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05/04/2024 | FRANCE | N°24/00050

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 05 avril 2024, 24/00050


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES



du Vendredi 05 Avril 2024





N° RG 24/00050 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOKC



Appelant

M. [V] [G]

né le 14 Février 1987 à [Localité 3]

Résidant actuellement au CHS de la Savoie

[Adresse 5]

[Localité 2]

assisté de Me Ahmed RANDI, avocat inscrit au barr

eau de CHAMBERY



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 2]

non comparant



UDAF DE LA SAVOIE (curateur)

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant

...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Vendredi 05 Avril 2024

N° RG 24/00050 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOKC

Appelant

M. [V] [G]

né le 14 Février 1987 à [Localité 3]

Résidant actuellement au CHS de la Savoie

[Adresse 5]

[Localité 2]

assisté de Me Ahmed RANDI, avocat inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 2]

non comparant

UDAF DE LA SAVOIE (curateur)

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites en date du 4 avril 2024

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du vendredi 5 avril 2024 à 9h45 devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au vendredi 5 avril 2024 après-midi,

***

Exposé des faits, de la procédure et des prétentions

Par arrêté du 22 juin 2009, le préfet de la Savoie a ordonné l'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète de M. [V] [G].

Par arrêté du 6 juillet 2009, le préfet de la Savoie a décidé de la poursuite des soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète du patient.

La poursuite de cette mesure a été régulièrement autorisée par différentes décisions du juge des libertés et de la détention.

Par une requête reçue le 26 février 2024, M. [V] [G] a sollicité la mainlevée de cette mesure de soins psychiatriques.

Par ordonnance du 7 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a ordonné avant dire droit une expertise psychiatrique du patient, renvoyé l'affaire à l'audience du 19 mars 2024, et maintenu dans l'attente le patient sous le régime de l'hospitalisation complète.

Le rapport d'expertise psychiatrique a été déposé le 14 mars 2024. Il concluait que le patient souffrait d'une grave maladie génétique en plus de troubles d'allure psychotique ainsi que d'un vécu persécutoire ; que l'examen effectué le 14 mars 2024 ne retrouvait pas de signe de sa maladie psychotique ni de troubles paranoïdes du fait d'un traitement adapté ; que son langage faisait pas ressortir de sentiment de toute-puissance ; qu'il reconnaissait des inobservances thérapeutiques ; qu'il apparaissait bien stabilisé par le cadre institutionnel et la thérapeutique instituée ; que sa maladie chronique et grave, au sens de son comportement extravagant pouvant être violent, nécessitait un traitement médicamenteux constant et régulier avec une surveillance constante ; que cette surveillance pouvait se faire en extrahospitalier à condition qu'il soit bien contenu, qu'il accepte le suivi, avec la question de sa capacité à gérer seul ses angoisses qu'il ressentira quand il sera à l'extérieur du cadre hospitalier ; que l'absence de prise de traitement sera à l'origine de décompensations psychiatriques pouvant être graves et compromettant ainsi la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public ; que ses propos ne s'inscrivent pas dans un cadre manipulateur ou pervers de sorte qu'un cheminement psychologique est intervenu ; que l'hospitalisation complète était encore nécessaire, afin notamment de l'amener à accepter le cadre et les contraintes ; que le mode d'hospitalisation actuelle ne pouvait être allégé dans ce contexte de mauvaise volonté de sa part puisqu'il était en conflit avec ses soignants et demandait au juge des libertés de la détention d'aller dans son sens contre ses soignants qui essayent de bâtir un projet pour le faire sortir ; que ces troubles ne ne le mettent pas dans l'impossibilité de consentir aux soins mais que son opposition stérile en a pris le dessus.

Par ordonnance du 19 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a rejeté la requête de M. [V] [G] et ordonné la poursuite de son hospitalisation complète au sein du centre hospitalier spécialisé de Bassens.

La décision a été notifiée le 20 mars 2024 à M. [V] [G].

Par courrier envoyé le 25 mars 2024, Maître Ahmed Randi, conseil de M. [V] [G], a interjeté appel de cette décision.

Le certificat médical de situation du 4 avril 2024 établi par le Dr [O] [I] indique que le patient est hospitalisé au long cours depuis sa majorité pour une symptomatologie associant une déficience intellectuelle et des troubles comportementaux réguliers avec hétéro- agressivité; qu'une partie de la symptomatologie est en lien avec la maladie génétique dont il est porteur, ce qui implique de faibles perspectives d'évolution. Le patient a montré ces derniers mois son incapacité à canaliser sa colère avec une position d'exigence et de toute-puissance l'amenant à insulter tout un chacun. Il a une nouvelle fois agressé physiquement un soignant le 4 décembre 2023 au matin. Le patient est en grande difficulté pour gérer ses émotions, reste dans des demandes incessantes avec une toute-puissance devenant de plus en plus problématique et générant des comportement hétéro-agressifs sans capacité d'élaboration et avec risque de mise en danger d'autrui. Une nouvelle prise en charge en UMD a été sollicitée en décembre 2023, et l'UMD d'[Localité 4] a donné un avis favorable avec un accueil convenu le 8 avril 2024.

A l'audience, M. [V] [G] indique que les infirmiers ont insulté Me Randi, que cela ne lui a pas plus, qu'il veut que l'hospitalisation complète s'arrête et sortir. On lui a dit que pour avoir son dossier médical il devait payer 1800 euros, alors que c'est normalement gratuit. Il indique que cela fait 27 ans qu'il est en psychiatrie, 20 ans qu'il est privé de ses droits et de sa liberté.

A la question de savoir s'il comprend pourquoi il se trouve à l'hôpital, il répond qu'il est malade, qu'il a un syndrôme qui lui provoque des troubles du sommeil, du comportement.

A la question de savoir où il logerait s'il sortait ce soir de l'hôpital, il explique qu'il appelerait sa curatrice, lui demanderait de l'argent et qu'elle lui trouvera un appartement.

Il indique recevoir un traitement, des gouttes et des cachets, traitement qui lui convenait.

Il précise qu'on l'avait poussé à ne pas faire appel alors qu'il voulait faire appel, et que cela l'a mis, lui et Me Randi, en colère.

Il expose que le docteur [Z] s'est prise pour son médecin traitant alors qu'elle ne l'est pas, que le vrai médecin qui le suit depuis qu'il est à [Localité 2] est le docteur [I].

Son conseil indique que M. [G] l'a mandaté pour obtenir une copie de son dossier médical ; qu'il était important pour eux de vérifier la prise en charge dont il a pu bénéficier auprès du Docteur [C] [Z], car il y a une irrégularité au regard de la composition des collèges de soignants des 30 octobre et 16 novembre 2023 : le docteur [Z] en faisait partie en tant que psychiatre ne participant pas à la prise en charge de M. [G], alors qu'elle a participé à sa prise en charge. Cette irrégularité fait grief à M. [G]. Il s'en rapporte sur ce point aux observations qu'il a déposées avec son appel.

Il sollicite la communication du dossier médical pour vérifier la qualité de médecin référent il de M. [G] du Docteur [Z].

Il expose que depuis 2009, aucun projet de sortie n'a été travaillé.

Il indique ne pas être d'accord avec l'analyse selon laquelle l'irrégularité de ses avis du collège serait purgée, puisqu'on s'est basé sur ces avis pour rendre l'ordonnance du juge des libertés de la détention qui fait l'objet de l'appel.

L'UDAF 73, curateur de M. [V] [G], régulièrement convoquée, n'était pas représentée.

Le préfet de la Savoie n'était ni présent ni représenté.

Le Ministère Public, non comparant, a requis par écrit le 4 avril 2024 la confirmation de la décision déférée. Les réquisitions ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

Sur ce,

L'appel ayant été formé selon les formes et dans les délais prévus par la loi, il sera déclaré recevable.

Aux termes de l'article L 3213-1 du code de la santé publique :

I.-Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. Ils désignent l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade.

Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 :

1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3211-2-2 ;

2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2.

II.-Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2, le représentant de l'Etat dans le département décide de la forme de prise en charge prévue à l'article L. 3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application du dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2 et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public. Il joint à sa décision, le cas échéant, le programme de soins établi par le psychiatre.

Dans l'attente de la décision du représentant de l'Etat, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète.

III.-Lorsque la proposition établie par le psychiatre en application de l'article L. 3211-2-2 recommande une prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat ne peut modifier la forme de prise en charge des personnes mentionnées au II de l'article L. 3211-12 qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9.

IV.-Les mesures provisoires, les décisions, les avis et les certificats médicaux mentionnés au présent chapitre figurent sur le registre mentionné à l'article L. 3212-11.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

En l'espèce, par une décision aujourd'hui définitive du 7 décembre 2023, la juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a retenu que la procédure relative aux soins psychiatriques jusqu'à la date de l'audience était régulière.

Ainsi, M. [V] [G] ne saurait soulever dans le cadre de la présente instance l'irrégularité de la procédure suivie antérieurement à cette décision tirée de l'irrégularité des avis du collège de soignants des 30 octobre 2023 et 16 novembre 2023, la procédure ayant été validée et purgée de ses éventuelles irrégularités par la décision du 7 décembre 2023.

Par ailleurs, il résulte de la procédure que M. [V] [G] est hospitalisé depuis au moins 2009 pour une symptomatologie associant une déficience intellectuelle et des troubles comportementaux réguliers avec hétéro- agressivité ; qu'une partie de la symptomatologie est en lien avec la maladie génétique dont il est porteur, ce qui implique de faibles perspectives d'évolution.

Le certificat de situation du 4 avril 2024 relève que le patient a montré ces derniers mois une incapacité à canaliser sa colère avec une position d'exigence et de toute-puissance l'amenant à proférer des insultes ; qu'il a une nouvelle fois agressé physiquement un soignant le 4 décembre 2023 ; qu'il est en grande difficulté pour gérer ses émotions, reste dans des demandes incessantes avec une toute-puissance devenant de plus en plus problématique et générant des comportement hétéro-agressifs sans capacité d'élaboration et avec risque de mise en danger d'autrui.

L'expertise psychiatrique du 14 mars 2024 relève que sa maladie chronique et grave apparaît bien stabilisé, mais dans le cadre institutionnel et des soins qu'il y reçoit ; que sa maladie nécessite un traitement médicamenteux constant et régulier avec une surveillance constante, une inobservance thérapeutique entraînant des décompensations psychiatriques pouvant être graves et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public ; que l'hospitalisation complète est encore nécessaire, afin notamment de l'amener à accepter le cadre et les contraintes.

Ainsi M. [V] [G] n'apparaît pas en mesure de donner un consentement éclairé aux soins qui lui sont nécessaires, l'expert psychiatre ayant relevé son opposition actuelle stérile aux soignants s'agissant des soins qui lui sont pourtant nécessaires.

Cette expertise ainsi que le dernier certificat de situation caractérisent par ailleurs le fait que

son état mental impose toujours actuellement des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, Ses troubles psychiques étant de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

En conséquence, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention sera confirmée.

Les dépens de l'instance resteront à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire au siège de la Cour d'Appel de Chambéry,

Déclarons recevable l'appel de M. [V] [G],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 19 mars 2024,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 05 avril 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 24/00050
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;24.00050 ?
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