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12/03/2024 | FRANCE | N°20/01454

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 12 mars 2024, 20/01454


IRS/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 12 Mars 2024





N° RG 20/01454 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSDF



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 05 Octobre 2020





Appelante



S.A.S. MAISONS MARGAUX, dont le siège social est situé Parc Innovalia, Bât. B, [Adresse 3]



Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barre

au de CHAMBERY

Représentée par la SCP SVA, avocats plaidants au barreau de MONTPELLIER











Intimés



M. [H] [E]

né le 21 Mars 1976 à [Localité 13] (SUISSE), demeurant [...

IRS/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 12 Mars 2024

N° RG 20/01454 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSDF

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 05 Octobre 2020

Appelante

S.A.S. MAISONS MARGAUX, dont le siège social est situé Parc Innovalia, Bât. B, [Adresse 3]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP SVA, avocats plaidants au barreau de MONTPELLIER

Intimés

M. [H] [E]

né le 21 Mars 1976 à [Localité 13] (SUISSE), demeurant [Adresse 4]

Mme [W] [F]

née le 27 Août 1972 à [Localité 5] (SUISSE), demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me Christian FORQUIN, avocat postulants au barreau de CHAMBERY

Représentés par la SELARL PERSPECTIVES MEROTTO FAVRE, avocats plaidants au barreau d'ANNECY

S.A. GROUPE CAPELLI, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELAS LEGA-CITE, avocats plaidants au barreau de LYON

S.E.L.A.R.L. MARTIN, es qualité de mandataire judiciaire de la SASU MAISONS MARGAUX, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 18 Septembre 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 décembre 2023

Date de mise à disposition : 12 mars 2024

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

Par acte notarié du 5 juillet 2013, Mme [W] [F] et M. [H] [E] ont acquis de la société Capelli, lotisseur, un terrain à bâtir cadastré section [Cadastre 9] au sein du lotissement dénommé [Adresse 12]).

Préalablement à la vente, la société Capelli avait obtenu le 17 juin 2011 un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle. Par arrêté de juin 2013, ce permis de construire a été transféré aux acquéreurs.

Toujours préalablement à la vente, le 1er mars 2013, Mme [F] et M. [E] avaient conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Maison Margaux (Sasu) laquelle s'est engagée à construire la maison moyennant un prix forfaitaire et définitif de 245 000 euros, acceptant, en l'absence d'étude de sol préalable, les aléas tenant à la nature et la configuration du terrain, le coût des travaux à la charge des maîtres de l'ouvrage s'élevant à 20 000 euros, soit un coût total de la construction de 265 000 euros.

Le contrat prévoyait que les travaux commenceraient dans un délai de 4 mois à compter de la réalisation des conditions suspensives et que la durée d'exécution des travaux serait de 12 mois à compter de l'ouverture du chantier.

En novembre 2013, la société Egsol a réalisé des études de sols qui ont révélé la présence d'une canalisation traversant le terrain. Par courrier du 23 janvier 2014, la société Capelli, lotisseur, a dénié toute responsabilité. La société Margaux a suspendu les travaux qui n'ont pas été repris.

Par exploit d'huissier du 9 février 2015, Mme [F] et M. [E] ont fait assigner la société Margaux en référé devant le tribunal de grande instance de Bonneville, notamment aux fins d'obtenir la condamnation du constructeur à leur livrer la maison conformément au contrat de construction de maison individuelle signé entre les parties, sous astreinte, et sa condamnation à leur payer la somme de 38 793,25 euros à titre de provision à valoir sur le montant des pénalités de retard qui leur seraient dues.

Par ordonnance du 28 mai 2015, le président du tribunal de grande instance de Bonneville a rejeté la demande de Mme [F] et M. [E] tendant à obtenir la livraison de leur maison mais a ordonné une mesure d'expertise.

L'expert a déposé son rapport définitif le 2 février 2017.

Par ordonnance du 9 février 2017, le président du tribunal de grande instance de Bonneville a étendu l'expertise au contradictoire de la société Capelli, cette société n'étant toutefois pas convoquée aux opérations d'expertise qui étaient achevées.

Par courrier du 6 avril 2017, Mme [F] et M. [E] ont vainement mis en demeure la société Maisons Margaux d'exécuter les travaux dans les conditions prévues au contrat.

Par courrier du 11 mai 2017, Mme [F] et M. [E] ont constaté la résiliation du contrat de construction de maison individuelle aux torts exclusifs du constructeur en raison de son refus de commencer l'exécution des travaux.

Ils ont signé un contrat de construction de maison individuelle auprès d'un nouveau constructeur, qui leur a été livrée le 3 septembre 2021.

Par acte du 26 février 2019, Mme [F] et M. [E] ont fait assigner la société Margaux devant le tribunal de grande instance de Bonneville notamment aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'ils lui imputent.

Par acte du 23 juillet 2019, la société Margaux a fait assigner la société Groupe Capelli en garantie des condamnations auxquelles elle serait exposée.

Par jugement du 5 octobre 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Bonneville, a :

- Dit que l'instance s'est poursuivie devant le tribunal judiciaire conformément aux dispositions légales,

- Dit que la présence d'une canalisation souterraine affectant le terrain acquis par Mme [F] et M. [E] de la société Capelli et devant supporter la construction à réaliser par la société Margaux ne constituait pas une servitude mais une simple charge du terrain dont les deux sociétés professionnelles devaient assumer la gestion,

- Dit que la présence de cette canalisation ne rendait pas impossible la réalisation de la construction et ne constituait pas un cas de force majeure,

- Constaté que la société Margaux a résilié unilatéralement et de fait le contrat de construction en janvier 2014 et donné acte aux parties de ce qu'elles considèrent le contrat de construction comme résolu, fixé la date de résolution au 28 mai 2015 et dit que la faute en incombait au constructeur,

- Dit que la société Capelli avait manqué à ses obligations nées du contrat de vente du terrain à construire et que la société Margaux pouvait se prévaloir de cette faute,

- Dit qu'au vu des fautes respectives de la société Margaux et de la société Capelli, le préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage devait être supporté entre elles par moitié, hors le coût du déplacement de la canalisation qui doit rester à la charge exclusive du vendeur du terrain ;

- Condamné la société Margaux à payer à Mme [F] et M. [E] au titre du préjudice lié à la résolution du contrat de construction :

- La somme de 18 574 euros au titre du surcoût de la nouvelle construction à réaliser, en ce compris le coût du déplacement de la canalisation pour un montant de 8 574 euros,

- La somme de 45 000 euros au titre de la privation de jouissance de la maison à édifier,

- La somme de 7 000 euros au titre du préjudice complémentaire,

- Débouté Mme [F] et M. [E] du surplus de leurs demandes,

- Condamné la société Capelli à garantir la société Margaux des effets de la présente décision en totalité pour la somme de 8 574 euros et à hauteur de la moitié pour toutes les autres condamnations, y compris les frais irrépétibles de procédure et les dépens,

- Condamné la société Margaux à payer à Mme [F] et M. [E] la somme de 4 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté les demandes des autres parties,

- Condamné la société Margaux aux dépens à l'égard de Mme [F] et M. [E], en ce compris les frais de référé et d'expertise, avec garantie de la société Capelli pour moitié,

- Condamné la société Capelli, à hauteur de moitié, aux dépens relatifs à sa mise en cause, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au visa principalement des motifs suivants :

* La canalisation litigieuse est tout au plus une charge grevant le terrain et il est impossible de trancher sur la réalité ou non de la servitude en l'absence de la présence des bénéficiaires de la canalisation dans la procédure ;

* Le contrat de construction étant un marché à forfait, les aléas liés au contenu du sol incombaient au constructeur, lequel peut exercer un recours contre le lotisseur pour le coût des travaux supplémentaires ;

* La société Margaux qui a procédé de façon fautive à la résolution du contrat doit donc indemniser le maître de l'ouvrage du préjudice subi.

Par déclaration au greffe du 3 décembre 2020, la société Margaux a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'elle a dit que l'instance s'est poursuivie devant le tribunal judiciaire conformément aux dispositions légales et débouté Mme [F] et M. [E] du surplus de leurs demandes.

Par jugement du 15 décembre 2020 du tribunal de commerce de Lyon, la société Margaux a été placée en redressement judiciaire puis, par jugement du 16 novembre 2021, en liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier du 13 décembre 2021, Mme [F] et M. [E] ont assigné en intervention forcée et reprise d'instance la Selarlu Martin, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Margaux.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures en date du 20 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Margaux sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de :

A titre principal,

- Réformer le jugement dont appel,

- Juger le contrat de construction de maison individuelle caduc du fait de la caducité du permis de construire,

- Débouter Mme [F] et M. [E] de leurs demandes,

- Débouter la société Capelli, Mme [F] et M. [E] de leurs appels incidents,

- Condamner Mme [F] et M. [E] solidairement à payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- Réformer le jugement dont appel,

- Constater l'existence d'une servitude d'utilité publique,

- Constater l'impossibilité pour le constructeur d'édifier toute construction sur le terrain en l'état,

- Constater l'existence d'une force majeure empêchant l'exécution du contrat,

- Constater, en conséquence, la résiliation du contrat de construction de maison individuelle, mais non à ses torts,

- Débouter Mme [F] et M. [E] de leurs demandes,

- Débouter la société Capelli, Mme [F] et M. [E] de leurs appels incidents,

- Condamner Mme [F] et M. [E] solidairement à payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

En tout état de cause,

- Réformer le jugement dont appel,

- Rejeter toute demande de condamnation en l'absence de faute et de lien de causalité,

- Débouter la société Capelli, Mme [F] et M. [E] de leurs appels incidents,

- Condamner Mme [F] et M. [E] solidairement à payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Si la cour devait accueillir la demande de Mme [F] et M. [E],

- Juger que le manquement contractuel de la part de la société Capelli à l'égard de Mme [F] et M. [E] constitue également une faute délictuelle à son égard ;

- Débouter la société Capelli, Mme [F] et M. [E] de leurs appels incidents,

- Confirmer le jugement dont appel uniquement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Capelli,

- Le réformer pour le surplus,

- Condamner la société Capelli à la garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre,

- Condamner la société Groupe Capelli à payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la selarl Juliette Cochet Barbuat.

Au soutien de ses prétentions, la société Margaux fait valoir, en substance, que :

* Le contrat de construction de maison individuelle a été valablement formé mais a été privé d'effet en raison de la caducité du permis de construire.

* La résiliation du contrat le 28 mai 2015 est impossible en raison de sa caducité.

* Il n'est pas possible d'écarter la qualification de servitude d'utilité publique quand bien même la commune n'en aurait pas eu connaissance, compte tenu de son ancienneté manifeste,

* La présence de cette canalisation et les conséquences qui en découlent en termes de servitude constituent un obstacle à toute exécution du contrat,

* Sur le prétendu surcoût des travaux et le préjudice lié au retard, Mme [F] et M. [E] ne démontrent pas l'existence d'une faute et d'un lien de causalité,

* Le refus d'information sur la présence de cette canalisation par la société Capelli ainsi que son refus d'assumer sa responsabilité de ce chef sont bien à l'origine de la caducité du permis de construire et du contrat de construction.

Par dernières écritures du 3 mai 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [F] et M. [E] sollicitent de la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bonneville du 5 octobre 2020 en ce qu'il a :

- Dit que la présence d'une canalisation souterraine affectant leur terrain acquis de la société Capelli et devant supporter la construction à réaliser par la société Margaux ne constituait pas une servitude mais une simple charge du terrain dont la société Margaux professionnelle devait assumer la gestion,

- Dit que la présence de cette canalisation ne rendait pas impossible la réalisation de la construction et ne constituait pas un cas de force majeure,

- Dit que la faute de la résiliation incombe au constructeur,

- Dit que la société Capelli a manqué à ses obligations nées du contrat de vente du terrain à construire,

- Dit qu'au vu des fautes respectives de la société Margaux et de la société Capelli, le préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage doit être supporté entre elles par moitié, hors le coût du déplacement de la canalisation qui doit rester à la charge exclusive du vendeur du terrain,

- Réformer pour le surplus le jugement du tribunal judiciaire de Bonneville en date du 5 octobre 2020 et statuant à nouveau,

- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Margaux et de la société Capelli,

- Condamner la société Capelli à leur payer la somme de 100 432 euros au titre du surcoût des travaux de construction,

- Ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Margaux de la somme de 100 432 euros au titre du surcoût des travaux de construction,

- Condamner la société Capelli à leur payer la somme de 191 839,59 euros au titre du préjudice de retard,

- Ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Margaux de la somme de 191 839,59 euros au titre du préjudice de retard,

- Condamner la société Capelli à leur payer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts au titre de leurs préjudices complémentaires,

- Ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Margaux de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices complémentaires,

- Condamner in solidum la Selarlu Martin, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Margaux, et la société Capelli à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum la Selarlu Martin, es qualité de liquidateur judiciaire de la société Margaux, et la société Capelli aux entiers dépens comprenant ceux de l'ordonnance de référé du 28 mai 2015, les frais d'expertise judiciaire et ceux de première instance et ceux d'appel.

Au soutien de leurs prétentions, Mme [F] et M. [E] font valoir, en substance, que :

* Les demandes à l'endroit de la société Capelli ne sont pas nouvelles puisqu'elles tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance.

* L'obligation de livrer dans les délais une maison conforme aux stipulations contractuelles est une obligation de résultat pour le constructeur d'une maison individuelle.

* Les frais d'études du sol incombent au constructeur qui doit supporter le coût des travaux supplémentaires.

* La condition suspensive liée à l'obtention du permis de construire a été régulièrement levée pendant le délai de validité du contrat de construction de maison individuelle, dès lors, ce contrat a été définitivement et régulièrement formé entre les parties.

* La canalisation ne constitue ni une servitude d'utilité publique et ni un cas de force majeure.

* La société Capelli a manqué à son obligation d'information et de conseil de nature à engager sa responsabilité.

Par dernières écritures du 2 mai 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Capelli sollicite de la cour de :

- Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bonneville du 5 octobre 2020 en ce qu'il a :

- Dit qu'elle a manqué à ses obligations nées du contrat de vente du terrain à construire et que la société Margaux peut se prévaloir de cette faute,

- Dit qu'au vu des fautes respectives de la société Margaux et de la sienne, le préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage doit être supporté entre elles par moitié, hors le coût du déplacement de la canalisation qui doit rester à la charge exclusive du vendeur du terrain,

- L'a condamné à garantir la société Margaux des effets de la présente décision en totalité pour la somme de 8 574 euros et à hauteur de la moitié pour toutes les autres condamnations, y compris les frais irrépétibles de procédure et les dépens,

- Condamné la société Margaux aux dépens à l'égard de M. [E] et Mme [F], en ce compris les frais de référé et d'expertise, avec sa garantie pour moitié,

- L'a condamné, à hauteur de moitié, aux dépens relatifs à sa mise en cause, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau de,

A titre principal,

Sur l'irrecevabilité,

- Juger que la demande de M. [E] et Mme [F] tendant à la voir condamner à les indemniser d'une somme de 100 432 euros au titre du surcoût lié aux travaux, d'une somme de 153 569 euros au titre du préjudice lié au retard, d'une somme de 15 000 euros au titre des préjudices complémentaires ainsi qu'au versement de 5 000 euros au titre de l'article 700 sont nouvelles en cause d'appel,

En conséquence,

- Juger ces demandes irrecevables,

Sur le fond,

- A supposer les demandes de M. [E] et Mme [F] recevables, les juger infondées et, en conséquence, les rejeter,

- Juger qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle à l'égard de la société Margaux,

En conséquence,

- Rejeter la demande de la société Margaux, représentée par son liquidateur, la selarlu Martin, à être relevée et garantie par elle de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que la faute de la société Margaux est prépondérante dans la réalisation du préjudice subi par M. [E] et Mme [F], en conséquence,

- Rejeter la demande de garantie intégrale formulée par la société Margaux, représentée par son liquidateur judiciaire la selarl Martin,

- La condamner à relever et garantir la société Margaux de sa condamnation pour le montant maximum de 8 574 euros, correspondant au coût du dévoiement de la canalisation litigieuse,

En tout état de cause,

- Condamner la société Margaux, la selarl Martin, les consorts [E] et [F] à payer à la société Capelli la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les mêmes aux entiers frais et dépens de la présente instance et autoriser Me Lorelli, avocat, sur son affirmation de droit qu'elle en a fait l'avance, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Au soutien de ses prétentions, la société Capelli, fait valoir notamment que :

* En l'absence de lien contractuel avec la société Margaux, seule sa responsabilité délictuelle peut être engagée, sa faute ne pouvait donc se résumer à l'inexécution d'une obligation contractuelle.

