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29/06/2023 | FRANCE | N°23/00046

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 29 juin 2023, 23/00046


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence









AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 23/00046 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HINO débattue à notre audience publique du 20 Juin 2023 - RG au fond n°23/00

830 - 1ère section



ENTRE



S.A.R.L. SUSHI EXPRESS, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par Me Christian ...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 23/00046 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HINO débattue à notre audience publique du 20 Juin 2023 - RG au fond n°23/00830 - 1ère section

ENTRE

S.A.R.L. SUSHI EXPRESS, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par Me Christian BROCAS, avocat au barreau d'ANNECY

Demanderesse en référé

ET

Me [H] [P], demeurant [Adresse 3]

POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE HAUTE-SAVOIE, dont le siège social est situé [Adresse 5]

Représenté par Me BOLLONJEON, avocat au barreau de CHAMBERY

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES, dont le siège social est situé [Adresse 2]

SELARL BOUVET & [B] pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL SUSHI EXPRESS, dont le siège social est situé [Adresse 4]

M. PROCUREUR GENERAL - COUR D'APPEL - Place du Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX

Défendeurs en référé

'''

EXPOSE DU LITIGE :

Saisi suivant assignation délivrée le 13 mars 2019 par le comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Haute-Savoie, le tribunal de commerce d'Annecy, suivant jugement du 17 mai 2023, a :

- Constaté l'état de cessation des paiements de la SARL SUSHI EXPRESS à la date du 18 décembre 2021 ;

- Prononcé la résolution du plan de redressement adopté le 24 septembre 2013 ;

- Prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL SUSHI EXPRESS.

La SARL SUSHI EXPRESS a fait appel de ce jugement le 26 mai 2023 (n° DA 23/00822 et n° RG 23/00830) puis, le 2 juin 2023, a fait assigner le pôle de recouvrement spécialisé de la Haute-Savoie, madame la procureure générale, la SARL BOUVET & [B] en qualité de mandataire liquidateur, la SELARL MJ ALPES en qualité de mandataire liquidateur,la SELARL AJ [P] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin de voir arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu le 17 mai 2023 par le tribunal de commerce d'Annecy en application de l'article R 661-1 du code commerce.

A l'audience du 20 juin 2023, la SARL SUSHI EXPRESS maintient les termes de son assignation à laquelle il est renvoyé pour de plus amples développements.

Elle fait valoir qu'il existe des moyens sérieux de réformation du jugement de première instance en ce que le document prévisionnel produit aux débats est un document de trésorerie qui permet d'attester de sa capacité à faire face à ses échéances courantes d'exploitation et qu'elle ne se trouve pas en état de cessation des paiements ; que l'intégralité de la créance URSSAF a été réglée ; que le décompte des sommes dues au titre de l'impôt sur les sociétés 2019 et 2020 ainsi que 2018-2019 s'élèvent à 6 243,30 euros ; que la créance du comptable public n'est pas certaine en son principe ; qu'il n'est pas contesté que la société SUSHI EXPRESS règle les échéances du plan de redressement.

Elle ajoute que l'exécution provisoire fait courir un risque de conséquences manifestement excessives en ce qu'elle conduirait à la perte définitive de la valeur du fonds de commerce ce qui serait irrémédiable en cas d'infirmation du jugement de première instance ; que le maintien de l'activité est favorable à l'administration fiscale en ce qu'elle permettrait son remboursement et sa bonification.

A l'audience, le comptable public, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Haute-Savoie conclut au débouté de la demanderesse et maintient les termes de ses conclusions notifiées respectivement le 13 juin et le 19 juin 2023.

Il soutient qu'il n'y a pas de moyens sérieux à l'appui de l'appel en ce que l'état de cessation des paiements correspond à l'impossibilité de faire face à son passif exigible et avec son actif disponible ce qui est le cas de la société SUSHI EXPRESS qui admet ne pouvoir payer les dettes à l'encontre du trésor public ; que la société demanderesse n'a pas déposé ses comptes auprès du tribunal de commerce et qu' aucun document prévisionnel de trésorerie ne figure dans les pièces jointes à l'assignation de l'affaire.

Il ajoute que l'exécution provisoire ne fait pas courir de risque de conséquences excessives en ce que la dette fiscale s'est creusée au cours des années et est désormais impossible à résorber, que les dettes fiscales postérieures à l'ouverture du redressement judiciaire n'ont pas pu être recouvrées par des procédures d'exécution forcées.

A l'audience, le parquet général conclut au débouté de la SARL SUSHI EXPRESS en ce que les comptes de la société n'ont pas été déposés au greffe du tribunal de commerce, que les dettes actuelles sont certaines et exigibles, que la poursuite d'activité serait la cause de nouvelles dettes et qu'aucun élément prouvant la capacité d'un apport n'a été communiqué.

La SELARL ETUDE BOUVET & [B], liquidateur judiciaire de la SAS SUSHI EXPRESS, présente son rapport à la juridiction sur l'état de la procédure collective. Elle expose que la société ne répond pas à ses obligations comptables, que le passif fluctue entre 1 000 000 et 1 700 000 euros et reste en constante augmentation, que l'endettement de la société représente 234 années de résultat moyen, que la poursuite d'activité demandée impose au demandeur de prouver et de garantir sa capacité à la financer ce qu'il ne fait pas, que la poursuite de l'activité pourrait conduire au mieux à réduire la valeur du fonds de commerce, au pire à le ruiner.

Régulièrement assignées, la SELARL AJ MEYET et la SELARLMJ ALPES n'ont pas comparu à l'audience du 20 juin 2023, la présente décision sera donc réputée contradictoire à leur égard.

 

SUR CE :

Selon l'article 55 du décret du 11 décembre 2019 tel que modifié par l'article 22 du décret du 20 décembre 2019, les nouvelles dispositions issues du décret ne sont applicables qu'aux instances engagées à compter du 1er janvier 2020, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

 

Aux termes de l'article R.661-1 ancien du code de commerce : « Par dérogation aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal ».

 

Ainsi, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée, le demandeur doit rapporter la preuve de l'existence de moyens sérieux à l'appui de l'appel ou d'un risque de conséquences manifestement excessives.

 

Il convient de rappeler que ces deux conditions sont alternatives.

 

-          Sur l'existence de moyens sérieux à l'appui de l'appel :

Le moyen sérieux à l'appui de l'appel est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.

 

L'état de cessation des paiements correspond à l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible;

En l'espèce, la société SUSHI EXPRESS fait valoir qu'elle respecte le plan de redressement en réglant les échéances à leurs termes et qu'elle a la capacité de faire face aux dettes de continuation de l'activité ;

Toutefois, si la société respecte le plan de redressement adopté le 24 septembre 2013 à l'issue de la période d'observation ouverte par le jugement prononcé le 28 juin 2012, il n'en reste pas moins qu'elle n'a pas réglé les dettes fiscales nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et qu'il résulte du rapport de maître [B] que le passif fluctue entre 1 000 000 et 1 700 000 euros ;

Plus précisément, si la SARL SUSHI EXPRESS a contesté devant le tribunal administratif le redressement fiscal opéré et qu'elle a fait appel de la décision rendue par cette juridiction, il convient de constater qu'elle n'a pas contesté le redressement opéré par le deuxième contrôle fiscal pour lequel il reste dû 172 102.95 euros ;

De plus, la société ne produit aucun document financier permettant d'établir sa capacité à faire face aux créances exigibles, il convient de relever qu'elle ne respecte pas ses obligations de dépôt des comptes;

Dès lors, l'état de cessation des paiements est constaté et en l'état, en l'absence de tout apport, la société n'est pas en mesure de continuer d'exploiter son activité sans détériorer sa situation financière et donc sans mettre en péril les chances de recouvrement de ses créanciers.

 

Sans qu'il n'y ait lieu de préjuger sur les chances de succès de l'appel, il est avéré que le demandeur ne rapporte pas l'existence d'un moyen sérieux d'infirmation, étant rappelé que le caractère sérieux de ce moyen ne signifie pas pour autant qu'il sera jugé comme pertinent par la formation collégiale de la cour d'appel, qui sera amenée à statuer sur les mérites de ce recours sans égard pour la présente ordonnance.

 

-          Sur l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives :

 

S'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient au premier président de prendre en compte les risques concrets générés par la mise à exécution de la décision rendue. En outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une obligation de faire, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible.

 

En l'espèce, le demandeur fait valoir que l'exécution provisoire conduirait à la perte définitive de la valeur du fonds de commerce et qu'en cas d'infirmation du jugement de première instance par la cour d'appel cette perte serait irréparable.

Or, le rapport du mandataire liquidateur révèle qu'en l'état, sans aucun apport ou garantie pour assurer les frais inhérents à la poursuite de l'activité notamment pour assurer les frais relatifs au loyer et les salaires des employés, la poursuite d'activité ne pourrait qu'entrainer au mieux une perte du fonds de commerce.

Ainsi, au regard de l'état de cessation des paiements, de l'importance du passif et de l'absence d'assurance immédiate pour les créanciers, l'arrêt de l'exécution provisoire qui entrainerait la poursuite de l'exploitation ne saurait revaloriser le fonds de commerce ni même empêcher une perte de sa valeur. L'arrêt de l'exécution provisoire ne pourrait qu'entrainer une détérioration de la situation pour la société SUSHI EXPRESS et ses créanciers, alors que la vente du fonds de commerce dans le cadre de la liquidation judiciaire permettrait aux créanciers d'espérer être en partie réglés, étant rappelé que les salariés ont d'ores et déjà été pris en charge par les AGS.

 

En l'état il convient de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

 

La partie succombante supportera la charge des dépens.

 

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en matière de référé,

DEBOUTONS la SARL SUSHI EXPRESS de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Annecy le 17 mai 2023;

CONDAMNONS la SARL SUSHI EXPRESS aux dépens.

 

Ainsi prononcé publiquement, le 29 juin 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00046
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;23.00046 ?
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