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12/07/2023 | FRANCE | N°23/00084

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 12 juillet 2023, 23/00084


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 12 Juillet 2023









N° RG 23/00084 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HI33





Appelants

M. [L] [K]

né le 20 Novembre 1991 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 4]

hospitalisé au CHS [6]

assisté de Me Esther MALVASO, avo

cate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Mme [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante



Mme [H] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPE...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 12 Juillet 2023

N° RG 23/00084 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HI33

Appelants

M. [L] [K]

né le 20 Novembre 1991 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 4]

hospitalisé au CHS [6]

assisté de Me Esther MALVASO, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Mme [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante

Mme [H] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE [6]

[Localité 2]

non comparant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 12 juillet 2023 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2023 après-midi,

****

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Par arrêt du 03 avril 2023, la 1ère chambre de l'instruction près la cour d'appel de Paris a dit qu'il existait des charges suffisantes contre M. [L] [K] d'avoir commis les 21 et 22 mars 2021 des faits d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration avec libération volontaire avant le 7ème jour sur une victime âgée de moins de 15 ans (son fils placé en famille d'accueil en région parisienne à qui il souhaitait ôter la vie avant son huitième anniversaire au moyen d'un couteau pour sauver sa fille), volé une camionnette appartenant à son ancien employeur, refusé d'obtempérer dans le cadre d'une course-poursuite à vive allure sur plusieurs kilomètres avec les forces de l'ordre qui tentaient de l'interpeller à hauteur de [Localité 4], au cours de laquelle il a percuté des véhicules, et d'avoir exercé des violences n'ayant pas entraîné d'ITT supérieure à 8 jours sur trois gendarmes en roulant délibérément et en man'uvrant brutalement avec son véhicule en leur direction alors qu'ils se trouvaient à proximité, les exposant directement, ainsi que d'autres piétons, à un risque de mort ou d'infirmité permanente, tout en le déclarant irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes lors de leur commission.

Au visa de l'article 706-135 du code de procédure pénale, son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète sans consentement a été décidée par ordonnance distincte du même jour. M. [L] [K] a, ainsi, été admis au centre hospitalier spécialisé [6] dès le 4 avril 2023.

Une expertise psychiatrique collégiale ordonnée par le magistrat instructeur réalisée le 6 juin 2022 par le Docteur [C] [U] et le Docteur [R] [G] concluait que M. [K] [L] présentait des troubles psychotiques évoluant depuis 2018, en l'occurrence des idées délirantes de persécution à mécanisme interprétatif centrées sur son épouse (il avait la conviction que ses enfants n'étaient pas de lui et que son entourage l'empoisonnait), l'apparition de ses troubles ayant été favorisée par une consommation importante de cannabis. L'infraction qui lui était reprochée est en relation avec ses troubles psychiatriques. Au moment des faits, il était atteint d'un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes. Ces troubles sont en relation déterminante avec les faits. M. [K] a agi sous l'emprise d'une cause interne à laquelle il n'a pu résister et qui se confond avec sa pathologie. Au moment des faits, son discernement était aboli, M [K] était en mesure de comparaître personnellement devant la chambre de l'instruction. L'état mental de M. [K] demeurait fragile et risquait de compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes. Il nécessitait une hospitalisation en milieu spécialisé en application de l'article 706- 135 du code de procédure pénale. En raison de la nature de ses idées délirantes de persécution, fondées sur des interprétations mettant en cause son entourage immédiat, il présentait un état dangereux au plan psychiatrique. Il était retenu, comme éléments favorables, la bonne réponse au traitement. Au moment de l'examen, il n'avait plus les mêmes convictions délirantes et pouvait critiquer son comportement passé. Au titre des éléments défavorables, il était relevé une appétence pour le cannabis et l'arrêt de la prise en charge après la première hospitalisation, ainsi qu'une faible motivation pour une prise en charge psychiatrique. Il relève d'une prise en charge psychiatrique régulière et prolongée.

Le certificat mensuel du 2 mai 2023, rédigé par le Docteur [X] [F], mentionne:

'M. [K] est hospitalisé dans l'unité depuis un mois suite à la décision d'irresponsabilité pénale du 6 mars 2023. Depuis M.[K] n'a présenté aucun trouble du comportement. Il est respectueux et adapté tant avec les autres patients qu'avec les professionnels de santé. Il n'y a pas de trouble de l'humeur, d'idée délirante franche, ou de velléité auto ou hétéro agressif.

Il est volontaire dans sa démarche de rétablissement et de réhabilitation psychosociale ce qui permet d'envisager un élargissement prudent de son cadre de soins. Ainsi, son état psychique est compatible avec la mise en place d'une activité sportive adaptée avec des sorties organisées par le CHS pour se rendre sur des zones d'escalade.

S'il n'y a pas de signe actuellement faisant évoquer un trouble psychotique décompensé, l'existence de plusieurs hospitalisations sur décompensation délirante pose la question du risque de rechute. Le sevrage total de toxique constitue un facteur favorable certes, mais la mise en place d'un traitement de fond serait également un facteur de protection non négligeable.

Pour le moment M. [K] est opposé à cette proposition qu'il trouve inadaptée à son état clinique actuel. La poursuite de l'évaluation permettra de déterminer si cela s'avère strictement indispensable ou non, et si non sous quelles conditions'.

Le dernier certificat mensuel figurant au dossier, émanant du Docteur [P] [B], en date du 26 mai 2023 indique : 'L'état clinique de M. [K] est toujours caractérisé par l'absence d'élément sémiologique de pathologie psychique aiguë. Néanmoins, ses antécédents psychiatriques nécessitent un traitement psychotrope de fond, traitement auquel M. [K] continue à manifester une attitude d'opposition'.

Par requêtes réceptionnées les 8 et 9 juin 2023, M. [K] [L], Mme [I] épouse [K] [H] et Mme [K] [W] ont demandé la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement.

L'avis du collège, composé de deux psychiatres et d'un représentant de l'équipe pluridisciplinaire assurant la prise en charge du patient, et l'avis motivé du docteur [P] [B] en date du 19 juin 2023, sont rédigés comme suit :

'Faisant l'objet de soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122-1) depuis le 3 avril 2023, dans les suites d'une procédure judiciaire pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de mineur de 15 ans, vol, violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, faits passés en mars 2021.

M. [K] présentait déjà au moment respectif des antécédents psychiatriques (une décompensation de type pharmaco psychotique sous consommation intensive de cannabis et privation de sommeil en 2018) ayant nécessité son hospitalisation sous contrainte en centre hospitalier de [Localité 8] entre janvier et février 2018.

Les différents examens cliniques psychiatriques réalisés, notamment durant sa garde à vue du 24 mars 2021 et ensuite durant son hospitalisation sous contrainte à l'hôpital intercommunal de [Localité 9] et au centre hospitalier spécialisé [6], ensuite au service médicopsychologique régional durant sa détention au centre pénitentiaire de [Localité 7] et notamment les expertises psychiatriques ordonnées dans le cadre de la procédure judiciaire actuelle ont objectivé et conclu sur l'existence d'un trouble psychotique avec une décompensation psychotique aiguë au moment des faits ayant provoqué une abolition de son discernement.

Dans ces conditions, la décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a été prononcée par l'autorité judiciaire et la mesure de soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale ordonnée par l'autorité administrative.

Notons aussi que durant ses différentes prises en charge psychiatrique dans les services psychiatriques mentionnés, des traitements psychotropes et notamment antipsychotiques ont été prescrits à M. [K] avec des améliorations cliniques consécutives et que ces traitements ont été régulièrement contestés, voir refusés par M. [K].

L'état clinique actuel de M. [K] est caractérisé par l'absence d'élément sémiologique de décompensation psychotique, cette amélioration clinique étant certainement due à la prise en charge hospitalière.

Compte tenu de ses antécédents psychiatriques (deux décompensations psychotiques aiguës), du diagnostic retenu de trouble psychotique, des recommandations de prise en charge pharmacologique de cette pathologie mentale basées sur des études scientifiques indiquant le risque significatif de nouvelle rechute psychotique aiguë en cas de non prescription d'un traitement antipsychotique et, respectivement, du refus catégorique de M. [K] d'accepter le

traitement antipsychotique nécessaire et en conclusion, dans ce contexte, du risque qui ne peut pas être exclu de nouvelle décompensation psychotique aiguë, malgré l'amélioration clinique objectivement constatée, nous demandons le maintien de l'hospitalisation actuelle'.

Par ordonnance du 20 juin 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a constaté que Mme [K] [W] et Mme [I] [H] n'ont pas soutenu leurs requêtes en mainlevée et a rejeté celle de M. [L] [K] en ordonnant la poursuite de son hospitalisation complète au sein du CHS de [Localité 2].

M. [K] [L], Mme [K] [W] et Mme [I] épouse [K] [H] ont interjeté appel de cette décision par courriers réceptionnés au greffe le 30 juin 2023 à 16h34, au motif de l'existence d'une atteinte au maintien des liens familiaux ainsi qu'à la réinsertion sociale du patient, et que les requérantes n'avaient pas été convoquées à l'audience pour soutenir leurs requêtes en mainlevée.

L'avis du collège, composé de deux psychiatres et d'un représentant de l'équipe pluridisciplinaire assurant la prise en charge du patient, et un certificat de situation du docteur [Y] [V] en date du 10 juillet 2023, sont rédigés comme suit :

'Faisant l'objet de soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122-1) depuis le 3 avril 2023, dans les suites d'une procédure judiciaire pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de mineur de 15 ans, vol, violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, faits passés en mars 2021.

M. [K] présentait déjà au moment respectif des antécédents psychiatriques (une décompensation de type pharmaco psychotique sous consommation intensive de cannabis et privation de sommeil en 2018) ayant nécessité son hospitalisation sous contrainte en centre hospitalier de [Localité 8] entre janvier et février 2018.

Les différents examens cliniques psychiatriques réalisés, notamment durant sa garde à vue du 24 mars 2021 et ensuite durant son hospitalisation sous contrainte à l'hôpital intercommunal de [Localité 9] et au centre hospitalier spécialisé [6], ensuite au service médicopsychologique régional durant sa détention au centre pénitentiaire de [Localité 7] et notamment les expertises psychiatriques ordonnées dans le cadre de la procédure judiciaire actuelle ont objectivé et conclu sur l'existence d'un trouble psychotique avec une décompensation psychotique aiguë au moment des faits ayant provoqué une abolition de son discernement.

Dans ces conditions, la décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a été prononcée par l'autorité judiciaire et la mesure de soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale ordonnée par l'autorité administrative.

L'état clinique actuel de M. [K] est caractérisé par l'absence d'élément sémiologique de la lignée psychotique ainsi qu'une prise de conscience et de recul par rapport à ses deux décompensations du fait d'un travail psychothérapeutique conséquent.

Compte tenu de ses antécédents psychiatriques et des recommandations de prise en charge pharmacologique de cette pathologie mentale basée sur des études scientifiques un traitement antipsychotique à dose minimale à visée préventive d'un nouvel épisode nous semble indiqué. Le positionnement de M. [K] par rapport à la prise de ce traitement est actuellement en train d'évoluer: le patient ayant en effet accepté ce jour un bilan pré-thérapeutique. Dans ce contexte l'hospitalisation actuelle reste nécessaire'.

Par réquisitions écrites du 6 juillet 2023, le parquet général conclut à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 20 juin 2023.

Lors de l'audience du 12 juillet 2023, M. [K] [L] a sollicité l'infirmation de la décision attaquée et la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement, expliquant qu'il avait le sentiment d'un retour en arrière ('à la case départ') dans sa situation, en ce qu'il se trouvait à nouveau hospitalisé sous contrainte sans possibilité de pouvoir agir en vue de sa réinsertion, alors qu'une telle mesure avait été levée en 2021 et qu'il avait pu effectuer, depuis, de nombreuses démarches (suivi psychologique, école) dans ce but en détention. Il a demandé à pouvoir bénéficier d'un programme de soins, se disant conscient de la nécessité d'un accompagnement médical à l'extérieur, sans pour autant comprendre à quel titre il devait se soumettre à un traitement psychotrope alors qu'il ne lui en était plus prescrit depuis deux années. Il a précisé avoir stoppé toute consommation de cannabis à la même période et qu'il n'avait plus aucun contact avec ses enfants placés, ainsi qu'avec leur mère.

Mesdames [K] [W] et [H], soeur et mère de M. [K] [L], ont indiqué le soutenir et être en lien étroit avec celui-ci, ce qui n'était pas le cas lors de ses derniers passages à l'acte, et ne pas comprendre pourquoi il devait être maintenu en hospitalisation à temps complet alors qu'il allait beaucoup mieux et qu'il avait entrepris de gros efforts en vue de stabiliser sa situation durant les deux années écoulées. Elles se sont dites prêtes à l'accueillir chez elles à [Localité 4], à sa sortie de l'hôpital sans aucune crainte et ont sollicité, à défaut de mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, un cadre moins contraignant, de manière à permettre un meilleur maintien des liens familiaux et la réalisation de démarches en vue de sa réinsertion.

Son conseil, Maître Malvaso, a été entendue en ses observations, soulignant que les derniers certificats médicaux faisaient état d'une évolution positive, que M. [K] parlait de manière posée et qu'il avait fait un gros travail d'introspection, en se mettant au sport, en stoppant sa consommation de toxiques, en reprenant des études et en poursuivant ses soins, qu'il avait vécu difficilement son retour en hospitalisation sous contrainte, ayant le sentiment d'être 'puni', alors qu'il avait entrepris tous les efforts nécessaires en vue de sa réinsertion en démontrant sa bonne volonté, et alors qu'il était accompagné et soutenu par sa famille.

Le parquet général n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le représentant de l'Etat et le directeur d'établissement n'ont point comparu, bien que régulièrement avisés.

L'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2023 après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par déclarations motivées transmises au greffe de la cour d'appel le 30 juin 2023 à 16h34, M. [K] [L], Mme [K] [W] (sa soeur) et Mme [I] épouse [K] [H] (sa mère), parents susceptibles d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins (article L.3211-12 I. 6° du code de la santé publique), ont fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 20 juin 2023, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Leurs appels sont donc recevables.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou de son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il peut relever d'office tout moyen d'irrégularité à condition de respecter le principe du contradictoire.

En raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

L'article L.3211-12 du code de la santé publique prévoit que :

'I.-Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme.

Il peut également être saisi aux fins de mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention prise en application du troisième alinéa du II de l'article L. 3222-5-1.

La saisine peut être formée par :

1° La personne faisant l'objet des soins ;

2° Les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;

3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins ;

4° Son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;

5° La personne qui a formulé la demande de soins ;

6° Un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins ;

7° Le procureur de la République.

Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d'office, à tout moment. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu'elle estime utiles sur la situation d'une personne faisant l'objet d'une mesure mentionnée au premier alinéa du présent article ou d'une mesure d'isolement ou de contention.

II.-Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, d'isolement ou de contention.

Lorsqu'il ordonne la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L. 3211-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la phrase précédente, la mesure d'hospitalisation complète prend fin'.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article R.3211-30 du code de la santé publique et le greffe de la cour d'appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats, notamment les certificats médicaux mensuels (article L.3213-3 du code de la santé publique) et l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 du code de la santé publique.

Il en ressort que la procédure relative aux soins psychiatriques de M. [K] [L] apparaît régulière et que les certificats et avis médicaux figurant au dossier sont motivés.

Le fait que Mesdames [K] [W] et [H], requérantes, n'aient pas été régulièrement convoquées à l'audience devant le juge des libertés et de la détention, mais seulement avisées de celle-ci par téléphone, la veille, sans qu'elles ne puissent s'y rendre eu égard au délai contraint, s'il est regrettable, ne saurait toutefois s'analyser comme une irrégularité procédurale justifiant la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte, compte tenu, notamment, de l'absence de grief causé à la personne hospitalisée, qui a, quant à elle, pu être entendue en sa demande, strictement identique.

Les certificats et avis médicaux figurant au dossier, ainsi que l'expertise psychiatrique collégiale effectuée en juin 2022, sus-rappelés, font tous état que M. [K] [L] présente depuis 2018 des troubles psychotiques se manifestant par des idées délirantes de persécution à mécanisme interprétatif essentiellement centrées sur son entourage immédiat, dont l'apparition a été favorisée par une consommation importante de cannabis, et qu'il a connu plusieurs décompensations aigües ayant nécessité des périodes d'hospitalisation, en 2018 et 2021.

Les experts psychiatres estimaient en juin 2022 que son état de santé demeurait fragile, qu'il risquait de compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, et qu'il était dangereux au plan psychiatrique, de sorte qu'il relevait d'une hospitalisation en milieu spécialisé en application de l'article 706- 135 du code de procédure pénale.

Depuis, s'il est manifeste que son état clinique s'est amélioré au point qu'aucun élément sémiologique de la lignée psychotique n'est relevé à ce jour et qu'il a pu accéder à une prise de conscience et une mise à distance face à ses décompensations, le corps médical constate, néanmoins, que M. [K] [L] s'est régulièrement opposé aux traitements imposés.

Lors de l'audience du 12 juillet 2023, M. [K] [L], ne comprenant pas l'intérêt de reprendre un traitement médicamenteux alors qu'il n'en bénéficie plus depuis au moins deux ans, s'est dit, en effet, défavorable à la prise d'un traitement anti-psychotique alors que le corps

médical estime qu'il s'avère indispensable pour prévenir tout risque d'une nouvelle décompensation.

Pour autant, il convient de relever que M. [K] a réalisé de réels efforts en vue de sa réinsertion, qu'il a initiés dès sa période de détention provisoire, en effectuant, notamment, un travail psychothérapeutique conséquent, et qu'il se trouve désormais stoppé, à ce niveau, par la mesure d'hospitalisation complète en cours.

Or, il apparait de l'intérêt commun, de ce patient, mais aussi de la société, de préparer au mieux son 'retour à la vie civile', notamment au travers d'échanges pluridisciplinaires associant l'intéressé et les membres de sa famille (soeur, mère) qui proposent de l'héberger.

En attendant la réalisation des deux expertises ou avis psychiatriques rendus nécessaires par les dispositions du code de la santé publique (article L.3213-8, article L.3211-12 II), M. [K] [L], dès lors que les médecins assurant sa prise en charge estimeront que son état de santé le permet, pourrait utilement bénéficier de permissions de sortir de manière, notamment, à pouvoir évaluer ses facultés à évoluer en milieu ouvert sans faire naître un risque pour autrui.

Par conséquent, compte tenu des données de l'espèce sus-rappelées et, notamment, des contours de la pathologie psychiatrique de M. [K] [L], susceptible de compromettre la sûreté des personnes ou de porter gravement atteinte à l'ordre public, il convient de rejeter, en l'état, sa demande et celles des membres de sa famille, et de maintenir, provisoirement, la mesure d'hospitalisation complète sans consentement dont il fait l'objet, le temps d'élaborer, avec les différents partenaires concernés, un programme de soins adapté à ses besoins, ce qui ne peut matériellement se faire dans le délai de 24 heures évoqué par l'article L.3211-12 III du code de la santé publique, compte tenu du régime particulier auquel il appartient (obligation de disposer de deux expertises ou avis psychiatriques) et de la nécessité de l'assortir de solides garanties.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 20 juin 2023 sera, donc, confirmée.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Mme la première présidente, statuant le 12 juillet 2023, après débats en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevables les appels de M. [K] [L], Mme [K] [W] et Mme [I] épouse [K] [H].

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 20 juin 2023.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 12 juillet 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00084
Date de la décision : 12/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-12;23.00084 ?
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