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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00064

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 07 mai 2024, 24/00064


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mardi 07 Mai 2024





N° RG 24/00064 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HPBH





Appelante

Mme [P] [B] épouse [Y]

née le 02 Décembre 1974

demeurant [Adresse 2]

Actuellement hospitalisée à l'EPSM74

assistée de Maître Maîta POLYCARPE, avocate désign

ée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

EPSM 74

[Adresse 1]

CS20 149

[Localité 3]

non comparant



Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mardi 07 Mai 2024

N° RG 24/00064 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HPBH

Appelante

Mme [P] [B] épouse [Y]

née le 02 Décembre 1974

demeurant [Adresse 2]

Actuellement hospitalisée à l'EPSM74

assistée de Maître Maîta POLYCARPE, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

EPSM 74

[Adresse 1]

CS20 149

[Localité 3]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites en date du 2 mai 2024

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mardi 7 mai 2024 à 11h devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mardi 7 mai 2024 après-midi,

***

Le 17 avril 2024, Mme [P] [B] a été admis, par décision du même jour du directeur de l'EPSM 74 de la [Localité 5] sur Foron, en soins psychiatriques sans consentement en raison d'un péril imminent.

Le certificat médical d'admission du docteur [D] en date du 17 avril 2024 mentionnait que la patiente avait présenté deux décompensations récentes dans le cadre d'un trouble psychotique d'apparition tardive, ayant déjà entrainé un séjour a l'EPSM en mai 2022 dans un contexte de rupture thérapeutique et d'asthénie. Il existait une notion de conjugopathie nécessitant une mise à l'abri que la patiente n'entendait pas. Les soins sous contrainte en hospitalisation complète étaient nécessités par un risque de passage à l'acte auto et/ou hetero agressif. La patiente était dans l'incapacité de donner son consentement aux soins en raison de son déni et de la banalisation de ses troubles. Le péril imminent était caractérisé par le risque de passage à l'acte.

Il était impossible d'obtenir une demande d'hospitalisation par un tiers en raison du risque d'implication de son mari dans la prise en charge.

Le certificat médical des 24h du 18 avril 2024 du docteur [V] mentionnait que la patiente était suivie régulierement au CMP de Thonon-les-Bains et était sous traitement psychotrope. Il n'existait aucune précision quant aux troubles du comportement qu'elle avait pu présenter à son domicile et qui avait justifié son admission. Elle avait présenté un état de mutisme aux urgences.

A l'entretien, elle présentait un contact étrange, verbalisait un état de fatigue qui se serait installé brutalement et qui aurait motivé l'appel des urgences. Ses propos étaient peu informatifs car la patiente était réticente. Elle rapportait aussi la notion d'hallucinations auditives. Elle ne présentait pas d'idées suicidaires. Elle était dans l'opposition passive aux soins et demeurait ambivalente. Il était nécessaire de la garder un temps supplémentaire pour 72h d'observation afin d'affiner la clinique et d'adapter la prise en charge médicale.

Le certificat médical des 72 heures du 20 avril 2024 indiquait que la patiente présentait un état de prostration avec ralentissement psycho-moteur, une neutralité affective et émotionnelle, une pauvreté du discours et une anosognosie de ses troubles psychiques.

Le 20 avril 2024, le directeur de L'EPSM 74 maintenait la mesure de soins sans consentement de M. [G] [U] sous la forme d'une hospitalisation complète.

L'avis motivé du 22 avril 2024 relevait que la patiente présentait à l'entretien un trés bon contact, sans réticence, s'exprimait tout à fait correctement, avec un discours cohérent et adapté. Le contexte du conflit conjugal était au centre de la problématique.

Elle apparaissait non déprimée, sans idéation suicidaire.

Le maintien de la mesure de soins sous contrainte était nécessaire compte-tenu du contexte conflictuel conjugal, afin de permettre la poursuite de l'observation et de la prise en charge.

Par ordonnance du 24 avril 2024, la juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville a ordonné le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [P] [B]. Cette décision lui a été notifiée le 26 avril 2024.

Par courrier reçu au greffe de la cour d'appel le 26 avril 2024, Mme [P] [B] a interjeté appel de cette ordonnance.

Les convocations et avis d'audience ont été adressées aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.

L'avis médical prévu par l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique a été communiqué au greffe le 3 mai 2024. Il mentionne que la patiente présente un très bon contact, apparaît non déprimée, sans idéation suicidaire mais reste réticente. Il est estimé que compte-tenu du contexte conjugal conflictuel et de la réticence de la patiente, le maintien de la mesure de soins sous contrainte à temps complet est nécessaire afin de permettre la poursuite de l'observation et de la prise en charge.

A l'audience publique du 7 mai 2024, Mme [P] [B] a comparu.

Elle a pu s'entretenir de manière confidentielle avec son conseil avant l'audience.

Mme [P] [B] a sollicité la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte.

Elle a indiqué que son mari avait appelé les urgences, qu'elle avait été un peu forcée de monter dans l'ambulance, qu'elle n'avait pas de difficultés ; que jeudi dernier, elle avait dit au médecin qu'elle avait très envie de voir ses enfants ; qu'elle les a vus samedi dernier, rencontre qui s'est très bien passée, y compris avec son mari, avec lequel elle a fait la paix. Elle a expliqué qu'elle était très autonome pour prendre son traitement, qu'elle avait parfois 'cette' fatigue, qu'il fallait qu'elle gère ; qu'elle prenait du dépamide et de l'aripiprazol.

A la remarque portant sur le fait que les gens n'étaient pas suivies au CMP et ne prenaient pas un tel traitement pour une grosse fatigue, elle a répondu que c'était cela qu'on lui avait expliqué.

Elle a indiqué être d'accord pour poursuivre son traitement, tout en précisant qu'on lui administrait du loxapac depuis son hospitalisation, médicament qu'elle n'aimait pas trop car il l'assomait et lui asséchait la bouche.

Elle a précisé être apte à rentrer chez elle.

Elle a expliqué ne pas avoir souhaité signer la notification de la décision d'admission car elle était 'shootée' à ce moment, qu'elle souhaitait qu'on lui explique ce qu'elle signait, ce qui n'a pas été fait Elle a ajouté que c'était parce qu'elle avait été amenée de force à l'hôpital qu'elle n'avait pas voulu s'exprimer au début.

Son conseil a indiqué qu'il convenait d'apprécier, par rapport à ce que venait d'indiquer sa cliente, si la décision d'admission lui avait été notifiée de manière à ce qu'elle puisse exercer ses droits.

Sur le fond, elle a indiqué que les raisons qui ont conduit à l'hospitalisation étaient assez floues ; que si le certificat d'admission était assez précis, les suivants étaient flous ; que si le juge ne pouvait pas substituer son avis à celui des médecins s'agissant de l'état de santé et du péril imminent, il lui apprtenait de vérifier l'existence d'un péril imminent pour la patiente ou pour autrui, et que c'était aux médecins de le caractériser ; qu'en l'espèce, si les certificats caractérisent un refus de soins, ils ne caractérisent pas la persistance de l'existence d'un péril imminent.

Le directeur du centre hospitalier n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais il a requis le 2 mai 2024 la confirmation de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation complète. Ces réquisitions ont été portées à la connaissance de Mme [P] [B] et de son conseil avant l'audience.

La décision a été mise en délibéré au 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel est recevable en ce qu'il a été formé dans les formes et délais requis.

En application de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3212-3 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L3211-2-1.

Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission, lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande par un tiers et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.

Il résulte du dossier que la décision d'admission ainsi que les droits de la patiente dans le cadre de son hospitalisation lui ont été notifiés, mais que celle-ci a refusé de signer le document de notification.

Par ailleurs, il ne résulte aucunement des avis médicaux des 22 avril et 3 mai 2024, dont le contenu a été repris ci-avant en intégralité par la présente décision, la caractérisation d'un péril imminent pour la santé de la patiente, ni la caractérisation d'un état mental imposant des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision déférée et d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète sans consentement de Mme [P] [B].

Afin de permettre la mise en place éventuel d'un programme de soins s'il était estimé que l'état de santé de la patiente le justifie, la mainlevée prendra effet dans un délai de 24 heures à compter de l'heure de notification de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Cyril Guyat, conseiller à la Cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente, statuant le 7 mai 2024, par ordonnance contradictoire, après débats en audience publique, au siège de ladite Cour d'appel, assisté de Sophie Messa, greffière,

DÉCLARONS recevable l'appel de Mme [P] [B],

INFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 4] du 24 avril 2024,

ORDONNONS la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de Mme [P] [B],

DISONS que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de 24 heures, courant à compter de la notification par le greffe de la présente décision, afin de permettre si nécessaire la mise en place d'un programme de soins.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

DISONS que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 07 mai 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 24/00064
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00064 ?
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