COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 20 Juin 2024
N° RG 23/01789 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HMI5
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution d'ALBERTVILLE en date du 01 Décembre 2023, RG 23/00013
Appelants
M. [X] [L] [S] [N]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 7],
et
Mme [E] [T] [I] [H] épouse [N]
née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 9]
demeurant ensemble Lieudit [Adresse 1]
Représentés par la SELARL CABINET BOUZOL, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE, dont le siège social est sis [Adresse 4] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 02 avril 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant offres préalables du 1er juin 1999 acceptées le 13 juin 1999, et reprises par acte authentique en date du 2 juillet 1999, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie a consenti à M. [X] [N] et à Mme [E] [H], pour l'acquisition et l'aménagement de deux maisons d'habitation à [Localité 10] dont l'une était destinée à la location :
- un prêt immobilier d'un montant de 225 000 francs suisses, soit la contre-valeur de la somme de 34 301,03 euros, remboursable en 240 mensualités,
- un prêt immobilier de 505 000 francs suisses, remboursable en 240 mensualités.
Ces deux prêts étaient garantis par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle sur les biens faisant l'objet du financement.
Par jugement en date du 7 juin 2010, le tribunal de commerce de Chambéry a ouvert au bénéfice de M. [N], exerçant l'activité de maçon, une procédure de redressement judiciaire.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire le 13 juillet 2010, lesquelles ont été admises au passif de la procédure collective.
Par jugement en date du 25 juillet 2011, le tribunal de commerce de Chambéry a adopté un plan de redressement en faveur de M. [N].
Par courrier du 30 août 2011, le Crédit Agricole des Savoie a provoqué la déchéance du terme des concours et mis en demeure Madame [H] de lui régler les sommes échues et exigibles représentant la somme de 72 002,11 euros.
Par jugement en date du 25 juillet 2017, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la résolution du plan de redressement de M. [N] puis a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie a déclaré ses créances entre les mains du mandataire liquidateur le 2 août 2017, lesquelles ont fait l'objet d'une admission définitive.
Consécutivement, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie a mis en demeure Mme [N] de lui régler les sommes échues et exigibles représentant la somme de 74 373,42 euros par courrier du 19 septembre 2017.
La liquidation judiciaire de M. [N] a été clôturée pour insuffisance d'actif selon jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 15 novembre 2019.
Par actes du 22 décembre 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie a fait délivrer à M. [N] et à Mme [H] un commandement de payer valant saisie-immobilière portant sur les deux maisons mitoyennes susvisées pour une créance, arrêtée au 31 octobre 2022, d'un montant de 89 933,59 euros.
Faute de règlement, le commandement de payer valant saisie-immobilière a été publié au service de la publicité foncière de Chambéry le 3 février 2023, volume 2023 S n°7.
Postérieurement, par actes du 31 mars 2023, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie a fait assigner M. [N] et Mme [H] devant le juge de l'exécution d'Albertville à son audience d'orientation du 5 mai 2023.
Après renvois, l'affaire a retenue à l'audience du 3 novembre 2023.
Par jugement contradictoire du 1er décembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville a :
- débouté M. [N] et Mme [H] de leurs demandes relatives à la caducité et à la nullité du commandement de payer valant saisie, à la nullité de l'assignation, à la mainlevée de la procédure de saisie avec mention au service de la publicité foncière et à l'irrecevabilité des demandes de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie,
- dit en conséquence que le commandement de payer valant saisie et les assignations sont réguliers,
- déclaré recevable l'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à l'égard de M. [N] et Mme [H],
- constaté que le créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire comme il est dit aux articles L.311-2 et L.311-4 du code des procédures civiles d'exécution,
- constaté que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l'article L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- déclaré irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts,
- ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de soumettre à la juridiction le décompte détaillé des intérêts et du capital restant dû pour chacun des prêts, calculé conformément aux stipulations contractuelles en faisant apparaître clairement le résultat de la moyenne de l'Euribor 3 mois du mois de février de chaque année et le taux retenu en conséquence chaque année ainsi que le montant des intérêts cumulés, depuis le 7 juin 2010, date à laquelle la créance a été arrêtée par le juge commissaire,
- sursis à statuer sur les autres demandes,
- renvoyé la cause et les parties à l'audience du 1er mars 2024 à 14h.
Par acte du 21 décembre 2023, M. [N] et Mme [H] ont interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 8 janvier 2024, M. [N] et Mme [H] ont été autorisés à assigner à jour fixe la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à l'audience de la 2ème section de la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry du 2 avril 2024.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [N] et Mme [H] demandent à la cour de :
- rejetant toutes fins et conclusions contraires,
- réformer le jugement déféré sur les chefs de jugement attaqués suivants :
déboute M. [N] et à Mme [H] de leurs demandes relatives à la caducité et à la nullité du commandement de payer valant saisie, à la nullité de l'assignation, à la mainlevée de la procédure de saisie avec mention au service de la publicité foncière et à l'irrecevabilité des demandes de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie,
dit en conséquence que le commandement de payer valant saisie et les assignations sont réguliers,
déclare recevable l'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à l'égard de M. [N] et Mme [H],
constate que le créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire, comme il est dit aux articles L.311-2 et L.311-4 du code des procédures civiles d'exécution,
constate que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de
l'article L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution,
déclare irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts,
Statuant à nouveau, à titre principal,
- prononcer la nullité du commandement et de tous les actes subséquents de la procédure, et à défaut sa caducité,
- ordonner, en conséquence, la mainlevée de la procédure de saisie-immobilière poursuivie à leur encontre portant sur les biens sis sur la commune de [Localité 10] figurant au cadastre section [Cadastre 6] et [Cadastre 5] lieudit [Localité 8],
- ordonner l'inscription de la mention de la mainlevée en marge de la copie du commandement de payer du 22 décembre 2022,
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de l'assignation,
- ordonner l'inscription de la mention du jugement à intervenir en marge de la copie du commandement de payer du 22 décembre 2022,
A titre infiniment subsidiaire,
- déclarer la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie irrecevable en sa demande au vu de la clôture pour insuffisance d'actifs prononcée dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. [N],
- déclarer la créance prescrite et à défaut dire et juger qu'il existe une contestation quant au quantum de la créance revendiquée par l'établissement bancaire,
- juger que le TEG mentionné dans l'acte de prêt est erroné et prononcer la déchéance totale des intérêts de l'établissement bancaire,
En tout état de cause,
- débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie de ses demandes, fins et prétentions au titre de son appel incident,
- dire que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles et ses dépens.
En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 19 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel relevé par M. [N] et Mme [H] à l'encontre du jugement rendu le 1er décembre 2023 par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire d'Albertville,
- déclarer recevable et bien fondé son appel incident à l'encontre dudit jugement,
- le réformer et statuant à nouveau,
- juger que le décompte qu'elle doit produire sera établi à compter du 25 juillet 2017,
- confirmer l'intégralité du jugement du 1er décembre 2023 pour le surplus et en conséquence,
- débouter M. [N] et Mme [H] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum M. [N] et Mme [H] à lui régler la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [N] et Mme [H] aux entiers dépens d'appel avec application au profit de la SCP Louchet - Capdeville des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité des assignations délivrées à M. [N] et à Mme [H]
Au visa des articles R.311-4, R.311-6 et R.322-5 du code des procédures civiles d'exécution, les appelants excipent de la nullité des assignations délivrées le 31 mars 2023 au motif que ces dernières ne mentionneraient pas 'la nécessité pour le ou les défendeurs de constituer avocat'.
Outre le fait que les assignations contestées reproduisent les mentions des articles R.322-5, R.322-16 et R.322-17 du même code en mettant en exergue les demandes qui peuvent être présentées sans l'assistance d'un conseil, et celles devant nécessairement être formulées par conclusions, force est de constater que M. [N] et Mme [H] ont constitué avocat en première instance lequel a été en mesure de conclure utilement au soutien de leurs intérêts.
Aussi donc, la prétendue irrégularité n'a causé aucun grief aux appelants lesquels doivent être déboutés de ce chef de demande, conformément aux dispositions de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre M. [N]
Selon l'article L.643-11 alinéa 1er du code de commerce, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas, sauf exception, recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.
L'article L.643-13 du code de commerce prévoit toutefois que, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.
Le tribunal est alors saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. Il peut également se saisir d'office. S'il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.
L'article 815-17 alinéa 1er du code civil dispose par ailleurs que les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.
En l'espèce, il s'avère constant que la procédure collective concernant M. [N] s'est achevée par une liquidation judiciaire avec clôture des opérations pour insuffisance d'actif selon jugement du 15 novembre 2019.
Il est également constant que le bien immobilier saisi, a été acquis en indivision avec Mme [H] avant l'ouverture de la procédure collective et qu'il n'a pas été réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. [N], aucun partage n'ayant été recherché par le liquidateur en cours de procédure.
En vertu des dispositions de l'article L.643-13 précité, la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie ne saurait être considérée comme éteinte en l'absence de réalisation de l'entier patrimoine de M. [N] consécutivement à sa liquidation judiciaire.
En outre, en droit positif, même dans l'hypothèse où le prêt aurait été souscrit par l'un seulement des acquéreurs d'un bien immobilier pour financer sa part, l'assiette du privilège de prêteur de deniers est constituée par la totalité de l'immeuble et le prêteur, titulaire d'une sûreté légale née antérieurement à l'acquisition de l'immeuble indivis, peut se prévaloir des dispositions de l'article 815-17 alinéa 1er précité sans engager préalablement une procédure de partage.
Il en résulte que le créancier de l'indivision, disposant d'une priorité au titre d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle sur le bien visé au commandement de payer valant saisie-immobilière, est bien fondé à poursuivre la saisie et la vente de l'immeuble indivis avant tout partage et hors procédure collective.
Dès lors, la cour dit n'y avoir lieu à annulation du commandement du 22 décembre 2022 et de l'assignation délivrée à M. [N] au titre de la présente procédure de saisie-immobilière.
Sur l'engagement souscrit par M. [N] et Mme [H] auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie et l'existence d'un titre exécutoire
Conformément à l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur au jour de la conclusion des contrats de prêt, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En l'espèce, l'acte notarié du 2 juillet 1999 prévoit que, pour l'acquisition conjointe du bien immobilier objet de la saisie, M. [N] et Mme [H] ont souscrit avec la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie deux prêts immobiliers en devises, remboursables en 240 mensualités chacun, pour lesquels ils se sont engagés selon offres préalables du 1er juin 1999 (acceptées l'une et l'autre le 13 juin 1999), ces deux prêts étant garantis par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle.
A ce titre, la cour observe que la banque verse aux débats une seconde copie exécutoire de l'acte notarié établie en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Albertville en date du 14 janvier 2012, revêtue de la formule exécutoire, comportant en annexe les offre de prêts, les conditions générales auxquelles ces derniers sont soumis et fixant la solidarité de M. [N] et de Mme [H], les acceptations des emprunteurs ainsi que les tableaux d'amortissement respectifs de chacun des concours.
Dans ces conditions, au regard du caractère clair, intelligible et parfaitement compréhensible des stipulations contractuelles, y compris pour un emprunteur profane, il ne peut être raisonnablement soutenu que la nature de l'engagement souscrit avec la banque, pour le remboursement des concours, serait conjointe et non solidaire.
Au surplus, quoique les emprunteurs mentionnent disposer d'un acte distinct les concernant en ce qu'une signature serait manquante en page 13 de la copie qui leur a été délivrée, force est de constater que le créancier poursuivant produit, pour sa part, un titre exécutoire régulier établi postérieurement à la publication et à l'enregistrement du service de la publicité foncière.
En outre, la contestation relative à la validité des mandats ou procurations, annexés à l'acte, à la supposée fondée, n'est susceptible d'être élevée que par les mandants ou les personnes ayant délégué leur engagement de sorte que la validité de ceux donnés par l'établissement bancaire ou la venderesse ne peut être remise en cause par M. [N] et Mme [H], acquéreurs et emprunteurs aux termes de l'acte notarié servant de fondement aux poursuites.
Sur la créance de la banque
Selon l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie-immobilière dans les conditions prévues par la loi.
En application de l'article L. 137-2 ancien du code de la consommation, recodifié à droit constant sous l'article L.218-2 du même code, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Conformément à l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.
La prescription, à l'égard d'une dette payable par termes successifs, se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives alors que l'action en paiement du capital restant dû, après déchéance du terme du concours, se prescrit à compter du prononcé de cette déchéance laquelle emporte l'exigibilité des sommes restant à échoir.
A ce titre, les appelants indiquent que la banque aurait dû, pour éviter la prescription de sa créance, engager son action dans les deux ans de la déchéance du terme des concours ou, à tout le moins, exécuter des actes interruptifs de prescription à l'égard de chacun des débiteurs à intervalles régulier et, en tout état de cause, avant l'expiration des délais successifs de prescription biennale.
La cour rappelle néanmoins que, s'agissant de débiteurs solidaires d'une même obligation, l'engagement d'une poursuite à l'égard de l'un ou de l'autre des emprunteurs interrompt le délai de prescription pour l'ensemble des débiteurs. Par ailleurs, la cour observe que M. [N] et Mme [H] n'excipent d'une éventuelle prescription que postérieurement à la déchéance du terme du 30 août 2011, la première échéance demeurée impayée étant communément fixée par les parties au 10 juin 2010.
Sur le fondement du titre exécutoire susvisé, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie justifie pour sa part :
d'une déclaration de créance du 13 juillet 2010 entre les mains du mandataire judiciaire (Me Clanet) dans le cadre du redressement judiciaire de M. [N], laquelle s'entend d'une demande en justice au sens de l'article 2241 précité et interrompt la prescription jusqu'au terme de ladite procédure,
du jugement ayant admis M. [N] au bénéfice d'une procédure de liquidation judiciaire en date du 25 juillet 2017 (laquelle sera clôturée par jugement du 15 novembre 2019),
d'une déclaration de créance du 2 août 2017 entre les mains du mandataire liquidateur (Me [C], SCP BTSG),
de la délivrance d'un commandement aux fins de saisie-vente à Mme [H] le 20 juin 2018,
de la délivrance d'un commandement aux fins de saisie-vente à Mme [H] le 2 mars 2020,
de la délivrance d'un commandement aux fins de saisie-vente à Mme [H] le 1er mars 2022.
Il en résulte qu'au jour de la délivrance des commandements de payer valant saisie-immobilière du 22 décembre 2022, la prescription alléguée n'était pas acquise de sorte que M. [N] et Mme [H] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de ce chef.
En outre, l'exigibilité de la créance résulte des stipulations contractuelles des deux prêts prévoyant la possibilité, pour la banque, de se prévaloir de plein droit de la déchéance du terme en cas d'état de cessation des paiements d'un des débiteurs (§ 112.1 des conditions générales), du placement en redressement judiciaire de M. [N] par jugement 7 juin 2010 et de l'envoi, sous pli recommandée du 30 août 2011, d'un avis précisant que la banque se prévaut de cette déchéance avec mise en demeure d'avoir à lui régler la somme devenue exigible sous huitaine.
Par ailleurs, la cour relève que le décompte en principal, intérêts et indemnité forfaitaire de 7%, reproduit dans le commandement de payer valant saisie-immobilière du 22 décembre 2022, s'avère régulier quoique le décompte des intérêts ait été arrêté au 1er novembre 2022, outre intérêts '[postérieurs] jusqu'à parfait paiement'. En ce sens, le premier juge a justement retenu que la nullité dudit commandement n'était pas encourue de ce chef, l'éventuelle erreur dans le montant des sommes visées au commandement et dans le calcul des intérêts contractuels étant, en tout état de cause, susceptible d'entraîner une modification du quantum de la créance pour laquelle la saisie est opérée, et non la nullité de l'acte par lequel la saisie s'opère.
Enfin, M. [N] et Mme [H] ne peuvent valablement arguer d'une irrégularité du TEG pour contester la régularité de la créance adverse en ce que cette dernière a été antérieurement admise, sans contestation ni rejet, dans le cadre du redressement judiciaire puis de la liquidation judiciaire de M. [N], par décisions du juge commissaire transmises au créancier les 8 décembre 2011 et 12 août 2019, lesquelles s'imposent tant à M. [N] qu'à Mme [H] en sa qualité de débitrice solidaire.
En revanche, le premier juge a, à bon droit, constaté l'existence d'erreurs dans le calcul des intérêts (application indue de la majoration de 3 points, imputation de la variation du taux de l'Euribor à mauvaise date et capitalisation des intérêts sans fondement) postérieurement à la déclaration de créance de la banque de sorte que la demande de production d'un nouveau décompte s'avère justifié, sauf à préciser que la date à compter de laquelle le décompte doit être établi est celle du 25 juillet 2017 (date à laquelle la créance de la banque a été arrêtée dans le cadre de la déclaration de créance effectuée pour la liquidation judiciaire de M. [N]).
En conséquence, M. [N] et Mme [H] seront déboutés de leurs demandes concernant la nullité et la caducité du commandement de payer valant saisie-immobilière du 22 décembre 2022, la cour retenant consécutivement que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie justifie d'un titre exécutoire fixant une créance liquide et exigible à leur encontre, sans qu'il y ait lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts concernant les concours consentis par acte authentique du 2 juillet 1999.
Le jugement déféré sera en revanche modifié en ce qu'il a fixé au 7 juin 2010 la date à laquelle la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie devait produire un décompte rectifié, ledit décompte devant être arrêté au 25 juillet 2017.
Sur les demandes accessoires
M. [N] et [H], qui succombent en leur appel, sont condamnés in solidum aux dépens dont distraction au profit de la SCP Louchet - Capdeville s'agissant des frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision. Ils sont en outre condamnés in solidum à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé au 7 juin 2010 la date à laquelle la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie devait produire un décompte rectifié conforme aux stipulations contractuelles,
Statuant à nouveau sur cet unique point,
Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie doit produire, dans le cadre de la réouverture des débats ordonnée par le tribunal, un décompte détaillé des intérêts et du capital restant dû pour chacun des prêts, calculé conformément aux stipulations contractuelles en faisant apparaître clairement le résultat de la moyenne de l'Euribor 3 mois du mois de février de chaque année et le taux retenu en conséquence chaque année ainsi que le montant des intérêts cumulés, depuis le 25 juillet 2017, date à laquelle la créance a été arrêtée par le juge commissaire statuant dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. [X] [N],
Y ajoutant,
Déboute M. [X] [N] et Mme [E] [H] de l'intégralité de leurs demandes,
Condamne in solidum M. [X] [N] et Mme [E] [H] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Louchet - Capdeville s'agissant des frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
Condamne in solidum M. [X] [N] et Mme [E] [H] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 20 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente