HP/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 27 Juin 2023
N° RG 22/01787 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDIY
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GAP en date du 06 Octobre 2017
Appelant
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Localité 3] représenté par son Syndic en exercice, L'IMMOBILIERE DES HAUTES-ALPES, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Représenté par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SCP TGA-AVOCATS, avocats au barreau de HAUTES-ALPES
Intimée
Mme [W] [M]
née le 28 Mai 1939 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
Sans avocat constitué
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Date de l'ordonnance de clôture : 06 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 avril 2023
Date de mise à disposition : 27 juin 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et Procédure
Mme [W] [M], venant aux droits de la SCI Sandragnes qu'elle gérait, est propriétaire des lots n° 324 et 326 au sein de la copropriété '[Localité 3]' à [Localité 5] (05). La société l'Immobilière des Hautes-Alpes, syndic représentant le syndicat des copropriétaires, a été renouvelé dans son mandat à l'occasion de l'assemblée générale qui s'est tenue le 14 août 2014 et à laquelle Mme [W] [M] n'était ni présente ni représentée.
Par acte d'huissier du 12 décembre 2014, Mme [W] [M] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' aux fins d'annulation de la résolution ayant désigné la société l'Immobilière des Hautes-Alpes en qualité de syndic ainsi que des résolutions subséquentes.
Par jugement du 6 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Gap a :
- déclaré l'action de Mme [W] [M] recevable ;
- prononcé l'annulation de la résolution n° 5 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble [Localité 3] en date du 14 août 2014 ;
- prononcé l'annulation des résolutions n° 12, 13, 13.1, 13.2, 14, 14.1, 14.2, 15, 16, 17, 18, 19, 19.1, 19.2, 21, 21.1, 21.2, 22, 22.1, 22.2, 23, 23.1, 23.2, 24, 25, 25.1, 25.2, 26 et 29 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble '[Localité 3]' en date du 14 août 2014 ;
- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 3] à payer à Mme [W] [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' aux dépens.
Par déclaration en date du 20 décembre 2017, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel du jugement.
Par arrêt en date du 30 mars 2021, la cour d'appel de Grenoble confirmait le jugement entrepris, condamnait le syndicat des copropriétaires à régler à Mme [W] [M] une indemnité procédurale de 1 500 euros et les dépens de l'instance, estimant que Mme [W] [M] était dans le délai pour contester le procès-verbal d'assemblée générale et que le syndicat des copropriétaires ne justifiait pas de l'impossibilité pour lui de procéder à la mise en concurrence des contrats de syndic, peu important que Mme [W] [M] n'ait pas formulé de contre-proposition.
Par arrêt en date du 21 septembre 2022, la cour de cassation, chambre civile n°3, a cassé l'arrêt susvisé uniquement en ce qu'il a prononcé l'annulation des résolutions visées dans le jugement et adoptées lors de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble '[Localité 3]' en date du 14 août 2014 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Chambéry, jugeant qu'en l'absence de disposition en ce sens, le non-respect par le conseil syndical de son obligation de mise en concurrence n'est pas sanctionné par la nullité de la désignation du syndic par l'assemblée générale.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 14 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' a saisi la cour d'appel de renvoi.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 23 novembre 2022, signifiées par acte d'huissier en date du 29 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' sollicite de la cour de :
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Gap du 6 octobre 2017 en ce qu'il a :
- prononcé l'annulation de la résolution n° 5 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble [Localité 3] en date du 14 août 2014 ;
- prononcé l'annulation des résolutions n° 12, 13, 13.1, 13.2, 14, 14.1, 14.2, 15, 16, 17, 18, 19, 19.1, 19.2, 21, 21.1, 21.2, 22, 22.1, 22.2, 23, 23.1, 23.2, 24, 25, 25.1, 25.2, 26 et 29 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble [Localité 3] en date du 14 août 2014 ;
- débouter Mme [W] [M] de sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 14 août 2014 ;
- condamner Mme [W] [M] à lui payer une indemnité procédurale de 10 000 euros, outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' fait valoir notamment que :
' la mise en concurrence imposée par l'article 21 du code de la copropriété modifié par la loi Allur entrée en vigueur le 27 mars 2014 doit s'apprécier au jour de la préparation de l'ordre du jour par le conseil qui, en l'espèce, a eu lieu le 17 mars 2014 soit avant l'entrée en vigueur de l'obligation de mise en concurrence ;
' il n'existe aucune sanction attachée au non respect de la mise en concurrence
Mme [W] [M] n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2023 et l'affaire était appelée à l'audience du 4 avril 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
Il sera rappelé qu'en appel, en application de l'article 472 du code de procédure civile, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et d'autre part, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
L'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' qui s'est tenue le 14 août 2014, a renouvelé le mandat de syndic de la société l'Immobilière des Hautes-Alpes pour une durée de trois ans, en votant la résolution n°5 ainsi libellée dans le procès-verbal :
' désignation du syndic à la majorité de l'article 25, puis le cas échéant, à la majorité de l'article 24 et approbation de son mandat à cette même majorité :
L'assemblée générale, après en avoir délibéré, décide de désigner l'Immobilière des Hautes-Alpes - I.D.H.A. -en qualité de syndic à compter du 14 août 2014 pour une durée de trois ans. son mandat prendra fin le 13 août 2017. L'assemblée générale approuve le contrat de syndic fixant le montant de ses honoraires et les modalités d'exécution de sa mission tel qu'il est annexé dans son intégralité dans la convocation. Elle mandate la présidente de séance pour le signer.
- ont voté pour : 65 179/100 000
- ont voté contre : [R] [H], 760 ; [D] 827 ; [Z] 610 ; [L] 588 (choix de la durée un an) soit 2 785/100 000
- se sont abstenus : néant
En vertu de quoi cette résolution a été adoptée à la majorité requise (article 25)'.
Mme [W] [M], ni présente, ni représentée, a contesté cette décision dans la mesure où la loi Alur du 24 mars 2014, en vigueur à partir du 26 mars 2014, disposait en son article 55, d'ordre public selon elle, que, lorsque l'assemblée générale devait se prononcer sur la désignation d'un syndic, elle était précédée d'une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic, sans préjudice pour les copropriétaires de demander au syndic l'inscription à l'ordre du jour de l'examen d'autres projets qu'ils communiquaient et qu'en l'espèce, le renouvellement du contrat de syndic confié à la société l'Immobilière des Hautes-Alpes n'avait pas fait l'objet d'une mise en concurrence, de sorte que la résolution concernant ce renouvellement, et toutes les résolutions subséquentes devaient être annulées.
Le juge de première instance a effectivement constaté qu'aucune mise en concurrence n'avait eu lieu avant le vote sur la désignation du syndic lors de l'assemblée générale du 14 août 2014 et a jugé que la procédure de renouvellement, prévue par l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée, dont les dispositions sont d'ordre public, était irrégulière en raison de ce non respect. Dès lors, il a prononcé la nullité de la résolution n°5 et les résolutions subséquentes en lien direct.
Cependant, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, l'article 21 al 3 à 4 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, disposait 'Au cas où l'assemblée générale est appelée à se prononcer sur la désignation d'un syndic, celle-ci est précédée d'une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic, faisant notamment état des frais afférents au compte bancaire séparé, effectuée par le conseil syndical, sans préjudice de la possibilité, pour les copropriétaires, de demander au syndic l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de l'examen des projets de contrat de syndic qu'ils communiquent à cet effet.
Le conseil syndical peut proposer de ne pas procéder à la mise en concurrence mentionnée au troisième alinéa lorsque le marché local des syndics ne permet pas cette mise en concurrence. Le syndic notifie cette proposition aux copropriétaires dans un délai leur permettant de demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de l'examen des projets de contrat de syndic qu'ils communiquent à cet effet. La proposition du conseil syndical ne fait pas l'objet d'une question inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale'.
Cependant, et bien que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas d'une impossibilité pour le conseil syndical de procéder à la mise en concurrence, le texte susvisé, dans sa version alors applicable, ne prévoyait pas que le non respect par le conseil syndical de son obligation de mise en concurrence était sanctionné par l'irrégularité ou la nullité de la désignation du syndic par l'assemblée générale.
En conséquence, la résolution n°5 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' en date du 14 août 2014 n'est pas entachée de nullité et il en est de même par voie de conséquence des résolutions subséquentes en lien avec elle.
Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs et Mme [W] [M] sera débouté de sa demande d'annulation des résolutions n° 5, 12, 13, 13.1, 13.2, 14, 14.1, 14.2, 15, 16, 17, 18, 19, 19.1, 19.2, 21, 21.1, 21.2, 22, 22.1, 22.2, 23, 23.1, 23.2, 24, 25, 25.1, 25.2, 26 et 29 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble '[Localité 3]' en date du 14 août 2014.
Succombant, Mme [W] [M] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale du syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' à hauteur de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Gap en ce qu'il a prononcé l'annulation des résolutions n° 5, 12, 13, 13.1, 13.2, 14, 14.1, 14.2, 15, 16, 17, 18, 19, 19.1, 19.2, 21, 21.1, 21.2, 22, 22.1, 22.2, 23, 23.1, 23.2, 24, 25, 25.1, 25.2, 26 et 29 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble [Localité 3] en date du 14 août 2014 et sur les mesures accessoires,
Déboute Mme [W] [M] de sa demande d'annulation des résolutions n° 5, 12, 13, 13.1, 13.2, 14, 14.1, 14.2, 15, 16, 17, 18, 19, 19.1, 19.2, 21, 21.1, 21.2, 22, 22.1, 22.2, 23, 23.1, 23.2, 24, 25, 25.1, 25.2, 26 et 29 de l'assemblée générale de copropriété de l'immeuble '[Localité 3]' en date du 14 août 2014,
Condamne Mme [W] [M] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne Mme [W] [M] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Localité 3]' une indemnité procédurale de 5 000 euros.
Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 27 juin 2023
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
Copie exécutoire délivrée le 27 juin 2023
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY