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16/05/2024 | FRANCE | N°22/00602

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 16 mai 2024, 22/00602


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 16 Mai 2024



N° RG 22/00602 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G6XW



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 18 Février 2022, RG 21/01417



Appelant



M. [W] [P]

né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Suryana MASSE, avocat au barreau d'ANNECY





Intimée



S.A. CREDIT

LOGEMENT dont le siège social est sis [Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY



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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 16 Mai 2024

N° RG 22/00602 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G6XW

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 18 Février 2022, RG 21/01417

Appelant

M. [W] [P]

né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Suryana MASSE, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

S.A. CREDIT LOGEMENT dont le siège social est sis [Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 05 mars 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat du 31 août 2011, la SA Société Générale a consenti à M. [W] [P] un prêt immobilier d'un montant de 87 000 euros, au taux fixe de 4,76%, remboursable en 300 échéances mensuelles de 511,29 euros chacune. Ce prêt a été consenti avec le cautionnement de la SA Crédit Logement.

Des échéances étant demeurées impayées, la SA Société Générale a, par lettre du 8 mars 2021, mis en demeure M. [P] de régulariser les échéances échues. Par lettre du 16 mars 2021, la SA Société Générale a prononcé la déchéance du terme du prêt.

La SA Crédit Logement, en sa qualité de caution, a procédé au règlement de la somme de 62 611,60 euros au titre des échéances impayées et du capital restant dû au jour de déchéance du concours.

Par acte du 13 juillet 2021, signifié au visa des articles 656 et 658 du code de procédure civile, la SA Crédit Logement a fait assigner M. [P] devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, en vue de le voir condamner au paiement de la somme de 65 372,06 euros outre intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 18 février 2022, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

- condamné M. [P] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 65 287,81 euros outre intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2021,

- condamné M. [P] à payer la somme de 1 500 euros à la SA Crédit Logement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] au paiement des entiers dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

La décision a été signifiée à M. [P] le 8 mars 2022, lequel a interjeté appel par acte du 8 avril suivant.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [P] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel de la décision déférée,

Y faisant droit, in limine litis,

- prononcer la nullité de l'assignation par devant le tribunal judiciaire de Thonon-les- Bains en date du 13 juillet 2021 portant dénonce et inscription d'hypothèque judiciaire provisoire,

- annuler le jugement du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du 18 février 2022 dans son entier dispositif,

- dire n'y avoir lieu à se prononcer sur le fond,

A titre subsidiaire, sur l'irrégularité de la déchéance du terme et l'inexigibilité de la créance principale,

- réformer l'entièreté des dispositions du jugement déféré,

Et, statuant à nouveau,

- débouter le crédit logement de sa demande de paiement fondée sur l'article 2305 (ancien) du code civil d'un montant de 65 373,06 euros formulée à son encontre,

Subsidiairement, statuant à nouveau,

- condamner la SA Crédit Logement à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la perte de chance de pouvoir régulariser sa situation du fait du paiement de la dette alors que celle-ci n'était pas exigible,

- ordonner la compensation des créances,

A titre infiniment subsidiaire, sur le délai de grâce,

- réformer le jugement déféré sur toutes ses dispositions,

- ordonner le report du paiement de la somme réclamée par la SA Crédit Logement à deux années avec application uniquement du taux légal et, en cas de paiement partiel durant la durée du report, imputation en priorité sur le montant du capital restant dû,

En tout état de cause,

- débouter la SA Crédit Logement de sa demande de paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des entiers dépens, formulée à son encontre relativement à la première instance,

- débouter la SA Crédit Logement de sa demande de paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des entiers dépens, formulée à son encontre relativement à l'instance d'appel,

- condamner la SA Crédit Logement à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais exposés en cause d'appel,

- condamner la SA Crédit Logement aux entiers dépens de la procédure d'appel et de première instance.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 5 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Crédit Logement demande à la cour de :

- déclarer régulière en sa forme l'assignation signifiée à M. [P] suivant exploit de la Selarl Juris Office, huissiers de justice, le 13 juillet 2021,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a,

condamné M. [P] à lui payer la somme de 65 287,81 euros outre intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2021,

condamné M. [P] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [P] au paiement des entiers dépens de l'instance,

rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [P] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat de la concluante par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de l'assignation

Conformément aux articles 653 et suivants du code de procédure civile, la signification d'un acte soit faite à personne. Toutefois, si la signification à personne s'avère impossible, l'article 655 du même code permet la délivrance de l'acte à domicile ou à résidence. En pareille hypothèse, la copie peut être remise à toute personne présente.

Conformément à l'article 656, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai, l'huissier de justice en est déchargé.

L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.

Les articles 657 et 658 du code civil ajoutent que lorsque l'acte n'est pas délivré à personne, l'huissier de justice mentionne sur la copie les conditions dans lesquelles la remise a été effectuée. La copie de l'acte signifié doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l'indication des nom et adresse du destinataire de l'acte et le cachet de l'huissier apposé sur la fermeture du pli. Dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification.

En l'espèce, il résulte des mentions consignées dans l'acte de signification de l'assignation du 13 juillet 2021 que celui-ci a été déposé à étude dans la mesure où la signification à personne s'est avérée impossible du fait de '[l']absence momentanée' du destinataire, étant précisé que la certitude de la domiciliation de M. [P] au [Adresse 1] à [Localité 6] a été préalablement caractérisée, selon l'huissier, par la 'confirmation du voisinage'.

Il échet cependant de constater, au moyen des éléments versés aux débats par l'appelant, qu'au 13 juillet 2021, M. [P] avait quitté l'appartement qu'il occupait à [Localité 6] depuis environ 8 mois du fait de la vente du bien immobilier intervenue le 7 décembre 2020.

En ce sens, M. [P] produit l'attestation notariée de vente du bien lui ayant appartenu ainsi qu'un contrat de réexpédition du courrier, pour la période du 11 décembre 2020 au 30 juin 2021, témoignant de la réalité de son changement de domicilie au début du mois de décembre 2020.

Est en outre versée aux débats une attestation d'un 'voisin direct', lorsqu'il demeurait à [Localité 6], relatant le fait que ce dernier a quitté ce domicile le 7 décembre 2020 et que son nom ne figurait plus, postérieurement, sur la boîtes aux lettres. Il apparaît par ailleurs que l'administration fiscale a dressé l'avis d'imposition 2020 le concernant, courant 2021, à la nouvelle adresse de M. [P] de sorte que les vérifications d'usage auraient manifestement permis à l'huissier, si elles avaient été valablement accomplies, de délivrer l'assignation dont il avait la charge à l'adresse effective de ce dernier.

Il doit à ce titre être observé que la signification du jugement déféré a été, quant à elle, effectuée sans difficulté apparente à la nouvelle adresse de M. [P] le 8 mars 2022 ([Adresse 2] à [Localité 5]).

Il en résulte que, les vérifications sommaires et manifestement erronées effectuées pour la signification de l'assignation, caractérisées par une mention laconique ('confirmation du voisinage' ; 'absence momentanée'), constituent des diligences insuffisantes de nature à entraîner la nullité de l'acte sans qu'il puisse être valablement reproché à M. [P] le fait que la convention initialement souscrite avec la SA Société Générale, non-partie à l'instance, lui imposait d'informer sa banque d'un éventuel changement de domicile.

De même, le fait que, postérieurement à son départ de [Localité 6], certains courriers recommandés aient pu être délivrés à leur destinataire au moyen du contrat de réexpédition, qui s'est achevé en juin 2021, n'est pas de nature à dispenser l'huissier des obligations prescrites par le code de procédure civile.

M. [P], n'ayant pas été informé de l'assignation en paiement, n'a pas été mis en mesure de présenter sa défense en première instance et a été, de ce fait, privé d'un degré de juridiction.

Cette situation lui cause donc nécessairement grief et commande de faire droit à la demande d'annulation de l'assignation puis, subséquemment, du jugement déféré.

Sur les demandes annexes

La SA Crédit Logement, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens.

Elle est en outre condamnée à payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Annule l'assignation en paiement devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains délivrée le 13 janvier 2021 à la demande de la SA Crédit Logement et à l'encontre de M. [W] [P], portant dénonce et inscription d'hypothèque judiciaire provisoire,

Annule en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la SA Crédit Logement aux dépens de l'instance,

Condamne la SA Crédit Logement à payer à M. [W] [P] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 16 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00602
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.00602 ?
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