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11/07/2024 | FRANCE | N°22/00659

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 22/00659


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 11 Juillet 2024





N° RG 22/00659 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G653



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Octobre 2021, RG 18/01304



Appelant



M. [A] [L]

né le 19 Janvier 1990 à [Localité 17], demeurant [Adresse 10]



Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, Me Sophie RECH, avocat plaidant au barreau

de CHAMBERY et Me Charles SIMON, avocat plaidant au barreau de PARIS



Intimés



M. [V] [LU]

né le 25 Juillet 1957 à [Localité 17], demeurant [Adresse 7]



Mme [I] [P...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 11 Juillet 2024

N° RG 22/00659 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G653

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Octobre 2021, RG 18/01304

Appelant

M. [A] [L]

né le 19 Janvier 1990 à [Localité 17], demeurant [Adresse 10]

Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, Me Sophie RECH, avocat plaidant au barreau de CHAMBERY et Me Charles SIMON, avocat plaidant au barreau de PARIS

Intimés

M. [V] [LU]

né le 25 Juillet 1957 à [Localité 17], demeurant [Adresse 7]

Mme [I] [PY]

née le 24 Mars 1984 à [Localité 17], demeurant [Adresse 15]

Mme [D] [PY] épouse [C]

née le 19 Février 1981 à [Localité 17], demeurant [Adresse 16]

M. [M] [PY]

né le 06 Août 1950 à [Localité 17], demeurant [Adresse 2]

M. [J] [PY]

né le 07 Septembre 1974 à [Localité 17], demeurant [Adresse 13]

M. [G] [LU]

né le 26 Août 1986 à [Localité 17], demeurant [Adresse 9]

Mme [E] [MV]

née le 08 Août 1972 à [Localité 17], demeurant [Adresse 6]

M. [A] [PY]

né le 07 Septembre 1974 à [Localité 27], demeurant [Adresse 2]

M. [IR] [NW]

né le 03 Mars 1977 à [Localité 18], demeurant [Adresse 3]

Mme [R] [T]

née le 08 Février 1956 à [Localité 17], demeurant [Adresse 1]

M. [B] [PY]

né le 04 Décembre 1952 à [Localité 17], demeurant [Adresse 26]

M. [H] [N] [PY] - intervenant forcé en sa qualité d'ayant droit de [U] [PY], décédé -

né le 31 Décembre 1950 à [Localité 17], demeurant [Adresse 12]

Tous représentés par Me Fabrice PAGANELLI, avocat au barreau de CHAMBERY

*****

Mme [K] [S] [PY] - intervenante forcée en sa qualité d'ayant droit de [U] [PY], décédé -

née le 12 Avril 1953 à [Localité 17], demeurant [Adresse 5]

sans avocat constitué

M. [O] [P] [PY] - intervenant forcé en sa qualité d'ayant droit de [U] [PY], décédé -

né le 18 Décembre 1954 à [Localité 17] demeurant [Adresse 4]

sans avocat constitué

M. [HP] [Y] [PY] - intervenant forcé en sa qualité d'ayant droit de [U] [PY], décédé -

né le 13 Janvier 1958 à [Localité 17], demeurant [Adresse 14]

sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 12 mars 2024 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseillère, Secrétaire Générale,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Il existe sur le territoire de la commune de [Localité 23], lieudit [Localité 24], un four à pain, dont l'emprise est actuellement cadastrée sous le n° [Cadastre 22]. Il s'agit d'un four ancien, traditionnellement à usage commun des habitants du hameau.

Ce four avait été déplacé d'un commun accord en 1912 d'une parcelle alors n° [Cadastre 11], vers une parcelle plus grande, portant à l'époque le n° [Cadastre 8], qui appartenait à [H] [T], auteur de M. [A] [L]. En 1912, plusieurs familles du village [Localité 24] ont contribué à la reconstruction de ce four d'usage commun.

Une association dénommée « Four banal [Localité 19] » a été créée le 7 mars 2016.

