HP/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 27 Juin 2023
N° RG 21/00772 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVPX
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 09 Février 2021
Appelante
Mme [W] [S]
née le 25 Mai 1966 à [Localité 5] (62), demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Pauline BERNARD, avocat au barreau d'ANNECY
Intimées
S.A.S. ALBANAISE DE GESTION IMMOBILIERE, dont le siège social est situé [Adresse 2]
S.A. MMA IARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentées par la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER SAJOUS, avocats postulants au barreau d'ANNECY
Représentées par la SAS TUDELA WERQUIN & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de LYON
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Date de l'ordonnance de clôture : 06 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 avril 2023
Date de mise à disposition : 27 juin 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et Procédure
Poursuivie devant le Tribunal Correctionnel d'Annecy pour avoir, à [Localité 4], entre le 30 août 2012 et le 26 août 2014, soustrait frauduleusement 130 chèques bancaires au préjudice de la société Immobilière du Lac, son employeur, Mme [W] [S] était condamnée par jugement du 10 avril 2015 sur le plan pénal et par jugement contradictoire du 9 janvier 2017 sur le plan civil à payer à la société Immobilière du Lac la somme de 219 596,71 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 800 euros au titre de l'indemnité procédurale.
Par courrier en date du 30 juin 2017, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles (venant aux droits de Covéa Risks), assureurs de responsabilité civile professionnelle de la société Immobilière du Lac, après avoir indemnisé leur assurée au titre de la garantie vol, détournement, abus de confiance et disparition de valeurs, à l'exception d'une franchise de 10 000 euros, et titulaires de quittances subrogatives, mettaient Mme [W] [S] en demeure de leur verser dans le délai d'un mois la somme de 213 311,76 euros, outre la somme de 10 000 euros pour leur assurée.
En raison du non paiement, malgré plusieurs demandes, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et la société Immobilière du Lac assignaient Mme [W] [S] par exploit d'huissier en date du 21 août 2019 aux fins notamment pour les assureurs d'être remboursés de la somme de 222 214,27 euros et pour la société Immobilière du Lac de se voir verser une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice, outre intérêts à compter du 30 juin 2017.
Par jugement contradictoire en date du 9 février 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamnait Mme [W] [S] à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles la somme de 220 396,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- déboutait la société Immobilière du Lac de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros formée à l'encontre de Mme [W] [S] ;
- condamnait Mme [W] [S] à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles une indemnité procédurale de 1 500 euros ;
- déboutait Mme [W] [S] de sa demande d'indemnité procédurale ;
- rejetait toutes demandes plus amples et contraires ;
- condamnait Mme [W] [S] aux entiers dépens, distraits au profit de la Scp Brement -Gojon - Glessinger - Saious, société d'avocats, sur son affirmation de droit,
notamment aux motifs suivants :
' les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles étaient valablement subrogées dans les droits de leur assurée qu'elles avaient indemnisée à hauteur de 222 184,37 euros, en ce compris le montant de la franchise de 10 000 euros ;
' les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ne justifiaient pas la raison pour laquelle les indemnités versées étaient supérieures à la somme globale allouée par la juridiction correctionnelle soit 220 396,71 euros et ne justifiaient pas de l'envoi à Mme [W] [S] d'une lettre recommandée avec accusé de réception de nature à faire courir les intérêts au taux légal ;
' la signification du jugement correctionnel était nécessaire uniquement pour une exécution forcée.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 8 avril 2021, Mme [W] [S] interjetait appel de la décision en toutes ses dispositions.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 3 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [W] [S] sollicitait l'infirmation de tous les chefs de la décision et demandait à la cour de :
A titre principal,
- déclarer irrecevables et mal-fondées les demandes formulées par les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et la société Immobilière du Lac à son encontre ;
- débouter les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et la société Immobilière du Lac de l'ensemble de leurs demande en l'absence de titre ;
A titre subsidiaire,
- fixer la créance des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à telle somme que la présente juridiction appréciera au plan de surendettement de Mme [W] [S] ;
En tout état de cause,
- condamner les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et la société Immobilière du Lac à lui payer une indemnité procédurale de 5 000 euros.
Au soutien de ses prétentions, Mme [W] [S] faisait valoir que :
' le jugement sur intérêts civils en date du 9 janvier 2017 n'ayant jamais été signifié par la société Immobilière du Lac à Mme [W] [S], les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, subrogées dans les droits et actions de la société Immobilière du Lac, ne pouvaient pas obtenir le règlement de la somme sollicitée dès lors que la société Immobilière du Lac ne leur avait transmis aucune créance ;
' sa demande de plan de surendettement avait été acceptée par courrier de la Banque de France en date du 17 juin 2021 et, par courrier du 16 septembre 2021, celle-ci lui communiquait les mesures imposées par la commission de surendettement et le plan adopté mentionnait l'effacement de la dette des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, élément confirmé à nouveau par courrier du 2 décembre 2022 à l'occasion d'une baisse accordée des mensualités, de sorte qu'il était nécessaire, en cas de confirmation de la décision entreprise, de fixer la créance des assureurs au plan de surendettement.
Par dernières écritures en date du 14 octobre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et la société Albanaise Gestion Immobilière sollicitaient de la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondée la société Albanaise Gestion Immobilière intervenant en lieu et place de la société Immobilière du Lac qu'elle avait absorbée ;
- débouter Mme [W] [S] de son appel et confirmer le jugement entrepris ;
- condamner Mme [W] [S] à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles une indemnité procédurale de 2 000 euros et les dépens distaits au profit de la Scp Brement - Gojon - Glessinger - Saious, société d'avocats, sur son affirmation de droit.
Au soutien de leurs prétentions, les intimées faisaient valoir notamment que :
' les décisions rendues contradictoirement en matière pénale n'avaient pas être signifiées et le délai d'appel courait à compter du jour du prononcé ;
' le jugement en date du 9 janvier 2017 était devenu définitif le 19 janvier 2017, en l'absence de recours.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
L'ordonnance de clôture était rendue le 6 mars 2023 et l'affaire était appelée à l'audience du 4 avril 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
L'intervention volontaire de la société Albanaise Gestion Immobilière qui se trouve désormais aux droits de la société Immobilière du Lac est recevable et non contestée.
I ) Sur l'absence de signification du jugement correctionnel du 9 janvier 2017
En vertu des deux premiers alinéas de l'article 411 du code de procédure pénale, 'Quelle que soit la peine encourue, le prévenu peut, par lettre adressée au président du tribunal et qui sera jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence en étant représenté au cours de l'audience par son avocat ou par un avocat commis d'office. Ces dispositions sont applicables quelles que soient les conditions dans lesquelles le prévenu a été cité.
L'avocat du prévenu, qui peut intervenir au cours des débats, est entendu dans sa plaidoirie et le prévenu est alors jugé contradictoirement'.
L'article 414 du même code dispose : 'les dispositions de l'article 411, alinéas 1 et 2, sont applicables chaque fois que le débat sur le fond de la prévention ne doit pas être abordé, et spécialement quand le débat ne doit porter que sur les intérêts civils'.
Le jugement du tribunal correctionnel d'Annecy, rendu sur intérêts civils, en date du 9 janvier 2017 ayant condamné Mme [W] [S] à payer à la société Immobilière du Lac la somme de 219 596,71 euros en réparation de son préjudice matériel et une indemnité procédurale de 800 euros, soit une somme totale de 220 396,71 euros, a été rendu contradictoirement à l'égard de Mme [W] [S] et de la société Immobilière du Lac, outre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, toutes les parties étant représentées par leurs avocats. Ce jugement est devenu définitif à l'égard de toutes celles-ci le 20 janvier 2017, à défaut d'appel par l'une quelconque d'entre elles, conformément aux dispositions de l'article 498 du code précité.