* L'article 1638 du code civil n'est pas applicable à la présente espèce et à le supposer applicable, les conditions nécessaires à son application ne sont pas réunies.

* Le préjudice consécutif subi par M. [E] et Mme [F] n'est dû qu'à la faute volontaire de la société Margaux.

* Son inertie n'a pas causé d'autre préjudice que l'obligation, pour la société Margaux, de procéder au dévoiement de la canalisation à ses frais avancés.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 18 septembre 2023 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 5 décembre 2023.

Motifs et décision

A titre liminaire, il sera constaté qu'en suite du redressement puis de la liquidation judiciaire de la société Margaux, les consorts [E]/[F] justifient avoir déclaré leur créance correspondant aux sommes qu'ils réclament auprès de la Selarlu Martin, mandataire judiciaire et que suivant acte en date du 13 décembre 2021, ils ont fait assigner ce dernier, ès qualités, en intervention forcée et reprise d'instance devant la cour, de sorte que les dispositions de l'article L 622-22 du code de commerce ont été respectées.

I - Sur la recevabilité des demandes des consorts [E]/[F] dirigées à l'encontre de la société Groupe Capelli

Selon l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Mais les articles 565 et 566 précisent que : 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'

« Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'

Il est jugé que «Le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre des parties contre lesquelles l'appelant n'avait pas conclu en première instance.» (1re Civ, 18 mars 2003, n° 01-01.073; 2e Civ. 15 juin 2004, n° 02-31118 ; 2e Civ. , 12 juin 2008, n° 06-20.400, 2e Civ., 14 novembre 2013, n° 12-23.910 )

Constitue ainsi une prétention nouvelle, comme telle irrecevable, la prétention formée pour la première fois en cause d'appel à l'encontre d'une partie contre laquelle il n'avait pas été conclu devant le premier juge.

En l'espèce, devant les premiers juges, les consorts [E]/[F] n'ont formé aucune demande à l'encontre de la société Groupe Capelli, qui avait été mise en cause par la société Margaux, laquelle demandait à ce qu'elle la relève et garantisse des condamnations auxquelles elle était exposée.

Et le fait que postérieurement au jugement déféré, la société Margaux ait été déclarée en redressement puis liquidation judiciaire, ne les autorise pas pour autant, à former des demandes à l'encontre de leur vendeur de terrain et lotisseur devant la cour.

Leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Groupe Capelli seront déclarées irrecevables.

II - Sur la qualification juridique de la canalisation litigieuse

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que les premiers juges ont retenu que :

Il résulte du rapport d'expertise que la canalisation repérée est un ancien captage d'eau qui provient du versant et au-delà de la route en amont avec un débit constant et important qui constitue donc un ouvrage réalisé par la main de l'homme.

La société Egsol, lors de ses investigations (étude de sol) ayant causé des dégradations à cette dernière, le maire suivant courrier du 17 décembre 2013 a demandé que des travaux de reprises soient réalisés afin d'éviter des dommages à la propriété située en aval.

Le maire a indiqué à l'expert qu'il n'existait pas de servitude d'utilité publique de sorte que la société Margaux qui soutient le contraire pour justifier qu'elle ne pouvait poursuivre les travaux, ne procède que par affirmations.

La société Margaux ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une servitude, laquelle n'étant pas apparente ne pourrait être établie que par un titre et ne résulte nullement des énonciations du rapport de l'expert, ni du PLU.

La seule présence d'une canalisation n'implique pas en elle-même l'existence d'une servitude laquelle suppose l'existence d'une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un autre héritage, existence qui n'est nullement établie en l'espèce, ce alors même qu'à l'origine il existait une seule parcelle qui a fait l'objet d'une division en lots pour créer le lotissement.

L'acte de vente par la société Capelli ne fait aucune mention de cette servitude et vise exclusivement une autre servitude privée de tréfonds pour le passage d'une canalisation d'eaux pluviales sur la parcelle [Cadastre 10] au profit des parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 11].

En l'absence de présence à la procédure des bénéficiaires de la canalisation, et au regard des éléments dont ils disposaient, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la notion de servitude d'utilité publique ou privée pour retenir l'existence d'une charge grevant le terrain des consorts [E]/[F], étant précisé que cette canalisation bénéficie également au terrain de ces derniers puisqu'elle évite qu'un courant d'eau ne traverse la surface de leur parcelle, laquelle se situe sur une zone très pentue (près de 60%).

Le jugement, qui a rejeté les moyens invoqués de ce chef par la société Margaux, sera confirmé.

