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02/07/2024 | FRANCE | N°24/00018

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 02 juillet 2024, 24/00018


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 24/00018 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOA2 débattue à notre audience publique du 07 Mai 2024 - RG au fond n°

23/01760 - 1ere section





ENTRE





M. [G] [Y]-[P]

chez Mme [B] - [Adresse 1]



Mme [O] [Y]-[P] épouse [Y]-[P] demeurant [Adresse ...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 24/00018 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOA2 débattue à notre audience publique du 07 Mai 2024 - RG au fond n°23/01760 - 1ere section

ENTRE

M. [G] [Y]-[P]

chez Mme [B] - [Adresse 1]

Mme [O] [Y]-[P] épouse [Y]-[P] demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Séverine DERONZIER, avocat au barreau de CHAMBERY

Demandeurs en référé

ET

E.P.I.C. HAUTE-SAVOIE HABITAT, office public de l'habitat de la Haute-Savoie, pris en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SCP STACOVA3, avocats au barreau de CHAMBERY

Défenderesse en référé

'''

Exposé du litige

Par acte du 25 juin 1991, l'Opac de la Haute-Savoie a consenti à la Snc Casino France un bail commercial portant sur l'activité de vente d'alimentation générale situé à [Localité 3] (Haute-Savoie).

Par acte du 29 mars 2019, la Sas Distribution Casino France a cédé son fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, à la Sas C Super Food, constituée par acte du 27 mars 2019 entre la Sas [Y] Holding, M. [G] [Y]-[P] et son épouse Mme [O] [B].

Saisi par acte de commissaire de justice délivré le 10 septembre 2021 par l'Epic Haute Savoie Habitat, venant aux droits de l'Opac de Haute-Savoie, à la Sas C Super Food, M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P], le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a, par jugement du 06 novembre 2023 :

- constaté que la résiliation du bail commercial litigieux a été prononcée le 25 février 2022 par le liquidateur judiciaire de la Sas C Super Food, date de sa prise d'effet,

- dit en conséquence que la demande de résiliation de bail est sans objet,

- condamné solidairement M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [Y]-[P], née [B] à verser à Haute-Savoie Habitat la somme de 40 449,42 euros au titre des loyers, charges et taxes impayés au 25 février 2022,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné solidairement M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [Y]-[P] née [B] à verser à Haute-Savoie Habitat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [Y]-[P] née [B] aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer, de l'assignation et de la notification aux créanciers inscrits, mais non de la procédure de référé, ni des frais à venir,

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [Y]-[P] ont interjeté appel de cette décision le 14 décembre 2023 (n° DA 23/1762 et n° RG 23/1760), émettant des critiques à l'encontre des chefs de jugement les condamnant au versement d'une somme de 40 449,42 euros, au paiement des dépens et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte de commissaire de justice signifié le 29 février 2024, dont l'instance est enrôlée sous le RG n°24/18, M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] ont fait assigner l'Epic Haute Savoie Habitat devant madame la première présidente de la cour d'appel de Chambéry statuant en référé sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile afin de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 06 novembre 2023.

Par actes de commissaire de justice signifiés le même jour, dont l'instance est enrôlée sous le RG n°24/19, l'Epic Haute Savoie Habitat a fait assigner M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] devant madame la première présidente de la cour d'appel de Chambéry statuant en référé sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile afin de voir ordonner la radiation de l'appel pour défaut d'exécution de la décision de première instance.

Les deux affaires ont été appelées à l'audience du 26 mars 2024 et renvoyées à la demande des parties pour échange de pièces et communication des conclusions. Les dossiers ont été retenus à l'audience du 07 mai 2024.

M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] demandent à la Cour, conformément à leurs écritures notifiées le 03 mai 2024, de:

- ordonner la jonction des procédures enregistrées sous le RG n°24/18 et n° 24/19,

- déclarer recevable leur demande,

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire,

- condamner l'Epic Haute Savoie Habitat aux dépens.

Ils font valoir qu'ils n'ont pas fait valoir d'observations en première instance sur l'exécution provisoire dès lors qu'ils n'avaient plus de nouvelles de leur avocat, constitué dans le dossier.Ils ajoutent ne pas avoir les moyens d'exécuter la décision, ayant 4 enfants, dont un enfant handicapé, ce qui implique que Mme [O] [B] ne peut pas travailler. Ils précisent que leur dossier de surendettement a par ailleurs été accepté par la commission. Enfin, ils assurent que l'Opac de la Haute Savoie ne leur a pas mis à disposition un local correct, ce qui constitue un moyen sérieux de réformation.

L'Epic Haute-Savoie Habitat demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées le 06 mai 2024, de :

- ordonner la jonction des deux instances,

-débouter M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] de l'intégralité de leurs demandes,

- ordonner la radiation du rôle de l'affaire pendante devant la cour d'appel de Chambéry enrôlée sous le RG n°23/1760,

- condamner solidairement M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] aux entiers dépens.

Il fait valoir que M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] étaient représentés en première instance et que le jugement est contradictoire à leur encontre. Il énonce que l'exécution provisoire n'a pas été discutée en première instance, et qu'ainsi seules les conséquences manifestement excessives postérieures au jugement peuvent être retenues, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il précise que la décision ne peut qu'être confirmée en appel dans la mesure où le local était exploitable, la société Casino n'ayant jamais rien signalé, que les époux [Y] [P] sont partis du jour au lendemain en laissant tout sur place, en ce compris des congélateurs avec des denrées périssables à l'intérieur.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens.

Sur ce

1. Sur la demande de jonction

Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile, 'le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.'

Il existe indiscutablement entre les litiges enrôlés sous les numéros RG n°24/18 et RG 24/19 un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble.

Il convient en conséquence d'ordonner la jonction de ces dossiers qui figureront désormais sous le seul et même numéro RG n°24/18.

2. Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

L'article 55 II du décret du 11 décembre 2019 énonce que les dispositions de l'article 3 s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020. Ainsi, la demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est soumise aux dispositions nouvelles du code de procédure civile que lorsqu'elle a été engagée après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce.

Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'

Il résulte du jugement de première instance rendu contradictoirement par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 06 novembre 2023, alors que toutes les parties étaient représentées par un avocat, que l'exécution provisoire n'a pas été discutée en première instance, aucune demande n'ayant été faite à ce propos.

Aussi, les éventuelles difficultés ayant pu survenir entre M.et Mme [Y]-[P] et leur avocat en première instance ne remettent pas en cause le fait qu'ils avaient la possibilité de contester l'exécution provisoire de droit en première instance, ce qu'ils n'ont pas fait ;

Par conséquent, la présente instance répond aux conditions de l'alinéa 2 de l'article 514-3 du code de procédure civile, M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [Y]-[P] devant cumulativement prouver l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation ainsi que l'existence de conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement au jugement pour que leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire soit accueillie.

M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] font valoir des difficultés financières importantes et un état de surendettement, notamment en raison de l'impossibilité pour Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] de travailler compte tenu de l'état de santé de l'un de leurs enfants.

Or, les pièces produites aux débats démontrent que l'état de surendettement de M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] a été constaté par la commission de surendettement des particuliers du Jura lors de la séance du 31 mai 2022 (pièce 42 des demandeurs) et que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour [J] a été attribuée par courrier du 2 mai 2023 ; ainsi, les difficultés économiques alléguées par les demandeurs ne sont pas postérieures au jugement de première instance.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera par conséquent déclarée irrecevable.

En tout état de cause, les demandeurs ne communiquent aucun élément quant à la reprise des engagements pris au nom de la SAS C Super Food par les époux [Y] [P] et ce, alors qu'elle était en formation, notamment concernant ceux relatifs à l'acte d'achat du fonds de commerce avec reprise du droit au bail ;

Par ailleurs, les éléments communiqués quant à l'existence de fuites sont insuffisamment pour constituer des moyens sérieux d'annulation ou de réformation, leur analyse relevant d'une appréciation du juge du fond.

3. Sur la demande de radiation

Aux termes de l'article 524 du code de procédure civile, 'lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.'

La radiation de l'appel est dès lors encourue et peut être prononcée par le premier président lorsqu'une partie appelante ne s'exécute pas.

En l'espèce, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 06 novembre 2023 bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit et M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] en ont interjeté appel le14 décembre 2023.

L'Epic Haute Savoie Habitat est intimé dans la procédure d'appel actuellement pendante devant la cour, et il a, à ce titre, un intérêt à agir, notamment pour voir prononcer la radiation de cet appel.

Le jugement du 06 novembre 2023 a mis à la charge de M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] les obligations de :

- verser à l'Epic Haute Savoie Habitat la somme de 40 449,42 euros,

- verser à l'Epic Haute Savoie Habitat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est constant et non contesté par M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] que les obligations mises à leur charge n'ont pas été respectées.

Ainsi, par application stricte de la lettre de l'article 524 du code de procédure civile, la radiation de l'appel enrôlé sous le RG n°23/1760 est encourue.

Pour autant, au visa de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, la radiation ne doit pas constituer une mesure disproportionnée eu égard aux buts poursuivis.

En l'espèce, l'exécution provisoire de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains n'est pas suspendue par la présente décision et l'Epic Haute Savoie Habitat peut parfaitement en poursuivre l'exécution.

Par ailleurs, l'appel sur le fond suit un circuit court de mise en état et a d'ores et déjà été fixé, l'affaire devant être appelée devant la 1ère section de la 1ère chambre de la cour d'appel de Chambéry le 10 septembre 2024.

En conséquence, la radiation de l'affaire constituerait une mesure disproportionnée au regard du droit à l'accés au juge et aux buts poursuivis.

Il convient dès lors de rejeter la demande de radiation.

3. Sur les autres demandes

M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] ayant vu leurs prétentions rejetées, ils seront condamnés à supporter la charge des dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en matière de référé,

ORDONNONS la jonction des instances enrôlées sous le RG n°24/18 et le RG n°24/19, l'affaire se poursuivant sous le numéro le plus ancien,

DECLARONS irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formulée par M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P],

DEBOUTONS l'Epic Haute Savoie Habitat de sa demande de radiation,

DISONS n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS M. [G] [Y]-[P] et Mme [O] [B] épouse [Y]-[P] à supporter la charge des dépens de l'instance.

Ainsi prononcé publiquement, le 02 juillet 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 24/00018
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;24.00018 ?
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