Aujourd'hui M. [A] [L] soutient être propriétaire de la parcelle de terrain sise lieu-dit [Localité 25] à [Localité 23], cadastrée section [Cadastre 22], sur laquelle est implanté ce four, à la suite de la donation qui lui en a été faite avec la parcelle [Cadastre 21] le 16 octobre 2015. Les parcelles [Cadastre 22] et [Cadastre 21] ensemble correspondent notamment à l'ancienne parcelle n° [Cadastre 8].

Un litige est alors né avec diverses personnes se prévalant d'un droit d'utilisation du four du village [Localité 24] équivalant, selon elles, à un droit de propriété. Les tentatives de résolution amiable de ce litige n'ont pas abouti.

C'est ainsi que, par acte délivré le 25 juillet 2018, M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [U] [PY], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] ont fait assigner M. [A] [L] devant le tribunal de grande instance de Chambéry, pour qu'il soit jugé qu'ils sont propriétaires, avec M. [A] [L], du four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] à [Localité 23].

M. [A] [L] a comparu en soutenant principalement être seul propriétaire du four litigieux, et subsidiairement a conclu à la limitation de la copropriété aux descendants de certaines familles seulement.

Par jugement contradictoire du 25 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

déclaré recevable l'action de Mme [E] [MV], pour défaut de qualité à agir,

dit que la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] appartient à M. [A] [L],

dit qu'en raison d'un usage local ancestral, un droit de superficie a été créé au profit des villageois du lieudit [Localité 24], sur le four sis sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] appartenant à M. [A] [L],

débouté en conséquence M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [U] [PY], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] de leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que le four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] leur appartient en copropriété exclusive,

débouté M. [A] [L] de sa demande tendant à ce qu'il soit déclaré seul propriétaire du four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22],

dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

dit que les dépens seront partagé par moitié entre Mme [E] [MV], M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [U] [PY], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] d'une part et M. [A] [L] d'autre part,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 15 avril 2022, M. [A] [L] a interjeté appel de cette décision.

M. [U] [PY] est décédé en cours d'instance. Par actes délivrés le 18 juillet 2022, M. [A] [L] a fait délivrer à ses héritiers une assignation en intervention forcée devant la cour. M. [H] [PY], Mme [K] [PY], M. [O] [PY] et M. [HP] [PY], ont été régulièrement assignés par actes délivrés à leurs personnes, sauf pour M. [HP] [PY] (acte déposé à l'étude). Ils n'ont pas constitué avocat devant la cour, à l'exception de M. [H] [PY], partie à l'instance devant le tribunal et déjà intimé.

Par conclusions notifiées le 3 janvier 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [A] [L] demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article 16 du code de procédure civile,

Vu les articles 517 et 518 du code civil,

Vu l'article 552 du code civil,

Vu la loi du 23 mars 1855 sur la transcription en matière hypothécaire,

Vu les articles 2260 et 2261 du code civil,

annuler, subsidiairement infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry du 25 octobre 2021 en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action de Mme [E] [MV], pour défaut de qualité à agir,

- dit qu'en raison d'un usage local ancestral, un droit de superficie a été créé au profit des villageois du lieudit [Localité 24], sur le four sis sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] appartenant à M. [A] [L],

- débouté M. [A] [L] de sa demande tendant à ce qu'il soit déclaré seul propriétaire du four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22],

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

- dit que les dépens seront partagé par moitié entre Mme [E] [MV], M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [U] [PY], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] d'une part et M. [A] [L] d'autre part,

déclarer irrecevable la prétention de Mme [E] [MV], M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY], M. [M] [PY], ainsi que la succession de M. [U] [PY], tendant à la reconnaissance d'un droit de superficie notamment à leur profit, formulée pour la première fois dans leurs conclusions récapitulatives,

