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27/06/2023 | FRANCE | N°21/00694

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 27 juin 2023, 21/00694


HP/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 27 Juin 2023





N° RG 21/00694 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVHF



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 26 Février 2021





Appelante



S.A.S. GARAGE DUCHAMP, dont le siège social est situé [Adresse 6]



Représentée par Me Anne CAMBET, avocat au barreau de CHAMBERY









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Intimée



Mme [I] [Z]

née le 11 Août 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1] / FRANCE



Représentée par Me Sophie ALONSO, avocat au barreau de CHAMBERY







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Date de l'ordonnanc...

HP/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 27 Juin 2023

N° RG 21/00694 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVHF

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 26 Février 2021

Appelante

S.A.S. GARAGE DUCHAMP, dont le siège social est situé [Adresse 6]

Représentée par Me Anne CAMBET, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimée

Mme [I] [Z]

née le 11 Août 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1] / FRANCE

Représentée par Me Sophie ALONSO, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 06 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 avril 2023

Date de mise à disposition : 27 juin 2023

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Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

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Faits et Procédure

Suivant bon de commande en date du 27 novembre 2015, Mme [I] [Z] a acquis auprès de la société Garage Duchamp enseigne Jean lain Automobiles [Localité 2], situé à [Localité 5], un véhicule d'occasion de marque Volkswagen Golf cabriolet immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation pour la première fois le 5 juillet 2012, et ce pour un prix de 15.600 euros. Le véhicule a été livré le 4 décembre 2015, avec un kilométrage de 32.763 kilomètres.

A la suite d'un sinistre en février 2017, Mme [I] [Z] a pris connaissance de dommages antérieurs non imputables au dit sinistre. Une expertise amiable a été mise en oeuvre. En l'absence d'accord amiable entre les parties, Mme [I] [Z] a assigné la société Garage Duchamp par exploit d'huissier en date du 11 octobre 2018 devant le tribunal judiciaire (ex-TGI) de Thonon-Les-Bains.

Par jugement contradictoire en date du 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains, a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcé la nullité de la vente intervenue le 27 novembre 2015 ;

- ordonné la restitution du prix dudit véhicule à Mme [I] [Z] ;

- condamné par conséquent la société Garage Duchamp à verser à Mme [I] [Z] la somme dc 15 600 euros ;

- dit qu'en contrepartie Mme [I] [Z] devra restituer le véhicule susvisé, à charge pour la société Garage Duchamp de venir le récupérer à ses frais au domicile de Mme [I] [Z] dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société Garage Duchamp à verser à Mme [I] [Z] une indemnité procédurale de 1 500 euros, outre les dépens.

Le tribunal a fondé sa décision sur l'existence d'un dol par réticence commis par la société Garage Duchamp, vendeuse professionnelle, qui n'a pas indiqué pas à Mme [I] [Z] l'existence d'un sinistre, au demeurant non réparé dans les règles de l'art, survenu deux mois avant l'achat, en connaissant le caractère déterminant de cette information pour une acquéreuse profane.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 29 mars 2021, la société Garage Duchamp a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 4 mai 2021, le magistrat délégué de Mme la Première Présidente a autorisé la société Garage Duchamp à consigner le montant des condamnations sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Chambéry.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 24 juin 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Garage Duchamp sollicite l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour de:

- débouter Mme [I] [Z] de sa demande en annulation de la vente ;

- débouter Mme [I] [Z] de toutes ses autres demandes formées contre elle ;

- ordonner la restitution de la somme de 17 100 euros consignée le 21 mai 2021 sur le compte séquestre du bâtonnier de 1'ordre des avocats de Chambéry ;

- condamner Mme [I] [Z] au paiement d'une indemnité procédurale de 2 000 euros, outre les dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Garage Duchamp fait valoir notamment que Mme [I] [Z] ne rapporte pas la preuve du dol qu'elle lui reproche, le sinistre subi par le véhicule acheté ayant été mineur et les malfaçons sur la réparation de ce sinistre sont également mineures et sont de nature esthétique (916,50 euros HT).

Mme [I] [Z] n'a pas constitué d'avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2023et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 avril 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

Il sera rappelé qu'en appel, en application de l'article 472 du code de procédure civile, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et d'autre part, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

En matière contractuelle, en application de l'article 1108 du code civil, plusieurs conditions sont exigées pour la validité du contrat, parmi lesquelles le consentement de la personne qui s'oblige.

En vertu de l'article 1109 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, 'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol'.

En vertu de l'article 1116 du code précité, dans sa version applicable à l'espèce, 'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé'.

Le dol suppose l'existence de manoeuvres frauduleuses du co-contractant destinées à tromper l'autre partie. Ces manoeuvres doivent avoir été intentionnelles et doivent avoir provoqué pour la partie concernée une erreur déterminante, élément constitutif qui doit être apprécié in concreto.

La réticence constitue un dol lorsqu'elle a pour dessein d'amener une personne à contracter en la trompant ce qui implique que le contractant auteur de la réticence soit tenu d'une obligation de renseignement, ce qui est le cas en l'espèce : un vendeur automobile professionnel est astreint à une telle obligation à l'égard d'un acheteur profane et doit démontrer qu'il a rempli cette obligation.

Mme [I] [Z] a fait l'acquisition, au prix de 15 600 euros (incluant taxes, démarches administratives et carte grise), d'un véhicule Golf Cabriolet le 4 décembre 2015, lequel appartenait auparavant à une dame [B]. Il avait été mis en circulation trois ans et demi avant l'achat par Mme [I] [Z] et présentait le 4 décembre 2015, 32 763 km. Mme [I] [Z] a bénéficié une garantie d'un an par le vendeur.

Mme [I] [Z] a eu deux accidents matériels avec ce véhicule en novembre 2016 (pare-choc avant endommagé) et en février 2017 (choc à l'arrière droit). A l'occasion de ce second sinistre, l'expert mandaté par l'assurance s'est aperçu que le véhicule avait déjà été endommagé au même endroit et que certaines des réparations présentaient des malfaçons d'un coût estimé de 916,50 euros HT. Celles-ci avaient été réalisées en septembre 2015 par la société Garage Duchamp à l'occasion d'un sinistre que la précédente propriétaire avait eu.

La société Garage Duchamp ne conteste pas ne pas avoir signalé cet accident à Mme [I] [Z] mais il ne s'agissait pas d'un sinistre ayant endommagé la structure même du véhicule puisque ce sont des éléments de carrosserie tels que le bouclier arrière, le haillon arrière, les feux et la portière arrière qui ont été changés comme le démontre la facture pro-forma de la société Garage Duchamp en date du 25 septembre 2015, mais aussi le rapport de Savoie-expertises mandaté par l'assurance, lequel avait conclu que le véhicule était économiquement et techniquement réparable. La société Garage Duchamp ne conteste pas non plus que son intervention présentait des malfaçons. Cependant, ces malfaçons sont très limitées, ne sont que purement esthétiques (aérateur arrière droit collé avec de la colle à pare brise, défaut d'alignement du feu extérieur droit avec la malle arrière, bas de l'aile arrière droit et tôle du feu arrière droit déformés sous le pare choc et peinture de reprise peau d'orange) et non visibles au demeurant, Mme [I] [Z] ne s'en étant pas aperçue après 15 mois d'utilisation. Après cette intervention de septembre, le véhicule avait été utilisé avant la vente sur environ 630 kilomètres.

Mme [I] [Z] a parcouru entre l'achat du véhicule en décembre 2015 et la découverte d'un sinistre avant achat fin février 2017 (15 mois) 18 387 kilomètres ce qui est une distance déjà importante. Après février 2017, elle a continué à utiliser son véhicule puisque le 16 mai 2017, il présentait au compteur 54 806 kilomètres ( +3 656 km). Il n'a pas été indiqué par les parties quelle a été ensuite la destination de ce véhicule. Par ailleurs, lors du passage au contrôle technique en date du 1 juillet 2016, le technicien n'a relevé aucun défaut nécessitant une réparation sur les points de contrôle obligatoire.

Il résulte de ces éléments que si la société Garage Duchamp n'a pas porté à la connaissance de Mme [I] [Z] l'accident matériel subi en septembre 2015 par le véhicule vendu, celle-ci ne démontre pas d'une part que ce manquement au devoir d'information était déterminant de son consentement, les causes déterminantes de celui-ci étant manifestement le bon état de marche du véhicule, qualité que ce dernier possédait et qui était garantie pendant un an par la venderesse, et la satisfaction de l'usage auquel Mme [I] [Z] le destinait ce qu'elle n'avait pas remis en cause en première instance. En outre, Mme [I] [Z] n'établit pas que la société Garage Duchamp ait intentionnellement dissimulé l'information et ce dans le but de la convaincre à acquérir le véhicule qu'elle vendait. D'ailleurs, Mme [I] [Z], dans le courrier adressé à la société Garage Duchamp le 16 mars 2017, sollicitait sa venderesse 'pour la prise en charge totale des préjudices subis', en joignant le devis de réparation du sinistre établi par le garage Carlet. Dans ce courrier, elle ne demandait pas la restitution du prix d'achat. Elle se plaignait en l'espèce d'une réparation non exécutée dans les normes et le manque de professionnalisme de la venderesse. La société Garage Duchamp avait proposé de prendre en charge le montant de la reprise des malfaçons présentées par ses travaux soit une somme de 916,50 euros HT (et non 3 437,56 euros comme retenu par le premier juge), proposition à laquelle elle n'avait pas donné suite, délivrant une assignation en octobre 2018 soit 19 mois après son courrier de mars 2017, sans indiquer dans son assignation l'usage qu'elle avait fait ensuite du véhicule litigieux. En outre, Mme [I] [Z] n'a jamais invoqué le fait que le prix de vente du véhicule était supérieur à sa valeur réelle au moment de l'achat, du fait du sinistre du mois de septembre 2015.

En conséquence, le manquement à l'obligation pré-contractuelle d'information, établi en l'espèce, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence dès lors que le caractère intentionnel de ce manquement et l'erreur déterminante provoquée par celui-ci n'ont pas été démontrés.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la restitution de la somme de 17 100 euros consignée le 21 mai 2021 sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats de Chambéry restituée à la société Garage Duchamp.

Succombant, Mme [I] [Z] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de débouter la demande d'indemnité procédurale de la société Garage Duchamp.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses prétentions,

Ordonne la restitution de la somme de 17 100 euros consignée le 21 mai 2021 sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats de Chambéry à la société Garage Duchamp,

Déboute la société Garage Duchamp de sa demande d'indemnité procédurale,

Condamne Mme [I] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 27 juin 2023

à

Me Anne CAMBET

Me Sophie ALONSO

Copie exécutoire délivrée le 27 juin 2023

à

Me Anne CAMBET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00694
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.00694 ?
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