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20/06/2024 | FRANCE | N°23/00885

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23/00885


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 20 Juin 2024





N° RG 23/00885 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HIIR



Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de BONNEVILLE en date du 25 Avril 2023, RG 22/00413



Appelante



S.A.S. ANTHEUS PROMOTION, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la SARL AL3, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS



Intimés


r>Mme [S] [Y]

née le 11 Juin 1969 à [Localité 7] ([Localité 7]), demeurant [Adresse 3]



Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL CABINET ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 20 Juin 2024

N° RG 23/00885 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HIIR

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de BONNEVILLE en date du 25 Avril 2023, RG 22/00413

Appelante

S.A.S. ANTHEUS PROMOTION, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SARL AL3, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimés

Mme [S] [Y]

née le 11 Juin 1969 à [Localité 7] ([Localité 7]), demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL CABINET MEROTTO, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS

* * * * *

M. [N] [M] [O] [H]

né le 01 Décembre 1935 à [Localité 11],

et

Mme [P] [A] [K] épouse [H]

née le 27 Février 1939 à [Localité 4] ([Localité 4]),

demeurant ensemble [Adresse 1]

Mme [E] [D] [W] [H]

née le 16 Avril 1961 à [Localité 6] ([Localité 6]), demeurant [Adresse 8]

Représentés par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 20 février 2024 par Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente,

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [S] [Y] est propriétaire sur la commune d'[Localité 9] de la parcelle cadastrée section [Cadastre 10].

M. [N] [H], Mme [P] [K] épouse [H] et Mme [E] [H] sont propriétaires, sur la même commune, de la parcelle [Cadastre 14].

M. [J] [B] et Mme [C] [F] son épouse sont quant à eux propriétaires de la parcelle [Cadastre 16] (anciennement cadastrée [Cadastre 13]) offrant une servitude de passage, depuis la voie publique, aux propriétaires des fonds n°3125 et 3126.

La SAS Antheus Promotion est devenue propriétaire de la parcelle [Cadastre 15], jouxtant la servitude de passage précitée, et y a entrepris la construction d'un ensemble immobilier, travaux à l'origine, notamment, de dégradations du chemin d'accès aux fonds des consorts [H] et de Mme [Y].

Par actes des 1er et 6 septembre 2021, les consorts [H] ont fait assigner la société Antheus Promotion ainsi que les époux [B] devant le juge des référés afin que le promoteur soit condamné à réaliser les travaux de remise en état de la voie d'accès à leur propriété.

Mme [Y] est intervenue volontairement à l'instance.

Statuant par ordonnance en date du 6 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bonneville a notamment :

déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [Y],

condamné la société Antheus Promotion à réaliser les travaux de remise en état (confortement et sécurisation) de la voie d'accès à la propriété des consorts [H] et de Mme [Y], à savoir un passage carrossable d'une largeur d'au moins 4 mètres et ce, pour tout type de véhicule, y compris pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes et ce, dans un délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance et, à défaut, passé ce premier délai, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard durant 30 jours au profit des consorts [H], d'une part, et de Mme [Y], d'autre part,

condamné la société Antheus promotion à réaliser les travaux de remise en état de la butte (sécurisation et confortement) afin qu'elle retrouve son état d'origine et ce, dans un délai de trente jours à compter de la signification de l'ordonnance et, à défaut, passé ce premier délai, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard durant trente jours au profit de Mme [Y],

rejeté les demandes de Mme [Y], relatives aux travaux de remise en état de l'enrobé situé sur sa parcelle et du muret,

rejeté la demande de suspension des travaux de construction de la société Antheus promotion.

Sur appel interjeté par la société Antheus Promotion, la Cour d'appel de Chambéry a, par arrêt du 17 novembre 2022, notamment :

confirmé l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a condamné sous astreinte la société Antheus Promotion à réaliser les travaux de remise en état (confortement et sécurisation) de la voie d'accès à la propriété de M. [N] [H], Mme [P] [H], Mme [E] [H] et de Mme [S] [Y], à savoir un passage carrossable d'une largeur de 4 mètres et ce pour tout type de véhicule, y compris pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes ;

Statuant à nouveau :

condamné la société Anthéus Promotion à réaliser les travaux de remise en état de la voie d'accès à la propriété de M. [N] [H], Mme [P] [H], Mme [E] [H] et de Mme [S] [Y], à savoir un passage carrossable pour tout type de véhicule, y compris pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes, d'une solidité équivalente à celle existant avant le démarrage des travaux d'excavation initiés par cette société sur la parcelle [Cadastre 15].