Statuant à nouveau,

juger n'y avoir lieu à reconnaissance de l'existence d'un droit de superficie portant sur le four implanté sur le terrain de M. [A] [L] au profit des villageois du lieudit [Localité 24],

déclarer M. [A] [L] seul propriétaire du four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22],

ordonner la publication de l'arrêt rendu au service de la publicité foncière,

constater que les intimés n'ont formulé aucun appel incident dans le délai imparti par l'article 909 du code de procédure civile,

débouter Mme [E] [MV], M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY], M. [M] [PY], ainsi que la succession de M. [U] [PY] de l'intégralité des demandes contraires qu'ils formeraient en appel,

subsidiairement, juger que seuls les descendants de M. [W] [X], M. [H] [T], M. [F] [T], M. [H] [OX], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [Z] [PY] et M. [AN] [RZ] peuvent prétendre réclamer une reconnaissance de copropriété,

condamner Mme [E] [MV], M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY], M. [M] [PY], ainsi que la succession de M. [U] [PY] à payer la somme de 8 000 euros à M. [A] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec application pour ceux d'appel des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de la SELURL Bollonjeon, avocat associée.

Par conclusions notifiées le 9 octobre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY], épouse [C], et M. [M] [PY] demandent en dernier lieu à la cour de :

juger mal fondés les appels nullité et réformation de M. [A] [L],

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le droit de superficie de la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] et le four appartiennent en raison d'un usage local né de temps immémoriaux à l'ensemble des villageois, et au moins aux intimés en leurs qualités de villageois et d'ayant-droit des créateurs du droit de superficie,

juger en conséquence, que le droit de superficie sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] et le four implanté sur celle-ci appartiennent notamment à M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY], épouse [C], et M. [M] [PY] , afin que ceux-ci puissent exercer leurs droits sur le four à pain,

condamner M. [A] [L] à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [A] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Fabrice Paganelli, avocat au barreau de Chambéry, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée à la date du 15 janvier 2024, et renvoyée à l'audience du 12 mars 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 23 mai 2024, prorogé à ce jour

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du jugement 

M. [A] [L] soutient que le jugement déféré doit être annulé au motif que le tribunal a statué sur l'existence d'un droit de superficie qui n'était invoqué par aucune des parties, et qu'il a ainsi violé le principe du contradictoire.

Les intimés soutiennent que le tribunal est resté dans le cadre de sa saisine puisqu'il a statué sur l'existence d'un droit réel sur le four litigieux.

Sur ce, la cour,

En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L'article 12 du même code dispose que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé.

En l'espèce, le tribunal a été saisi par les intimés d'une action en revendication d'un droit de propriété sur le four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] à [Localité 23], M. [A] [L] leur opposant pour sa part son propre droit de propriété résultant notamment de l'accession.

Il résulte de ce simple énoncé que le tribunal a statué dans les limites du litige qui lui était soumis et n'a soulevé aucun moyen qui n'a pas été soumis au débat. En effet, saisi de la question de la détermination du titulaire du droit de propriété sur le bâtiment, le tribunal a statué sur l'existence de ce droit, revendiqué par chacune des parties, et pouvait qualifier le droit réel de droit de superficie, lequel est lié au droit d'accession revendiqué par l'appelant, sans avoir à solliciter les explications des parties.

Par ailleurs, c'est en vain que M. [A] [L] soutient que le tribunal aurait reconnu un droit de propriété à des tiers à la procédure. En effet, le tribunal a jugé qu'un droit de superficie a été créé au profit des villageois du lieudit les Fillard, sans les dénommer, et a rejeté l'action en revendication des demandeurs et du défendeur, de sorte qu'il n'a attribué la propriété à aucune des parties, ni à des tiers.

Le jugement n'encourt donc pas la nullité.

Sur la recevabilité des demandes des intimés 

- Sur la présence de tous les indivisaires :

M. [A] [L] développe des moyens dans ses conclusions relatifs à l'absence de trois des héritiers de [U] [PY], décédé en cours d'instance, ainsi qu'à l'absence des autres membres de l'indivision qui se prétendent propriétaires du four.

Sur ce, la cour,

M. [A] [L] ne tire aucune conséquence de droit des moyens d'irrecevabilité qu'il invoque puisque le dispositif de ses conclusions ne contient pas de demande d'irrecevabilité de cette nature, étant souligné qu'en tout état de cause, il a fait assigner en intervention forcée l'ensemble des héritiers de [U] [PY], de sorte que la procédure leur est opposable, quand bien même ils n'ont pas constitué avocat devant la cour.