La signification d'un tel jugement est nécessaire uniquement en cas d'exécution forcée par la partie civile en application de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution mais n'est pas requise pour que les effets de la subrogation puissent opérer. En effet, le jugement étant définitif et ayant acquis l'autorité de la chose, la société Immobilière du Lac possède une créance définitive à l'encontre de Mme [W] [S]. Les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles souhaitent voir reconnaître leur qualité de subrogées dans les droits de leur assurée devant la juridiction civile afin d'obtenir une décision qui leur permettra de recourir elles-mêmes aux mesures d'exécution forcée en tant que de besoin, sans que leur qualité ne puisse être contestée.
II) Sur la qualité de subrogée des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles
C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive, exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que :
' les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles étaient fondées en application des articles 1346 du code civil et L121-12 al 1er du code des assurances, et des quittances subrogatives à solliciter à l'encontre de Mme [W] [S] le paiement des sommes allouées à leur assurée par le jugement correctionnel en date du 9 janvier 2017, en leur qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle ;
' les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ne s'expliquaient sur la différence de la somme pour laquelle elles demandaient la condamnation au paiement de Mme [W] [S] soit 222 184,27 euros et la somme totale allouée par la juridiction pénale, différence représentant la somme de 1 787,56 euros. Les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ne s'expliquent toujours pas en appel sur ce montant différentiel ;
' les intérêts au taux légal ne pouvaient courir qu'à partir du jugement puisque le courrier en date du 30 juin 2017, invoqué comme étant une mise en demeure, n'avait pas été adressée en recommandé avec accusé de réception mais en lettre simple.
III) Sur la demande de la société Immobilière du Lac aux droits de laquelle se trouve la société Albanaise Gestion Immobilière
La cour adopte également les motifs pertinents du premier juge de ce chef, dès lors que la société Albanaise Gestion Immobilière ne s'explique pas sur le fait qu'elle sollicite le montant de la franchise de 10 000 euros que son assureur lui a opposée régulièrement au titre du contrat souscrit mais qu'il lui a cependant remboursée, l'addition de l'ensemble des quittances faite par le premier juge n'étant pas entachée d'erreur.
IV) Sur le plan de surendettement dont bénéficie Mme [W] [S]
Il est de principe qu'un créancier peut, pendant le cour de l'exécution de mesures recommandées par une commission de surendettement saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire qui pourra être mis à exécution en cas d'échec du plan (voir nota. cass 18 novembre 2004 pourvoi 03-11.936), a fortiori quand l'instance a déjà débuté avant le dépôt de la demande de surendettement ce qui est le cas en l'espèce puisque Mme [W] [S] a déposé sa demande auprès de la Banque de France après le jugement de première instance. Seules les procédures d'exécution sont suspendues pendant la durée d'exécution des mesures recommandées. Par ailleurs, les dispositions légales régissant le surendettement sont différentes de celles applicables aux procédures collectives, notamment la règle qui impose au juge de fixer la créance lorsque le débiteur se trouve en procédure collective ne s'applique pas pour un débiteur en surendettement.
En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour ne peut que confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
V) Sur les demandes accessoires
Succombant, Mme [W] [S] sera tenue aux dépens, distraits au profit de la Scp Brement - Gojon - Glessinger - Saious, société d'avocats, sur son affirmation de droit et au paiement d'une indemnité procédurale en cause d'appel à hauteur de 2 000 euros au bénéfice des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles. Mme [W] [S] sera déboutée de sa demande d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme [W] [S] de sa demande d'indemnité procédurale,
Condamne Mme [W] [S] aux dépens, distraits au profit de la Scp Brement -Gojon - Glessinger - Saious, société d'avocats, sur son affirmation de droit,
Condamne Mme [W] [S] à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ensemble une indemnité procédurale de 2 000 euros en cause d'appel,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 27 juin 2023
à
Me Pauline BERNARD
la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER SAJOUS
Copie exécutoire délivrée le 27 juin 2023
à
la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER SAJOUS