COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 02 Mai 2024
N° RG 23/01029 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HJBI
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge des contentieux de la protection d'ANNECY en date du 07 Juin 2023, RG 23/00140
Appelante
Mme [P] [E] [T] [B]
née le 09 Décembre 1977 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Sabrina BOUZOL de la SELARL CABINET BOUZOL, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 73065-2023-002098 du 16/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)
Intimée
S.A. SEMCODA, dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Sophie GIROD-ROUX, avocat au barreau d'ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 13 février 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 25 avril 2019, la Société d'Economie Mixte de Construction du Département de l'Ain (ci-après SEMCODA) a donné en location à Mme [P] [B] un appartement de type 3 et un garage dans un immeuble sis à [Adresse 1].
Le 16 octobre 2020, Mme [B] a restitué le garage loué.
Suite à des impayés de loyers, par acte du 6 septembre 2022, la SEMCODA a fait délivrer à Mme [B] un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire du bail.
Faute de régularisation, la SEMCODA a par acte du 25 janvier 2023 fait assigner en référé Mme [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Annecy aux fins de voir constater la résiliation du bail et ordonner l'expulsion de la locataire, outre sa condamnation au paiement d'un arriéré actualisé au jour de l'audience à 126,12 euros au titre des loyers impayés.
Mme [B] a comparu, confirmant la somme restante de 126,12 euros et sollicitant un étalement de sa dette.
Par ordonnance de référé contradictoire du 7 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Annecy a :
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 25 avril 2019 entre la SEMCODA et Mme [B], portant sur un local à usage d'habitation situé au [Adresse 1] à [Localité 3], sont réunies à la date du 6 novembre 2022,
- constaté que le bail d'habitation se trouve résilié depuis cette date,
- condamné Mme [B] à verser à la SEMCODA, à titre provisionnel, la somme de 126,12 euros au titre des loyers arrêtés au 26 avril 2023, échéance de mars 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance,
- autorisé Mme [B] à s'acquitter de cette somme, moyennant le paiement de 2 échéances d'un montant de 40 euros chacune et d'une échéance représentant le solde en principal, intérêts et frais, échéances payables en sus du loyer mensuel courant et en même temps que celui-ci, à compter du 10 de chaque mois, et pour la première fois dans le mois suivant la signification de l'ordonnance,
- suspendu l'effet de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais accordés,
- dit que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,
- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la clause résolutoire reprendra de plein droit son plein effet, l'expulsion de Mme [B] pourra être poursuivie dans les formes légales, ainsi que celle de tout occupant de son chef, l'intégralité de la somme restant due sur les loyers impayés deviendra immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable, et une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges sera due,
- autorisé dans une telle hypothèse, l'expulsion de Mme [B], avec le concours de la force publique si nécessaire,
- condamné, dans cette hypothèse, Mme [B] à payer à la SEMCODA une indemnité d'occupation égale au montant du loyer courant du logement, charges en sus, à compter de la prise d'effet de la clause résolutoire, c'est-à-dire, du premier incident de paiement jusqu'à la libération effective des lieux,
- fixé par provision le montant de cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 535,06 euros, provision sur charges comprise,
- condamné Mme [B] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification à la préfecture, sous réserve que ces frais n'aient pas déjà été inclus dans l'arriéré de loyer,
- condamné Mme [B] à payer à la SEMCODA la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- constaté que l'ordonnance est exécutoire à titre provisoire, frais et dépens compris.
Par déclaration du 6 juillet 2023, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [P] [B] demande à la cour de :
Vu l'article 24-I in fine de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,
- réformer le jugement déféré sur les chefs de jugement attaqués suivants :
constatons que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 25 avril 2019 entre la SEMCODA et Mme [B], portant sur un local à usage d'habitation situé au [Adresse 1] à [Localité 3], sont réunies à la date du 6 novembre 2022,
constatons que le bail d'habitation se trouve résilié depuis cette date,
condamnons Mme [B] à verser à la SEMCODA, à titre provisionnel, la somme de 126,12 euros au titre des loyers arrêtés au 26 avril 2023, échéance de mars 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance,
autorisons Mme [B] à s'acquitter de cette somme, moyennant le paiement de 2 échéances d'un montant de 40 euros chacune et d'une échéance représentant le solde en principal, intérêts et frais, échéances payables en sus du loyer mensuel courant et en même temps que celui-ci, à compter du 10 de chaque mois, et pour la première fois dans le mois suivant la signification de l'ordonnance,
suspendons l'effet de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais accordés,
disons que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,
disons qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la clause résolutoire reprendra de plein droit son plein effet, l'expulsion de Mme [B] pourra être poursuivie dans les formes légales, ainsi que celle de tout occupant de son chef, l'intégralité de la somme restant due sur les loyers impayés deviendra immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable, et une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges sera due,
autorisons dans une telle hypothèse, l'expulsion de Mme [B], avec le concours de la force publique si nécessaire,
condamnons, dans cette hypothèse, Mme [B] à payer à la SEMCODA une indemnité d'occupation égale au montant du loyer courant du logement, charges en sus, à compter de la prise d'effet de la clause résolutoire, c'est-à-dire, du premier incident de paiement jusqu'à la libération effective des lieux,
fixons par provision le montant de cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 535,06 euros, provision sur charges comprise,
condamnons Mme [B] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification à la préfecture, sous réserve que ces frais n'aient pas déjà été inclus dans l'arriéré de loyer,
condamnons Mme [B] à payer à la SEMCODA la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau, constatant l'absence de communication du commandement de payer à la CAF ou à la CCAPEX,
- prononcer l'irrecevabilité de l'action de la SEMCODA,
A titre subsidiaire,
- constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 25 avril 2019 entre la SEMCODA et Mme [B] étaient réunies à la date du 6 novembre 2022,
- constater que le bail d'habitation se trouvait résilié depuis cette date,
- débouter la SEMCODA de sa demande de paiement à titre provisionnel de loyer à l'encontre de Mme [B],
- dire que la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais été acquise, la dette de loyer ayant été soldée avant l'audience de plaidoirie,
- dire que chacune des parties conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés ainsi que ses dépens.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 8 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SEMCODA demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 7 et 24 de la loi du 6 juillet 1989,
A titre principal,
- déclarer irrecevable l'appel de Mme [B] pour défaut d'intérêt à agir,
A titre subsidiaire,
- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes abusives et infondées,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé déférée,
En tout état de cause, y ajoutant,
- condamner Mme [B] à payer à la SEMCODA la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
- condamner Mme [B] en tous les dépens de l'instance.
L'affaire a été clôturée à la date du 11 décembre 2023 et renvoyée à l'audience du 13 février 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 2 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
La SEMCODA soulève l'irrecevabilité de l'appel interjeté par Mme [B], faute pour celle-ci de justifier d'un intérêt, puisque, ayant payé la totalité de l'arriéré dû dans le délai fixé par la décision, la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué, ce que demande aujourd'hui l'appelante.
Mme [B] n'a pas répondu sur ce point.
En application de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
L'article 546 du même code dispose que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.
En l'espèce, dès lors que Mme [B] a été condamnée au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à laquelle elle n'a pas acquiescé, elle a nécessairement intérêt à faire appel, de sorte qu'elle sera déclarée recevable.
Sur la recevabilité de l'action de la SEMCODA
Mme [B] soutient que l'action de la SEMCODA serait irrecevable faute pour elle d'avoir communiqué le commandement de payer à la CAF ou à la CCAPEX.
Toutefois, la SEMCODA justifie de la transmission des informations prévues par l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 à la CAF plus de deux mois avant la délivrance de l'assignation, de sorte que les diligences prétendument omises ont bien été effectuées et l'action est parfaitement recevable.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
Il est constant que l'ordonnance déférée a constaté que Mme [B] ne contestait pas l'arriéré réclamé par la SEMCODA de 126,12 euros, et sollicitait des délais de paiement. Le juge a fait droit à cette demande et a dit que dans l'hypothèse où les délais seraient respectés, la clause résolutoire serait réputée n'avoir jamais joué.
La locataire n'a donc pas contesté l'acquisition de la clause résolutoire, que le premier juge a d'ailleurs parfaitement caractérisée. Elle ne la conteste pas plus aujourd'hui.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, les paiements dont elle fait état des 6 et 30 mars et 4 avril 2023, qui ont bien été repris dans le compte de locataire arrêté au 8 août 2023 (pièce n° 4 de l'intimée), n'ont pas eu pour effet de solder sa dette, laquelle ne l'a été que par un règlement intervenu le 30 juin 2023, soit postérieurement à l'audience tenue le 3 mai 2023 devant le juge des référés et à la décision rendue le 7 juin 2023.
Aussi, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et a condamné Mme [B] au paiement de l'arriéré dû.
Au demeurant, il résulte des pièces produites par la SEMCODA, notamment du relevé du compte de locataire arrêté au 8 août 2023 (pièce n° 4) que, au jour de la déclaration d'appel, Mme [B] avait réglé l'intégralité de l'arriéré dû, de sorte que la clause résolutoire était d'ores et déjà réputée n'avoir jamais joué. L'appel portant sur la résiliation du bail est donc devenu sans objet.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Mme [B], qui succombe, supportera les entiers dépens de l'appel, qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l'article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [P] [B] à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 7 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Annecy,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Déboute la SEMCODA de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [P] [B] aux entiers dépens de l'appel qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l'article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991.
Ainsi prononcé publiquement le 02 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente