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07/03/2024 | FRANCE | N°22/00115

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 07 mars 2024, 22/00115


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 07 Mars 2024





N° RG 22/00115 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4TF



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 16 Décembre 2021, RG 19/00736



Appelante et intimée



CAUTIONNEMENT MUTUEL HABITAT association coopérative à responsabilité limitée dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me

Corine BIGRE de la SELAS AGIS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS



Appelante et Intimée



S.C.I. LES TEMPLIERS dont le siège social est sis [Adresse 8] prise en la...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 07 Mars 2024

N° RG 22/00115 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4TF

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 16 Décembre 2021, RG 19/00736

Appelante et intimée

CAUTIONNEMENT MUTUEL HABITAT association coopérative à responsabilité limitée dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Corine BIGRE de la SELAS AGIS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Appelante et Intimée

S.C.I. LES TEMPLIERS dont le siège social est sis [Adresse 8] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Agnès UNAL, avocat au barreau d'ANNECY

Intimés

M. [Z] [H]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 7]

et

Mme [P] [R] épouse [H]

née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 7],

demeurant ensemble [Adresse 6]

Représentés par Me Agnès UNAL, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 12 décembre 2023 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseillère, Secrétaire Générale,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 13 février 2015, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 7] Ducs de Savoie (le Crédit Mutuel) a consenti à la SCI Les Templiers un prêt immobilier d'un montant de 82 036,00 euros, remboursable en 180 mois au taux d'intérêt nominal fixe de 2,20 %. Ce prêt est destiné à la réalisation de travaux dans un bien immobilier appartenant à la SCI Les Templiers.

Ce prêt est garanti par le Cautionnement Mutuel Habitat (CMH), association coopérative à responsabilité limitée, ainsi que par l'engagement de caution solidaire de M. [Z] [H] et Mme [P] [R], épouse [H], dans la limite de 98 443,20 euros.

A la suite d'échéances impayées, le Crédit Mutuel a prononcé la déchéance du terme du prêt par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 novembre 2018, mettant en demeure la débitrice d'avoir à payer la somme de 66 394,13 euros.

Le CMH a payé au Crédit Mutuel la somme de 63 594,98 euros en exécution de sa garantie le 10 janvier 2019.

C'est dans ces conditions que, par actes délivrés les 20 et 25 mars 2019, le CMH a fait assigner la SCI Les Templiers et M. et Mme [H] devant le tribunal de grande instance de Chambéry pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 63 594,98 euros, outre intérêts au taux de 2,20 % l'an à compter du 10 janvier 2019.

La SCI Les Templiers et les époux [H] ont comparu et ont élevé diverses contestations relatives notamment à la régularité de la déchéance du terme du prêt, à la validité des engagements de caution et à leur disproportion.

Par jugement contradictoire rendu le 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

constaté la production des pièces suivantes :

- le courrier du 12 février 2020 portant sur la transmission de l'original du contrat de prêt immobilier du 13 février 2015 (pièce 15 CMH),

- les polices d'assurance de l'assurance groupe de la Caisse de Crédit Mutuel (pièce 17 CMH),

- de la notice d'information prévue à l'article L. 312-9 du code de la consommation (pièce 17 CMH),

par conséquent, dit n'y avoir lieu de statuer sur la sommation de communiquer des pièces sus-citées,

déclaré recevable la demande formulée par le CMH,

constaté la validité de l'acte de caution consenti par acte sous seing privé du 13 février 2015 par M. et Mme [H],

dit que l'engagement de caution souscrit par M. et Mme [H] est disproportionné,

débouté le CMH de sa demande en paiement formée à l'encontre de M. et Mme [H],

condamné la SCI Les Templiers à payer au CMH la somme de 63 594,98 euros outre intérêts au taux de 2,20 % l'an à compter du 10 janvier 2019, au titre du contrat de prêt immobilier n° 102780889200021283802,

condamné la SCI Les Templiers à payer au CMH la somme totale de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

condamné la SCI Les Templiers au paiement des entiers dépens de l'instance,

rejeté le surplus des demandes,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 21 janvier 2022, le CMH a interjeté appel de ce jugement en intimant M. et Mme [H] seuls, appel limité aux dispositions du jugement ayant déclaré leur engagement de caution disproportionné et rejeté la demande en paiement formée à leur encontre. Cette affaire a été enrôlée sous le n° RG 22/00115.

Par déclaration du 28 février 2022, la SCI Les Templiers a interjeté appel du même jugement en intimant le CMH, appel limité aux dispositions du jugement ayant déclaré recevable la demande de l'association CMH et ayant condamné la SCI Les Templiers au paiement des sommes de 63 594,98 euros au titre du prêt, et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens. Cette affaire a été enrôlée sous le n° RG 22/00347.

Les deux affaires ont été jointes le 8 décembre 2022.

Par conclusions d'appelant n° 3 notifiées le 24 octobre 2022 (RG 22/00115) et par conclusions d'intimé notifiées le 7 juillet 2022 (RG 22/00347), auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, le Cautionnement Mutuel Habitat demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'ancien article 1134 et les articles 2288 et suivants du code civil,

Vu l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation,

Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

confirmer le jugement déféré en ses dispositions concernant la SCI Les Templiers, et la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

infirmer le jugement déféré, mais seulement en ce qu'il a jugé que les cautionnements des époux [H] étaient disproportionnés à leurs biens et revenus et a débouté le CMH de ses demandes formées à leur encontre,

Et, statuant à nouveau,

déclarer recevable et bien fondée la demande du CMH,

condamner solidairement M. et Mme [H] à lui payer la somme de 63 594,98 euros outre intérêts au taux de 2,20 % l'an à compter du 10 janvier 2019,

condamner in solidum M. et Mme [H] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les mêmes aux entiers dépens.

Par conclusions d'appelant notifiées le 30 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI Les Templiers demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1325, 1326, 1346-4, 2288, 2290 et 2293 alinéa 2 du code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 341-2, L. 313-10 du code de la consommation,

Vu les dispositions de l'article 1147 du code civil,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI Les Templiers à payer à l'association CMH la somme de 63 594,98 euros outre intérêts au taux de 2,20 % l'an à compter du 10 janvier 2019, au titre du contrat de prêt immobilier ainsi qu'à la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance,

ordonner la jonction entre les affaires enrôlées sous les numéros 22/00115 (appel CMH du 21 janvier 2022 - RG : 22/00115) et 22/00347 (appel SCI Les Templiers du 28 février 2022 - RG : 22/00347),

Statuant à nouveau,

débouter le CMH de ses demandes formulées à l'encontre de la SCI Les Templiers, après avoir constaté que la déchéance du terme prononcée par le Crédit Mutuel le 19 novembre 2018 a été invoquée non seulement de mauvaise foi mais également sans mise en demeure préalable,

en conséquence débouter le CMH de l'intégralité de ses demandes et notamment de ses demandes de condamnations au titre des sommes qui ne sont pas encore échues.

condamner le CMH à déduire les intérêts et frais versés à tort du montant total des mensualités impayées exigibles,

à titre subsidiaire, débouter le CMH de sa demande de condamnation au titre des intérêts au taux légal de 2,20 %,

condamner le CMH subrogé dans les droits du Crédit Mutuel à verser à la SCI Les Templiers et M. et Mme [Z] [H] la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le CMH aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Agnès Unal, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 7 juillet 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. et Mme [H] demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu les dispositions des articles 2288, 2290 et 2293 alinéa 2 du code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 341-2, L. 313-10 du code de la consommation,

Vu les dispositions de l'article 1147 du code civil,

débouter le CMH des fins de son appel dirigé à l'encontre de M. et Mme [H],

confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit que l'engagement de caution souscrit par M. et Mme [H] est disproportionné et a débouté le CMH de sa demande en paiement à leur encontre,

Pour le surplus,

recevoir M. [H] [Z] et Mme [H] née [R] [P] en leur appel incident et le déclarer fondé,

En conséquence,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la demande formulée par l'association CMH et a constaté la validité de l'acte de caution consenti par acte sous seing privé du 13 février 2015 par Mme et M. [Z] [H],

Statuant à nouveau,

prononcer la nullité de l'acte de caution de M. et Mme [Z] [H] au regard des dispositions tant de l'article L. 341-2 du code de la consommation, que de l'article 2290 du code civil,

dire et juger que l'acte de caution de M. et Mme [Z] [H] est nul au regard des dispositions du vice de consentement (article 1110 du code civil),

à titre subsidiaire, dire et juger que le Crédit Mutuel n'a pas satisfait à son obligation annuelle d'information, et prononcer en conséquence la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités, en application des dispositions de l'article 2293 alinéa 2 du code civil,

condamner le CMH subrogé dans les droits du Crédit Mutuel à verser à M. et Mme [Z] [H] la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le CMH aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Agnès Unal, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée à la date du 9 octobre 2023 et renvoyée à l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 7 mars 2024.

