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27/06/2024 | FRANCE | N°23/01295

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 27 juin 2024, 23/01295


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 27 Juin 2024



N° RG 23/01295 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HKD6



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de THONON en date du 11 Juillet 2023, RG 23/00070



Appelante



S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL JOB-RICOUART & AS

SOCIES, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE



Intimées



Mme [U] [J]

née le 05 Janvier 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]



Représentée par Me ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 27 Juin 2024

N° RG 23/01295 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HKD6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de THONON en date du 11 Juillet 2023, RG 23/00070

Appelante

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL JOB-RICOUART & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE

Intimées

Mme [U] [J]

née le 05 Janvier 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Sid ahmed ZOUAOUI, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C73065-2024-000104 du 29/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 4] dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 09 avril 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [J] se dit victime d'un accident survenu au sein du centre commercial 'Géant Casino' d'Annemasse le 15 septembre 2020. Elle aurait glissé sur une flaque de lessive non signalée au rayon frais du magasin, serait tombée sur son flanc gauche et aurait subi de ce fait un coup sur le dos et les vertèbres cervicales. Un salarié de l'entreprise serait alors intervenu et, plutôt que de prévenir les pompiers, aurait alerté un responsable. Ce dernier aurait demandé à Mme [R] [J] de le suivre dans une salle réservée au personnel avant de l'interroger sur ses douleurs. Le gérant du magasin se serait ensuite présenté, aurait recueilli les témoignages de ses collaborateurs et rempli une déclaration d'accident remise à l'intéressée.

Mme [R] [J] estime que, par ce document la société Casino a reconnu sa responsabilité. Elle dit souffrir depuis de très importantes douleurs.

Par acte du 18 janvier 2023, Mme [R] [J] a fait assigner la société Casino en référé expertise. Puis, par acte du 2 juin 2023, elle a également attrait à la procédure la CPAM de la Haute-Savoie.

Par ordonnance réputée contradictoire du 11 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon les Bains a :

- ordonné une expertise médico-légale de Mme [R] [J] confiée au docteur [S] [B] avec les missions habituelles,

- dispensé Mme [R] [J] de consignation,

- condamné la société Casino à payer à Mme [R] [J] la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- condamné la société Casino à payer à Mme [R] [J] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Casino aux dépens.

Par déclaration du 29 août 2023, la société Casino a interjeté appel de cette ordonnance

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Casino demande à la cour de :

- juger recevable et fondé son appel,

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :

- a ordonné une expertise confiée à M. [S] [B],

- l'a condamnée à payer à Mme [R] [J] la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

- l'a condamné à payer à Mme [R] [J] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens de la procédure de référé,

- débouter Mme [R] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamner Mme [R] [J] au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement

des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] [J] aux entiers dépens distraits au profit de maître Christian Forquin.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [R] [J] demande à la cour de :

- déclarer sa demande recevable et bien fondée,

- débouter la société Casino de l'intégralité de ses demandes.

- confirmer la mesure d'expertise médicale,

- fixer à 15 000 euros la somme qui lui sera allouée à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice,

- fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir,

- dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,

En conséquence,

- condamner la société Casino au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Casino aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Zouaoui Sid Ahmed, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonner vu l'urgence, l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile dispose que : 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Il est de jurisprudence constante que, si des constatations faites par le juge des référés il résulte que l'action qu'entend exercer le demandeur est manifestement vouée à l'échec, l'absence de motifs légitimes à ordonner la mesure d'instruction est établie (cass. com. 18 janvier 2023, n°22-19.539).

En l'espèce, Mme [R] [J] verse au soutien de sa demande :

- des pièces d'ordre médical dans lesquelles les personnes de l'art ne font que constater des pathologies et rapporter les déclarations de l'intéressée ;

- ses propres déclarations dans une lettre du 20 octobre 2020,

- une fiche à entête du groupe Casino de 'déclaration d'accident survenu à des tiers'.

Le seul élément a priori extérieur à l'intéressée elle-même est la fiche en question. Toutefois, la cour relève que cette fiche, dont Mme [R] [J] reconnaît qu'elle l'a elle-même remplie, est particulièrement succincte. Elle mentionne en effet 'glisser sur une tâche de lessive, retenu sur le poignet gauche et la hanche gauche'. Il ne figure sur ce document aucune signature et le fait que le tampon de la société Casino y soit apposé en en-tête ne peut pas être considéré comme un aveu de responsabilité de sa part.

Par ailleurs, il est constant que Mme [R] [J] ne produit aucun témoignage, aucune photographie des lieux qui aurait permis de constater que l'action envisagée sur le fondement de la responsabilité du fait des choses a des chances sérieuses d'aboutir et n'est pas vouée à l'échec. A ce titre, il convient de noter que les déclarations de Mme [R] [J] elle-même sont variables, parlant tantôt de 'flaque', tantôt de 'tache'. De même elle évoque la présence de lessive alors qu'elle se trouve au rayon frais du magasin ce qui n'est a priori pas logique.

En outre, la solution du procès envisagé ne dépend pas en soi de l'expertise destinée à fixer les chefs de préjudice. En effet l'expertise médico-légale ne permettra pas d'apporter des éléments sur la question du comportement normal du sol du magasin au sens de la responsabilité du fait des choses.

La cour relève ainsi qu'il existe, à tout le moins, un aléa important sur le sort de l'action envisagée, au regard des pièces versées mais également du délai dans lequel Mme [R] [J] a décidé d'engager sa procédure en référé expertise, soit deux ans et demi après les faits dont elle se plaint. En conséquence, le motif légitime permettant d'ordonner la mesure d'instruction n'est pas établi. L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a ordonné une expertise médicale de Mme [R] [J].

2. Sur la demande de provision

L'article 835 alinéa 2du code de procédure civile dispose que : 'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

En l'espèce la société Casino conteste sa responsabilité et les éléments produits par Mme [R] [J] ne permettent pas de dire que cette protestation n'est pas sérieuse. En d'autres terme, l'existence de l'obligation est, en l'état, sérieusement contestable et il appartient, le cas échéant, à Mme [R] [J] de saisir une juridiction au fond afin qu'il soit statué sur le principe de cette responsabilité.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a accordé une provision à Mme [R] [J]. Celle-ci sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes.

3. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [R] [J] qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l'article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, maître Christian Forquin, avocat étant autorisé au besoin à recouvrer directement auprès d'elle ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision. Elle sera, dans le même temps, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.

Aucune considération d'équité ne permet de faire supporter par Mme [R] [J] tout ou partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société Casino. Celle-ci sera donc déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Déboute Mme [R] [J] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [R] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l'article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, maître Christian Forquin, avocat étant autorisé au besoin à recouvrer directement auprès d'elle ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Déboute la société Casino et Mme [R] [J] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 27 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/01295
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.01295 ?
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