Par ailleurs, il était indiqué que l'équipe de la pension de famille continuait à observer un comportement inadapté de la part de M. [I], à l'égard des autres locataires mais également du personnel (insultes, menaces, réalisation de films contenant des images de personnes sans leur accord et diffusion de celles-ci sur ses blogs...), de nature à compromettre son maintien dans son logement. Des interrogations étaient formées sur sa capacité à vivre en logement autonome et à adhérer à un projet de soins, du fait que dès qu'il sortait d'hospitalisation, M. [I] se rendait sur [Localité 7], sans que cela ne soit préparé, ce qui se terminait très souvent par une hospitalisation en psychiatrie. En vue de son dernier séjour à [Localité 7], il avait obtenu 1.000 € pour le transport et l'hébergement de l'UDAF. Or, il a retiré toute la somme qu'il a jetée de la fenêtre de son appartement. Une fois sur [Localité 7], il a contacté le service chaque jour pour obtenir de l'argent supplémentaire. Puis, il a fallu organiser son retour à domicile après qu'il ait été agressé et admis à l'hôpital, d'où il avait fugué. L'UDAF concluait qu'un réel travail d'accompagnement ne pouvait se mettre en place du fait de son état de santé, de l'absence de continuité dans les soins lors des sorties, et de ses hospitalisations répétées et quasi-continues, mais également de son comportement, M. [I] diffusant sur les réseaux sociaux le contenu d'échanges confidentiels entre eux ainsi que l'identité de salariés.

Par ordonnance du 26 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville, saisi par requête du directeur de l'EPSM 74 de la Roche-sur-Foron en date du 24 juin 2024, a ordonné le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M.[Z] [I].

M.[I] [Z] a relevé appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville par mail envoyé le 2 juillet 2024 à 12h58, dans lequel il indiquait ne pas être malade psychiquement, être HPI, HPE, et faisait part de ses créations et projets artistiques, notamment avec la chanteuse [E].

Suivant réquisitions écrites du 4 juillet 2024, le procureur général près la Cour d'appel de Chambéry s'est prononcé en faveur d'une confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 juin 2024.

Dans l'avis motivé du 8 juillet 2024 émanant du Docteur [A] [P], concluant à la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, il est indiqué : 'Patient atteint de troubles psychotiques et thymiques à l'origine de décompensations psychotiques de plus en plus fréquentes qui l'amènent à des voyages pathologiques durant lesquels il est hospitalisé en soins psychiatriques. Actuellement, le patient revendique tout soins et refuse les traitements en milieu hospitalier ainsi qu'à la sortie. Nous notons au premier plan une anosognosie et un déni des troubles présentés à l'origine de difficultés de prise en charge. Il émet des idées délirantes mégalomaniaques'.

Lors de l'audience du 10 juillet 2024, M. [I] a sollicité la mainlevée de sa mesure d'hospitalisation complète, considérant que celle-ci n'était pas justifiée du fait qu'il ne souffrait actuellement d'aucune pathologie, ni d'aucun trouble, indiquant être 'guéri de la schizophrénie' depuis de nombreuses années. Il a contesté, par ailleurs, le caractère pathologique des voyages faits sur [Localité 7], précisant que ceux-ci avaient pour objet de faire entendre ses projets artistiques et pour l'Humanité (politiques) et qu'il était convenu, lors de son dernier déplacement, qu'il rencontre la chanteuse [E] pour laquelle il avait composé des poémes/chansons, mais qu'il en avait été empêché en raison d'un malaise. Il a confirmé qu'une somme de 1.000 euros lui avait été remise par l'UDAF pour son voyage, sans qu'il ne sache ce qu'il en avait fait, qu'il rencontrait des difficultés sur son lieu de résidence (trace de balle dans son appartement, serrure obstruée...), et s'être énervé lors de son arrivée à l'EPSM, de sorte qu'il avait été placé plusieurs jours à l'isolement. Il a ajouté que les psychiatres n'étaient pas capables de poser un diagnostic précis, ne disant jamais la même chose à son sujet, évoquant, désormais, de la mégalomanie, alors qu'il était, en réalité, 'haut potentiel intellectuel'. De plus, il a fait part de son souhait de bénéficier d'un sevrage aux médicaments au regard des effets secondaires observés, exposant que le médecin qui le suivait en milieu ouvert n'avait, d'ailleurs, pas jugé nécessaire de renouveler son ordonnance au cours des deux derniers mois ayant précédé son hospitalisation. Pour autant, il a prétendu qu'il acceptait de prendre son traitement à l'hôpital. En outre, il a mentionné qu'il avait pour projet de réintégrer son logement et de travailler dans le domaine de la vente informatique, disant ne plus avoir les moyens de se rendre sur [Localité 7]. Il a terminé ses propos en demandant à ce qu'on écoute les messages laissés par le responsable de Tik-Tok France sur son répondeur.

L'UDAF de la Haute-Savoie, représentée par Mme [S], reprenant les éléments contenus dans la note de situation du 25 juin 2024, a reitéré ses inquiétudes quant à l'état de santé et la prise en charge de M. [I], constatant que ce dernier n'allait bien que lorsqu'il était accueilli en institution. Elle a rappelé l'impossibilité de l'accompagner dans la gestion de sa vie quotidienne, du fait, notamment, d'une absence d'adhésion à la mesure, mais surtout de ses multiples allers-retours entre l'hôpital psychiatrique et [Localité 7], faisant qu'il n'était, en définitive, que très peu présent à la pension de famille, laquelle avait quand même pu évoquer la possibilité de remettre en cause son hébergement. Il a également été signalé la détresse des parents de M. [I], ne sachant plus comment réagir, et que son comportement pouvait les mettre en difficultés, notamment sur le plan financier, d'autant plus que ses ressources (AAH) ont été amoindries.

Son avocate, Maître Touzot Anne-Sophie, a été entendue en ses observations et a déposé des conclusions écrites. Elle a soulevé l'irrégularité de l'avis motivé du 8 juillet 2024, aux motifs :

- qu'il avait été rédigé sans que son client n'ait été rencontré au préalable,

- qu'il ne satisfaisait pas aux critères légaux posés par l'article L.3212-1 du code de la santé publique, à défaut de mentionner une impossibilité pour M. [I] de manifester son consentement,

- qu'il comportait des éléments contradictoires, en exposant, à la fois, dans la même phrase, que le patient 'revendique tout soins' et qu'il 'refuse les traitements en milieu hospitalier ainsi qu'à la sortie'.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par mail envoyé au greffe le 2 juillet 2024 à 12h58, M.[I] [Z] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 26 juin 2024, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la Cour d'appel ou de son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il peut relever d'office tout moyen d'irrégularité à condition de respecter le principe du contradictoire.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3212-1 du code de la santé publique que :

'I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :

1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.

La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.

Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ;

2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.

Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.

Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts'.

Suivant les dispositions de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique :

'I.-L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

1° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 du même code. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission ;

2° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L. 3212-4 ou du III de l'article L. 3213-3. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ;

3° Avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L.3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l'un des mêmes articles L.3211-12, L.3213-3, L.3213-8 ou L.3213-9-1, ou toute nouvelle décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale fait courir à nouveau ce délai. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois prévu au présent 3°'.

'II.-La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète'.

'III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Lorsqu'il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l'article L. 3211-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa, la mesure d'hospitalisation complète prend fin'.

'V.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué avant l'expiration du délai de douze jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de six mois prévu au 3° du même I, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète est acquise à l'issue de chacun de ces délais.

Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense'.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration du délai de 12 jours prévu à l'article L.3211-12-1 I 1° du code de la santé publique.

Les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats.

Le greffe a également été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

L'avocate de M.[I] fait valoir que l'avis motivé du 8 juillet 2024 serait entâché d'irrégularités à plusieurs égards, notamment en ce qu'il manquerait de clarté au sujet de l'acceptation ou du refus des soins, comportant, sur ce point, des informations contradictoires, mais surtout en ce qu'il ne fait pas mention de ce que son client serait atteint de troubles mentaux rendant impossible son consentement, ce qui ne permettrait pas de caractériser un péril imminent.

À cet égard, s'il est vrai que l'avis motivé du 8 juillet 2024 du Docteur [A] [P] pose difficulté dans sa rédaction, en ce qu'il indique, dans la même phrase, que ' actuellement, le patient revendique tout soins et refuse les traitements en milieu hospitalier ainsi qu'à la sortie', il s'avère, pour autant, qu'il est, par ailleurs, suffisamment précis et motivé s'agissant des éléments permettant à ce psychiatre de se prononcer sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, seule exigence à être posée par l'article L.3211-12-4 3° du code de la santé publique.

En effet, les textes régissant le contentieux, sus-visés, n'imposent pas au psychiatre de faire mention au stade de l'avis motivé, d'une impossibilité de la personne hospitalisée à consentir aux soins, seule la décision de soins psychiatriques sans consentement devant caractériser la réunion des deux conditions prévues à l'article L.3212-1 du code de la santé publique, au regard de l'ensemble des éléments figurant à la procédure, notamment du contenu des certificats médicaux.

Par conséquent, la Cour considère à l'examen des pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique que la procédure relative aux soins psychiatriques de M.[I] [Z] apparait régulière et que les certificats et avis médicaux présents au dossier sont motivés de manière circonstanciée conformément aux exigences légales.

Quant au bien-fondé de la mesure d'hospitalisation complète, il apparait que M. [I], connu de longue date de l'EPSM74, a, de nouveau, dû être hospitalisé à l'occasion d'un énième voyage sur [Localité 7], qualifié par le corps médical de 'pathologique' et en lien avec un 'délire mégalomaniaque' et des 'troubles schizo-affectifs/psychotiques/thymiques', au cours duquel il s'est encore mis en danger, l'intéressé évoquant, notamment, la perte d'une importante somme d'argent, une agression, un malaise et le fait qu'il ait dû dormir dans la rue.

Il est à signaler que ce nouvel épisode, ayant donné lieu à une intervention chirurgicale (opération de l'épaule), fait suite à l'arrêt de son traitement pendant deux mois.

A son arrivée à l'EPSM74, M. [I] a du être placé en chambre d'isolement pendant plusieurs jours compte tenu de son agitation et d'un risque d'hétéro-agressivité.

Par ailleurs, l'UDAF de Haute-Savoie a évoqué les sérieuses difficultés engendrées par le comportement de ce majeur protégé, que ce soit vis-à-vis des autres résidents ou de son personnel.

Bien qu'il reconnaisse certains des agissements dénoncés, M. [I] [Z] ne les critique pas et les justifie par la nécessité de faire entendre ses idées humanistes et ses projets, qu'il ne perçoit pas comme délirants, expliquant qu'il lui arrive, parfois, de s'énerver et de 'partir en crise' lorsqu'il y est fait obstacle.

Si son humeur est davantage stabilisée à ce jour, M. [I] étant en capacité de s'exprimer calmement, il demeure, toutefois, selon le dernier avis motivé du 8 juillet 2024, des idées délirantes mégalomaniaques, qu'il conteste, considérant qu'il ne s'agit que de convictions personnelles.

En proie à une profonde instabilité/impulsivité, associée à des idées de grandeur, générant des dépenses/dettes inconsidérées, M. [I], malgré des facultés cognitives indéniables, n'est manifestement pas en capacité de gérer sa vie quotidienne et a besoin d'un étayage massif, dont il ne parvient pas, toutefois, à se saisir en milieu ouvert, étant opposé à la mesure de curatelle renforcée et au fait de se soumettre à des soins, de sorte que ses sorties d'hospitalisation se soldent toujours, très rapidement, par un échec et des décompensations psychiques, lesquelles sont de plus en plus fréquentes. A cet égard, le risque d'un nouveau 'voyage pathologique' est toujours prégnant.

D'autre part, son adhésion aux soins est particulièrement ambivalente, voire inexistante, du fait d'une 'anosognosie'(cf avis motivé du 8 juillet 2024). Son discours, y compris à l'audience, où il a pu dire qu'il n'était 'pas malade' mais 'HPI/HPE', traduit une absence de prise de conscience de son état de santé et de ses besoins actuels, M. [I] [Z] considérant ne souffrir d'aucune pathologie psychiatrique et étant hostile à toute intervention extérieure, notamment sous la forme d'un programme de soins, alors même que ce dispositif serait de nature à pérenniser sa situation à l'extérieur et à le prémunir, ainsi que la société, contre le risque d'une nouvelle décompensation.

Compte tenu du déni massif des troubles présentés, de l'absence de stabilisation suffisante de son état psychique, et des aléas existant quant au respect des soins imposés, il subsiste, à ce jour, un risque de mise en danger personnelle et d'autrui, de sorte qu'il convient, pour l'instant, de maintenir provisoirement l'hospitalisation sous contrainte dont M. [I] fait l'objet, le temps, notamment, de définir avec l'ensemble des acteurs concernés, un projet de sortie solide.

M. [I] [Z] souffrant de troubles mentaux rendant impossible son consentement et son état mental imposant des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante sous la forme d'une hospitalisation complète, la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 juin 2024, qui en a autorisé la poursuite au delà du 12ème jour, sera confirmée, cette mesure lui procurant le cadre protecteur et sécurisant dont il a actuellement besoin.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la Cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente, statuant par ordonnance contradictoire, le 11 juillet 2024, après débats en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M.[Z] [I],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 juin 2024,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 11 juillet 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 24/00099
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;24.00099 ?
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