Quant à l'existence d'autres indivisaires potentiels du droit réel revendiqué, force est de constater que M. [A] [L] ne demande pas non plus que les demandes des intimés soient déclarées irrecevables sur ce fondement, étant rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 815-2 du code civil, à supposer qu'une indivision existe, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, ce qui inclut l'action en revendication de propriété indivise d'un bien.

L'absence de certains indivisaires à l'instance n'interdit donc nullement l'action engagée par les autres pour le compte de l'indivision entière. A cet égard, c'est en vain que M. [A] [L] reproche aux intimés de ne pas préciser quels sont les autres indivisaires concernés, seuls ces dernier pouvant, le cas échéant, engager la responsabilité de ceux qui ont agi sans leur consentement, et non un tiers à l'indivision.

Aucune fin de non-recevoir ne peut donc prospérer sur le fondement des règles applicables en matière d'indivision.

- Sur la formulation des demandes :

M. [A] [L] soutient que les intimés, qui ne demandent pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes, sont en outre irrecevables à solliciter la reconnaissance d'un droit de superficie à leur profit, cette demande n'ayant été formée que dans leurs conclusions récapitulatives et non dans leurs premières conclusions d'intimés. Il invoque à cet effet les dispositions des articles 542 et 910-4 du code de procédure civile.

Les intimés n'ont pas répondu sur ce point.

Sur ce, la cour,

En application de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

L'article 910-4 du même code dispose que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, la lecture comparée des dispositifs des premières conclusions des intimés, notifiées le 30 septembre 2022, et de leurs conclusions récapitulatives, notifiées le 9 octobre 2023, révèle que, si la formulation est légèrement différente, les demandes sont en réalité identiques puisqu'il est demandé, dans un cas comme dans l'autre, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le droit de superficie de la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] et le four appartiennent, en raison d'un usage local né de temps immémoriaux, à l'ensemble des villageois,

- juger en conséquence que la parcelle (ou plus précisément le droit de superficie) et le four appartiennent notamment aux intimés.

Aucune irrecevabilité sur le fondement des textes précités n'est donc encourue.

Sur l'existence d'un droit de superficie 

M. [A] [L] soutient qu'aucun usage ancestral n'est démontré ni l'existence d'un droit de superficie au profit des intimés ou de leurs auteurs. Il soutient que le seul titre de propriété de la parcelle [Cadastre 22] est le sien, aucun titre concurrent n'ayant été publié.

Les intimés, qui ne reprennent pas en appel leur demande tendant à se voir reconnus propriétaires du foncier, sollicitent la confirmation de la reconnaissance au profit des villageois d'un droit de superficie dont ils sollicitent le bénéfice à leur profit.

Sur ce, la cour,

En application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Les articles 711 et 712 du même code disposent que la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations. Elle s'acquiert aussi par accession ou incorporation et par prescription.

Il est de jurisprudence constante que la propriété immobilière se prouve par tous moyens et les titres publiés peuvent être combattus s'il est justifié d'un droit concurrent qui doit leur être préféré.

L'article 552 du code civil dispose par ailleurs que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Enfin, l'article 553 du même code prévoit que toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur, sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription, soit d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâtiment.

Ainsi, le propriétaire du sol est présumé propriétaire des constructions qui y sont élevées, cette présomption pouvant être combattue par la preuve contraire.

Le droit de superficie est un droit réel qui crée une division du bien entre le propriétaire du sol, d'une part, et le propriétaire de l'espace représenté par la surface du sol, lequel peut comprendre des constructions, d'autre part. Il constitue une exception aux articles 552 et 553 du code civil précités.

En l'espèce, il est constant, et aujourd'hui non contesté, que le sol de la parcelle [Cadastre 22] est la propriété de M. [A] [L]. En effet, les intimés ne contestent plus la propriété de l'appelant puisqu'ils demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un droit de superficie, et n'en demandent pas l'infirmation en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à s'en voir déclarer seuls propriétaires.