Parallèlement, les consorts [H], d'une part, et Mme [Y], d'autre part, ont fait assigner respectivement la société Antheus Promotion devant le juge de l'exécution du tribunal de Bonneville par actes d'huissier de justice des 8 mars et 6 avril 2022, aux fins de liquidation de l'astreinte et de fixation de nouvelles astreintes. Les deux procédures ont été jointes.

Le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a, suivant jugement contradictoire rendu le 25 avril 2023 :

rejeté les demandes de la société Antheus Promotion tendant à ce que l'astreinte soit supprimée et subsidiairement son montant réduit,

condamné la société Antheus Promotion à payer à Mme [Y] la somme de 15 000 euros représentant la liquidation de l'astreinte pour la période comprise entre le 24 février 2022 et le 24 mars 2022 outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

dit que la condamnation de la société Antheus Promotion prononcée par la cour d'appel le 17 novembre 2022, à réaliser les travaux de remise en état de la butte (sécurisation et confortement) afin que la butte retrouve son état d'origine et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sera assortie passé ce délai d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard durant trente jours au profit de Mme [Y],

dit que la condamnation de la société Antheus Promotion prononcée par la cour d'appel le 17 novembre 2022 à réaliser les travaux de remise en état (confortement et sécurisation) de la voie d'accès à la propriété des consorts [H] et de Mme [Y], à savoir un passage carrossable d'une largeur d'au moins 4 mètres et ce, pour tout type de véhicule, y compris pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes, d'une consistance et d'une solidité équivalente à celle existante avant le démarrage des travaux d'excavation initiés par cette société sur la parcelle [Cadastre 15], dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement, sera assortie passé ce délai d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard durant trente jours au profit des consorts [H], d'une part et de Mme [Y], d'autre part,

rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

condamné la société Antheus Promotion à payer la somme de 2 000 euros à Mme [Y] et la somme de 2 000 euros indivisément aux consorts [H] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Antheus Promotion aux entiers dépens,

rejeté la demande tendant à ce que le coût du constat d'huissier en date du 24 avril 2022 soit inclus dans les dépens.

Par déclaration du 7 juin 2023, la société Antheus Promotion a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de toutes les autres parties.

L'appelante a fait assigner les intimés devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire du jugement déféré.

Par ordonnance rendue le 5 décembre 2023, la première présidente a :

déclaré irrecevable la demande de la société Antheus Promotion en suspension de l'exécution provisoire du jugement du juge de l'exécution en date du 25 avril 2023,

condamné la société Antheus Promotion à payer aux consorts [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Antheus Promotion à payer à Mme [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la même aux dépens.

Par conclusions notifiées le 7 juillet 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Antheus Promotion demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de la société Antheus Promotion tendant à ce que l'astreinte soit supprimée et subsidiairement son montant réduit,

- condamné la société Antheus Promotion à payer à Mme [Y] la somme de 15 000 euros représentant la liquidation de l'astreinte pour la période comprise entre le 24 février 2022 et le 24 mars 2022 outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que la condamnation de la société Antheus Promotion prononcée par la cour d'appel le 17 novembre 2022, à réaliser les travaux de remise en état de la butte (sécurisation et confortement) afin que la butte retrouve son état d'origine et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sera assortie passé ce délai d'une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard durant trente jours au profit de Mme [Y],

- dit que la condamnation de la société Antheus Promotion prononcée par la cour d'appel le 17 novembre 2022 à réaliser les travaux de remise en état (confortement et sécurisation) de la voie d'accès à la propriété des consorts [H] et de Mme [Y], à savoir un passage carrossable d'une largeur d'au moins 4 mètres et ce, pour tout type de véhicule, y compris pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes, d'une consistance et d'une solidité équivalente à celle existante avant le démarrage des travaux d'excavation initiés par cette société sur la parcelle [Cadastre 15], dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement, sera assortie passé ce délai d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard durant trente jours au profit des consorts [H], d'une part et de Mme [Y], d'autre part,

- condamné la société Antheus Promotion à payer la somme de 2 000 euros à Mme [Y] et la somme de 2 000 euros indivisément aux consorts [H] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Antheus Promotion aux entiers dépens,

Puis statuant à nouveau :

accueillir les demandes formées par la société Antheus Promotion, débouter les consorts [H] et [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

ordonner la suppression de l'astreinte portant sur la remise en état de la butte de terre de Mme [Y] en ce qu'elle est sans objet, puisqu'aucun trouble n'est créé sur la parcelle de cette dernière

subsidiairement, ordonner la suppression de l'astreinte portant sur la remise en état de la butte de terre de Mme [Y] en ce que les obligations prévues par l'ordonnance du 6 janvier 2022 n'étaient pas réalisables dans les délais impartis,

plus subsidiairement, ordonner l'anéantissement de l'astreinte portant sur la remise en état de la butte de terre de Mme [Y] en raison du comportement de la société Antheus Promotion montrant sa bonne volonté, sur le fondement de l'article L. 131-4 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution,

En tout état de cause :

condamner les consorts [H] d'une part, et Mme [Y], d'autre part, à verser la somme de 4 000 euros à la société Antheus Promotion au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SARL AL3.

Par conclusions notifiées le 24 juillet 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [S] [Y] demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles L. 131-3 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, et notamment

l'article L. 121-3,

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

débouter la société Antheus Promotion de l'intégralité de ses demandes.

confirmer le jugement du 25 avril 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau,

condamner la société Antheus Promotion à payer à Mme [Y] la somme de 2 700 euros à titre de dommages-intérêts.

Y ajoutant,

condamner la société Antheus Promotion à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel, comprenant notamment le coût du procès-verbal du constat d'huissier du 30 juin 2023.

Par conclusions notifiées le 6 décembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [N] [H], Mme [P] [K], épouse [H] et Mme [E] [H] demandent en dernier lieu à la cour de :

dire et juger irrecevable et à défaut mal fondée l'intégralité des demandes de la société Antheus Promotion devant la cour d'appel de Chambéry,

confirmer le jugement du 25 avril 2023 en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

condamner la société Antheus Promotion à verser à M. [N] [H], Mme [P] [K], épouse [H] et Mme [E] [H] indivisément la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au vu des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel,

condamner la société Antheus Promotion aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me Garnier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée à la date du 18 décembre 2023 et renvoyée à l'audience du 20 février 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 7 mai 2024, prorogé à ce jour.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la remise en état de la voie d'accès 

La société Antheus Promotion fait grief au jugement déféré d'avoir assorti l'obligation de remise en état du chemin d'accès, prononcée par l'arrêt du 17 novembre 2022, d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, alors, selon elle, que cette obligation aurait d'ores et déjà été exécutée.

Les consorts [H] soutiennent pour leur part que la société Antheus Promotion ne justifie de l'exécution d'aucun travaux depuis l'arrêt du 17 novembre 2022, toutes les pièces produites étant antérieures et déjà discutées devant la cour. Ils soutiennent que le chemin est toujours dans le même état.

Mme [Y] conclut dans le même sens en soulignant que l'appelante tente de faire rejuger ce qui l'a déjà été par l'arrêt du 17 novembre 2022.

Sur ce,

En application de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

En l'espèce, l'arrêt du 17 novembre 2022 n'a pas assorti d'une astreinte l'obligation pour la société Antheus Promotion de remettre en état le chemin d'accès.

Pour autant, l'obligation d'exécuter n'est pas discutable, et la fixation d'une astreinte est possible si les circonstances de l'espèce démontrent une absence d'exécution ou une résistance à l'exécution de la décision.

Or force est de constater que la société Antheus Promotion, à qui incombe la charge de la preuve de la bonne exécution de son obligation de faire, ne justifie de l'exécution d'aucun travaux de remise en état (confortement et sécurisation) depuis l'arrêt du 17 novembre 2022.

Il convient de rappeler que cette décision précise (page 11) que « il n'est pas contestable que la voie de circulation permettant aux propriétaires des parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 2] de jouir du droit réel attaché à leurs fonds a été largement dégradée en son aspect et sa solidité comme étayé par les multiples constats successifs versés aux débats par les intimés, et notamment ceux des 10 février, 10 mars et 24 avril 2022, alors même que le constat du 12 novembre 2018, réalisé avant travaux, démontre le caractère carrossable de la voie à usage de la servitude de passage laquelle ne souffrait d'aucune restriction pour permettre l'accès aux fonds dominants. A ce titre, la cour observe que la SAS Antheus Promotion a proposé de remettre à neuf la voie d'accès à l'issue des travaux. »

Aucune des pièces produites par l'appelante ne démontre que le chemin d'accès aurait fait l'objet d'une remise en état, étant encore rappelé que si les restrictions administratives de circulation sur ce chemin ont été levées en janvier 2022 par la mairie, les comptes-rendus de la société Betech des 12 novembre 2021 et 1er février 2022 précisent que seule la stabilité provisoire des talus est acquise à moyen terme, ce qui signifie que cette stabilité n'est pas définitivement acquise. Ce point est confirmé par le courrier électronique du 16 mars 2023 (pièce n° 31 de l'appelante).

Il s'est écoulé depuis lors et depuis l'arrêt du 17 novembre 2022 de nombreux mois, et la société Antheus Promotion, qui s'était engagée à exécuter les travaux et même à procéder à la remise à neuf du chemin d'accès, n'en a toujours pas commencé la réalisation. Les relevés de journées de suspension du chantier (pièce n° 30 de l'appelante) ne sont pas de nature à l'exonérer de son obligation d'une quelconque manière, étant souligné que ces relevés s'arrêtent au 31 décembre 2022, soit antérieurement à la décision déférée.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre et par des motifs que la cour approuve que le premier juge a assorti d'une astreinte la condamnation prononcée par la cour le 17 novembre 2022, la société Antheus Promotion n'ayant à ce jour manifesté aucune réelle volonté d'exécuter spontanément cette décision.

Le montant de l'astreinte provisoire, fixé à 500 euros par jour de retard, est adapté à la situation, ainsi que le délai d'un mois laissé à la société Antheus Promotion, étant souligné que depuis le jugement déféré un été entier a passé, plus une saison d'hiver, sans le moindre commencement d'exécution.

Sur la liquidation de l'astreinte concernant les travaux de remise en état de la butte 

La société Antheus Promotion soutient que la condamnation de la remise en état de la butte serait sans objet, aucun effondrement sur le terrain de Mme [Y] n'étant démontré, et donc insusceptible d'astreinte, qu'en tout état de cause l'astreinte prononcée devrait être supprimée en raison de l'impossibilité d'exécution dans les délais impartis, compte tenu des conditions météorologiques hivernales et de l'interdiction des travaux par la mairie.

Mme [Y] soutient pour sa part que la contestation émise par la société Antheus Promotion revient à refaire juger ce qui l'a déjà été par le juge des référés et la cour d'appel, que l'appelante ne démontre aucune impossibilité d'exécuter les travaux de remise en état de la butte, la mairie n'ayant jamais interdit ces travaux et aucune preuve des intempéries alléguées n'étant produite.

Sur ce,

En application du premier alinéa de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le troisième alinéa de ce même texte dispose que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Il appartient au débiteur de l'obligation de faire, contre lequel la liquidation d'astreinte est poursuivie, de rapporter la preuve de la bonne exécution de cette obligation dans le délai imparti par le juge, ou de la cause étrangère lui ayant interdit de le faire.

En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que l'ordonnance de référé du 6 janvier 2022, confirmée par l'arrêt du 17 novembre 2022 en ce qu'elle a ordonné à la société Antheus de reprendre la butte sous astreinte, ayant été signifiée le 24 janvier 2022, l'obligation devait être exécutée avant le 24 février 2022, date à laquelle l'astreinte commençait à courir en cas d'inexécution.

En ce qui concerne les limites des propriétés, il ne peut qu'être constaté que l'appelante ne produit aucun bornage qui permettrait de remettre en question celui établi le 20 juin 2022 (pièce n° 21 de Mme [Y]) qui établit que le cerisier, désormais déraciné du fait des travaux litigieux, est bien sur la propriété de Mme [Y].

De surcroît l'argumentation de l'appelante tend à remettre en cause ce qui a d'ores et déjà été jugé, même en référé, étant souligné que la société Antheus Promotion ne prétend pas avoir engagé une procédure de bornage de nature à remettre en question l'empiétement constaté tant par le juge des référés que par la cour d'appel dans son arrêt du 17 novembre 2022, empiétement alors reconnu expressément par la société Antheus Promotion (page 10 de l'arrêt et pièce n° 24 de Mme [Y]). A cet égard, le plan topographique produit par l'appelante (pièce n° 34), daté du 5 novembre 2015, ne contredit aucunement le plan produit par Mme [Y], les arbres qui y sont figurés n'étant pas identifiés, contrairement au plan de Mme [Y]. Le plan géoportail (pièce n° 38) n'est pas plus probant compte tenu de son manque de précision.

Ainsi, l'ordonnance de référé du 6 janvier 2022, confirmée par l'arrêt du 17 novembre 2022, n'ayant pas été rapportée, et aucune décision au fond n'étant venue la contredire, demeure exécutoire.

En ce qui concerne l'exécution même des travaux, pas plus qu'en première instance la société Antheus ne prouve avoir fait l'objet d'une interdiction de travaux en période hivernale par la mairie, les pièces produites à cet égard ne concernant au demeurant, sans interdiction prononcée, que les seuls travaux de gros oeuvre, ce que ne sont pas les travaux de reprise d'un talus (pièce n° 27 de l'appelante).

Elle n'établit pas non plus que les conditions météorologiques dans la période dont elle disposait pour s'exécuter lui interdisaient de le faire. En effet, le relevé des jours d'interruption du chantier qu'elle produit (pièce n° 30), ne fait état d'aucun jour d'interruption pour quelque cause que ce soit entre le 10 décembre 2021 et le 11 mars 2022, soit que la page correspondante n'ait pas été produite, soit qu'il n'y ait eu aucune interruption. Il sera ajouté que la photographie prise sur le chantier le 30 novembre 2022 (soit bien après l'expiration du délai pour exécuter) est bien évidemment sans intérêt et ne prouve aucunement que l'enneigement aurait été continu dans la période considérée.

Aucun obstacle juridique, matériel ou technique n'est ainsi établi à l'exécution des travaux de reprise de la butte.

Enfin, la société Antheus Promotion ne justifie toujours à ce jour d'aucun achèvement des travaux, rien n'ayant été fait depuis l'arrêt du 17 novembre 2022, alors que l'ordonnance du 6 janvier 2022 est exécutoire depuis plus de deux ans. Les difficultés économiques dont elle fait état aujourd'hui sont sans incidence, cette circonstance n'étant pas une cause étrangère au sens de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Ainsi, aucune circonstance ne justifie de supprimer, ni même de diminuer l'astreinte prononcée pour une durée limitée et dont le montant apparaît adapté. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Antheus Promotion à payer à Mme [Y] la somme de 15 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire.

Sur la fixation d'une astreinte définitive 

Il résulte des motifs qui précèdent que la société Antheus Promotion n'a, jusqu'à ce jour, manifesté aucune intention réelle d'exécuter les travaux auxquels elle a été condamnée. C'est donc à juste titre que le premier juge a prononcé une astreinte définitive, dont le montant et la durée apparaissent adaptés pour assurer une exécution effective des décisions rendues.

Le jugement déféré sera donc encore confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct 

Mme [Y] réclame la condamnation de la société Antheus Promotion au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'absence d'exécution en invoquant principalement le déracinement du cerisier situé sur sa propriété.

Il résulte en effet du constat d'huissier du 30 juin 2023 (pièce n° 28 de Mme [Y]) que le cerisier dont les racines avaient été mises à nu par l'effondrement partiel de la butte imputable aux travaux réalisés par la société Antheus Promotion, est désormais déraciné et s'est couché sur un autre arbre. Il est certain que si l'appelante avait exécuté les travaux auxquels elle a été condamnée dans les délais requis, cet arbre ne se serait pas déraciné.

Mme [Y] produit aux débats un devis pour la coupe et l'évacuation de l'arbre (pièce n° 29) d'un montant de 2 700 euros. Le coût de ces travaux constitue un préjudice distinct du seul retard dans l'exécution des travaux dont elle est bien fondée à réclamer l'indemnisation à la société Antheus Promotion, ce préjudice s'étant produit postérieurement au jugement déféré.

En l'absence de tout élément venant contredire ce chiffrage, il convient de condamner la société Antheus Promotion à lui payer cette somme.

Sur les mesures accessoires 

La société Antheus Promotion, qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.

Il n'y a pas lieu d'intégrer aux dépens le coût du procès-verbal d'huissier du 30 juin 2023, cet acte n'étant pas un acte de procédure mais un élément de preuve, qui ne peut être pris en compte que pour l'indemnité pour frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [H] et de Mme [Y] la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la société Antheus Promotion à payer :

- aux consorts [H], la somme de 2 500 euros,

- à Mme [Y] la somme de 2 500 euros,

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bonneville le 25 avril 2023,

Y ajoutant,

Condamne la société Antheus Promotion à payer à Mme [S] [Y] la somme de 2 700 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Antheus Promotion à payer les entiers dépens de l'appel,

Déboute Mme [S] [Y] de sa demande de prise en charge du coût du procès-verbal de constat d'huissier du 30 juin 2023 au titre des dépens,

Condamne la société Antheus Promotion à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- à M. [N] [H], Mme [P] [K] épouse [H] et Mme [E] [H], indivisément, la somme de 2 500 euros,

- à Mme [S] [Y] la somme de 2 500 euros.

Ainsi prononcé publiquement le 20 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00885
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.00885 ?
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