La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°23/00313

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 11 avril 2024, 23/00313


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre











ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT

du 11 Avril 2024



N° RG 23/00313 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HF3M



Appelants

M. [P], [O] [V]

né le 09 Avril 1987 à [Localité 21],

et

Mme [R], [X], [K] [C] épouse [V]

née le 12 Septembre 1984 à [Localité 17],

demeurant ensemble [Adresse 2]



Représentés par la SELAS AGIS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS



contre



Intimés
r>M. [W] [A]

né le 12 Mai 1970 à [Localité 20], demeurant [Adresse 1]



M. [L] [F]

né le 14 Novembre 1990 à [Localité 16]

et

Mme [Z] [T] épouse [F]

née le 14 Octobre 1992 à [Localité 22]

demeurant ensemb...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT

du 11 Avril 2024

N° RG 23/00313 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HF3M

Appelants

M. [P], [O] [V]

né le 09 Avril 1987 à [Localité 21],

et

Mme [R], [X], [K] [C] épouse [V]

née le 12 Septembre 1984 à [Localité 17],

demeurant ensemble [Adresse 2]

Représentés par la SELAS AGIS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

contre

Intimés

M. [W] [A]

né le 12 Mai 1970 à [Localité 20], demeurant [Adresse 1]

M. [L] [F]

né le 14 Novembre 1990 à [Localité 16]

et

Mme [Z] [T] épouse [F]

née le 14 Octobre 1992 à [Localité 22]

demeurant ensemble [Adresse 3]

Représentés par Me François Philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

*********

Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d'appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante le 11 Avril 2024 après examen de l'affaire à notre audience du 13 Mars 2024 et mise en délibéré :

M. [M], propriétaire d'un tènement immobilier à [Localité 18] (Haute-Savoie), a procédé en décembre 2016 à la division de celui-ci et a ensuite vendu :

- à M. [P] [V] et Mme [R] [C], son épouse, par acte du 30 mai 2017, une maison d'habitation existante et le terrain attenant, le tout situé [Adresse 2], et cadastré section A n° [Cadastre 4], [Cadastre 7], [Cadastre 12] et [Cadastre 14],

- à M. [W] [A], par acte du 1er mars 2019, les parcelles constructibles cadastrées section A n° [Cadastre 10] et [Cadastre 15],

- à M. [L] [F] et Mme [Z] [T], son épouse, les parcelles constructibles cadastrées section A n° [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

Ces trois titres rappellent la constitution de plusieurs servitudes de passage et de tréfonds pour toutes canalisations et réseaux souterrains, notamment :

- les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], fonds dominant, bénéficient d'une servitude de passage tous usages et tous réseaux et canalisations, s'exerçant sur les parcelles n° [Cadastre 7], [Cadastre 12] et [Cadastre 14], fonds servant, pour accéder à la voie publique dite [Adresse 19],

- les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 6], [Cadastre 10] et [Cadastre 15], fonds dominant, bénéficient d'une servitude en tréfonds pour le passage de toutes canalisations et réseaux souterrains sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], fonds servant.

M. [A] et les époux [F] ont, chacun, construit leurs maisons sur leur parcelles, les engins de chantier ayant utilisé la servitude de passage précitée, entraînant une dégradation du chemin.

Un différend est né à cette occasion entre M. et Mme [V] et ses deux voisins, les premiers se plaignant de la dégradation du chemin d'accès à leur propriété, et refusant le maintien de la servitude au profit des seconds. Les époux [V] se sont par ailleurs opposés au passage des réseaux souterrains, notamment ils ont refusé de signer la convention avec Enedis, pour l'alimentation des habitations de M. [A] et des époux [F], malgré la proposition de ces derniers de faire procéder à la remise en état du chemin après le passage complet des réseaux.

Par actes délivrés le 9 février 2020, M. et Mme [V] ont fait assigner M. [A], d'une part, et M. et Mme [F], d'autre part, devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains pour obtenir qu'il soit dit que les parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 10], [Cadastre 8] et [Cadastre 5] ne sont plus enclavées et de constater en conséquence l'extinction de la servitude de passage instituée, mais également la servitude en tréfonds, et pour obtenir en conséquence la remise en état du chemin d'accès et le retrait des réseaux déjà posés, outre une demande de dommages et intérêts.

M. [A] et les époux [F] se sont opposés aux demandes et ont formé des demandes reconventionnelles tendant à faire cesser des empiétements commis par M. et Mme [V] sur la propriété [F] et l'assiette de la servitude, et à leur enjoindre de signer la convention avec Enedis pour le passage des réseaux souterrains, outre une demande de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 3 février 2023, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

débouté M. et Mme [V] de leur demande tendant à obtenir la suppression de la servitude de passage reconnue au profit des parcelles cadastrées section A sous les numéros [Cadastre 6], [Cadastre 10], [Cadastre 8] et [Cadastre 5], situées [Adresse 19] à [Localité 18], en vertu des actes de propriété de M. et Mme [V] du 30 mai 2017, de M. et Mme [Y] du 8 janvier 2019 et de M. [A] du 1er mars 2019,

constaté que M. et Mme [V] se sont désistés de leur demande de remise en état du grillage de leur propriété,

ordonné à M. et Mme [V], sous un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, de signer la convention de servitudes d'Enedis permettant le raccordement électrique de M. [A], d'une part, et de M. et Mme [F], d'autre part,

condamné M. et Mme [V] à supprimer le portail clôturant le chemin d'accès du côté de la [Adresse 19], sous un délai de 90 jours à compter de la signification du jugement,

dit qu'à défaut pour M. et Mme [V] :

- d'avoir signé la convention de servitudes d'Enedis sous 30 jours à compter de la signification du jugement, une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard sera due pendant un délai de 100 jours au plus,

- d'avoir supprimé le portail clôturant le chemin d'accès du côté de la [Adresse 19] sous un délai de 90 jours à compter de la signification du jugement, une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard sera due pendant un délai de 100 jours au plus,

condamné solidairement M. [A], M. et Mme [F] à procéder, sous un délai de 60 jours à compter de la fin des travaux d'Enedis, à la réparation des détériorations, constatées par huissier de justice le 12 août 2020, du chemin d'accès servant d'assiette à la servitude de passage instaurée en vertu des actes de propriété précités,

dit qu'à défaut, une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard sera solidairement due par eux pendant un délai de 100 jours au plus,

ordonné à M. [A], M. et Mme [F], d'informer, par lettre recommandée avec accusé de réception, M. et Mme [V] de la date de début et de la date de fin des travaux d'Enedis,

condamné solidairement M. et Mme [V] à verser, à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 1 500 euros à M. [A],

- la somme de 1 500 euros à M. et Mme [F],

débouté M. et Mme [V], d'une part, M. [A], M. et Mme [Y], d'autre part, de leurs autres demandes,

enjoint M. et Mme [V], d'une part, M. [A] et M. et Mme [F], d'autre part, de rencontrer un médiateur pour tout nouveau litige à l'occasion de l'exécution de la décision et, en toutes hypothèses, avant toute nouvelle saisine du juge,

condamné solidairement M. et Mme [V] à verser à M. [A] et M. et Mme [F], pris ensemble, la somme de 3 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum M. et Mme [V] aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Me François-Philippe Garnier, avocat au barreau de Bonneville en application de l'article 699 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 24 février 2023, M. et Mme [V] ont interjeté appel de ce jugement.

Les appelants ont conclu devant la cour les 24 mai et 2 novembre 2023.

M. [A] et M. et Mme [F] ont constitué avocat et ont déposé leurs conclusions d'intimé le 3 août 2023.

Par conclusions déposées le 14 décembre 2023, M. et Mme [V] ont saisi le conseiller de la mise en état et lui demandent d'ordonner une expertise et commettre tout expert géomètre près la cour d'appel de Chambéry pour y procéder avec comme mission, après avoir pris connaissance du dossier et s'être fait remettre tous documents utiles et entendu les parties ainsi que tous sapiteurs dans des spécialités distinctes de la sienne, de :

convoquer les parties, se faire communiquer tous documents utiles,

se rendre sur les lieux, à savoir, sis [Adresse 2] à [Localité 18] et sur les parcelles limitrophes dont sont propriétaires M. et Mme [F] et M. [A], les décrire dans leur état actuel et d'en dresser un plan,

de procéder à la délimitation des propriétés des parties en indiquant les servitudes pouvant grever les parcelles concernées, en définir la nature, l'assiette et les bénéficiaires,

déterminer si ces servitudes ont encore une utilité,

prendre en compte tous autres indices relevés notamment résultant de la configuration des lieux ou du cadastre qui permettraient d'établir l'état d'enclavement ou non des parcelles des propriétés des consorts [V], [A] et [F],

de déterminer toutes les voies d'accès possibles aux différentes parcelles des consorts [V], [A] et [F] et de définir le coût des travaux à mettre en 'uvre pour créer ces voies d'accès,

de manière générale, d'apporter tous éléments d'information utiles aux servitudes et au règlement des litiges nés de cette action.

Par conclusions déposées le 10 janvier 2024, M. [A] et les époux [F] demandent au conseiller de la mise en état de :

leur donner acte qu'ils ne s'opposent pas à la désignation d'un expert selon les modalités qui suivent :

«ordonner une expertise et commettre tout expert géomètre près la cour d'appel de Chambéry pour y procéder avec comme mission, après avoir pris connaissance du dossier et s'être fait remettre tous documents utiles et entendu les parties ainsi que tous sapiteurs dans des spécialités distinctes de la sienne, de :

- convoquer les parties, se faire communiquer tous documents utiles,

- se rendre sur les lieux, à savoir, sis [Adresse 2] à [Localité 18] et sur les parcelles limitrophes dont sont propriétaires M. et Mme [F] et M. [A], les décrire dans leur état actuel et d'en dresser un plan,

- de procéder à la délimitation des propriétés des parties»

préciser que le coût provisionnel de l'expertise sera mis à la charge de M. et Mme [V],

dire et juger irrecevable et à défaut mal fondé l'intégralité des autres demandes de M. et Mme [V],

condamner M. et Mme [V] solidairement à verser à M. [A] et M. et Mme [F], indivisément, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant le conseiller de la mise en état,

condamner M. et Mme [V] in solidum aux dépens de l'incident avec distraction au profit de Me Garnier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS ET DÉCISION

Il convient tout d'abord de souligner que les intimés concluent à l'irrecevabilité partielle de la demande d'expertise des appelants, sans toutefois invoquer de fin de non-recevoir ni développer de moyens en ce sens. Il n'y sera donc pas répondu.

En application des articles 789 et 907 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent, jusqu'à son dessaisissement, pour ordonner toute mesure d'instruction.

L'article 144 du code de procédure civile dispose que, les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

L'article 146 du même code précise que, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

La mesure d'instruction n'a lieu d'être ordonnée que si elle apparaît utile à la solution du litige.

En l'espèce, l'expertise sollicitée porte sur deux points.

En premier lieu les parties estiment qu'il convient de procéder à une délimitation de leurs propriétés.

Toutefois, il convient de noter que le tènement immobilier antérieurement propriété de M. [M] pour le tout, a fait l'objet d'une division dont le plan est annexé aux titres de propriété des parties, plan établi par un géomètre-expert. Les plans cadastraux produits font d'ailleurs mention de la présence de bornes.

Le titre de propriété de M. et Mme [V] indique ainsi en page 4 qu'un «bornage effectué par géomètre-expert a fixé les limites du terrain. Ce bornage a été établi par Madame [N] [G], géomètre-expert à [Localité 18], et le procès-verbal est annexé».

De la même manière, l'assiette de la servitude de passage est très précisément fixée par les plans établis par ce même géomètre-expert et annexés aux titres de propriété.

Il en résulte que les limites des propriétés respectives des parties et de l'emprise de la servitude sont parfaitement connues et la mesure d'expertise sollicitée de ce chef apparaît inutile. Il appartient à ceux qui prétendent subir un empiétement d'en rapporter la preuve, l'expertise sollicitée ne pouvant suppléer la charge de la preuve qui incombe à chaque partie.

En second lieu M. et Mme [V] sollicitent une expertise visant à déterminer s'il existe ou non un état d'enclave des propriétés des intimés, afin de fonder leur demande en suppression de la servitude existante.

Toutefois, il convient de rappeler que la servitude contestée est une servitude conventionnelle, créée par l'auteur commun des parties. Il appartiendra à la cour de déterminer, avant d'envisager une expertise s'il y a lieu, si la constitution de la servitude litigieuse a pour fondement un état d'enclave ou non, condition d'application des dispositions de l'article 685-1 du code civil fondant les demandes des appelants. Ainsi, l'expertise sollicitée ne présente, à ce stade, aucun intérêt pour la solution du litige.

En conséquence, la demande d'expertise sera rejetée dans son ensemble.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés.

Les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond.

PAR CES MOTIFS

Nous, Conseillère de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejetons la demande d'expertise présentée par M. [O] [V] et Mme [R] [C], épouse [V], appelants,

Rejetons la demande de M. [W] [A], M. [L] [F] et Mme [Z] [T], épouse [F], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Disons que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond.

Ainsi prononcé le 11 Avril 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la Mise en Etat et Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Conseillère de la Mise en Etat


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00313
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.00313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award