III - Sur les fautes du constructeur et la résiliation du contrat

A - Sur les fautes commises

Les conditions générales du contrat de construction précisent à l'article 1-4 que le maître de l'ouvrage doit fournir au constructeur sous son entière responsabilité tous les renseignements concernant le terrain et notamment :

« Titre de propriété, certificat d'urbanisme, plan de masse et de situation, cahier des charges et règlement du lotissement, mitoyenneté ou limites séparatives déterminées par un géomètre expert, servitudes, bornage.... »

Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, les consorts [E]/[F] ne peuvent être considérés comme ayant manqué à leurs obligations contractuelles nées du contrat de construction, en ne révélant pas la présence de cette canalisation qui ne constitue pas une servitude et dont ils ignoraient l'existence, comme d'ailleurs le lotisseur.

Dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, d'une part l'obligation de livrer dans les délais une maison conforme aux stipulations contractuelles constitue une obligation de résultat pour le constructeur, d'autre part l'article L 231-2 c) du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable aux faits, exige du constructeur la description de tous les travaux d'équipement intérieur ou extérieur indispensables à l'implantation et à l'utilisation de la maison, ce qui implique nécessairement la connaissance du sol pour prévoir les éventuels travaux d'adaptation des fondations.

Ce même article L 231-2 dispose que le prix est ferme et définitif. S'il apparaît que des fondations spéciales sont nécessaires après la signature de ce contrat, le surcoût est à la charge du constructeur. Ce dernier doit simplement le matérialiser par un avenant au contrat mais il ne peut en aucun cas demander de sommes supplémentaires.

Par ailleurs, l'article R 231-5 du CCH, dans sa version applicable aux faits de l'espèce précise que le coût du bâtiment à construire inclut notamment le coût du plan et s'il y a lieu les frais d'études du terrain pour l'implantation du bâtiment.

Si les textes n'imposent pas au constructeur de procéder systématiquement à des études de sols préalables à la signature des contrats de construction, il n'en demeure pas moins qu'il le fait alors à ses risques.

Il est bien évident qu'une étude de sols préalable aurait en l'espèce révélé le problème puisque la canalisation a été endommagée lors des investigations relatives à l'étude de sol effectuées par la société Egsol, de sorte que le litige aurait été évité.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges le processus résultant des rapports contractuels entre les parties aurait dû être le suivant :

- accord des consorts [E]/[F] pour le déplacement de la canalisation qui leur appartient, dès lors qu'il s'agit d'un accessoire de leur bien.

- établissement d'un devis par la société Margaux pour le coût des travaux, celle-ci pouvant et devant, en cas d'absence d'accord du lotisseur, le prendre en charge « pour le compte de qui il appartiendra » dès lors qu'elle n'avait pas fait réaliser d'étude de sol préalable à la signature du contrat constitutif d'un marché à forfait,

- prise en charge du coût des travaux de déplacement par la société Capelli en application de l'article 1638 du code civil (et non sur le fondement des vices cachés), dans la mesure où la Cour de cassation précise que ce texte s'applique à toutes les charges occultes du bien vendu et non pas seulement aux servitudes au sens strict.

En l'espèce, alors que la livraison aurait dû intervenir entre le 11 juillet 2014 et le 11 novembre 2014, les travaux n'ont jamais débuté malgré des mises en demeure réitérées adressées par les maîtres de l'ouvrage.

La société Margaux fait valoir qu'elle a informé les maîtres de l'ouvrage de la difficulté et de la nécessité de procéder à un repérage de la canalisation suivant courrier recommandé du 4 décembre 2013, mais force est de constater que ce courrier n'est produit par aucune des parties.

L'expert a relevé dans son rapport les éléments de fait suivants :

« D'après le plan masse du permis de construire, daté du 1er mars 2013, l'emprise de la future construction est effectivement implantée en partie sur la partie basse de la canalisation.

A la question de savoir si celle-ci empêche toute construction, nous pouvons confirmer qu'elle peut être très facilement déplacée et ne présenter aucune gêne pour la construction de la villa.

En effet, le détournement peut se réaliser en bordure du côté Ouest de la parcelle et revenir en partie aval du terrain (Nord) comme schématisé sur le plan ci-dessous.

Ce dévoiement peut s'opérer en implantant deux regards. »

Il a précisé :

« Les constatations faites sur place en présence des parties et du géologue M. [R], ont démontré que la présence de la canalisation n'entravait en aucune manière la construction de la villa.

En fait, il s'agissait simplement de la détourner pour pouvoir réaliser les travaux de terrassement.

De plus, cette intervention aurait pu se faire de façon provisoire dans un premier temps.

Il est fréquent que lors du terrassement en pleine masse, les entreprises soient confrontées à des venues d'eau (sources, drainages anciens, etc) et ce n'est pas pour autant qu'elles arrêtent le chantier mais prennent les mesures nécessaires pour capter ou détourner les arrivées d'eau.

Lors de la dernière réunion sur place, le terrassement de la construction voisine était en cours avec un talus très important ; des venues d'eau souterraines (sources ) sont survenues en partie basse et avaient déjà fait l'objet de drainages et de protections.

Du fait que la présence de cette canalisation n'était pas de nature à entraver les travaux, nous pouvons confirmer que le constructeur n'a pas su réagir à cet aléa de chantier et a, par conséquent, failli à son obligation de résultat. »

Pour l'expert, ce problème de canalisation peut être assimilé tout simplement à un fait de chantier et n'était pas de nature à entraver l'avancement des travaux.

Pour soutenir son absence de responsabilité, la société Margaux fait tout d'abord valoir l'impossibilité d'exécuter le contrat invoquant la force majeure prévue par l'article 1148 ancien du code civil qui suppose d'établir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité.

Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le problème relevé n'était ni réellement imprévisible dans une zone montagneuse nécessitant une étude de sol, ni irrésistible puisque constituant un aléa de chantier auquel il était aisé de remédier en déplaçant la canalisation même provisoirement, et dont la présence n'empêchait nullement l'exécution du contrat de construction.

La société Margaux invoque encore la caducité du contrat de construction par application de ses conditions suspensives, faute de permis de construire valable au-delà du 17 juin 2014, dans la mesure où les travaux n'avaient pas commencé.

Jusqu'à cette date il existait un permis de construire obtenu par la société Capelli le 17 juin 2011, prorogé suivant arrêté du 3 mai 2013 pour une durée d'un an à compter du 17 juin 2013 et transféré aux consorts [E]/[F] par arrêté du 18 juin 2013, le contrat de construction ayant été signé le 1er mars 2013.

Par ailleurs, il a été procédé par les consorts [E]/[F] à la levée des différentes conditions suspensives suivant acte du 11 juillet 2013, levée dont la société Margaux a accusé réception le 11 juillet 2013, s'engageant expressément à démarrer les travaux de construction et à livrer la maison dans les délais fixés au contrat, étant précisé au surplus qu'aux termes du contrat de construction, le constructeur était en charge de la constitution du dossier de permis de construire, et expressément mandaté par le maître de l'ouvrage pour l'accomplissement des démarches et formalités nécessaires pour l'obtention du permis.

Par cette levée des conditions suspensives, le contrat de construction a été définitivement et régulièrement formé entre les parties.

Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la péremption de ce permis n'est intervenue que par suite de l'absence de démarrage des travaux dans le délai requis par le code de l'urbanisme, soit avant le mois de juin 2014. et donc du fait du manquement fautif du constructeur à ses obligations, dont ce dernier n'est pas fondé à se prévaloir pour s'exonérer de sa responsabilité.

Ainsi, la caducité du contrat de construction invoquée par la société Margaux n'est qu'une conséquence et non une cause de la rupture des relations contractuelles et elle ne peut produire aucun effet sur les obligations de cette dernière d'engager les travaux avant le 17 juin 2014.

Il sera également observé qu'est produit un courrier recommandé avec accusé de réception adressé par la société Margaux à la société Capelli en date du 24 janvier 2014 concernant la prise en charge des frais engendrés par l'étude de sol, aux termes duquel le président de la société Margaux indiquait :

« Je me vois contraint de procéder à l'annulation du contrat de maison individuelle signé avec les clients M. [E] et Mme [F]. Aussi ma présence n'est pas utile au rendez-vous calé.

Vous êtes ainsi parfaitement libre de votre responsabilité concernant ce terrain vendu en votre qualité d'aménageur.

Bien entendu, j'informe les clients et ne manquerai pas de leur faire part de vos difficultés rencontrées avec le voisin, qui réclame, quant à lui, le remboursement de son terrain.

Ma décision est irrévocable. »

Les consorts [E]/[F] précisent qu'ils n'ont pas été avisés de cette décision et ont découvert ce courrier dans le cadre des productions effectuées lors de la procédure de référé et force est de constater que la société Margaux ne produit aucun justificatif de ce qu'elle aurait avisé ses clients de cette décision.

Pour autant la société Margaux, de manière paradoxale, tout en faisant valoir l'impossibilité d'effectuer les travaux, a commandé le 23 avril 2014 auprès de l'entreprise Equaterre une étude de sol concernant le terrain des consorts [E]/[F], étude en date du 30 juin 2014 qui a conclu à la nécessité de mettre en 'uvre une paroi clouée tirantée, chiffrée selon devis de la société SGC du 17 septembre 2014, à la somme de 192 040 euros HT soit 230 448 euros TTC, devis que les consorts [E]/[F] n'ont pas accepté.

B - Sur la résiliation du contrat

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que les premiers juges ont :

- Constaté que dès le mois de janvier 2014, la société Margaux avait entendu ne pas exécuter le contrat et donc de le résilier de façon unilatérale alors qu'il n'avait reçu aucun commencement d'exécution.

- Retenu que cette résiliation unilatérale fautive relevait des dispositions de l'article 1184 ancien du code civil.

- Constaté que les parties s'accordaient désormais pour considérer le contrat comme résilié et fixé la résolution à la date de l'ordonnance de référé du 28 mai 2015, puisqu'à cette date il est apparu que le constructeur ne réaliserait pas la construction et que le juge des référés ne l'a pas condamné à y procéder.

Il sera ajouté que le contrat de construction de maison individuelle est un contrat à exécution successive dont la résolution ne peut avoir d'effet que pour l'avenir. On parle alors de résiliation.

Cependant en cas de manquement grave dès le début du contrat, même à exécution successive, la résolution peut être prononcée, laquelle a alors un effet rétroactif et les parties doivent être replacées dans l'état antérieur au contrat. En l'espèce le contrat n'ayant pas été exécuté, la résolution se justifie.

IV - Sur l'indemnisation du préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage

A - Le surcoût de la construction

Les consorts [E]/[F] sollicitent la somme de 102 000 euros au titre du surcoût de la nouvelle construction.

En effet, il résulte du nouveau contrat qu'ils ont régularisé en juillet 2017 avec la société DS concept que le coût de la construction s'est élevé à un montant total de 367 032 euros dont 47 032 euros correspondant aux travaux restés à leur charge.

Or ainsi que l'ont relevé les premiers juges la comparaison des contrats et de leurs descriptifs montre des fondations, une isolation thermique plus importantes.

Les prestations sont différentes. Ainsi à titre d'exemple :

- il existe un garage avec doubles portes d'une superficie de 33, 28 m2 avec terrasse au-dessus alors que le premier contrat prévoyait un garage avec terrasse au-dessus d'une superficie de 22,10 m2 avec une seule porte.

- le premier contrat prévoyait des volets roulants en PVC alors qu'ils sont en aluminium dans le deuxième contrat.

- il était prévu une seule porte d'entrée dans le premier contrat, alors que le deuxième en prévoit deux.

Il ne s'agit donc pas d'une construction édifiée sur les mêmes bases et plans que celle prévue initialement.

Le seul surcoût justifié est le coût de la déviation de la canalisation calculé par l'expert soit la somme de 8 574 euros TTC nécessairement comprise dans la demande.

Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les consorts [E]/[F] ne peuvent se limiter sans autre explication à produire un seul élément constitué par le nouveau contrat sans produire d'éléments de comparaison expliquant la différence des coûts, étant précisé qu'ils ont manifestement fait un choix constructif différent et plus haut de gamme qui ne saurait donner lieu à indemnisation.

Ainsi seul sera pris en compte au titre du surcoût l'évolution du coût de la construction par application de l'indice BT01 entre octobre 2014 (105,1) et juillet 2017(106,3) soit une augmentation de 3 025 euros et le jugement sera infirmé en ce sens.

B - Sur le préjudice résultant du retard dans la livraison de l'immeuble

Devant la cour, les consorts [E]/[F] sollicitent la somme de 191 839,59 euros en expliquant que la livraison qui aurait dû intervenir entre le 11 juillet et le 11 novembre 2014 n'est intervenue que 81 mois plus tard le 3 septembre 2021.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la résiliation étant acquise au 28 mai 2015, les maîtres de l'ouvrage pouvaient, à compter de cette date, rechercher un autre constructeur puis faire édifier une maison, le délai de réalisation étant d'un an.

Rien ne justifie que la nouvelle construction n'ait pu être achevée qu'en septembre 2021 soit plus de six ans après le constat du refus du précédent constructeur, la procédure ne pouvant justifier un tel retard.

A cet égard, les consorts [E]/[F] ne fournissent aucune explication sur le fait qu'ils aient signé un nouveau contrat de construction le 5 juillet 2017 et qu'ils n'aient obtenu un nouveau prêt que le 30 avril 2019 date de l'offre du Crédit Agricole des Savoie soit presque deux ans plus tard, alors que le contrat de construction prévoyait une condition suspensive d'obtention d'un prêt de 351 000 CHF devant être réalisées dans les neuf mois.

Par ailleurs, doit être pris en compte le fait que durant cette période les consorts [E]/[F] ont commencé à amortir le prêt qu'ils avaient contracté pour l'acquisition du terrain.

C'est dès lors à bon droit que le tribunal a estimé que le retard imputable à la société Margaux était de deux ans et demi soit 6 mois de novembre 2014 à mai 2015, un an pour la mise en place d'un nouveau projet et un an pour sa réalisation.

Devant la cour, les consorts [E]/[F] produisent une estimation de la valeur locative de leur maison par l'agence Faucigny immobilier qui précise que le loyer mensuel est compris entre 1 800 et 2 000 euros hors charges.

Sur la base de 1 800 euros mensuels, il sera alloué à ces derniers la somme de 54 000 euros et le jugement sera infirmé en ce sens.

C- Sur le préjudice complémentaire

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il n'est pas contestable que la situation décrite a été pour les consorts [E]/[F] source de multiples frais et faux-frais y compris financiers, ainsi que de tracasseries alors que le constructeur n'a pas fait preuve de clarté dans sa position, préjudice qui a été estimé à juste titre à la somme de 7 000 euros.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

V - Sur l'action en garantie de la société Margaux à l'encontre de la société Capelli sur un fondement délictuel.

A - Sur les obligations dont la société Capelli était tenue à l'égard des consorts [E]/[F]

Contrairement à ce que soutient la société Capelli, l'article 1638 du code civil est bien applicable en l'espèce (3e Civ., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-18.924 ; 3e Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 11-28.783) car bien que ce texte ne vise expressément que les servitudes, la garantie s'étend en réalité à toute charge, dès lors qu'elle diminue l'usage de la chose.

Le champ d'application de l'obligation d'information résulte, en effet, des dispositions combinées des articles 1626 et 1638.

L'article 1626 pose un principe général en disposant que le vendeur doit garantir l'acheteur « des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente » et l'article 1638 n'est qu'une application, aux servitudes non apparentes, du droit commun de la garantie de l'article 1626.

En conséquence, la jurisprudence applique l'article 1638 à toutes les charges à caractère réel ou personnel, la charge pouvant se définir comme un droit dont un titulaire est titulaire sur la chose ou en rapport avec elle, et qui est de nature à diminuer la valeur du droit de propriété acquis par l'acheteur.

La charge non déclarée prenant sa source dans un droit appartenant à un tiers et non dans un défaut de la chose elle-même, elle ne relève pas de la garantie des vices cachés.

L'une des particularités du régime lié à l'article 1638 est que le vendeur est censé connaître les charges qui affectent la propriété cédée. Autrement dit, le vendeur est tenu de la garantie consécutive alors même qu'il n'a pas effectivement connu la charge et qu'il est de bonne foi (  Cass. 3e civ., 21 janv. 2015, n° 13-24.831 : le vendeur, même de bonne foi, doit garantir l'acquéreur, qui n'est pas tenu de se renseigner à cet égard, de toute éviction en cas de servitudes non apparentes)

Si le vendeur a faussement affirmé dans l'acte de vente qu'il n'a constitué sur le fonds aucune servitude et qu'il n'en n'existe pas à sa connaissance, il a commis une faute contractuelle dont il doit réparation.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la société Groupe Capelli devait en application de ces dispositions, informer ses acquéreurs de l'existence de charges occultes qu'elle était présumée connaître en qualité de professionnel, et à défaut, puisqu'elle l'ignorait, prendre en charge la gestion du déplacement de la canalisation et son coût chiffré par l'expert à la somme de 8 574 euros.

B - Sur l'action en garantie de la société Margaux sur un fondement délictuel

Il est jugé au visa des articles 1382, devenu 1240, et 1165 ancien du code civil, que le principe selon lequel le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass Plén, 6 octobre 2006 n°05-13.255) ne s'applique pas aux motifs tirés du seul manquement à une obligation contractuelle de résultat de livrer un ouvrage conforme et exempt de vices, ces derniers étant impropres à caractériser une faute délictuelle (3è Civ, 18 mai 2017, n°16-11-203).

Si la faute délictuelle est assimilée à la faute contractuelle, encore faut-il établir sa matérialité et son lien de causalité avec le dommage invoqué.

En l'espèce, c'est par une motivation pertinente que la cour fait sienne que les premiers juges ont retenu que :

- Il résultait du courrier précité adressé par la société Margaux à la société Capelli en janvier 2014, que cette dernière a été informée du problème à cette date (et sans doute antérieurement).

- En application des dispositions de l'article 1638 du code civil, il lui appartenait de prendre en charge outre l'aspect gestion de la difficulté, celui du coût des travaux de déplacement de ce que le tribunal a qualifié de charge grevant le terrain vendu.

- La société Capelli ne justifie d'aucune diligence effectuée pour gérer et prendre en charge le problème posé de sorte qu'il en est résulté une paralysie du processus de construction.

Si la faute délictuelle à l'égard du constructeur ne peut résulter du seul manquement à son obligation de résultat (obligation de délivrance), il n'en demeure pas moins que la société Capelli qui est présumée connaître l'état de la chose vendue en qualité de lotisseur professionnel tenu de vérifier son caractère constructible, n'en a pas fait part aux autres parties mais surtout n'a pas assumé ses obligations contractuelles nées de la découverte de la canalisation.

Elle a ainsi commis la faute qui lui est reprochée dans le cadre du recours en garantie et contrairement à ce qu'elle soutient, cette faute se trouve en relation directe avec la situation actuelle des consorts [E]/[F] puisqu'à défaut, la paralysie du chantier n'aurait pas existé, en tous cas pas dans les mêmes termes.

Il apparaît qu'en réalité les deux professionnels se sont rejetés la responsabilité de la charge en cause, laissant les maîtres de l'ouvrage à leur sort, ce qui a provoqué la situation actuelle.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que si le constructeur, seul mis en cause à titre principal, répondait de celle-ci à l'égard du maître de l'ouvrage, son action en garantie devait être admise à hauteur de moitié, au regard des fautes respectives, sauf pour le coût du déplacement de la canalisation qui incombe au seul lotisseur.

C'est également à juste titre que les premiers juges ont écarté l'existence d'une faute dolosive commise par le constructeur et invoquée par la société Capelli, résultant de sa volonté de se soustraire à des fondations spéciales liées à l'étude de sol, alors que cette étude a été réalisée en juin 2014 et que dès janvier 2014, le constructeur avait fait part de sa volonté de résilier le contrat du fait de la présence de la canalisation.

VI - Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [E]/[F]

La créance de dépens et de frais irrépétibles prend naissance dans le jugement qui la fixe, mais le fait que ce jugement soit postérieur à l'ouverture de la procédure collective n'est pas suffisant : la juridiction ne peut prononcer une condamnation de ces chefs que si les conditions prévues à l'article L. 622-17 du code de commerce sont réunies.

Pour relever du traitement préférentiel prévu à cet article, une créance de frais irrépétibles doit non seulement être postérieure au jugement d'ouverture du débiteur, mais aussi respecter les autres critères fixés par ce texte, c'est-à-dire être utile au déroulement de la procédure collective ou être due par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture.

Tel n'est pas le cas en l'espèce de sorte que l'indemnité procédurale et les dépens seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Margaux.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

Déclare irrecevables les demandes de M. [E] et Mme [F] dirigées en cause d'appel contre la société Groupe Capelli,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles concernant les condamnations prononcées à l'encontre de la société Maisons Margaux au titre du préjudice lié à la résolution du contrat de construction,

L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Margaux la créance indemnitaire de M. [E] et Mme [F] à la somme de 72 599 euros se décomposant ainsi :

- la somme de 11 599 euros au titre du surcoût de la nouvelle construction réalisée en ce compris le coût du déplacement de la canalisation pour un montant de 8 574 euros,

- la somme de 54 000 euros au titre de la privation de jouissance de la maison,

- la somme de 7 000 euros au titre du préjudice complémentaire,

Y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Margaux les dépens exposés devant la cour,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Margaux l'indemnité procédurale due à M. [E] et Mme [F] devant la cour, soit la somme de 4 000 euros.

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 12 mars 2024

à

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

Me Christian FORQUIN

la SELARL CABINET ALCALEX

Copie exécutoire délivrée le 12 mars 2024

à

Me Christian FORQUIN

la SELARL CABINET ALCALEX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01454
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;20.01454 ?
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