MOTIFS ET DÉCISION

Observations liminaires 

La jonction des deux appels ayant déjà été prononcée, il n'y a pas lieu de l'ordonner à nouveau.

M. et Mme [H] demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré les demandes du CMH recevables, sans toutefois invoquer de fin de non-recevoir, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce point.

Sur l'appel de la SCI Les Templiers 

' sur la déchéance du terme :

La SCI Les Templiers soutient que la déchéance du terme a été prononcée de mauvaise foi par la banque, qui ne l'a pas faite précéder d'une mise en demeure, de sorte que le prêt ne serait pas devenu exigible, autrement que pour les mensualités échues.

Le CMH soutient que la résiliation du contrat de prêt a été prononcée par le prêteur conformément aux stipulations contractuelles.

Le tribunal n'a pas répondu sur ce point.

Le contrat de prêt litigieux stipule (pièce n° 1 du CMH), dans son article 16 « exigibilité immédiate », que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par écrit.

- si l'emprunteur est en retard de plus de 30 jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt ; [...]

Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. »

Il résulte des pièces produites aux débats que le Crédit Mutuel a adressé à la SCI Les Templiers, ainsi qu'à M. et Mme [H], en leur qualité de cautions, des courriers recommandés le 13 mars 2018, doublés de lettres simples, leur demandant de régulariser les échéances impayées de février et mars 2018 (en réalité janvier et février 2018 selon le décompte joint) pour un montant total de 1 124,24 euros (pièces n° 5, 6 et 7 du CMH). Le courrier adressé à la SCI Les Templiers précise que « à défaut, nous nous verrions contraints de prendre à votre encontre les mesures qui s'imposent ».

Puis, par courrier recommandé du 19 novembre 2018 (pièce n° 8 CMH), que la SCI Les Templiers ne conteste pas avoir reçu, le Crédit Mutuel a notifié à l'emprunteur la résiliation du contrat en raison de la persistance d'échéances impayées et s'est prévalue de l'exigibilité immédiate des sommes restant dues, mettant la SCI Les Templiers en demeure de lui payer la somme totale de 66 394,13 euros avant le 30 novembre 2018, faute de quoi une procédure judiciaire pourrait être engagée à son encontre.

Ainsi, la déchéance du terme a été prononcée conformément aux stipulations contractuelles précitées, sans que la SCI Les Templiers puisse se prévaloir d'une quelconque irrégularité tenant à l'absence de mise en demeure préalable, qu'elle ne fonde d'ailleurs pas en droit.

La SCI Les Templiers soutient que la clôture unilatérale du compte bancaire de M. [H] par le Crédit Mutuel le 15 juin 2017, sans motif légitime, ainsi que le blocage d'une somme de 45 000 euros, ont interdit la poursuite du remboursement du prêt immobilier, de sorte que la déchéance du terme aurait été prononcée de mauvaise foi.

Toutefois, la cour note que le remboursement du prêt était effectué par prélèvement sur un compte n° [XXXXXXXXXX01] (pièce n° 5 du CMH), tandis que le compte personnel de M. [H], objet du courrier de résiliation de la convention de compte courant en date du 15 juin 2017 (pièce n° 1 de la SCI Les Templiers) porte le n° [XXXXXXXXXX02].

Par ailleurs, il n'est aucunement justifié du prétendu blocage d'une somme de 45 000 euros par la banque au préjudice de M. [H].

Aussi la SCI Les Templiers ne rapporte pas la preuve de ce que la clôture du compte personnel de M. [H] aurait eu pour effet d'interdire la poursuite du remboursement du prêt. La mauvaise foi alléguée du prêteur n'est donc pas établie et la déchéance du terme a été valablement prononcée le 19 novembre 2018.

' sur l'assurance emprunteur :

La SCI Les Templiers soutient que le CMH ne rapporte pas la preuve de la remise à l'emprunteur de la notice d'assurance prévue par l'article L. 312-9 du code de la consommation.

Toutefois, la cour ne peut que constater que la SCI Les Templiers ne tire aucune conséquence de ce défaut allégué, étant ajouté que le CMH produit en tout état de cause en pièce n° 16 le dossier complet de souscription d'assurance emprunteur contenant tous les documents exigés par la loi, et notamment la notice d'information paraphée et signée par M. [H] (gérant de la SCI) qui a reconnu en avoir pris connaissance et en avoir conservé un exemplaire.

La contestation émise par la SCI Les Templiers est donc sans fondement.

' sur les intérêts contractuels :

La SCI Les Templiers soutient que le CMH ne peut pas prétendre aux intérêts contractuels sur le montant dû au titre du prêt.

Le CMH soutient qu'une clause du contrat prévoit qu'il reste au bénéfice des intérêts contractuels et invoque les dispositions de l'article 1346-4 du code civil.

Toutefois, la cour entend rappeler que le contrat de prêt litigieux a été souscrit le 13 février 2015, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de sorte que seuls sont applicables les articles du code civil dans leur rédaction antérieure, et le CMH ne peut invoquer les dispositions de l'article 1346-4 du code civil.

Les conditions et les effets de la subrogation conventionnelle sont prévus par les articles 1249 et suivants anciens du code civil, et notamment par l'article 1250 qui prévoit que la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions et privilèges ou hypothèques contre le débiteur, elle doit être expresse et faite en même temps que le paiement.

Il est de jurisprudence constante que la subrogation est à la mesure du paiement, de sorte que le subrogé ne peut prétendre qu'aux intérêts produits au taux légal par la dette qu'il a acquittée, lesquels courent de plein droit à compter de son paiement.

En l'espèce, l'adhésion par la SCI Les Templiers au cautionnement mutuel de l'habitat (pièce n° 3 CMH) stipule, dans la clause intitulée « mise en jeu de la caution » que, « dans l'éventualité où l'organisme prêteur, en raison du non-respect des obligations découlant du contrat de prêt, serait amené à appeler le CMH en garantie et à lui demander de se substituer à moi (nous) dans le remboursement du prêt, et ceci dans quelque proportion que ce soit, je (nous) prends (prenons) l'engagement de rembourser au CMH les sommes avancées pour mon (notre) compte, avec leurs intérêts calculés prorata temporis au taux conventionnel prévu pour les intérêts de retard dans le contrat de prêt, ainsi que les frais qui lui seraient occasionnés par son intervention, sans qu'il soit besoin de mise en demeure préalable de payer ».

Cette formulation ambiguë ne permet pas de retenir que l'emprunteur a expressément convenu avec la caution de ce que les sommes payées par cette dernière au prêteur porteraient intérêts au taux conventionnel au profit de la caution subrogée, mais seulement que la subrogation porte également sur les intérêts conventionnels déjà courus au jour du paiement.

Aussi, le jugement ne peut qu'être réformé en ce qu'il a assorti la condamnation prononcée à l'égard de la SCI Les Templiers des intérêts au taux conventionnel à compter du 10 janvier 2019, et seul le taux légal sera appliqué.

' sur le montant dû :

Pour le surplus, la SCI Les Templiers ne conteste pas le montant de la créance réclamée par le CMH qui justifie de sa subrogation par la demande en paiement qui lui a été adressée par la banque le 4 décembre 2018, l'avis d'opéré du 10 janvier 2019 attestant du règlement de la somme de 63 594,98 euros au profit du Crédit Mutuel et la quittance subrogative établie pour ce montant à la même date (pièces n° 9, 10 et 11 CMH).

Le CMH a adressé à la SCI Les Templiers et aux époux [H] des courriers recommandés datés du 10 janvier 2019 les mettant en demeure de payer la somme de 63 594,98 euros (pièces n° 12, 13 et 14).

La SCI Les Templiers sera donc condamnée à payer au CMH cette somme outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2019.

Sur l'appel du CMH et l'appel incident des cautions 

' sur la validité des engagements de caution :

M. et Mme [H] soutiennent que leurs engagements de caution sont nuls en ce qu'ils portent sur une somme de 98 443,20 euros, très supérieure au montant du prêt de 86 036 euros, en se fondant sur les dispositions de l'article 2290 du code civil.

Le CMH soutient qu'aucune nullité n'est encourue, le cautionnement incluant le principal du prêt, mais également les intérêts, frais et pénalités de retard.

En application de l'article 2290 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable en l'espèce, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses. Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses n'est point nul ; il est seulement réductible à la mesure de l'obligation principale.

En l'espèce, M. et Mme [H] se sont portés cautions solidaires de la SCI Les Templiers dans la limite de la somme de 98 443,20 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 204 mois, en garantie sur remboursement du prêt du 13 février 2015 (pièce n° 1 du CMH).

Ce montant inclut donc les accessoires éventuels de la créance du prêteur, qui s'ajoutent au principal garanti, et alors que le coût du prêt est, selon l'article 4.1.2 du contrat, de 21 527,93 euros, s'ajoutant au capital emprunté de 82 036 euros. Ainsi, le montant de l'engagement des cautions n'excède pas ce qui est dû par le débiteur.

En tout état de cause, aucune nullité des engagements de caution n'est encourue conformément aux dispositions de l'article 2290 du code civil précité. Les cautions ne sont d'ailleurs pas poursuivies pour un montant supérieur à ce qui est dû par la SCI Les Templiers.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la validité des engagements de caution.

' sur la disproportion des engagements de caution :

Le CMH fait grief au jugement déféré d'avoir jugé les engagements de caution disproportionnés aux biens et revenus des époux [H], en inversant la charge de la preuve et en excluant la valeur des parts des SCI du patrimoine des cautions. Il soutient que la disproportion n'est pas démontrée et qu'il est donc bien fondé à se prévaloir des engagements.

M. et Mme [H] soutiennent que leurs engagements sont manifestement disproportionnés, le taux d'endettement de M. [H] étant très élevé au jour de leur souscription, la banque n'ayant pas pris la peine de vérifier le montant des encours de prêts.

Conformément aux articles 2288 et suivants du même code, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicables en l'espèce, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même. Le cautionnement ne se présume point. Il doit être exprès et on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

L'article L. 341-4 du code de la consommation, en vigueur au jour de la signature de l'acte de caution litigieux (devenu l'article L. 332-1), dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Ainsi, ce texte n'impose pas au prêteur de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus

Pour apprécier la disproportion, il convient de prendre en considération la situation patrimoniale de la caution dans sa globalité. Sont donc non seulement pris en compte les revenus et les biens propres de la caution mais également tous les éléments du patrimoine susceptibles d'être saisis. Viennent en déduction des actifs ainsi identifiés l'ensemble des prêts et des engagements souscrits par la caution à l'exception de ceux qui auraient été pris postérieurement à la souscription de la garantie litigieuse.

En l'espèce, le CMH produit, au soutient de ses prétentions, la fiche de patrimoine renseignée par les époux [H] le 14 janvier 2015 (pièce n° 17) aux termes de laquelle ils ont déclaré 39 000 euros de revenus annuels immobiliers, un seul crédit en cours d'un montant mensuel de 400 euros, et un patrimoine constitué des parts de trois SCI pour une valeur globale de 1 610 000 euros.

Cette fiche patrimoniale présente des anomalies apparentes en ce qu'une mention ambiguë figure dans la déclaration du patrimoine immobilier pour lequel il est indiqué un passif résiduel « idem » à la valeur des parts des SCI, alors que les dates d'acquisition sont anciennes (1985, 1987 et 1991).

Toutefois, il doit être tenu compte des éléments spontanément déclarés par les cautions, sauf à ce que les époux [H] admettent avoir donné de fausses informations, auquel cas leur mauvaise foi pourrait leur être opposée.

Or ils ont déclaré être détenteurs de parts de trois SCI pour une valeur très importante (très supérieure au montant garanti), dont ils ne remettent pas en cause l'existence. Il leur appartient de rapporter la preuve que la valeur nette de ce patrimoine était insuffisante au regard de l'engagement souscrit.

Force est de constater que les époux [H] ne produisent aucun élément de nature à justifier de quelque manière que ce soit leur situation patrimoniale en janvier 2015. Ils se contentent en effet de produire leur avis d'imposition 2015, sur les revenus 2014, duquel il ressort qu'ils ont perçu des revenus de 16 558 euros (salaires et pensions), auxquels il convient d'ajouter des revenus fonciers nets de 31 850 euros, soit un revenu annuel de 48 408 euros, ou mensuel moyen pour le couple de 4 034 euros (pièce n° 2).

A cet égard le tribunal ne peut être suivi en ce qu'il a considéré que les biens déclarés ne seraient pas la propriété des époux [H] mais des sociétés qu'ils ont constitués, alors que le patrimoine déclaré consiste bien en la valeur des parts des SCI, propriété des cautions, laquelle dépend de la valeur du patrimoine immobilier détenu par ces sociétés. Les valeurs déclarées doivent donc être prises en compte.

En conséquence, c'est à tort que le premier juge a retenu que les engagements de caution sont manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, alors que les époux [H] n'en rapportent pas la preuve.