Au demeurant, les titres produits aux débats établissent que les auteurs de M. [A] [L] étaient propriétaires de la totalité de la parcelle à l'époque cadastrée sous le n° [Cadastre 8], divisée à une date non précisée, mais postérieure à 1934, en deux parcelles cadastrées [Cadastre 21] et [Cadastre 22], cette dernière représentant l'emprise du four litigieux. Le titre de propriété de M. [A] [L] et ceux de ses auteurs directs contiennent les deux parcelles, sans mention de l'existence du four (pièces n° 4 à 6 de l'appelant).

Les intimés produisent aux débats des pièces n° 8 à 12 qui établissent qu'en 1912, les habitants du village [Localité 24] ont décidé de la reconstruction du four commun en le déplaçant d'une parcelle alors cadastrée sous le n° [Cadastre 11] (aujourd'hui [Cadastre 20]), vers la parcelle alors cadastrée n° [Cadastre 8]. Ce déplacement a fait l'objet de plusieurs documents faisant notamment intervenir [H] [T] (auteur de M. [A] [L]), alors propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 8].

Ces conventions démontrent que les intéressés ont décidé de la reconstruction à frais communs de ce four, sur le terrain de [H] [T], dans le but de permettre l'utilisation de ce four par les différents « copropriétaires » nommément désignés. Ces actes sous seings privés ne font à aucun moment référence à la propriété du terrain d'assiette de la construction. Il est toutefois constant que cette construction s'est faite avec le consentement du propriétaire du fonds, [H] [T], également partie.

La lecture de la pièce n° 9 des intimés, particulièrement difficile à lire, permet toutefois de comprendre que l'accord, signé le 22 novembre 1912, était destiné à mettre fin au litige existant entre [H] [PY], d'une part, et les différents intéressés à la reconstruction et au déplacement du four, d'autre part, le premier se plaignant de ce que la nouvelle implantation lui causait préjudice par éloignement. Seul ce litige y est tranché par paiement d'indemnités et engagements réciproques, le seul identifiable concernant le four étant libellé comme suit :

« Mr [PY] [H] abandonne aux autres copropriétaires tous ses droits sur le terrain de l'ancien four, mais par contre il aura tous droits de jouissance sur le four neuf et cela sans que l'on puisse lui réclamer quoi que ce soit dans les frais de construction de ce four neuf ».

Le reste de l'accord concerne [H] [PY] et son cousin [J] [PY], sans lien direct avec le nouveau four et son emprise.

Nonobstant le terme de « copropriétaires » employé, cette convention ne peut avoir créée un droit de superficie au profit des parties à cet acte, en l'absence de toute mention d'un consentement du propriétaire du fonds en ce sens ([H] [T], parcelle n° [Cadastre 8]). En effet, s'il existe un usage ancestral des fours à pain communs en Savoie, il ne peut en être déduit que cet usage crée nécessairement un droit de superficie, ou tout autre droit réel, au profit des habitants qui en bénéficient, aucune pièce ne permettant de l'établir.

Les termes de la convention du 22 novembre 1912, et l'absence de toute mention du four et des droits qui y seraient attachés dans les titres postérieurs, démontrent que c'est un simple droit d'usage qui a existé, lequel est un droit personnel, attaché à la qualité d'habitant du village. Ce droit personnel a pu ainsi se renouveler et le cas échéant se transmettre au fil du temps, mais n'est pas constitutif d'un droit réel sur le bien lui-même.

Il sera ajouté que les intimés ne démontrent pas que le droit réel dont ils se prétendent titulaires leur aurait été transmis par titre.

Les intimés invoquent également la prescription acquisitive du droit de superficie à leur profit.

Toutefois, aucun acte de possession à titre de propriétaire n'est démontré au-delà de 1912 (ni travaux, ni même actes d'usage lesquels résultent des seules affirmations des intimés), tandis que le seul usage associatif, dans un cadre festif, établi par la pièce n° 16, et sur une durée limitée aux années 2007 et 2008, ne constitue évidemment pas une possession utile et à titre de propriétaire, sans compter l'absence de tout lien établi de cette utilisation avec les intimés.

Quant au projet de protocole d'accord (non signé) proposé par M. [A] [L] à l'association « Four banal [Localité 19] » créée en 2016 (pièce n° 3 des intimés), celui-ci ne constitue pas non plus une reconnaissance du droit de superficie revendiqué, ni d'une usucapion. L'engagement essentiel auquel M. [A] [L] se proposait de consentir est en effet le suivant :

« Monsieur [A] [L] est propriétaire de la parcelle [Cadastre 22] située sur la commune de [Localité 23] lieudit [Localité 24] sur laquelle existe le four du village. Il s'engage, ainsi que tous les propriétaires successifs de ladite parcelle à mettre celle-ci à disposition de l'association Four banal [Localité 19] afin qu'elle puisse continuer d'utiliser le four chaque fois qu'ils en ont besoin comme par le passé (...) Le propriétaire ne pourra pas démolir le four sauf en cas de disparition de l'association ».

Il n'y a donc nul renoncement à la propriété ni du sol, ni même du bâtiment, mais une simple mise à disposition du four, donc un simple droit d'usage, proposé à une association de surcroît, laquelle n'est pas partie à l'instance, et dont le lien avec les intimés n'est pas prouvé.

Le droit de superficie n'est donc pas établi, ni par titre, ni par usucapion.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a jugé qu'un droit de superficie a été créé au profit des villageois et les intimés seront déboutés de leur demande à se voir reconnaître comme titulaires de ce droit.

Il résulte de ce qui précède que M. [A] [L] est seul et entier propriétaire de la parcelle [Cadastre 22] et du four qui y est implanté, par application des dispositions des articles 552 et 553 du code civil, en l'absence de droit concurrent pouvant lui être préféré. Il sera donc jugé en ce sens, étant rappelé que la publication du présent arrêt n'est aucunement nécessaire dans la mesure où M. [A] [L] dispose déjà d'un titre de propriété dûment publié. Il lui appartient, le cas échéant, de procéder à cette publication s'il l'estime nécessaire.

Sur les autres demandes 

Les intimés constitués, qui succombent à titre principal, supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELURL Bollonjeon, avocat associée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [A] [L] la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum les intimés constitués à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Déboute M. [A] [L] de sa demande en nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 25 octobre 2021

Déclare recevables les demandes de M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] telles qu'elles résultent de leurs conclusions notifiées le 9 octobre 2023,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

dit qu'en raison d'un usage local ancestral, un droit de superficie a été créé au profit des villageois du lieudit [Localité 24], sur le four sis sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22] appartenant à M. [A] [L],

débouté M. [A] [L] de sa demande tendant à ce qu'il soit déclaré seul propriétaire du four implanté sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 22],

dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

dit que les dépens seront partagé par moitié entre Mme [E] [MV], M. [V] [LU], M. [G] [LU], M. [U] [PY], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] d'une part et M. [A] [L] d'autre part,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] de leur demande tendant à se voir reconnaître titulaires d'un droit de superficie sur la parcelle cadastrée à [Localité 23], section [Cadastre 22] et le four implanté sur celle-ci,

Dit que M. [A] [L] est seul et entier propriétaire de la parcelle cadastrée à [Localité 23], lieudit [Localité 24], section [Cadastre 22], et du four qui y est implanté,

Déboute M. [A] [L] de sa demande de publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de [Localité 18],

Condamne in solidum M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELURL Bollonjeon, avocat associée,

Condamne in solidum M. [V] [LU], M. [G] [LU], Mme [E] [MV], M. [J] [PY], M. [H] [PY], M. [A] [PY], M. [IR] [NW], Mme [R] [T], M. [B] [PY], Mme [I] [PY], Mme [D] [PY] et M. [M] [PY] à payer à M. [A] [L] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 11 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00659
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.00659 ?
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