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28/05/2024 | FRANCE | N°22/01539

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 28 mai 2024, 22/01539


HP/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 28 Mai 2024





N° RG 22/01539 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HCIH



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 07 Juillet 2022





Appelant





M. [F] [G], demeurant [Adresse 2]



Représenté par la SELARL MLB AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représenté par la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, avocats

plaidants au barreau de RENNES











Intimée





DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par la SELARL EUROPA AVOCATS, av...

HP/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 28 Mai 2024

N° RG 22/01539 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HCIH

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 07 Juillet 2022

Appelant

M. [F] [G], demeurant [Adresse 2]

Représenté par la SELARL MLB AVOCATS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représenté par la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de RENNES

Intimée

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELARL EUROPA AVOCATS, avocats au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 12 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 février 2024

Date de mise à disposition : 28 mai 2024

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

M. [F] [G], assujetti en 2009 et 2010 à l'impôt de solidarité sur la fortune (ci-après ISF) a investi les sommes de 14 000 euros le 15 juin 2009 et 18 000 euros le 2 juin 2010 au capital de la société Finarea Entreprises, société holding, pour lesquelles il a demandé le bénéfice de la réduction d'impôt de 75 % des versements investis dans une PME, en application de l'article 885-0 Vbis du code général des impôts dans sa rédaction applicable.

Le 5 décembre 2012, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice des réductions dont il avait bénéficié au titre de l'ISF et a établi une proposition de rectification de 24 140 euros en principal. M. [G] a présenté ses observations à l'administration fiscale qui a décidé de maintenir les rectifications envisagées. L'imposition subséquente a été mise en recouvrement, outre intérêts de retard à hauteur de 3 401 euros, le 13 septembre 2013.

M. [G] a formé une réclamation le 24 décembre 2015 qui a été rejetée le 27 juillet 2017.

Par acte d'huissier du 21 septembre 2017, M. [G] a assigné la Direction Générale des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône - Pôle Juridictionnel judiciaire d'Aix en Provence - Direction des Affaires Juridiques devant le tribunal de grande instance d'Annecy, notamment aux fins de faire déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente instance.

Par ordonnance du 4 septembre 2019, le juge de la mise en état a prononcé la radiation administrative de la procédure dans l'attente d'un arrêt à venir de la Cour de cassation à la demande de M. [G].

Quatre arrêts du 3 mars 2021 ont été rendus par la chambre commerciale de la cour de cassation.

L'affaire a été réinscrite au rôle.

Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal de grande instance d'Annecy, devenu le tribunal judiciaire, a :

- Débouté M. [G] de sa demande d'annulation de la procédure fiscale ;

- Débouté M. [G] de sa demande d'enjoindre à l'Administration fiscale de produire aux débats les rescrits [N] et [J] ;

- Débouté M. [G] de sa demande de saisine de la Cour de justice de l'Union Européenne de questions préjudicielles d'interprétation du droit de l'Union Européenne ;

- Débouté M. [G] de son recours contre le rejet par l'administration fiscale le 27 juillet 2017 de sa réclamation contre l'avis de mise en recouvrement du 13 septembre 2013 de la somme de 27 541 euros au titre de rappel d'impôt de solidarité sur la fortune 2009-2010 ;

- Condamné M. [G] aux dépens.

Au visa principalement des motifs suivants :

Il ne peut faire grief à l'administration fiscale de ne pas lui avoir communiqué des documents déjà en possession de la mandataire qu'il a constituée pour la défense de ses intérêts

Sur l'obligation de motivation, en la forme l'administration fiscale a abondamment développé dans sa réponse les motifs lui permettant selon elle d'estimer que la société Finarea Entreprises n'avait pas d'activité d'holding animatrice ;

Au fond, l'administration fiscale pouvait remettre en cause la qualité d'animatrice de la société Finarea Entreprises dans le cadre de la rectification concernant M. [G], bien qu'elle n'ait pas procédé au redressement de cette société au terme de la vérification de sa comptabilité ;

L'actif de la société Finarea Entreprises n'étant composé, ni à titre exclusif, ni même prépondérant, de titres de participations, l'investissement à son capital n'était de toutes façons pas éligible à la déduction fiscale considérée, sans même qu'il soit besoin d'examiner le caractère effectif de son contrôle et de l'animation de la société Biovidis où elle ne détenait qu'une participation minoritaire.

Par déclaration au greffe du 18 août 2022, M. [G] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 5 janvier 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [G] sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de :

En tout état de cause,

- Déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse ;

- En conséquence, annuler ladite procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements ;

- Rejeter comme étant infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement prise à l'encontre du concluant ;

- En conséquence, prononcer la décharge des rehaussements ;

Le cas échéant,

- Ordonner la communication par la Direction régionale des finances publiques, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits [N] et [J] dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels ;

- Ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire et fixation de l'astreinte définitive ;

- En cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union européenne, poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles, dans les termes suivants ;

- « La décision de la Commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription voire dont l'actif n'est pas encore principalement composé de titres de participations ''

- « Le droit des aides d'Etat (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'Etat horizontales) doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME ' Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable ' » ;

- « En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, ensemble la réglementation des aides d'Etat (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'Etat horizontales) et les principes de libertés de circulation des capitaux, d'établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux ' » ;

- Condamner la Direction régionale des finances publiques, au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [F] [G] excipe de l'irrégularité de la procédure de rehaussement d'une part en raison de l'absence de communication complète des documents sur lesquelles l'administration s'est fondée pour effectuer le redressement, d'autre part, en raison de l'absence de motivation suffisante de la décision de redressement. Il estime par ailleurs que la procédure de rehaussement nécessite à titre subsidiaire de poser trois questions préjudicielles et porte atteinte à l'article 14 de la CEDH. Sur le fond, il estime que la société Finaréa Entreprises remplissait les conditions pour être qualifiée d'holding animatrice au moment de ses souscriptions notamment en participant à toutes les décisions statégiques de la société Biovidis, formalisées dans un plan d'actions annuel.

Par dernières écritures du 8 février 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Direction Générale des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du Département des Bouches du Rhône - Pôle Juridictionnel judiciaire d'Aix en Provence - Direction des Affaires Juridiques demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Confirmer le bien fondé des rehaussements ;

- Reconnaître le rappel fondé en droit et en fait ;

En conséquence,

- Confirmer la décision du 27 juillet 2017 de rejet de la réclamation du contribuable ;

- Rejeter toutes les demandes des contribuables ;

- Condamner les contribuables aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit ;

- Condamner les contribuables à verser à l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'administration des finances publiques fait valoir que la procédure de rectification qu'elle a diligentée est régulière, qu'il n'y a pas lieu à application du droit de l'Union européenne et que les caractéristiques de la société Finaréa Entreprises ne permettaient ni en 2009 ni en 2010 l'application des dispositions de l'article 885-0 V 1 bis du code général des impôts.

Une ordonnance en date du 8 janvier 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. Par ordonnance du 18 janvier 2024, l'ordonnance de clôture a été révoquée. Une ordonnance en date du 12 février 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 20 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

MOTIFS ET DECISION

I - Sur la régularité de la procédure de rectification

Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration des finances publiques adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 du même livre dispose que la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...).

Pour être régulière au regard des dispositions précitées, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

Selon l'article L. 76 B du même livre, l'administration des finances publiques est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.

' Sur la communication des informations

Ce dernier texte (L76 b) met à la charge de l'administration deux obligations, distinctes mais liées :

- informer le contribuable sur la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'appuie pour motiver des rectifications ;

- communiquer au contribuable qui en fait la demande, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents qu'elle a invoqués.

L'instruction administrative du 21 septembre 2006 prise pour l'application de ce texte précise que le non-respect, par l'administration, de l'une ou l'autre de ces deux garanties, attachées au respect des droits de la défense dans le cadre des opérations de contrôle, constitue une erreur substantielle entachant la procédure d'irrégularité, et entraînant la décharge des impositions fondées sur l'utilisation de ces renseignements et documents.

Toutefois, les obligations résultant de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne couvrent pas l'intégralité des documents dont peuvent disposer les services de l'administration fiscale. Elles visent uniquement les documents sur lesquels l'administration se fonde pour établir un redressement. L'administration n'est donc tenue à cette obligation d'information et de communication qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.

Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due (cass 20 Septembre 2023 N° 21-23.060).

Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.

En l'espèce, la proposition de rectification a été adressée au contribuable le 5 décembre 2012, ce dernier a répondu par un courrier non daté, non signé sollicitant un délai de trente jours supplémentaire pour répliquer, puis par un courrier d'observations en date du 29 janvier 2013 auquel l'administration des finances publiques a répondu par un courrier en date du 15 mai 2013. Le contribuable a de nouveau répliqué par courrier du 12 juin 2013.

Il n'est pas contesté que M. [F] [G] et son mandataire, la société Finaréa ont sollicité à deux reprises (courrier non daté et courrier du 29 janvier 2013) à l'administration des finances publiques les pièces sur lesquelles celle-ci fondait sa rectification, en lui demandant également de les lister précisément.

Devant la cour, M. [F] [G] soutient que le service ne lui a pas communiqué les statuts modifiés de la société Biovidis, ni le contrat de prestations de services de la société Finaréa Entreprises au sein de la société Biovidis, ni le document de la société Finaréa Entreprises sur le nombre de ses salariés qui serait limité, ni enfin, les éléments à décharge qui ont convaincu l'administration fiscale de ne pas sanctionner l'émission d'attestations erronées ayant permis aux souscripteurs de se prévaloir de la réduction d'ISF.

Dans sa proposition de rectification, après avoir rappelé le droit applicable, l'administration des finances publiques a indiqué qu'elle avait procédé à la vérification de la comptabilité de la société Finaréa Entreprises et du Gie Finaréa Services et qu'elle avait constaté que la société Finaréa Entreprises avait été créée le 7 avril 2009, n'avait au 30 juin 2010 pris des participations dans une ou des sociétés opérationnelles qu'à hauteur de 18,04 %, élément issu du bilan de l'entreprise. Elle a aussi réalisé des constats sur les relations de la société Finaréa Entreprises avec la société Biovidis en visant le pacte d'associés et le contrat d'animation, outre la représentation de la société Finaréa Entreprises par un gérant de participation et le rapport de gestion au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010 de la société Finaréa Entreprises. Enfin, elle a exposé l'analyse de ses constatations. Dans sa réponse aux observations du contribuable, elle a souligné que la proposition de rectification concernant M. [F] [G] ne s'inscrit pas dans le cadre de la procédure de vérification de la comptabilité de la société Finaréa Entreprises dont il est associé. Elle n'est pas fondée sur aucun autre document.

Concernant les documents qu'elle a cités, l'administration les a fournis à M. [F] [G] en copie ce qu'il reconnaît, étant précisé que le règlement intérieur du Gie Finaréa évoque le représentation par un gérant de participation.

S'agissant du contrat de prestations de service et des statuts modifiés, elle ne s'appuie pas dessus pour fonder sa rectification. En outre, la lecture des réponses de M. [F] [G] par le biais de son propre mandataire, président de la société Finaréa, permet de constater qu'à l'inverse de nombreux documents sont cités qui démontrent la parfaite connaissance par le contribuable des documents sociaux tels les différentes conventions conclues par la société, le rôle du gie, le cahier des charges.

Enfin, l'administration est libre de choisir les documents sur lesquels elle fonde sa proposition de rectification et en l'espèce, aucune participation n'ayant été prise par la société Finaréa Entreprises pour 2009 et, pour 2010, son actif n'était pas majoritairement composé de participations ce qui était mentionné au bilan et dans les autres documents communiqués, sans même évoquer les information publiques auxquelles M. [F] [G] avait accès, l'administration ne pouvait à l'évidence pas faire état d'éléments ' à décharge'.

' Sur l'obligation de motivation

Contrairement aux allégations de M. [F] [G], la proposition de rectification est parfaitement motivée, avec un exposé précis du raisonnement juridique et a permis une très longue réponse de la part du mandataire du contribuable. La réponse de l'administration à ces observations a également été parfaitement motivée, mais sans élément nouveau et a fait également l'objet d'observations détaillées de la part du contribuable. Il convient de souligner que dans sa réponse aux observations du contribuable, l'administration a répondu tant sur les griefs qui lui étaient fait et ce, point par point en reprenant la même structuration dans sa réponse que celle utilisée par le contribuable dans ses observations. Ainsi, ses courriers au contribuable sont circonstanciés et parfaitement motivés.

En conséquence, au vu de ces éléments, l'administration a respecté les obligations issues des articles L 57 et L 76 du livre des procédures fiscales. Elle n'a pas manqué à son obligation d'information et de loyauté, de sorte que la procédure de rectification ne souffre d'aucune irrégularité et ne doit pas être annulée. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

II - Sur le bien fondé de la rectification

' Sur l'investissament dans une holding opérationnelle

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, a créé l'article 885-0 V bis du code général des impôts, instaurant une réduction d'ISF, dite « ISF-PME », dont peuvent bénéficier les contribuables qui souscrivent au capital d'une PME soit directement, soit par l'intermédiaire d'une holding ou de fonds (FIP, FCPR ou FCPI), à concurrence de 75 % ou 50 % des investissements. Ce dispositif a été abrogé à compter du 1er janvier 2018, l'ISF ayant été remplacé par l'impôt sur la fortune immobilière.

Le I de l'article 885-0 V bis, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable au litige, dispose :1. Le redevable peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité, à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières,ainsi qu'au titre de souscriptions dans les mêmes conditions de titres participatifs dans des sociétés coopératives ouvrières de production définies par la loi no 78-763 du 19 juillet 1978 ou dans d'autres sociétés coopératives régies par la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 50 000 euros.

La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire

aux conditions suivantes :

a) Etre une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I au règlement (CE) no 800 / 2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie)1 ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles. Cette condition n'est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l'article L. 443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

(...)

f) Etre en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02) ;

3.L'avantage fiscal prévu au 1 s'applique également aux souscriptions en numéraire au capital d'une société satisfaisant aux conditions suivantes :

a) La société vérifie l'ensemble des conditions prévues au 1, à l'exception de celles prévues aux b, f et h ;

b) La société a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b du 1 ; (...).

L'instruction administrative du 11 avril 2008 (BOI 7-S-3-08), commentant la loi rectificative n 2007-1824 du 25 décembre 2007, précise les modalités de la souscription (n°12, 13, 14) :

1) Souscription directe par le redevable

2) Souscription effectuée par des personnes physiques en indivision

3) Souscription indirecte par l'intermédiaire d'une société interposée.

S'agissant de la souscription indirecte, réalisée via une société holding, cette instruction précise :

64. La société holding interposée doit avoir pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles exerçant l'une des activités visées au no 35.65. La condition relative à l'exclusivité de l'objet social est considérée comme satisfaite lorsque la société holding détient au moins 90 % de son actif brut comptable en titres de sociétés opérationnelle.

68. Sont éligibles au dispositif les souscriptions au capital de sociétés holding pures (holding passives) dont l'activité, de nature civile, est exclusivement limitée à la détention des parts ou actions de leurs filiales et au contrôle de leurs assemblées générales.

70. Remarque : Il est rappelé que les souscriptions au capital de sociétés holding animatrices de leur groupe, qui participent activement à la conduite de sa politique et au contrôle de leurs filiales et leur rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 no 16 et suivants) sont considérées, pour le bénéfice de la réduction prévue à l'article 885-0 V bis, comme des souscriptions directes au capital de sociétés opérationnelles (cf. no 26).

no26 - L'activité financière des sociétés holding les exclut normalement du champ d'application de la réduction. Toutefois, pour l'application de ce dispositif, il convient d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.

Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :

- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales ;

- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 no16 et suivants).

Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier.

Il ressort de la jurisprudence de la chambre commerciale que le rôle d'animatrice de groupe d'une société holding résulte du fait qu'elle contrôle, gère et anime ses filiales en définissant la politique du groupe et que ce rôle doit être effectif. Il ne suffit donc pas que la société mère dispose des moyens d'animer les filiales (Com., 19 nov. 1991, no 89-19.474, bull. no350). La reconnaissance du caractère animateur de la société holding exige d'établir qu'elle dispose des moyens d'animer ses filiales et qu'elle met effectivement ces moyens en oeuvre, notamment lorsqu'elle arrête les décisions d'orientation qui engagent le groupe à long terme, situation qui exige a minima la prise de participation dans une filiale.

M. [F] [G] a investi le 15 juin 2019 la somme de 14 000 euros et le 16 juin 2010 la somme de 13 500 euros dans la société Finaréa Entreprises.

Cependant, cette société n'était pas une société opérationnelle en 2009 dès lors qu'elle n'exerçait pas une des activités visées par l'article B du 1 du I de l'article 885 -0 V bis du CG (activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et n'avait pris aucune participation dans une société opérationnelle de sorte qu'elle n'animait aucun groupe, et donc aucune participation dans la société cible, la société Biovidis. Par ailleurs, s'agissant de l'année 2010, il est démontré que la participation de la société Finaréa Entreprises dans la société Biovidis était limitée à 33 % de sorte qu'elle ne pouvait pas en assurer le contrôle de droit et que son actif n'était composé que de 18 % de participations, outre le fait que son chiffre d'affaires hors taxes cette année là était très limité (33 930 euros). Enfin, l'analyse des pièces produites et des arguments des parties démontrent l'insuffisance de l'emprise de la société Finaréa Entreprises sur la société Biovidis dont elle n'assurait manifestement ni le contrôle ni la stratégie.

En conséquence, alors que M. [F] [G] n'établit pas que la société Finaréa Entreprises remplissait les critères d'une société holding animatrice, celle-ci n'ayant pas encore pris de participation en juin 2009 ni de participation suffisante et d'actes réels de contrôle en juin 2010 dans la société Biovidis et n'exerçant pas elle-même une des activités visées par l'article B du 1 du I de l'article 885 -0 V bis du CGI, les souscriptions de M. [F] [G] au capital de la société Finaréa Entreprises n'étaient pas donc pas éligibles à la réduction d'ISF au titre des années 2009 et 2010. Le jugement entrepris sera confirmé.

' Sur les questions préjudicielles

Selon M. [F] [G], le maintien du redressement est contraire au doit de l'Union européenne et de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'Homme et trois questions préjudicielles doivent être posées à la Cour de Justice de l'Union Europénne en cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union Européenne.

Cependant, en l'espèce, le litige concerne l'application d'une disposition de droit interne dont l'interprétation relève de la compétence du juge national, s'agissant de la première question (phase dans laquelle doit se trouver la société holding animatrice). Les deux autres questions liées aux rescrits seront également écartées, compte tenu de la portée juridique limitée des deux rescrits aux sociétés qu'ils concernent.

Il convient en outre de rappeler que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union.

' Sur la violation de l'article 14 de la CEDH

M. [F] [G] fait valoir que cet article serait violé par la procédure de redressement dès lors les souscripteurs [N] et [J], se trouvant dans la même configuration de la société Finaréa n'ont pas été inquiétés par l'administration fiscale et que nombre de souscripteurs Finaréa n'ont pas été redressés.

L'article 14 de la convention européenne des droits de l'Homme énonce 'La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation'.

Cependant, les décisions prises pour d'autres sociétés telles que les sociétés [J] ou [N] ou pour d'autres contribuables sont des décisions qui n'ont pas une portée générale mais se rapportent à des situations particulières de sorte que leur portée juridique est limitée. Or l'activité de chaque holding éligible à la déduction fiscale est à considérer in concreto, au cas par cas, comme celle des contribuables pour certains desquels soit la procédure n'a pas été respectée, soit les conditions de situation étaient différentes.

Ainsi, il n'existe pas de violation à l'article 14 de la convention européenne des droits de l'Homme et de l'article 1er du 1er protocole de la convention.

IV - Sur les mesures accessoires

Succombant, M. [F] [G] sera condamné aux dépens de l'instance d'appel distrait au profit de l'avocat de l'intimée. L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de l'administration des finances publiques à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dans les limites de l'appel,

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [G] aux dépens de l'instance d'appel distraits au profit de l'avocat de l'administration,

Condamne M. [F] [G] à payer à l'Etat une indemnité procédurale de 3 000 euros.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 28 mai 2024

à

la SELARL MLB AVOCATS

la SELARL EUROPA AVOCATS

Copie exécutoire délivrée le 28 mai 2024

à

la SELARL EUROPA AVOCATS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01539
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.01539 ?
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