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02/07/2024 | FRANCE | N°24/00020

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 02 juillet 2024, 24/00020


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 24/00020 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOII débattue à notre audience publique du 21 Mai 2024 - RG au fond n°

24/00415 - 2ème section





ENTRE





Mme [J] [H]

demeurant [Adresse 3]



Représentée par la SELARL LEXCASE SOCIETE D'AVOCATS, avoc...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 24/00020 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOII débattue à notre audience publique du 21 Mai 2024 - RG au fond n° 24/00415 - 2ème section

ENTRE

Mme [J] [H]

demeurant [Adresse 3]

Représentée par la SELARL LEXCASE SOCIETE D'AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

Demanderesse en référé

ET

S.A.S. DTM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège situé [Adresse 3]

S.C.I. SEDENO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège situé [Adresse 3]

représentées par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Défenderesses en référé

'''

Exposé du litige

Par acte authentique du 1er décembre 2009, Madame [J] [H] a acquis une maison d'habitation sans confort, un atelier et un jardin cadastré section AB n°[Cadastre 6] [Adresse 9] sur la commune de [Localité 10] (Haute-Savoie) auprès de Madame [E] [F].

Par acte authentique du 28 mai 2021, la Sci Sedeno a acquis un chalet avec terrain attenant cadastré section AB n°[Cadastre 4],[Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] [Adresse 9] sur la commune de [Localité 10] (Haute-Savoie) auprès de Monsieur [O] [I].

La Sci Sedeno a, par contrat du 1er juin 2021, consenti un bail professionnel à la Sas Dtm sur un bâtiment de 60 m2 et un garage de 16 m² situés [Adresse 2] à [Localité 10] à destination de local et dépôt moyennant un loyer mensuel de 300 euros.

Saisi sur assignation du 4 mai 2022 délivrée par la Sci Sedeno et la Sas Dtm, le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon Les Bains, a, par décision réputée contradictoire rendue le 21 juin 2022, condamné Madame [J] [H] :

- à déposer et enlever, dans les huit jours suivant la signification de l'ordonnance et, une fois ce délai expiré, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, le portail en bois et l'ensemble des objets installés sur l'assiette de la servitude de passage grevant la parcelle cadastrée AB[Cadastre 6] au bénéfice des parcelles cadastrées AB [Cadastre 5] et [Cadastre 7],

- à verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [J] [H] a fait appel de cette décision le 6 juillet 2022 puis le 19 août 2022 a fait assigner la SAS Dtm et la SCI Sedeno en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin de voir arrêter l'exécution provisoire de la décision en application de l'article 514-3 du code de procédure civile et de voir condamner les défendeurs in solidum à la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Suivant ordonnance rendue le 8 décembre 2022, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry a suspendu l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 21 juin 2022 par le président du tribunal judiciaire de Thonon Les Bains et débouté les parties de toutes autres demandes.

Par arrêt du 25 mai 2023, la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Chambéry a dit que l'acte d'assignation de Mme [J] [H] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon Les Bains était nul, a annulé l'ordonnance rendue le 21 juin 2022, a condamné in solidum la SAS Dtm et la SCI Sedeno à payer à Mme [J] [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Saisi sur assignation du 25 juillet 2023 délivrée par la SCI Sedeno et la SAS Dtm, le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon Les Bains a, le 5 mars 2024 :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Madame [J] [H],

- condamné Madame [J] [H] à déposer et enlever, dans les quinze jours suivant la signification de l'ordonnance et, une fois ce délai expiré, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, le portail en bois et l'ensemble des objets installés sur l'assiette de la servitude de passage grevant la parcelle cadastrée AB [Cadastre 6] au bénéfice des parcelles cadastrées AB [Cadastre 5] et [Cadastre 7],

- s'est réservé le cas échéant la liquidation de l'astreinte,

- débouté Madame [J] [H] de sa demande de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice moral,

- condamné Madame [J] [H] à payer à la Sci Sedeno et à la Sas Dtm la somme globale de 2 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Madame [J] [H] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [J] [H] aux dépens de l'instance.

Madame [J] [H] a interjeté appel de cette décision le 21 mars 2024 (n°DA 24/408 et n°RG 24/415), émettant des critiques à l'encontre de l'ensemble des chefs de jugement de la décision.

Par actes de commissaire de justice délivrés le 25 mars 2024, Madame [J] [H] a fait assigner la Sas Dtm et la Sci Sedeno en référé devant madame la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin de voir arrêter l'exécution provisoire de la décision sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 avril 2024 et a fait l'objet d'un renvoi à la demande des parties aux fins de communication de pièces et d'échange des conclusions. Le dossier a été retenu à l'audience du 21 mars 2024.

Madame [J] [H] demande à la Cour, conformément aux termes de son assignation, de :

à titre principal,

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du juge des référés rendue le 05 mars 2024,

en tout état de cause,

- condamner la Sci Sedeno et la Sas Dtm aux dépens,

- condamner in solidum la Sci Sedeno et la Sas Dtm à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il existe des chances sérieuses de réformation dans la mesure où la Sas Dtm n'a pas d'intérêt à agir et où la Sci Sedeno n'est pas enclavée et ne bénéficie d'aucune servitude de passage sur son fond ni aucun droit de passage antérieur. S'agissant des conséquences manifestement excessives, elle précise que l'exécution de la décision impliquerait de supprimer le portail installé ainsi que les portants et montants pour laisser passer de larges véhicules agricoles.

La Sas Dtm et la Sci Sedeno demandent à la Cour, conformément à leurs écritures notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, de :

- débouter Madame [J] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Madame [J] [H] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles font valoir qu'il y a un usage de ce passage depuis plus de trente ans puisqu'un acte concernant la maison utilisée par la Sas Dtm mentionne déjà ce passage en 1978 et que Madame [J] [H] a reconnu cette servitude de passage devant l'expert en 2011. Elles expliquent qu'il n'existe aucune conséquence manifestement excessive puisque l'ouverture du portail suffit et qu'il n'y a rien à détruire, précisant qu'aucun véhicule lourd ne va passer et que le passage par les champs n'est pas toujours possible.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens.

Sur ce

1. Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

L'article 55 II du décret du 11 décembre 2019 énonce que les dispositions de l'article 3 s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020. Ainsi, la demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est soumise aux dispositions nouvelles du code de procédure civile que lorsqu'elle a été engagée après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce.

Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'

Pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire, Madame [J] [H] doit prouver cumulativement l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et l'existence de conséquences manifestement excessives en cas d'exécution de la décision.

1.1 Sur le moyen sérieux de réformation

Le moyen sérieux de réformation est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a motivé sa décision sur le trouble manifestement illicite mentionné à l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Madame [J] [H] fait cependant valoir l'absence de servitude au profit de la Sci Sedeno.

Il résulte de l'extrait du plan cadastral de la commune de [Localité 10] que les parcelles cadastrées section AB n° [Cadastre 5] et [Cadastre 7] sont enclavées en ce qu'elle ne sont pas directement accessibles depuis la voie publique ;

En application de l'article 682 du code civil, elles sont fondées à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ;

Les articles 683 à 685 du code civil fixent les règles quant à la détermination du passage, son exercice et son assiette : trajet le plus court et le moins dommageable, trajet sur les terrains ayant fait l'objet d'une division, assiette et mode déterminés par trente années d'usage continu ;

Le permis de construire octroyé le 15 juin 1978 fait mention d'un droit de passage sur la parcelle n°[Cadastre 6] pour accéder aux parcelles n°[Cadastre 5] et [Cadastre 7] (pièce 5 des défendeurs).

Le pré-rapport d'expertise dressé le 15 février 2012 par Monsieur [N] [Z] s'agissant de la parcelle n°[Cadastre 1] énonce que Madame [J] [H] 'respecte et autorise le passage sur son fonds des utilisateurs des parcelles n° [Cadastre 5] et [Cadastre 7]' (pièce 12 du demandeur). Il énonce que l'acte du 1er décembre 2009 'rappelle les servitudes grevant la parcelle n°[Cadastre 6] ; ces servitudes sont : une servitude de passage au profit des parcelles n°[Cadastre 7] et [Cadastre 5] matérialisée au plan cadastral sous pointillés.' et qu'une 'servitude de passage [est] reconnue par un acte notarié [et] autorise déjà un passage à cet endroit au profit des parcelles n°[Cadastre 5] et [Cadastre 7].' Le plan cadastral fait en effet apparaître une ligne en pointillés reliant la parcelle n°[Cadastre 6] aux parcelles n°[Cadastre 5] et [Cadastre 7] (pièce 3 du demandeur).

Cependant, contrairement aux énonciations de l'expert, l'acte authentique du 1er décembre 2009 par lequel Madame [J] [H] a acquis la parcelle AB [Cadastre 6] mentionne qu' 'aux termes d'un acte reçu par Maître [K] [S] [L], notaire à [Localité 11] en date du 17 avril 2002, publié au bureau des hypothèques de [Localité 11] le 23 mai 2002, volume 2002P, numéro 3553, il a été précisé ce qui suit littéralement retranscrits : "le vendeur déclare une servitude de passage sur le bien objet des présentes matérialisée sous pointillés sur le plan ci-après annexé au profit des parcelles cadastrées '[Adresse 9]' section AB [Cadastre 7] et [Cadastre 5] ; ce que l'acquéreur déclare reconnaître et faire son affaire personnelle ; celle-ci n'a pas été constatée par écrit" ' (pièces 1 du demandeur et 20 des défendeurs).

Par ailleurs, l'acte authentique en date du 28 mai 2021 d'acquisition par la Sci Sedeno des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 5] mentionne que 'le vendeur déclare que le bien présentement vendu ne bénéficie d'aucune servitude constatée par acte authentique lui permettant un accès à la voie publique, l'accès actuel par la parcelle AB n°[Cadastre 6] étant bloquée par les voisins ' (pièce 2 du demandeur).

Ainsi, il résulte de ce qui précède qu'aucune servitude ou assiette n'a été établie par écrit ; en outre, si la SAS Dtm et la SCI Sedeno se prévalent de l'utilisation d'un usage continu de trente ans, cet élément de fait est contesté et les pièces produites sont de nature à constituer un moyen sérieux de réformation de la décision rendue ;

1.2 Sur les conséquences manifestement excessives

S'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques concrets générés par la mise à exécution de la décision rendue. En outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une obligation de faire, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible.

Le pré-rapport d'expertise du 15 février 2012 précise, s'agissant de la parcelle n°[Cadastre 6], qu'un passage sur la parcelle de Madame [J] [H] présente plusieurs inconvénients, et notamment :

- qu'il scinde en deux une parcelle bâtie en usage d'habitation,

- qu'il passe au dessus d'une fosse sceptique et de réseaux présentant une faible couverture, avec un risque de dommages matériels dû au passage d'engins trop lourds,

- qu'il passe le long d'une maison d'habitation devant les ouvertures principales,

- qu'il présente une largeur limitée et contrainte au niveau des constructions existantes.

Dès lors, l'exécution provisoire présente des conséquences manifestement excessives, le pré-rapport évoquant des risques de dommages matériels dus au passage d'engins trop lourds ;

Par conséquent, il convient de prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire.

2. Sur les autres demandes

La Sas Dtm et la Sci Sedeno, parties succombantes, supporteront la charge des dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

En outre, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en matière de référé,

ARRETONS l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Thonon Les Bains le 05 mars 2024,

DEBOUTONS les parties des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS la Sci Sedeno et la Sas Dtm à supporter la charge des dépens de l'instance.

Ainsi prononcé publiquement, le 02 juillet 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 24/00020
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;24.00020 ?
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