GS/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 18 Juin 2024
N° RG 21/02363 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G3VJ
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 15 Novembre 2021
Appelante
S.C.I. SALMON [Localité 5], dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Guillaume PUIG, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocats plaidants au barreau de LYON
Intimée
MAPA MUTUELLE D ASSURANCE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL LEGI RHONE ALPES, avocats au barreau d'ANNECY
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Date de l'ordonnance de clôture : 05 Février 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 mars 2024
Date de mise à disposition : 18 juin 2024
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Composition de la cour :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Après avoir fait l'acquisition, par acte authentique en date du 21 mars 2001, d'un ensemble immobilier sis au [Adresse 3] à [Localité 6], au prix de 137 304, 12 euros, et y avoir entrepris des travaux de rénovation, la SCI Salmon [Localité 5], a, suivant contrat du 30 décembre 2003, donné ces locaux à bail commercial à la société Canadian Corner [Localité 5] pour y exercer une activité de bar-restauration, moyennant un loyer de 2 290 euros par mois.
La société Canadian Corner [Localité 5] a souscrit une police d'assurance à effet au 31 mars 2005 auprès de la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires, ci-après la société MAPA, aux fins de garantir son activité de restauration. Le contrat stipulait que les garanties afférentes au bâtiment étaient acquises à son bailleur.
Le 7 mars 2006, un incendie s'est déclaré dans les locaux, conduisant à leur destruction intégrale. La SCI Salmon [Localité 5] a déclaré ce sinistre à la société MAPA le même jour.
Par jugement du 17 mars 2006, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a placé la société Canadian Corner [Localité 5] en liquidation judiciaire.
Soupçonnant que l'incendie pouvait avoir une orgine criminelle, la société MAPA a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction de Thonon-les-Bains le 12 octobre 2006. Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, qui a été confirmée le 1er décembre 2010 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry.
Parallèlement, par acte d'huissier des 21 et 26 décembre 2007, la SCI Salmon [Localité 5] a fait assigner la société MAPA et Mme [X], mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la société Canadian Corner [Localité 5] devant le juge des référés de Thonon-les-Bains notamment aux fins d'obtenir la condamnation de la société MAPA à lui verser la somme de 225 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice résultant de l'incendie de l'immeuble litigieux.
Par ordonnance du 19 février 2008, le juge des référés de Thonon-les-Bains s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Par acte d'huissier du 7 mars 2012, la SCI Salmon [Localité 5] a fait assigner la société MAPA devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon qui s'est déclaré territorialement incompétent au profit du juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains.
Par ordonnance du 14 septembre 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé la SCI Salmon [Localité 5] à se pourvoir au principal.
Par acte notarié du 18 octobre 2012, la SCI Salmon [Localité 5] a vendu en l'état l'ensemble immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 5] moyennant un prix de 210 000 euros.
Suivant exploit d'huissier en date du 27 mars 2013, la SCI Salmon [Localité 5] a fait citer la société MAPA devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains afin notamment d'obtenir sa condamnation à lui payer, au titre du contrat d'assurance, la somme de 435 028 euros, montant de l'état de la valeur à neuf de l'immeuble sous déduction du prix de vente, outre la somme de 185 410 euros, montant de la perte des loyers arrêtée au 30 septembre 2012.
Par jugement du 26 juin 2014, le tribunal de grande instance Thonon-les-Bains a :
- déclaré la prescription biennale inopposable à la SCI Salmon [Localité 5] ;
- déclaré par conséquent l'action de la SCI Salmon [Localité 5] recevable ;
- sursis à statuer sur les autres demandes, avant dire droit sur la demande en indemnisation formée par la SCI Salmon [Localité 5] ;
- désigné M. [M] [V], expert judiciaire inscrit sur la liste de la cour d'appel de Chambéry demeurant [Adresse 4] à [Localité 7], avec pour mission :
- de réunir et entendre les parties ainsi que tous sachants ;
- se faire communiquer tous documents utiles, en particulier l'acte de vente du 21 mars 2000 du tènement immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 5],
- de déterminer la valeur à neuf dudit bien à la date de survenance de l'incendie,
- de fournir au tribunal tous éléments nécessaires pour évaluer le préjudice de la SCI Salmon [Localité 5] à la suite de l'incendie ayant sinistré son bien.
Par arrêt du 25 février 2016, la cour d'appel de Chambéry a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.
L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 4 janvier 2017.
Suivant jugement en date du 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, a :
- déclaré les demandes de la SCI Salmon [Localité 5] à l'encontre de la société MAPA irrecevables ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI Salmon [Localité 5] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
Au visa principalement des motifs suivants :
la SCI Salmon [Localité 5] ne démontre pas l'existence d'une tentative de fixation des dommages de gré à gré ni de réalisation d'une expertise amiable ;
elle ne justifie pas avoir établi un état des pertes ;
elle ne démontre pas l'adjonction d'un troisième expert dès lors que les deux experts, celui de la société MAPA, M. [T], et le sien, M. [S], n'étaient pas parvenus à un accord ;
la SCI Salmon [Localité 5] a engagé une procédure en référé non pas à l'effet de désignation du troisième expert mais afin notamment d'obtenir une provision, ce qui n'est pas contesté ;
il se déduit de ces éléments l'absence de mise en 'uvre de la clause d'expertise prélable prévue par les conditions générales de la police d'assurance, rendant irrecevables ses demandes indemnitaires.
Par déclaration au greffe du 8 décembre 2021, la SCI Salmon [Localité 5] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières écritures du 22 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Salmon [Localité 5] sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de :
Avant dire droit,
- convoquer M. [T] et M. [S], experts respectifs des parties, par devant la cour d'appel de Chambéry aux fins de les entendre sur la véracité de leurs propos ;
A titre principal,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI Salmon [Localité 5] à l'égard de la société MAPA et condamné la SCI SALMON [Localité 5] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
En statuant à nouveau,
- condamner la société MAPA à lui payer la somme de 843 386 euros TTC au titre de l'indemnité relative à la valeur à neuf du bâtiment ;
- rejeter l'intégralité des demandes de la société MAPA ;
- condamner la société MAPA à lui payer la somme de 30 393,12 euros TTC au titre de l'indemnité relative à la perte des loyers ;
- condamner la société MAPA à payer la somme de 930 130,92 euros à titre de dommages et intérêts ;
- assortir toute condamnation financière de la société MAPA d'une condamnation aux intérêts légaux à compter du 17 mai 2011, date de la mise en demeure ;
- ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil, anciennement article 1154 du même code ;
- condamner la société MAPA à payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société MAPA aux entiers dépens, en ce compris le coût du rapport d'expertise de M. [V] d'un montant de 7 762,44 euros TTC.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Salmon [Localité 5] fait valoir notamment que :
l'audition des deux experts par la cour se justifie compte tenu de leurs positions divergentes sur la tenue d'opérations d'expertise amiable ;
l'absence de réalisation de l'expertise amiable ne résulte pas de son fait mais uniquement de la société MAPA, et ne peut, dès lors, être sanctionnée par l'irrecevabilité de ses demandes ;
une expertise judiciaire est d'ores et déjà intervenue et a été menée à son terme, de sorte que l'article L122-2 du code des assurances invoqué par la société MAPA apparaît inapplicable au stade actuel du litige ;
la société Canadian Corner, sa locataire, a souscrit une assurance lui profitant, dès lors, en vertu de ce contrat, les garanties souscrites par le locataire afférentes au bâtiment lui sont acquises pour un plafond de garantie de 843 386 euros ;
en application de l'article 45 des conditions générales, l'indemnité de reconstruction « valeur à neuf » prévue par le contrat ne prévoit aucune dépréciation ;
les conditions particulières du contrat d'assurance, qui doivent naturellement primer sur les conditions générales lorsqu'elles les contredisent, stipulent clairement « règlement en valeur à neuf quel que soit l'évènement » ;
la clause de déchéance invoquée par la défenderesse n'est pas mentionnée en caractères très apparents revêtant ainsi un caractère non écrit ;
la société MAPA échoue à rapporter la preuve de la réunion des conditions d'application de la clause de déchéance, à savoir un élément matériel et un élément moral ;
le caractère volontaire de l'incendie n'est pas en l'état démontré, aucun indice suffisant n'ayant été relevé par les deux degrés de juridiction d'instruction.
Aux termes de ses dernières écritures du 8 septembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société MAPA demande quant à elle à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions hormis en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;
Subsidiairement,
- dire et arrêter que la SCI Salmon [Localité 5] a volontairement et de mauvaise foi exagéré son dommage ;
Par conséquent,
- prononcer la déchéance de garantie ;
- débouter la SCI Salmon [Localité 5] de ses demandes, fins et conclusions ;
Plus subsidiairement,
- constater que l'incendie du bien est d'origine volontaire ;
- constater que les éléments du dossier prouvent que les auteurs de l'incendie ne peuvent qu'être les dirigeants de la SCI Salmon [Localité 5] ou des personnes ayant agi sur ordre de ceux-ci ;
Par conséquent,
- prononcer la déchéance de garantie ;
- débouter la SCI Salmon [Localité 5] de ses demandes, fins et conclusions ;
Très subsidiairement, sur le fond,
- constater que la SCI Salmon [Localité 5] n'a pas produit ses trois derniers livres de compte au jour du sinistre qui auraient permis de constater tant l'option à la TVA ni un bail commercial enregistré ;
Par conséquent,
- débouter la SCI Salmon [Localité 5] de ses demandes, fins et conclusions sur ses demandes relatives aux loyers ;
Au besoin,
- ordonner avant-dire droit à la SCI Salmon [Localité 5] de produire ses trois derniers livres de compte au jour du sinistre ;
- constater que l'évaluation immobilière réalisée par l'expert judiciaire et son sapiteur n'a pas été établie en fonction du contrat d'assurance ;
- dire et arrêter que l'évaluation réalisée par M. [T] est conforme à la réalité et au contrat d'assurance ;
Par conséquent,
- allouer à la SCI Salmon [Localité 5] la somme de 249 793 euros ;
Au besoin,
- lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la désignation de M. [N] (sapiteur de M. [V]) ou de tel expert qu'il plaira aux fins de déterminer le préjudice de la SCI Salmon [Localité 5], dans les termes et conformément au contrat d'assurance ;
- rejeter toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre elle ;
- condamner la SCI Salmon [Localité 5] à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laisser les dépens à la charge de la demanderesse.
Au soutien de ses prétentions, la société MAPA fait valoir notamment que :
par application des dispositions de l'article L 122-2 alinéa 2 du code des assurances, pour permettre de diligenter une expertise judiciaire relative à l'évaluation des dommages il faut un délai de 6 mois à compter de la remise d'un état des pertes à l'assureur, or, le document produit n'est en rien un état de perte et ne lui a pas été adressé, pas plus qu'à M. [T] ;
les dommages n'ont pas été fixés « de gré à gré » dans la mesure où la discussion sur l'évaluation des dommages n'a jamais démarré entre les experts et qu'aucun état des pertes ne lui a été adressé, violant ainsi les stipulations de l'article 56 des conditions générales et rendant irrecevable ses demandes ;
la jurisprudence n'impose pas une obligation de rédaction de manière apparente de la clause de déchéance de garantie qui relève simplement de la bonne foi contractuelle ;
la déchéance de garantie est encourue en raison de l'utilisation volontaire de documents inexacts et l'exagération manifeste des dommages ;
la garantie n'est pas due en raison du caractère volontaire de l'incendie, une décision de non-lieu d'une juridiction d'instruction n'ayant pas autorité de la chose jugée au civil.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 5 février 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 12 mars 2024.
Motifs de la décision
I - Sur la demande d'audition des experts
Aux termes de l'article 213 du code de procédure civile, 'le juge peut entendre ou interroger les témoins sur tous les faits dont la preuve est admise par la loi'.
En l'espèce, la SCI Salmon [Localité 5] demande à la présente juridiction, avant-dire droit, de procéder à l'audition de MM [T] et [S], experts respectifs des parties. Ces deux experts ont en effet exprimé par écrit des positions divergentes quant à l'existence d'une évaluation des dommages qui serait intervenue de manière commune dans un cadre amiable, le premier, mandaté par la compagnie d'assurances, réfutant la tenue d'une telle évaluation alors que le second indique qu'elle aurait bien eu lieu.
Cependant, ces deux experts ont déjà clairement exprimé leur position par écrit sur le déroulement exact de ces événements et rien ne permet de déterminer qu'une audition par la cour serait susceptible de faire évoluer leurs avis respectifs, ce d'autant que les faits dont il est question remontent à plus de 14 années. Par ailleurs, et plus fondamentalement, la présente juridiction dispose d'éléments suffisants pour trancher le litige qui lui est soumis sans qu'il soit besoin de recourir à une telle mesure.
Cette demande sera donc rejetée.
II - Sur la fin de non recevoir tirée de l'absence d'expertise amiable
L'article 1134 ancien du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose :
'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi'.
L'article 55 des conditions générales du contrat liant les parties impose à l'assuré de fournir, 'dans un délai de vingt jours à compter du sinistre, un état estimatif certifié sincère et signé par lui, des objets assurés et endommagés, détruits ou sauvés'.
L'article 56, intitulé 'Estimation des pertes après sinistre' prévoit quant à lui que 'si les dommages ne sont pas fixés de gré à gré, une expertise amiable est toujours obligatoire sous réserve des droits respectifs des parties. Chacune des parties choisit un expert. Si les experts ainsi désignés ne sont pas d'accord, ils s'adjoignent un troisième expert. Les trois experts opèrent en commun et à la majorité des voix. Faute par l'une des parties de nommer son expert, ou par les deux experts de s'entendre sur le choix du troisième, la désignation sera effectuée par le Président du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel le sinistre s'est produit. Cette nomination est faite sur simple requête signée des deux parties ou d'un seulement, l'autre partie ayant été convoquée par lettre recommandée'.
Il est de jurisprudence constante que la méconnaissance d'une telle clause, imposant une expertise amiable préalable à la saisine de la juridiction au fond, constitue une fin de non recevoir au sens des articles 122 et suivants du code de procédure civile (Cour de cassation, Civ 2ème, 25 février 2010, n°09-14.044).
Il se déduit clairement en l'espèce de l'examen du dossier qui est soumis à la présente juridiction qu'aucune expertise amiable, conforme au contenu de cette stipulation contractuelle, n'a été effectivement mise en oeuvre avant la saisine au fond du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains. En effet, si chacune des parties a bien procédé, dans un premier temps, à la désignation de son expert, à savoir Mr [T] pour l'assureur, et M. [S] pour la SCI Salmon [Localité 5], il n'est pas établi qu'une réunion contradictoire tendant à estimer les pertes subies ait été tenue, chacun de ces deux experts exprimant une position divergente sur ce point. En tout état de cause, il est constant qu'aucun document n'a été établi pour recenser d'éventuels désaccords qui auraient existé entre eux sur l'évaluation des dommages et aucune des parties n'a sollicité la désignation d'un troisième expert.
Par ailleurs, il est manifeste qu'aucun état des pertes conforme à l'article 55 des conditions générales n'a été établi par la SCI Salmon [Localité 5]. En effet, le document qui est versé aux débats par cette dernière, intitulé 'Synthèse des valeurs', et qui aurait été établi selon ses dires par Mr [S], n'est ni daté ni signé ni certifié conforme par quiconque. Il n'est en outre nullement justifié que ce document, qui est manifestement dépourvu de la moindre valeur probante, aurait été communiqué à l'assureur avant l'introduction de l'instance au fond.
Ce sont ces constatations qui ont conduit le premier juge à déclarer irrecevables les prétentions indemnitaires formées par l'appelante.
Force est de constater cependant que, comme le fait valoir à juste titre la SCI Salmon [Localité 5] dans ses écritures, un tel raisonnement conduit à faire abstraction du comportement qui a été adopté à l'égard de son assurée par la société MAPA, qui était pourtant tenue d'exécuter de bonne foi la convention liant les parties.
Il se déduit en effet sans ambiguïté des courriers qui ont été échangés entre les parties suite à la déclaration de sinistre effectuée le 7 mars 2006 qu'en réalité, c'est bien l'assureur qui, de manière constante, a fait obstacle à la réalisation d'une expertise amiable. Une telle expertise n'avait du reste aucun sens dès lors que la compagnie d'assurance a refusé sa garantie à son assurée au motif que l'incendie aurait eu une origine criminelle et a déposé en ce sens une plainte avec constitution de partie civile le 2 octobre 2006, en se fondant sur un rapport établi par M. [B] le 5 juin 2006.
Or, pendant toute la durée de l'instruction préparatoire, qui ne s'est achevée que par l'arrêt de la chambre de l'instruction du 1er décembre 2010, ayant confirmé l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction de Thonon-les Bains, la société MAPA a répondu systématiquement à la société Salmon [Localité 5], ainsi qu'au liquidateur de la société Canadian Corner [Localité 5], qu'elle ne pouvait donner suite à leurs demandes indemnitaires ni avancer dans le traitement de son dossier, et ce malgré les différentes relances qui lui ont été adressées par ses assurées. Et l'expert mandaté par cette compagnie d'assurance, M. [T], a exprimé la même position, indiquant notamment le 7 mars 2007 ne pouvoir progresser dans ses opérations d'expertise compte tenu des investigations pénales en cours.
Il convient de relever, en outre, que la société MAPA n'a à aucun moment informé sa contractante de ce qu'une expertise amiable préalable était nécessaire, ni n'a sollicité la remise d'un quelconque état des pertes conforme aux dispositions contractuelles, ou sollicité la désignation d'un troisième expert. Se contentant en fait de constester sa garantie, c'est bien elle qui a clairement fait obstacle à l'organisation d'une expertise amiable d'évaluation contradictoire des dommages.
C'est ainsi avec une particulière mauvaise foi que l'assureur soulève une fin de non recevoir tirée de l'absence de respect de la clause imposant une expertise amiable préalable, alors que c'est elle qui a fait obstacle à la réalisation d'une telle mesure. Elle ne saurait dans de telles conditions se prévaloir de cette stipulation contractuelle.
Par ailleurs, l'assureur n'a formé aucune contestation de ce chef avant le dépôt du rapport d'expertise en janvier 2017, et a du reste participé aux opérations d'expertise sans à aucun moment se plaindre de l'absence de réalisation d'une expertise amiable. La société MAPA n'apporte aucune explication sur les motifs ayant ainsi pu la conduire à différer pendant plus de dix ans l'exposé d'un tel argumentaire de nature à rendre irrecevables les demandes adverses.
Il doit nécessairement être déduit de ce comportement une renonciation tacite de sa part à se prévaloir de la clause d'expertise amiable (voir dans une espèce similaire : Cour de cassation, Civ 1ère, 21 mai 1975, publiée au bulletin).
Il sera observé, enfin, que l'article L. 122-2 du code des assurances, dont le contenu d'ordre public est repris à l'article 57 des conditions générales, donne la possibilité à l'assuré, en cas d'incendie, de procéder judiciairement au règlement du litige si l'expertise amiable n'est pas terminée six mois après la remise de l'état des pertes. Cette possibilité était en l'espèce clairement ouverte à la société Salmon [Localité 5], compte tenu du délai écoulé et de l'absence de réclamation, de la part de son assureur, de l'établissement d'un état des pertes conforme aux conditions générales. Les dispositions d'ordre public précitées supposent en effet nécessairement que l'assureur se prête à la procédure amiable, le refus de s'y soumettre ouvrant à l'assuré le droit d'exercer une action au fond (voir sur ce point Cour de cassation, 10 mai 1984, n°83-10.259).
Ces considérations doivent nécessairement conduire la présente juridiction à rejeter la fin de non recevoir soulevée par la société MAPA et à déclarer recevables les prétentions indemnitaires formées par l'appelante.
III - Sur la déchéance de la garantie
La société MAPA se prévaut d'une clause de déchéance de garantie, stipulée à l'article 55 des conditions générales, dont le contenu est le suivant : 'l'assuré qui de mauvaise foi, exagère le montant des dommages, prétend détruits ou volés des objets assurés, emploie sciemment comme justification des moyens frauduleux ou des documents inexacts, ne déclare pas l'existence d'autres assurances portant sur le même risque, est entièrement déchu de tout droit à indemnité'.
Contrairement à ce qu'indique la société Salmon [Localité 5], cette clause est rédigée en des caractère très apparents, gras, qui sont susceptibles d'attirer spécialement l'attention de l'assurée. Elle apparaît ainsi conforme aux dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances et ne saurait être réputée non écrite.
Force est de constater, par contre, que l'intimée ne démontre nullement que son assurée aurait utilisé, comme elle le prétend, des documents inexacts, ou aurait sciemment exagéré le montant de son préjudice. En effet, la synthèse des dommages établie par son expert, M. [S], si elle ne peut constituer un état des pertes conforme aux stipulations contractuelles, comme il a été précédemment exposé, ne peut pour autant s'analyser comme étant un faux document.
De même, il est losible à un assuré, dans le cadre d'une procédure judiciaire, de former des demandes indemnitaires importantes, qui peuvent pour certaines apparaître injustifiées, sans que cela puisse permettre à son assureur de lui opposer une quelconque déchéance de garantie. En tout état de cause, la société MAPA n'apporte aucun élément susceptible de caractériser la mauvaise foi de son assurée dans ses réclamations, et ce alors que la clause dont elle se prévaut suppose un élément intentionnel.
IV- Sur le caractère volontaire de l'incendie
La société MAPA soutient que la preuve de l'implication des gérants de la société locataire dans l'incendie se trouverait rapportée par les pièces qu'elle verse aux débats.
Il se déduit du rapport établi par M. [B] en juin 2006, ainsi que des investigations qui ont été conduites suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée en octobre 2006, qui se trouvent retracées dans l'arrêt de la chambre de l'instruction du 1er décembre 2010, que de nombreux éléments sont de nature à corroborer la thèse selon laquelle l'incendie du 7 mars 2006 aurait effectivement une origine criminelle.
Pour autant, aucun élément du dossier pénal n'a pu permettre de démontrer l'implication du couple [G]/[U] dans l'incendie, ce qui a conduit à une décision de non-lieu, compte tenu des charges insuffisantes qui étaient réunies à leur encontre.
Force est de constater que la société MAPA n'apporte aucun élément supplémentaire à ceux qui ont été recueillis dans le cadre de l'instruction.
Elle échoue ainsi à rapporter la preuve d'une implication de son assurée dans l'incendie du 7 mars 2006.
V - Sur la valeur du bâtiment
Il convient d'observer, à titre liminaire, que l'attestation établie par son expert comptable, qu'elle verse aux débats, suffit à démontrer que la SCI Salmon [Localité 5] n'est pas assujettie à la TVA, sans qu'il soit besoin pour elle de produire ses trois derniers livres de compte au jour du sinistre, comme le sollicite l'intimée, ce d'autant que l'ensemble des documents établis par les experts confirment ce qu'elle indique sur ce point.
L'article 45 des conditions générales précise que 'sont garantis les bâtiments désignés aux conditions générales et leurs dépendances, ainsi que tous aménagements et embellissements, considérés comme immeubles par destination, qui ne peuvent être détachés des bâtiments sans être détériorés ou sans détériorer la partie de la construction à laquelle ils sont attachés.
Il définit par ailleurs le mode de calcul adopté pour calculer l'indemnité dans le cas où, comme en l'espèce, il n'y a ni reconstruction, ni réparation des dommages :
' Les bâtiments, les aménagements et embellissements, abstraction faite de la valeur du sol, sont estimés d'après leur valeur à neuf dépréciation déduite.
Cependant, lorsque la valeur à neuf dépréciation déduite, ou le coût des réparations, est supérieure à la valeur économique des bâtiments au jour du sinistre, l'indemnité est limitée au montant de cette valeur économique, c'est à dire à la valeur des bâtiments au jour du sinistre, augmentée des frais de déblai et de démolition et déduction faite de la valeur du terrain nu'.
La notion de 'valeur à neuf 'se trouve définie à l'article 1er des conditions générales comme étant la 'valeur à neuf du sinistre de remise en état ou d'achat ou de reconstruction du même bien (c'est à dire des mêmes fonctions et mêmes performances, mêmes matériaux). Si la dépréciation est inférieure ou égale à 25%, il n'est pas appliqué de dépréciation et le remboursement se fait en valeur à neuf. Si la dépréciation est supérieure à 25%, il est appliqué une dépréciation réduite de 25%.
La notion de 'dépréciation' est quant à elle définie à l'article 1er comme étant la 'dévalorisation en raison de l'usage, de l'état, de l'âge et de l'obsolescence'. Dans le cas d'un bâtiment, cette dépréciation s'apprécie poste par poste.
L'expert judiciaire a retenu, sur la base d'une évaluation effectuée par son sapiteur, M. [J] [N], une valeur à neuf de l'immeuble de 565 000 euros foncier intégré. Il a déduit de ce montant le prix de vente obtenu par la SCI Samon [Localité 5], de 210 000 euros, pour aboutir à une indemnisation de 355 000 euros. Ce calcul se fonde sur la valeur intrinsèque de la construction majorée de la valeur du terrain nu.
Mr [N] a procédé, à partir des plans cadastraux, des descriptifs établis suite aux différents rapports d'expertise faisant suite au sinistre et des coûts de construction applicables à ce type d'ouvrage, à une addition entre les différents postes, comme s'il s'agissait de dresser un devis général complet. Il a ensuite ajusté cette valeur actuelle en fonction de la variation du coût de la construction, sur la base de l'indice BT01, pour déterminer la valeur de la construction au jour du sinistre, à hauteur d'une fourchette comprise entre 510 000 et 520 000 euros. Il a ajouté ensuite la valeur du terrain, déduction faite du coût de la démolition et du déblaiement.
Cette évaluation correspond à la mission qui a été confiée à l'expert par le tribunal aux termes du jugement du 26 juin 2014, consistant à 'déterminer la valeur à neuf du bien à la date de survenance de l'incendie'. Force est de constater qu'une telle évaluation ne se trouve pas en adéquation avec les termes du contrat d'assurance, comme le souligne la société MAPA. Les parties ont signalé cette difficulté à l'expert dès la première réunion d'expertise, mais aucune d'entre elles n'a saisi le juge d'une demande de modification de la mission impartie à l'expert.
Au regard de l'ancienneté de l'incendie, qui remonte à plus de 18 ans aujourd'hui, il n'apparaît pas conforme à une bonne administration de la justice d'ordonner une nouvelle expertise. Etant observé qu'il appartenait à la société MAPA, si elle entendait contester la mission confiée à l'expert, de saisir la juridiction d'une demande de modification de la mission. La cour dispose en tous cas d'éléments suffisants pour déterminer le montant de l'indemnité due à la SCI Salmon [Localité 5], conformément à la convention liant les parties, en se basant notamment sur le rapport d'expertise de M. [V].
La SCI Samon [Localité 5] estime le coût de reconstruction à une somme totale de 903 354, 29 euros, conformément au dire qu'elle a soumis à l'expert le 31 novembre 2016. Force est cependant de constater que cette évaluation unilatérale est dépourvue de la moindre valeur probante, et a été expressément écartée par l'expert.
L'appelante reproche à l'expert de ne pas avoir pris en compte les aménagements existants, permettant l'usage des lieux en tant que bar-restaurant, à savoir les enseignes, le bar massif, le traitement de la chambre froide ou les équipements de cuisine professionnelle. Ces éléments constituent effectivement des immeubles par destination au sens de l'article 524 du code civil. Cependant, comme l'a relevé l'expert, aucun détail de ces biens n'a été donné par la SCI Salmon [Localité 5], permettant de déterminer la valeur de ces éléments ni leur propriété exacte. En outre, il est constant que les équipements de cuisine n'ont pas été détruits, mais uniquement endommagés suite à l'incendie.
La SCI Samon [Localité 5] soutient ensuite que l'indemnité 'valeur à neuf' prévue au contrat n'aurait prévu aucune dépréciation. Cette lecture apparaît cependant contraire à l'article 45 des conditions générales, qui a été précédemment cité, et qui détaille le mode de calcul adopté pour calculer l'indemnité dans le cas où, comme en l'espèce, il n'y a ni reconstruction, ni réparation des dommages. C'est de toute évidence un mode de calcul intégrant une dépréciation des biens qui doit être appliqué.
C'est par contre à juste titre que la SCI Salmon [Localité 5] sollicite, en sus de la somme fixée par l'expert, la prise en compte des frais de démolition, déblais et sécurisation du site. En effet, ce poste est expressément indemnisable aux termes des conditions générales, et si l'expert ne l'a pas intégré dans son calcul, c'est uniquement parce que ce n'était pas inclus dans sa mission. Il est constant en outre que ces frais n'ont jamais été supportés par l'assureur, et que le bien a été vendu avant que ces opérations ne soient réalisées. L'expert évalue leur montant à hauteur de 25 000 euros TTC.
La SCI Samon [Localité 5] soutient enfin que la valeur du terrain ne devrait pas être retranchée du montant de son indemnisation, puisqu'elle est indépendante du coût de la reconstruction. Or, l'expert n'a nullement retranché cette valeur, comme il a été précédemment exposé, mais l'a ajoutée à la valeur de la construction pour déterminer le montant du préjudice indemnisable.
Il doit être constaté, par contre, que seule la méthode d'évaluation adoptée par l'expert de l'intimée, M. [T], dans son courrier du 27 juin 2017, peut correspondre aux clauses du contrat d'assurance. Cet expert s'est ainsi fondé sur l'évaluation du coût de la construction du bâtiment effectué par M. [N] pour l'adapter au calcul de l'indemnité telle qu'elle est prévue aux conditions générales.
Cette méthode conduit à appliquer une dépréciation, conformément au contrat, sur le bâtiment, compte tenu de l'état dans lequel il se trouvait à la date du sinistre. Au regard des pièces versées aux débats par les parties, notamment le tableau de synthèse établi par M. [S], ayant examiné chacun des postes de la construction pour leur attribuer un taux de vétusté compris entre 15 et 20 % (le seul poste coté à 30% étant afférent à une surface de faïences et de carrelage), correspondant à un entretien normal du bien, la date des travaux initiaux, les constatations expertales, ainsi que l'avis émis sur ce point par M. [T], la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer la dépréciation existante sur la construction au 7 mars 2006 à hauteur d'un taux global de 20%.
Il convient d'appliquer ce taux de dépréciation, conformément au contrat, à la valeur à neuf de la construction au jour du sinistre, abstraction faite des honoraires de maîtrise d'oeuvre et de suivi des travaux, qui n'ont pas lieu d'être en l'absence de reconstruction. La valeur de la construction a été fixée par l'expert à hauteur d'un montant total de 433 071, 62 euros en septembre 2016, soit 342 126, 58 euros en septembre 2006 après application de l'indice BT 01 du coût de la construction, ayant augmenté de 21 % au cours de cette période. Ce qui permet de déterminer une indemnité à la charge de l'assureur de 342 126, 58 euros - 20% = 273 701, 26 euros.
La société MAPA sera donc condamnée au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la créance de réparation, tant en matière contractuelle que délictuelle, ne pouvant produire d'interêts moratoires que du jour où elle est allouée judiciairement, selon une jurisprudence constante (voir sur ce point notamment: Cour de cassation, Civ 1ère, 16 mars 1966, Bull Civ n°I, n°190).
VI - Sur la perte de loyers
Le contrat d'assurance garantit, aux termes de ses conditions particulières, les pertes de loyer subies par le bailleur 'à concurrence d'une année à compter du jour du sinistre'.
Le montant du loyer mensuel de 2 290 euros dû par la société Canadian Corner [Localité 5] se trouve justifié par le contrat de bail commercial qui est versé aux débats. Ce qui a conduit l'expert judiciaire à retenir une perte annuelle de 29 193, 12 euros subie par la SCI Salmon [Localité 5] à ce titre.
C'est à juste titre que M. [V] a estimé que l'appelante ne pouvait par contre se prévaloir d'une perte correspondant au montant des taxes foncières afférentes au bien, accessoire du loyer, dès lors que ces taxes ne sont pas dues en cas d'inexploitation des locaux, comme en l'espèce, et que la SCI ne justifie nullement s'être acquittée de la moindre somme à ce titre.
La société MAPA apparaît ainsi redevable d'une indemnité de 29 193, 12 euros au titre de la perte de loyers subie par son assurée, sur la base du contrat, sans qu'elle puisse utilement réclamer à la SCI Salmon [Localité 5] la production de pièces complémentaires justifiant du paiements des loyers antérieurs ni arguer de l'absence de publication du bail commercial, une telle publication n'ayant aucune incidence sur la réalité du préjudice de son assurée.
VII - Sur les dommages et intérêts
Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
La SCI Samon [Localité 5] réclame dans le cadre de la présente instance des dommages et intérêts distincts des indemnités dues par son assureur en exécution du contrat, à hauteur d'une somme totale de 930 130, 92 euros. Cette somme correspond d'une part aux pertes de loyer subies entre mars 2007 et octobre 2012, date de la vente de son bien, à hauteur de 169 694, 92 euros, et, d'autre part, à la perte financière qu'elle estime avoir subie suite à la vente à vil prix des locaux dont elle était propriétaire, à hauteur d'une somme de 730 436 euros (correspondant à la valeur actuelle qui serait celle du bien si elle avait pu le reconstruire, soit 940 536 euros, déduction faite du prix de vente de 210 000 euros). Elle estime que ce préjudice lui a été causé par la résistance abusive dont aurait fait preuve son assureur depuis l'origine du sinistre.
Il appartient cependant à l'appelante de caractériser l'existence d'une telle résistance abusive, susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.
Or, en l'espèce, force est de constater que cette preuve ne se trouve nullement rapportée, dès lors qu'il était légitime, de la part de la société MAPA, compte tenu des informations dont elle disposait en juin 2006, sur la base du rapport établi par M. [B], de s'interroger sur les circonstances exactes de l'incendie du 7 mars 2006, dont l'origine criminelle était évidente, et de déposer une plainte avec constitution de partie civile en octobre 2006 afin de déterminer l'éventuelle implication de son assurée dans ces faits.
Le dossier d'indemnisation a ensuite été bloqué pendant toute la durée de l'instruction préparatoire, jusqu'en décembre 2010, sans que cela puisse être imputé à faute à l'assureur, et ce n'est que suivant exploit d'huissier en date du 27 mars 2013 que la SCI Salmon [Localité 5] a enfin fait citer la société MAPA devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains en indemnisation de son préjudice.
Aucune faute de l'assureur ne se trouvant ainsi caractérisée, la SCI Samon [Localité 5] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
VIII - Sur les autres demandes
La capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, qui est de droit lorsque le créancier en forme la demande, sera ordonnée, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
En tant que partie perdante, la société MAPA sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise taxés à hauteur de 7 762, 44 euros, ainsi qu'à verser à l'appelante la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande formée à ce titre par l'intimée sera enfin rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Rejette la demande tendant à voir convoquer M. [T] et M. [S], experts respectifs des parties, par devant la cour d'appel de Chambéry aux fins de les entendre sur la véracité de leurs propos,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une expertise amiable préalable,
Déclare recevables les prétentions indemnitaires formées par la SCI Salmon [Localité 5],
Rejette la demande de la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) tendant à voir prononcer la déchéance de garantie de la SCI Salmon [Localité 5],
Rejette la demande de la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) tendant à voir ordonner à la SCI Salmon [Localité 5] de produire ses trois derniers livres de compte à la date du sinistre,
Condamne la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) à payer à la SCI Salmon [Localité 5], en exécution du contrat d'assurance liant les parties, suite à l'incendie de ses locaux survenu le 7 mars 2006, les indemnités suivantes :
- 273 701, 26 euros TTC au titre de la valeur du bâtiment ;
- 29 193, 12 euros TTC au titre de la perte de loyers;
Dit que ces sommes porteront des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts dûs depuis plus d'un an,
Rejette le surplus des demandes indemnitaires formées par la SCI Salmon [Localité 5],
Rejette la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la SCI Salmon [Localité 5],
Condamne la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise taxés à hauteur de 7 762, 44 euros,
Condamne la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) à payer à la SCI Salmon [Localité 5] la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande formée à ce titre par la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA),
Condamne la société Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise taxés à hauteur de 7 762, 44 euros.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 18 juin 2024
à
Me Guillaume PUIG
la SELARL LEGI RHONE ALPES
Copie exécutoire délivrée le 18 juin 2024
à
Me Guillaume PUIG