MR/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 27 Juin 2023
N° RG 21/00761 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVN7
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 18 Mars 2021
Appelants
Mme [O] [E] épouse [C]
née le 12 Octobre 1980 à Mexico, demeurant [Adresse 2] / FRANCE
M. [V] [C]
né le 13 Avril 1979 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2] / FRANCE
Représentés par Me Vianney LEBRUN, avocat au barreau d'ANNECY
Intimé
M. [G] [U], demeurant [Adresse 1]
Représenté par la SELARL LEGI RHONE ALPES, avocats au barreau d'ANNECY
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Date de l'ordonnance de clôture : 06 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 avril 2023
Date de mise à disposition : 27 juin 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
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Faits et procédure
Le 15 juin 2019, un devis relatif à des travaux était établi par M. [U] au nom de Mme [O] [E] pour un montant de 40 113,55 euros.
Le 28 août 2019, une première facture était établie pour un acompte de 16 000 euros.
Le 30 août 2019, Mme [O] [E] devenait propriétaire d'un appartement situé [Adresse 2].
Plusieurs factures étaient par la suite établies par M. [U] au nom de Mme [E] pour un montant global de 40 041,54 euros, les 22 septembre 2019, 29 novembre 2019, 17 décembre 2019 et 23 janvier 2020.
Six virements bancaires sur le compte de M. [U] étaient réalisés entre le 6 septembre 2019 et le 4 janvier 2020 pour un montant de 45 000 euros par Mme [E] épouse [C] et M. [V] [C].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2020, les époux [C] ont mis en demeure M. [U] de justifier de son assurance obligatoire, de leur restituer les clefs, ainsi que de les indemniser de leurs préjudices à hauteur de 45 732,04 euros.
Un constat de l'état des lieux était dressé par la société Pro-ges-BTP le 27 avril 2020, expert en construction, ainsi qu'un constat d'huissier.
Par acte d'huissier du 16 juillet 2020, M.et Mme [C] ont assigné M. [G] [U] devant le tribunal judiciaire d'Annecy aux fins d'obtenir le prononcé de la résolution du contrat aux torts de M. [U], et paiement de 45 700 euros, outre 7 042,08 euros de loyers supplémentaire et 10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 18 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy a :
- prononcé la résolution judiciaire du contrat liant [G] [U] à Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] aux torts exclusifs de M. [G] [U] ;
- débouté Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] de leur demande visant à obtenir la condamnation de M. [G] [U] à leur rembourser la somme de 45 700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 ;
- débouté Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] de leur demande visant à la condamnation de M. [G] [U] à leur payer la somme de 7 042,08 euros au titre des loyers supplémentaires ;
- condamné M. [G] [U] à payer à Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
- condamné M. [G] [U] à payer à Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal retenait que :
' les constats de l'état apparent du 27 avril 2020 font apparaître de nombreux désordres, constitutifs d'un manquement grave de M. [U] à ses obligations, justifiant le prononcé de la résolution du contrat ;
' l'absence de contrat et les pièces produites ne permet pas de déterminer avec exactitude les obligations réciproques devant jouer entre les parties, d'autant qu'aucun devis de reprises n'est fourni par les demandeurs ;
' aucun élément ne permet d'indiquer que la livraison devait avoir lieu le 27 décembre 2019.
Par déclaration au greffe en date du 7 avril 2021 M.et Mme [C] interjetaient appel de cette décision en ce qu'ils ont été déboutés de leur demande de versement de 45 700 euros et 7 042,08 euros.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 5 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M.et Mme [C] sollicitent l'infirmation partielle du jugement déféré et demandent à la cour de :
- infirmer le jugement susvisé ;
- condamner M. [U] à leur rembourser la somme de 45 700 euros au titre de la résolution du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 ;
- à titre subsidiaire, condamner M. [U] à leur payer la somme de 25 801,76 euros au titre de la résolution du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020 ;
- condamner M. [U] à leur payer la somme de 10 802,08 euros au titre des loyers supplémentaires ;
- condamner M. [G] [U] au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, M.et Mme [C] exposent essentiellement que :
' M. [U] a commis de nombreux manquements justifiant la résolution du contrat, notamment en ne leur adressant pas son attestation d'assurance ;
' l'inexécution était particulièrement grave, dans la mesure où les sols n'étaient pas terminés, l'installation électrique non sécurisée, avec des prises à nu, les équipements d'eau n'étaient ni posés, ni fournis ;
' ils n'ont pu emménager dans leur appartement qu'en septembre 2020, alors qu'il était prévu une fin des travaux le 15 décembre 2019 ;
' ils ont dû payer 16 801,76 euros de travaux de reprise, et ont perdu 9 mois de jouissance de leur bien, évaluée à 1 000 euros par mois, ce qui les conduit à solliciter à titre subsidiaire 25 801,76 euros ;
' M. [U] s'était engagé à terminer les travaux pour le 15 décembre, puis a repoussé au 27 décembre 2019, et n'a finalement pas pu tenir ses engagements, les obligeant à souscrire une location périodique pour pouvoir se loger.
Par dernières écritures en date du 5 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, portant appel incident, M. [G] [U] sollicite de la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.et Mme [C] de leurs demandes de le condamner à leur verser 45 700 euros et 7 042,08 euros ;
- réformer le jugement pour le surplus ;
Et statuant à nouveau,
- débouter M.et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ;
- condamner M.et Mme [C] à lui verser la somme de 5 006,50 euros au titre de la facture du 23 janvier 2020 ;
- condamner les époux [C] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [G] [U] fait valoir que :
' il n'a pas commis de manquement grave, ses cocontractants lui reprochant l'absence de finitions (pose de peinture, plinthes, joints, jonction carrelage et parquet...), alors qu'il a été empêché de terminer le chantier, étant forcé de partir à la mi-janvier 2020 ;
' en l'absence d'expertise judiciaire, les éléments produits sont insuffisants à apporter la preuve de désordres, d'autant plus qu'il lui est reproché de ne pas avoir installé une paroi entre le hall et la pièce à vivre, ou une porte palière qui n'a pas été demandée, alors que les travaux n'étaient pas prévus contractuellement.
Une ordonnance en date du 6 mars 2023 clôture l'instruction de la procédure.
MOTIFS ET DÉCISION
M.et Mme [C] soutiennent que M. [U] a manqué gravement à ses obligations, justifiant la résolution du contrat d'entreprise, et qu'ils doivent être indemnisés des désordres constatés et de leur préjudice de jouissance.
I- Sur la résolution du contrat
L'article 1224 du code civil dispose que 'la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.'
C'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a considéré que la production du devis du 2 août 2019, ainsi que le versement d'un acompte de 16 000 euros suivant facture du 8 août 2019 démontrent l'existence d'un contrat d'entreprise entre les deux parties. Il résulte ensuite du courrier de mise en demeure du 19 février 2020, ainsi que des échanges de mails entre les parties des 30 et 31 janvier 2020 que M. [U] n'était pas assuré pour les travaux réalisés 'je ne peux pas travailler maintenant jusqu'à ce que je paie l'assurance', qu'il a promis à plusieurs reprises de finir les travaux au cours du mois de décembre 2019, sans tenir ses promesses, et que les réalisations comportaient de nombreux désordres, ce qui résulte du constat contradictoire de l'état apparent des lieux du 27 avril 2020 de M. [T] et du procès-verbal de constat de Me [J], huissier de justice, du même jour.
En application de l'article 1229 du code civil 'dans la mesure où les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation', il y a lieu de prononcer la rupture du contrat pour l'avenir seulement, les travaux réalisés par M. [U] ont eu une utilité pour M.et Mme [C], de sorte que les sommes versées resteront acquises à l'intimé. Il y a lieu toutefois de vérifier si ceux-ci doivent ouvrir lieu à des travaux de réparation, compte tenu du retard pris et des désordres reprochés.
II- Sur les demandes d'indemnisation
Selon le devis n°D/121 du 15 juin 2019, M. [G] [U] s'est engagé à réaliser des travaux de placoplâtre, et de créer des cloisons séparatives pour séparer deux pièces, fournir et poser une installation électrique, avec appareillage électrique Schneider odace et un détecteur de fumée, poser 60 m² de parquet, peinture des portes et plafonds, créer six portes d'intérieur, outre réaliser une salle de bains, avec colonne de douche, meuble vasque, WC suspendu, sèche-serviette.
Il résulte du procès-verbal de constat de Me [J] du 27 avril 2020 que de nombreux désordres existaient :
- manque de plinthes dans la quasi-totalité de l'appartement,
- carrelage sonnant creux,
- prises électriques branlantes et dépourvues de plaques de protection,
- tableau électrique non en conformité,
- salle de bains dépourvue de sèche serviettes et de bouche d'extraction,
- porte à galandage mal réalisée,
- portes intérieures dépourvues de poignées et de plaques de propreté,
- lames du parquet comportant des désaffleurements,
- ouvertures des portes dépourvues de seuil,
- absence de peinture sur les plafonds du salon, de l'entrée et du couloir de dégagement, buanderie et dressing.
M. [U] ne peut à ce sujet, soutenir qu'il n'existait pas de malfaçons, et qu'il lui a été interdit de quitter le chantier, alors qu'il a, à plusieurs reprises, promis de terminer le chantier, dans des délais manifestement irréalistes, multiplié les promesses, et caché qu'il ne disposait pas d'une assurance, ce qui a entraîné une perte de confiance des propriétaires. Enfin, l'absence d'expertise judiciaire est également due à son choix de ne pas assister au constat d'huissier du 27 avril 2020, et au constat contradictoire de l'état apparent des lieux du même jour, alors qu'il a fait l'objet d'une convocation par courrier recommandé du 6 avril 2020, et de ne pas comparaître au cours de la procédure de première instance, malgré l'assignation qui lui a été délivrée.
M.et Mme [C] versent aux débats des factures de reprise :
- pour réfection de la porte à galandage, de 1 238,69 euros TTC, de El Dante Langkitsch,
- pour finition de l'installation électrique, de Raymond électricité, d'un montant de 2 238,50 euros,
- pour la salle de bains, de 2 921,30 euros, de la société Sani-concept plomberie,
- pour la reprise du carrelage, de Vimont Carrelage, pour un montant de 1 350 euros,
- pour les finitions de peinture, de 5 096,30 euros, de Yuvanc Orhan peinture,
- pour pose d'un sèche-serviettes, et finition de la salle de bains, de 688,20 euros, de Lapeyre,
- pour la reprise du parquet, de 1 435,69 euros de la société Mauris Bois Argonay.
Tous ces travaux, d'un montant total de 14 968,68 euros TTC, ont servi aux finitions et reprises des travaux de M. [U], à l'exclusion de la facture de 85,92 euros de l'entreprise Bois Mauris, pour laquelle il n'est pas possible de déterminer à quels désordres s'appliquent la facture, et de la première partie de la facture de l'entreprise El Dante Langkitsch, car la fabrication d'un meuble de buanderie, d'une caisse et d'un plan compact avec cuve inox n'était pas prévue dans le devis de M. [U] validé par les époux [C].
M. [U] sera donc condamné à payer aux appelants la somme de 14 968,69 euros de travaux de reprise.
En ce qui concerne le préjudice de jouissance, il y a lieu de limiter cette demande à hauteur de 900 euros, dans la mesure où M. [U], qui s'était engagé à finir les travaux en décembre 2019, prendra également en charge les frais de relogement de M.et Mme [C], qui se sont élevés à 10 802,08 euros. Ces deux dernières sommes seront assorties des intérêts à compter de la signification du présent arrêt, dans la mesure où les préjudices n'étaient pas fixés à la date du 28 février 2020, date de la mise en demeure.
III- Sur les demandes accessoires
M. [U] succombant au fond en première instance et partiellement en cause d'appel supportera les dépens, outre une indemnité procédurale au bénéfice de M.et Mme [C] d'un montant de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la résolution judiciaire du contrat liant [G] [U] à Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] aux torts exclusifs de M. [G] [U],
- débouté Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] de leur demande visant à obtenir la condamnation de M. [G] [U] à leur rembourser la somme de 45 700 euros avec intérêts au taux légal, à compter du 28 février 2020,
- condamné M. [G] [U] à payer à Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [G] [U] aux dépens,
Infirme le jugement pour le surplus,
Condamne M. [G] [U] à payer à Mme [O] [E] épouse [C] et M. [V] [C] les sommes de :
- 14 968,68 euros TTC de travaux de reprise, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020,
- 900 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,
- 10 802,08 euros de frais de relogement pendant les travaux de reprise,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [G] [U] aux dépens en cause d'appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 27 juin 2023
à
Me Vianney LEBRUN
la SELARL LEGI RHONE ALPES
Copie exécutoire délivrée le 27 juin 2023
à
Me Vianney LEBRUN