Dès lors que la disproportion n'est pas établie au jour de l'engagement, il n'y a pas lieu de vérifier la situation patrimoniale des cautions au jour où elles sont appelées.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté le CMH de sa demande en paiement à leur encontre sur le fondement de la disproportion.

' Sur l'obligation d'information de la banque :

Les époux [H] invoquent un manquement de la banque à son obligation d'information quant à la portée de leurs engagements.

Toutefois, leurs explications confuses mélangent des causes de nullité (vice du consentement dont on ignore le fondement), mais aussi des causes de responsabilité de la banque (manquements à ses obligations d'information et devoir de mise en garde).

Force est de constater qu'ils ne tirent de leurs allégations aucune conséquence de droit, étant souligné qu'ils ont déclaré être détenteurs de parts de plusieurs SCI, constituées de longue date, et que M. [H] a déclaré être gérant de sociétés, de sorte qu'ils sont manifestement des cautions averties à l'égard desquelles la banque n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde.

Concernant l'obligation d'information, c'est à juste titre que le CMH souligne que le contrat de prêt qu'ils ont tous les deux signé et paraphé, contient un article 8.2 décrivant précisément la portée de leurs engagements de caution.

Ainsi, les contestations émises par les cautions ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur obligation au paiement.

' sur l'information annuelle des cautions :

M. et Mme [H] soutiennent que la banque n'a pas respecté son obligation d'information annuelle des cautions, de sorte que le CMH devrait être déchu de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

En application de l'article L. 313-22 code monétaire et financier, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement.

Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

L'article L. 341-1 du code de la consommation (en vigueur au jour du contrat) dispose que, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Il est de jurisprudence constante que l'information requise peut être délivrée par lettre simple, à charge pour le prêteur de rapporter la preuve de l'envoi effectif de ces courriers.

En l'espèce, le CMH produit aux débats les courriers d'information annuelle des cautions adressés aux époux [H] pour les années 2016 à 2019 incluse (pièce n° 19). L'envoi effectif de ces courriers est attesté par la production de procès-verbaux de constat établis par huissier les 8 mars 2016, 14 mars 2017 et 13 mars 2018 (pièces n° 20 à 22) décrivant l'édition et la mise sous plis des informations annuelles des cautions. Ces éléments suffisent à prouver l'envoi effectif de l'information annuelle due aux cautions pour ces trois années.

Concernant l'année 2019, le CMH fait valoir à juste titre que le paiement subrogatoire est intervenu le 10 janvier 2019, soit avant l'échéance du 31 mars pour délivrer l'information annuelle aux cautions, information à laquelle il n'est lui-même pas tenu.

Dès lors, aucune sanction de déchéance du droit aux intérêts ou pénalités de retard n'est encourue.

Il résulte de ce qui précède que M. et Mme [H] sont tenus, en leur qualité de cautions solidaires, au paiement de la somme due par la SCI Les Templiers, pour le même montant que ci-dessus rappelé et ils seront condamnés solidairement avec elle, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2019, date de la mise en demeure.

Sur les demandes accessoires 

Il serait inéquitable de laisser à la charge du CMH la totalité des frais exposés en première instance et en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- la SCI Les Templiers à lui payer la somme de 2 500 euros,

- M. et Mme [H] à lui payer la somme de 2 500 euros.

La SCI Les Templiers et M. et Mme [H] supporteront in solidum les entiers dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 16 décembre 2021, mais statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension de la décision,

Déclare recevable la demande en paiement du Cautionnement Mutuel Habitat,

Dit que la déchéance du terme du prêt consenti par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 7] Ducs de Savoie à la SCI Les Templiers le 13 février 2015 a été valablement prononcée le 19 novembre 2018,

Dit que l'engagement de caution solidaire consenti par M. [Z] [H] et Mme [P] [R], épouse [H], le 13 février 2015 est valable et n'est pas manifestement disproportionné à leurs biens et revenus,

Condamne solidairement la SCI Les Templiers, M. [Z] [H] et Mme [P] [R], épouse [H], à payer au Cautionnement Mutuel Habitat la somme de 63 594,98 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2019,

Condamne la SCI Les Templiers à payer au Cautionnement Mutuel Habitat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [Z] [H] et Mme [P] [R], épouse [H], à payer au Cautionnement Mutuel Habitat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SCI Les Templiers, M. [Z] [H] et Mme [P] [R], épouse [H], aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 07 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00115
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.00115 ?
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