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20/06/2024 | FRANCE | N°22/00968

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 20 juin 2024, 22/00968


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY









2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 20 Juin 2024



N° RG 22/00968 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HABG



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 03 Février 2022, RG 18/01305



Appelant



M. [V] [U],

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6] demeurant [Adresse 3]



Représenté par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY





In

timées



Mme [K] [Y] [D], demeurant [Adresse 2]



S.A. MAIF, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal



Représentées par la SCP LE RAY BEL...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 20 Juin 2024

N° RG 22/00968 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HABG

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 03 Février 2022, RG 18/01305

Appelant

M. [V] [U],

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6] demeurant [Adresse 3]

Représenté par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimées

Mme [K] [Y] [D], demeurant [Adresse 2]

S.A. MAIF, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal

Représentées par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocat au barreau de CHAMBERY

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME, sise [Adresse 7] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL CABINET D'AVOCATS CATALDI - BOUAITA - GIABICANI, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 02 avril 2024 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseillère, Secrétaire Générale

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [U] exerçait une activité de nettoyage de chantiers de construction et rénovation, sous l'enseigne Netval. Il est intervenu durant l'été 2011 dans l'appartement de Mme [K] [Y] [D], situé à [Localité 5], pour évacuer des gravats, pour un prix de 300 euros HT. Cette évacuation ne pouvant se faire par la cage d'escalier intérieure de l'immeuble, des avaloirs par goulottes ont été mis en place, fixés sur la rambarde du balcon de l'appartement, pour déverser les gravats directement dans une benne.

Le 7 juillet 2011, M. [U] a été grièvement blessé sur ce chantier par suite d'une chute d'une hauteur de 9 mètres environ depuis le balcon de l'appartement de Mme [Y] [D] dont le garde-corps en béton a rompu.

Le certificat médical initial fait état des lésions suivantes :

- un traumatisme de l'hémi thorax droit avec hémo pneumothorax droit,

- une fracture complexe multi fragmentaire de l'aile iliaque droite, déplacée,

- une fracture non déplacée de la colonne antérieure du cotyle droit et gauche,

- une fracture diaphysaire distale du cubitus droit,

une plaie occipitale et pariéto frontale gauche,

- un traumatisme de la face sous l'arcade zygomatique droite.

Il a subi plusieurs interventions d'ostéosynthèse des fractures.

Une enquête pénale a été menée, laquelle n'a donné lieu à aucune poursuite.

Par actes délivrés les 31 juillet, 2 et 9 août 2018, M. [U] a fait assigner Mme [Y] [D], l'assureur de celle-ci, la MAIF, et le RSI des Alpes (aux droits duquel se trouve désormais la CPAM du Puy de Dôme), devant le tribunal de grande instance de Chambéry, pour voir déclarer Mme [Y] [D] entièrement responsable de ses préjudices, sur le fondement des dispositions de l'article 1242 du code civil, et la voir condamnée, avec la garantie de son assureur, à réparer la perte de son chiffre d'affaires, la perte de sa clientèle, et ordonner une expertise médicale pour déterminer son préjudice corporel. Il a sollicité les sommes suivantes :

- 45 000 euros au titre de la perte du chiffre d'affaires pour l'année 2011,

- 15 000 euros pour la perte de clientèle,

- 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel.

Mme [Y] [D] et la MAIF ont contesté toute responsabilité de la première dans l'accident, en soutenant que le garde-corps ne présentait aucun signe de faiblesse avant l'intervention de M. [U], lequel aurait fait un usage anormal de celui-ci en le surchargeant lors de l'évacuation des gravats.

La CPAM du Puy de Dôme, intervenue volontairement comme venant aux droits et obligations du RSI des Alpes, a conclu à la responsabilité de Mme [Y] [D] et a sollicité le paiement de la somme de 67 969,74 euros en remboursement de sa créance.

Par jugement contradictoire rendu le 3 février 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

déclaré recevable l'intervention volontaire de la CPAM du Puy de Dôme, recours contre tiers Auvergne-Drôme-Savoie, venant aux droits du RSI des Alpes,

dit le jugement commun à la CPAM du Puy de Dôme,

débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes à 'encontre de Mme [Y] [D] et de la société MAIF,

débouté la CPAM du Puy de Dôme de ses demandes de condamnation à l'encontre de Mme [Y] [D] et la société MAIF sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

condamné M. [U] à payer indivisément à Mme [Y] [D] et à la société MAIF la somme totale de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [U] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

condamné M. [U] aux entiers dépens.

Par déclaration du 3 juin 2022, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 5 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [U] demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'ancien article 1384 du code civil,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- déboute M. [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [Y] [D] et de la société MAIF,

- déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, Service recours contre tiers Auvergne-Drôme-Savoie de ses demandes de condamnation à l'encontre de Mme [Y] [D] et la société MAIF sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamne M. [U] à payer indivisément à Mme [Y] [D] et à la société MAIF la somme totale de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute M. [U] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamne M. [U] aux entiers dépens,

En conséquence,

juger Mme [Y] [D] responsable de l'accident survenu le 7 juillet 2011 et dont a été victime M. [U] pour défaut d'entretien et rupture du garde-corps de son appartement à l'origine des dommages,

juger Mme [Y] [D] entièrement responsable des dommages et préjudices de M. [U],

condamner Mme [Y] [D] et son assureur la MAIF, ou qui mieux le devrait, à lui payer les sommes de :

- 45 000 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour l'année 2011,

- 15 000 euros au titre de la perte de clientèle,

- et 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel,

ordonner une expertise médicale avec mission habituelle dans ce domaine afin de déterminer le préjudice corporel de M. [U],

condamner Mme [Y] [D], la MAIF ou qui mieux le devra, à payer à M. [U] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700,

déclarer le jugement à intervenir opposable à la CPAM de la Drome (sic).

Par conclusions notifiées le 5 décembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [Y] [D] et la MAIF demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article 1242 du code civil,

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en conséquence,

débouter purement et simplement M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

si par impossible, la cour venait à retenir la responsabilité de Mme [Y] [D],

dire et juger que la faute de M. [U] en sa qualité de professionnel est exonératoire de la responsabilité de Mme [Y] [D],

en tout état de cause,

dire et juger que la responsabilité de Mme [Y] [D] sera limitée à 5 % du montant des dommages de M. [U],

débouter M. [U] de sa demande de provision,

condamner M. [U] à payer à la MAIF et à Mme [Y] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 1er février 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la CPAM du Puy de Dôme demande en dernier lieu à la cour de :

infirmer le jugement déféré et,

vu les Articles 1242 et suivants du code civil, L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

prendre acte de l'intervention de la CPAM du Puy de Dôme au titre des prestations servies à M. [U] en lien avec l'accident du 7 juillet 2011 dont Mme [Y] [D] sera déclarée responsable,

condamner Mme [Y] [D] et son assureur la MAIF à verser à la CPAM du Puy de Dôme, service recours contre tiers, au titre de sa créance provisoire arrêtée au 20 octobre 2018, pour les frais d'hospitalisation du 7 juillet 2011 au 11 octobre 2011, la somme de 67 969,74 euros,

condamner Mme [Y] [D] et la MAIF à verser à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 1 114,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion outre les dépens de l'instance.

L'affaire a été clôturée à la date du 5 février 2024 et renvoyée à l'audience du 2 avril 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 20 juin 2024.

MOTIFS ET DÉCISION

En application de l'article 1242 du code civil (ancien 1384), on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Il appartient à la victime de rapporter la preuve que la chose a été l'instrument du dommage, et, lorsqu'un dommage est imputé à une chose immobile, que celle-ci était en mauvais état.

En l'espèce, M. [U] soutient que le garde-corps n'a pas rempli son office et qu'il a rompu non pas du fait d'un usage anormal qu'il en aurait fait, mais en raison de sa vétusté et de son mauvais état.

Il convient de souligner que, contrairement à ce que laisse entendre M. [U] au fil de ses conclusions, ce n'est pas le balcon qui a cédé, mais le garde-corps, lequel a pour fonction d'empêcher la chute éventuelle de personnes, mais pas de supporter le poids d'un homme qui serait monté dessus, ni celui de gravats de démolition.

Or les éléments produits démontrent que le garde-corps a été utilisé par M. [U], qui intervenait dans le cadre de son activité professionnelle sur le chantier de l'appartement de Mme [Y] [D], pour supporter les goulottes d'évacuation des gravats, ce qui n'est pas l'usage habituel d'un garde-corps. La rupture de celui-ci résulte incontestablement d'une surcharge, qu'elle soit liée au seul poids des gravats, ou à la manoeuvre de M. [U] lui-même, dont certains témoins indiquent qu'il est monté sur le garde-corps pour forcer la descente de gravats coincés dans la goulotte.

Quelle que soit la cause de rupture du garde-corps, il appartient à M. [U] de rapporter la preuve du comportement anormal de la chose. Or il ne démontre pas que le garde-corps, aussi ancien soit-il, ait présenté, le jour de l'accident, un défaut de solidité ou une dégradation qui serait la cause de sa rupture, alors que tout démontre que c'est bien en raison d'une surcharge qu'il n'était pas destiné à supporter, qu'il a cédé.

En effet, la seule mention par les enquêteurs que « le scellement de la rambarde était dégradé par le temps et les intempéries » ne vaut pas démonstration de la réalité d'une insuffisante solidité du garde-corps pour assurer sa fonction usuelle, à savoir la simple protection contre la chute. En effet, en l'absence de toute expertise technique qui confirmerait la défaillance du garde-corps, cette seule observation ne signifie pas qu'il était défectueux.

Le rapport de police note en outre que « l'ensemble de la rambarde située au 2ème étage a été emportée, vraisemblablement par la structure métallique supportant le tube circulaire de couleur bleu ». M. [U] a lui-même déclaré, dans son audition du 5 septembre 2011, qu'il se tenait le pied contre la rambarde, ce qui accrédite le témoignage du jardinier de la résidence, présent sur les lieux, qui déclare « avoir vu qu'un ouvrier se trouvait sur un petit balcon où il avait installé une goulotte d'évacuation. Monté sur la balustre du balcon, il tentait de pousser du pied des gravats coincés dans le conduit ». Ces éléments confirment le surpoids supporté par le garde-corps, cause de sa rupture.

M. [U] fait de longs développements sur la responsabilité qui pèserait sur M. [L], neveu de Mme [Y] [D], qui aurait loué et installé les goulottes d'évacuation des déchets. Toutefois, l'action est engagée contre Mme [Y] [D] seule, M. [L] n'est pas dans la cause, de sorte que la faute éventuelle commise par ce dernier est sans incidence sur la responsabilité recherchée à l'encontre de Mme [Y] [D], sur le seul fondement du fait des choses dont on a la garde.

Il sera ajouté que l'appelant ne démontre pas que Mme [Y] [D] devrait répondre de la faute éventuelle de M. [L], ce dernier n'étant pas le préposé de sa tante, ni lié à elle par un contrat. Mme [Y] [D] n'est pas intervenue pour la mise en place des goulottes d'évacuation des gravats, étant rappelé qu'elle avait confié à M. [U], par contrat, le soin de procéder à cette évacuation.

Enfin, M. [U] ne démontre pas non plus que Mme [Y] [D] aurait commis une faute quelconque à l'origine de son dommage, aucune pièce n'établissant un défaut d'entretien du garde-corps.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes de M. [U], celui-ci ne démontrant pas la responsabilité de Mme [Y] [D] dans la survenance du dommage. Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [Y] [D] et de la MAIF la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM du Puy de Dôme sera déboutée de sa demande sur ce fondement, dès lors que Mme [Y] [D] et la MAIF ne sont pas parties succombantes.

M. [U], qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 3 février 2022,

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [U] à payer à Mme [K] [Y] [D] et à la MAIF, indivisément, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [V] [U] et la CPAM du Puy de Dôme de leurs demandes formées sur le même fondement,

Condamne M. [V] [U] aux entiers dépens de l'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 20 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00968
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.00968 ?
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