COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 02 Mai 2024
N° RG 21/00790 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVRT
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 14 Décembre 2020, RG 18/00159
Appelants
M. [F] [D]
né le 25 Novembre 1977 à [Localité 35],
et
Mme [S] [E] épouse [D]
née le 11 Novembre 1978 à [Localité 35],
demeurant ensemble [Adresse 34]
Représentés par la SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Intimés
M. [N] [G]
né le 06 Mai 1945 à [Localité 1] - MAROC [Localité 1],
et
Mme [V] [P] épouse [G]
née le 21 Février 1947 à [Localité 30] (SUISSE),
demeurant ensemble [Adresse 26] SUISSE
Représentés par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL CABINET MEROTTO, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS
Mme [I] [O] [W] épouse [K] tant personnellement qu'en intervenante forcée en sa qualité d'héritière de feu [L] [K]
née le 25 Mars 1942 à [Localité 31], demeurant [Adresse 2]
sans avocat constitué
M. [C] [T] [K] intervenant forcé en sa qualité d'héritier de feu [L] [K]
né le 12 Mai 1971 à [Localité 36], demeurant [Adresse 28]
sans avocat constitué
M. [A] [B],
né le 25 décembre 1960 à [Localité 32] demeurant [Adresse 4]
sans avocat constitué
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 16 janvier 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] [G] et Mme [V] [P] son épouse sont propriétaires d'une parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 8] (ultérieurement divisée sous les références n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20]) située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]'. Cette parcelle est au bénéfice d'une servitude de passage grevant les parcelles n°[Cadastre 9] et [Cadastre 7] (renumérotée n°[Cadastre 12] puis [Cadastre 22]) laquelle permet son désenclavement par le Sud Est pour accéder à une route communale.
Les époux [G] ont ultérieurement acquis la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6] (devenue n°[Cadastre 18]) qui jouxte la parcelle n°[Cadastre 8] et prolonge de ce fait leur tènement vers le Nord Ouest lequel forme une unité foncière. La parcelle n°[Cadastre 6], nouvellement numérotée [Cadastre 18], n'a pas d'accès direct à la voie publique.
M. [F] [D] et Mme [S] [E] son épouse sont propriétaires de parcelles voisines cadastrées section B n°[Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 5] et [Cadastre 21] situées au Sud de celles des époux [G].
M. [L] [K] et son épouse Madame [I] [K] sont pour leur part propriétaires de la parcelle n°[Cadastre 9] laquelle est grevée d'une servitude de passage au profit de la parcelle n°[Cadastre 8]. Ils ont en outre, par acte du 30 mai 2016, consenti une servitude de passage sur cette même parcelle, au profit de la parcelle n°[Cadastre 6] (devenue n°[Cadastre 18]), selon le tracé existant pour desservir la parcelle n°[Cadastre 8] (servitude de passage en tout temps et tous usages d'une largeur de 5 mètres le long de la divisionnelle Sud Ouest). M. [L] [K] étant décédé le 20 janvier 2018, ladite parcelle demeure en indivision successorale entre ses héritiers.
M. [A] [B] est enfin propriétaire d'une parcelle n°[Cadastre 7] (dont est issue la parcelle n°[Cadastre 22] supportant la servitude de passage au profit de la parcelle n°[Cadastre 8]). Ce dernier a contesté les conditions d'accès à la parcelle n°[Cadastre 6] (devenue n°[Cadastre 18]) en mettant en exergue qu'aucun accord n'a été donné, concernant ce fonds, pour emprunter la servitude dont bénéficie la parcelle n°[Cadastre 8] (aujourd'hui subdivisée en deux parcelles référencées n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20]).
Le 4 décembre 2015, M. [G] a déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation sur les parcelles n°[Cadastre 6] (devenue n°[Cadastre 18]) et [Cadastre 8]. Cette demande a été acceptée par la commune d'[Localité 29] le 17 mars 2016.
M. [B] a adressé un recours gracieux au maire de la commune d'[Localité 29] pour contester le permis de construire délivré à M. [G], au motif, notamment qu'il refusait une aggravation de la servitude de passage grevant sa propriété.
Le 9 mai 2016, les époux [D] (lesquels ont ultérieurement acquis de M. [B] les parcelles n°[Cadastre 21] et [Cadastre 22]) ont également formé un recours gracieux à l'encontre du permis de construire susvisé.
Les recours gracieux ayant été rejetés, les époux [D] ont saisi la juridiction administrative d'un recours contentieux.
Par jugement en date du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 29 septembre 2020, a rejeté le recours introduit contre le permis de construire délivré aux époux [G]. Par arrêt du 10 mars 2022, le Conseil d'État a rejeté le recours de époux [D] de sorte que le permis de construire s'avère aujourd'hui définitif.
Par ordonnance du 21 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, saisi à la requête des époux [G], a fait droit à leur demande visant à l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire en vue de déterminer l'éventuel état d'enclave de la parcelle n°[Cadastre 6] et à identifier, le cas échéant, les dessertes possibles pour son désenclavement. M. [Z], expert judiciaire désigné à cet effet, a rendu son rapport le 18 septembre 2017.
Consécutivement, par actes des 15 décembre 2017, 8 et 22 janvier 2018, les époux [G] ont fait assigner les consorts [K], M. [B] et les époux [D] devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains aux fins d'obtenir la création d'une servitude de passage au profit des parcelles cadastrées section B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 8].
Par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2020 le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
- révoqué l'ordonnance de clôture de la mise en état du 9 juillet 2019,
- fixé la clôture de la mise en état au 15 octobre 2020,
- rejeté la demande formulée par les époux [D] tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive et passée en force de chose jugée de l'ordre administratif,
- rejeté la demande formée par les époux [G] tendant à l'homologation du rapport d'expertise judiciaire,
- dit que la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 8] située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', propriété des époux [G], bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle B n°[Cadastre 9] et B n°[Cadastre 16] (partie de la parcelle B n°[Cadastre 12]),
- déclaré recevable l'action des époux [G] tendant à la constitution d'une servitude de passage au profit de leur parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6],
- constaté l'état d'enclavement de la parcelle située sur le territoire de la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', cadastrée section B n°[Cadastre 6], appartenant aux époux [G],
- dit que le désenclavement de cette parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6] appartenant aux époux [G] s'effectuera selon la proposition de M. [Z] par un passage sur la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 9] appartenant aux consorts [K], ainsi que sur la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 16] (partie de la parcelle B n°[Cadastre 12]) appartenant aux époux [D], conformément au plan dressé par l'expert judiciaire,
- condamné les époux [G] à payer aux époux [D] une indemnité de 1 000 euros au titre de la servitude de passage créée sur leur fonds,
- ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques de Thonon-les-Bains, à la diligence et aux frais des époux [G],
- rejeté la demande d'extension de la mesure d'expertise judiciaire formée par les époux [D],
- dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles,
- dit que les dépens comprenant les frais de référé expertise seront partagés à parts égales entre les parties.
Par acte du 12 avril 2021, les époux [D] ont interjeté appel de la décision.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [D] demandent à la cour de :
- juger recevable et bien fondé leur appel interjeté,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que la parcelle cadastrée section n°[Cadastre 8] située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', propriété des époux [G], bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle section B n°[Cadastre 9] et B n°[Cadastre 16] (partie de la parcelle B n°[Cadastre 12]),
déclaré recevable l'action de des époux [G] tendant à la constitution d'une servitude de passage au profit de leur parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6],
constaté l'état d'enclavement de la parcelle située sur le territoire de la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', cadastrée section B n°[Cadastre 6], appartenant aux époux [G],
dit que le désenclavement de cette parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6] appartenant aux époux [G] s'effectuera selon la proposition de M. [Z] par un passage sur la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 9] appartenant aux consorts [K], ainsi que sur la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 16] (partie de la parcelle B n°[Cadastre 12]) appartenant aux époux [D], conformément au plan dressé par l'expert judiciaire,
condamné les époux [G] à payer aux époux [D] une indemnité de 1 000 euros au titre de la servitude de passage créée sur leur fonds,
ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques de Thonon-les-Bains, à la diligence et aux frais des époux [G],
dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles,
dit que les dépens comprenant les frais de référé expertise seront partagés à parts égales entre les parties,
Statuant de nouveau, à titre principal, sur l'irrecevabilité de la demande de constitution de servitude,
- déclarer irrecevable la demande des époux [G],
Et par conséquent,
- débouter les époux [G] de leur demande de constitution de servitude de passage sur la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 22] au profit de la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]),
- condamner les époux [G] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
A titre subsidiaire, sur l'irrecevabilité du fait de l'absence de l'ensemble des propriétaires mis en cause,
- déclarer irrecevable la demande des époux [G], tous les propriétaires n'étant pas dans la cause,
Et par conséquent,
- débouter les époux [G] de leur demande de constitution de servitude de passage sur la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 22] au profit de la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]),
A titre plus subsidiaire, sur la demande de création d'une servitude de passage,
- débouter les époux [G] de leur demande de constitution de servitude de passage sur la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 22] au profit de la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]),
- enjoindre les époux [G] d'appeler en cause les propriétaires des parcelles situées sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B, cadastrées sous les n°[Cadastre 11], [Cadastre 10], [Cadastre 25], [Cadastre 24] et [Cadastre 3] afin de juger que le désenclavement de la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', cadastrée section B n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) appartenant aux époux [G] s'effectuera par les parcelles situées sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]' n°[Cadastre 11], [Cadastre 10], [Cadastre 25], [Cadastre 24],
A titre encore plus subsidiaire, sur le tracé de la servitude conformément à l'acte du 12 août 1982,
- débouter les époux [G] de leur demande de constitution de servitude de passage sur la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit [Localité 33], section B n°[Cadastre 22] au profit de la parcelle située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', section B n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) tel que retenu par l'expert,
- dire que la servitude accordée ne le serait que conformément au tracé contenu dans l'acte du 12 août 1982 dressé en l'étude de Me [U], notaire à [Localité 29] (triangle sur plan ci-dessous),
Sur l'appel incident,
- débouter les époux [G] de leur demande de fixation du montant de l'indemnité à 250 euros,
- condamner les époux [G] au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnité qui leur est due,
Sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance,
- débouter les époux [G] de leur demande de condamnation à leur encontre aux entiers dépens,
- condamner les époux [G] au paiement des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de première instance,
Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel,
- débouter les époux [G] de leur demande de condamnation à leur encontre au paiement de la somme de 5 000 euros, outre les entiers dépens d'appel,
- condamner les époux [G] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
En réplique, dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 21 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [G] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en date du 14 décembre 2020 en ce qu'il a :
dit que la parcelle cadastrée section n°[Cadastre 8] située sur la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', propriété des époux [G], bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle B n°[Cadastre 9] et B n°[Cadastre 16] (partie de la parcelle B n°[Cadastre 12]),
déclaré recevable l'action de des époux [G] tendant à la constitution d'une servitude de passage au profit de leur parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6] (devenue B n°[Cadastre 18]),
constaté l'état d'enclavement de la parcelle située sur le territoire de la commune d'[Localité 29], lieudit '[Localité 33]', cadastrée section n°[Cadastre 6] (devenue B n°[Cadastre 18]), appartenant aux époux [G],
dit que le désenclavement de cette parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 6] (devenue B n°[Cadastre 18]) appartenant aux époux [G] s'effectuera selon la proposition de M. [Z] par un passage sur la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 9] appartenant aux consorts [K], ainsi que sur la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 16] (partie de la parcelle B n°[Cadastre 12] devenue B n°[Cadastre 22]) appartenant aux époux [D], conformément au plan dressé par l'expert judiciaire et sa mise à jour,
- réformer pour le surplus le jugement sur tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du 14 décembre 2020,
Et statuant à nouveau,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des époux [D],
- dire et juger que l'arrêt à intervenir sera publié à la conservation des hypothèques de Thonon-les-Bains pour valoir acte de servitude aux frais des époux [D],
- fixer l'indemnité qu'ils doivent à la somme de 250 euros,
- condamner les époux [D] à leur payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux [D] aux entiers dépens comprenant ceux de l'ordonnance de référé du 21 février 2017, le coût des opérations d'expertise de M. [Z], les dépens de première instance et d'appel.
*
La déclaration d'appel et les premières conclusions des appelants ont été signifiées à Mme [I] [K] par acte du 21 juillet 2021 (remis à personne), à M. [C] [K] par acte du 21 juillet 2021 (remis à domicile) et à M. [A] [B] par acte du 19 juillet 2021 (dépôt à étude).
Les dernières conclusions de l'appelant ont été signifiées à Mme [I] [K] et M. [C] [K] par acte du 24 novembre 2022.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande en désenclavement
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix ou la chose jugée.
Il résulte par ailleurs de l'article 332 du code de procédure civile que le juge peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. En matière gracieuse, il peut ordonner la mise en cause des personnes dont les droits ou les charges risquent d'être affectés par la décision à prendre.
En l'espèce, les époux [D] (devenus propriétaires de la parcelle n°[Cadastre 22] (ex n°[Cadastre 7])) opposent en premier lieu aux époux [G] le fait de ne pas avoir mis en cause le nouveau propriétaire de la parcelle n°[Cadastre 9]. Or, il échet de constater, d'une part, que le transfert de propriété au profit de M. [X] n'est aucunement justifié (les époux [G] évoquant quant à eux la signature récente d'un compromis de vente) et il s'avère constant, d'autre part, que les parcelles n°[Cadastre 8] (devenue n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20]) et n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]), dont le désenclavement est recherché, sont au bénéfice (depuis le 12 août 1982 pour la première parcelle et depuis le 30 mai 2016 pour la seconde) d'une servitude de passage grevant le fonds (n°[Cadastre 9]) lequel serait en cours de cession. Il en résulte que, faute de démontrer l'effectivité de la cession et eu égard aux droits réels d'ores et déjà concédés sur la parcelle n°[Cadastre 9], 'l'impossibilité de juger' le présent litige en l'absence de mise en cause de M. [X] ou l'irrecevabilité de l'action en désenclavement ne saurait être retenue.
Par ailleurs, le fait que les époux [G], dans une instance administrative distincte relative à la régularité du permis de construire qu'ils ont obtenu le 17 mars 2016, aient prétendu détenir factuellement un accès à la voie publique, ne les prive pas de leur intérêt à agir pour l'obtention d'un titre consacrant le passage dont ils usent habituellement au moyen d'une action en désenclavement devant la juridiction judiciaire. En ce sens, l'objet des revendications étant distinct (existence factuelle d'un accès et revendication d'un titre concernant un droit de passage) devant chacun des ordres de juridiction, il ne saurait être fait droit aux prétentions des appelants visant à l'irrecevabilité de l'action et au débouté des prétentions adverses comme se heurtant au principe de l'estoppel.
En outre, le fait que les parcelles appartenant aux époux [G] soient au bénéfice de servitudes conventionnelles sur la parcelle n°[Cadastre 9] ne peut justifier l'irrecevabilité de leur action, les servitudes consenties par les époux [K], en ce compris la servitude créée le 30 mai 2016 au profit de la parcelle n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]), ne permettant pas un accès direct à la voie communale située au Sud de la parcelle n°[Cadastre 22] (ex n°[Cadastre 7]).
Enfin, il est de jurisprudence constante que l'action aux fins de désenclavement suppose de mettre en cause l'ensemble des propriétaires des fonds susceptibles de supporter un accès aux parcelles enclavées lorsqu'il en existe plusieurs pouvant répondre aux prescriptions légales, et ce à peine d'irrecevabilité.
Aussi, la fin de non-recevoir soulevée par les appelants, tirée de l'absence de mise en cause d'autres propriétaires riverains, doit être examinée, conformément aux critères des articles 682 et suivants du code civil, à l'aune des solutions raisonnables concernant le désenclavement. Or, il résulte sans équivoque du rapport d'expertise du 18 septembre 2017 que, 'après analyse et étude, il [...] apparaît que la desservitude de la parcelle n°[Cadastre 6] ne peut s'effectuer que par l'utilisation de l'accès existant pour desservir la parcelle n°[Cadastre 8] appartenant à M. [G]'.
'Cette hypothèse est très certainement la plus courte et la moins dommageable puisqu'elle consiste à régulariser une situation existante par la constitution d'une servitude de passage sur une très petite surface de l'emprise de l'accès existant sur la parcelle en cours d'acquisition par [les époux] [D]'.
Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de préjuger à ce stade du bienfondé des prétentions des intimés, il ne saurait être exigé des époux [G], à peine d'irrecevabilité, la mise en cause de riverains dont les fonds ne sont pas susceptibles d'être concernés par le désenclavement de la parcelle n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) si son état d'enclave s'avérait établit.
Il en résulte que l'action et les demandes des époux [G] doivent être jugées recevables, les fins de non-recevoir élevées par les appelants n'étant pas accueillies par la cour. En ce sens, le jugement déféré sera confirmé.
Sur la demande en désenclavement
Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge pour lui de verser une indemnité proportionnée au dommage qu'il occasionne.
Pour la mise en 'uvre de l'article précité, l'enclave se définit par rapport à la voie publique et à la possibilité d'accès à celle-ci à partir des fonds enclavés. La voie publique correspond à tout passage accessible, route, chemin, chemin vicinal, sentier praticable, l'insuffisance du passage pouvant résulter de son impraticabilité. Toutefois, un simple souci de commodité ou de convenance ne peut caractériser l'insuffisance de l'issue sur la voie publique.
Dans l'hypothèse où l'enclave résulterait de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé, conformément à l'article 684 du même code, que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes sous réserve que l'état d'enclave soit la conséquence directe de la division.
L'application de l'article 684 précité ne peut être écartée que dans le cas où le passage sur le fonds divisé s'avère insuffisant ou impossible, sauf à démonter que l'insuffisance ou l'impossibilité alléguée résulte d'agissements illicites. De même, la détermination de l'assiette d'un passage par trente ans d'usage continu, conformément à l'article 685 du code civil, rend inapplicable les dispositions de cet article.
L'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu. L'action en indemnité, dans le cas prévu par l'article 682, est prescriptible, et le passage peut être continué, quoique l'action en indemnité ne soit plus recevable. En revanche, aux termes de l'article 691 du code civil, les servitudes continues non-apparentes et les servitudes discontinues, apparentes ou non, ne peuvent s'établir que par titre, la possession même immémoriale étant insuffisante pour les établir.
En l'espèce, il résulte de l'étude des photographies aériennes du lieudit '[Localité 33]' où sont implantées les parcelles susvisées qu'aucun tracé de chemin n'apparaît pour accéder à la parcelle n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) concernant les clichés des 24/08/1980, 08/07/1984, 03/08/1995, 01/08/2000 insérés au rapport d'expertise.
Il n'est d'ailleurs pas réellement contesté par les appelants que la parcelle n°[Cadastre 18] (ex [Cadastre 6]) ne bénéficie d'aucun accès direct à la voie publique. Il en résulte que l'état d'enclave doit être retenue concernant ledit fonds.
Concernant la solution de désenclavement, il a précédemment été rappelé que la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) est, depuis le 30 mai 2016, au bénéfice d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle n°[Cadastre 9] qui lui permet, selon l'assiette arrêtée, de cheminer jusqu'au droit de la parcelle n°[Cadastre 22] (ex n°[Cadastre 7]) laquelle s'entend selon le rapport d'expertise d'une parcelle, d'une surface de 165 m² environ, d'ores et déjà grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles cadastrées section B n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] (ex [Cadastre 8]).
Il doit en outre être constaté, suivant l'historique des divisions parcellaires, que les parcelles n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont issues d'une même propriété (ancienne parcelle n°[Cadastre 27]) mais que la parcelle n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) n'a pas d'auteur commun avec les parcelles n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9].
Il a encore été mentionné dans le rapport d'expertise du 18 septembre 2017 que l'expert retient de façon univoque que 'la desservitude de la parcelle n°[Cadastre 6] ne peut s'effectuer que par l'utilisation de l'accès existant pour desservir la parcelle n°[Cadastre 8] appartenant à M. [G]', cette hypothèse étant considérée à la fois comme 'la pus courte et la moins dommageable puisqu'elle consiste à régulariser une situation existante par la constitution d'une servitude de passage sur une très petite surface de l'emprise de l'accès existant sur la parcelle en cours d'acquisition par [les époux] [D]'. Aucune autre alternative n'est mentionnée par l'expert étant rappelé que la desserte, sur l'assiette préconisée, s'avère être bitumée et actuellement dédiée à la desserte automobile des parcelles n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] (ex n°[Cadastre 8]). En outre, la constitution d'une servitude au profit du fonds n°[Cadastre 18] (ex n°[Cadastre 6]) ne nécessite d'engager aucun travaux particulier à l'exception de l'aménagement à créer sur le fonds des époux [G], eux-mêmes demandeurs au désenclavement.
Il en résulte, en l'état des servitudes consenties, que l'accès à la voie publique depuis la limite de la servitude existante sur la parcelle n°[Cadastre 9] (au profit de la parcelle n°[Cadastre 18] (ex [Cadastre 6])) pour rejoindre la route communale située au Sud de la parcelle n°[Cadastre 22] (ex n°[Cadastre 7]) s'entend d'un passage de quelques mètres sur une route d'ores et déjà existante pour desservir les parcelles n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] (ex [Cadastre 8]).
Adversairement, s'il est prétendu quoique non-démontré qu'un accès vers le Nord Est, au moyen d'une servitude traversant les parcelles n°[Cadastre 11], [Cadastre 10], [Cadastre 24] et [Cadastre 23], serait plus court que celui cheminant sur la parcelle des intimés, il est à l'évidence indiscutable qu'une telle solution ne saurait être qualifiée de moins dommageable au regard de la situation et de la destination actuelle des différentes parcelles.
Aussi, la cour retient que c'est à bon droit que le premier juge a retenu la solution préconisée par l'expert pour le désenclavement de la parcelle n°[Cadastre 18] (ex [Cadastre 6]), étant précisé que l'assiette comprise entre les points A, A1 et A3 de l'actuelle parcelle n°[Cadastre 22] se termine au niveau du chemin communal, sans impacter la parcelle n°[Cadastre 3].
Sur l'indemnité
Une solution de désenclavement ayant été retenue au moyen d'un passage sur la parcelle n°[Cadastre 17] (ex n°[Cadastre 7]), il y a lieu de statuer, en l'absence de prescription de l'assiette au profit de la parcelle n°[Cadastre 18] (ex [Cadastre 6]), sur l'indemnité devant revenir aux époux [D] laquelle doit être proportionnée au dommage occasionné.
En l'espèce, si les époux [D] mettent en exergue leur souhait de ne pas voir aggraver la servitude existante consentie au profit des parcelles n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] (ex [Cadastre 8]), il n'en demeure pas moins que la parcelle n°[Cadastre 22] nouvellement acquise par eux, selon acte authentique du 13 octobre 2020, n'est pas mitoyenne du fonds sur lequel est implantée leur maison d'habitation. Au surplus, il s'avère constant que cette parcelle était déjà grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] au jour de la vente réalisée à leur profit et que la potentialité de cette dernière, en terme de constructibilité, demeure limitée eu égard, d'une part, à sa qualité de fonds servant et, d'autre part, à sa surface au demeurant restreinte.
Il est en ce sens relevé par l'expert que cette constitution de servitude n'oblige à aucun travaux supplémentaire en ce que la parcelle n°[Cadastre 22] sert essentiellement d'assiette à la servitude consentie en faveur des parcelles n°[Cadastre 19] et [Cadastre 20] (ex [Cadastre 8]) de sorte que l'objectif énoncé (construction d'un garage) dans le compromis de vente du 20 juillet 2016 ([D]/[B]) s'avère en contradiction avec la disposition actuelle des lieux.
En conséquence, la valorisation de l'indemnité retenue par le premier juge à hauteur de 1 000 euros sera retenue comme proportionnée au dommage occasionné par l'aggravation du passage sur la servitude existante.
Dès lors, le jugement déféré sera intégralement confirmé, en ce compris ses dispositions sur le partage des dépens et des frais d'expertise.
Sur les demandes annexes
Les époux [D], qui succombent en principal, sont condamnés aux dépens d'appel.
Ils sont en outre condamnés à payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par défaut,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [F] [D] et Mme [S] [E] aux dépens d'appel,
Condamne M. [F] [D] et Mme [S] [E] à payer à M. [N] [G] et à Mme [V] [P] son épouse la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 02 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente