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27/06/2023 | FRANCE | N°17/01656

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 27 juin 2023, 17/01656


HP/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 27 Juin 2023





N° RG 17/01656 - N° Portalis DBVY-V-B7B-FX4C



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ALBERTVILLE en date du 20 Juin 2017





Appelante



Société SIGNATURE BOIS MAURIENNE, dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par la SELARL HB CONSEILS, avocats au barreau D'ANNECY









Int

imées



S.C.I. LES FAUVES, dont le siège social est situé [Adresse 2]



Représentée par la SCP COUTIN, avocats postulants au barreau D'ALBERTVILLE

Représentée par Me Dominique CHAMBON, avocat plaidant au bar...

HP/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 27 Juin 2023

N° RG 17/01656 - N° Portalis DBVY-V-B7B-FX4C

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ALBERTVILLE en date du 20 Juin 2017

Appelante

Société SIGNATURE BOIS MAURIENNE, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par la SELARL HB CONSEILS, avocats au barreau D'ANNECY

Intimées

S.C.I. LES FAUVES, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SCP COUTIN, avocats postulants au barreau D'ALBERTVILLE

Représentée par Me Dominique CHAMBON, avocat plaidant au barreau de l'ARDECHE

S.C.P. BTSG, es qualité de mandataire ad'hoc de la société SIGNATURE BOIS MAURIENNE, demeurant [Adresse 1]

Sans avocats constitués

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 27 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 avril 2023

Date de mise à disposition : 27 juin 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseillère,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

La SCI les Fauves, détenue par les époux [U], a souhaité faire construire un chalet sur la commune de [Adresse 4], aux termes d'un contrat de construction de maisons individuelles en date du 26 mars 2011, pour un montant de 298.336,17 euros TTC conclu avec la société Signature Bois Maurienne (sarl). Un avenant a porté le montant total des travaux à la somme de 310.687 euros TTC. Le permis de construire a été obtenu le 27 avril 2011 et la déclaration d'ouverture de chantier est intervenue le 25 septembre 2011, la fin des travaux étant prévue le 25 septembre 2012.

Un litige est survenu en cours de travaux concernant principalement la pose des menuiseries extérieures et certains autres travaux.

La société Signature Bois Maurienne (ci-après nommée société SBM) a souscrit une police responsabilité décennale et une police responsabilité civile travaux auprès de la compagnie l'Auxiliaire. Elle disposait également d'une garantie de livraison auprès de la société HCC International Insurance Compagny Plc (ci-après nommée société HCC), compagnie de droit anglais.

Par ordonnance de référé en date du 18 décembre 2012, le président du tribunal de grande instance d'Albertville a ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder M. [D] [C], lequel a déposé son rapport le 27 mars 2014.

Par actes en date des 5 et 7 mai 2014, la SCI les Fauves a assigné la société SBM et la société d'assurance l'Auxiliaire devant le tribunal de grande instance d'Albertville aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de construction aux torts du constructeur et indemniser l'ensemble de ses préjudices issus de l'abandon de chantier.

Par acte transmis à l'autorité internationale compétente en date du 17 juin 2014, la SCI les Fauves a assigné la société HCC, par l'intermédiaire de la société Verspieren, courtier, devant le tribunal de grande instance d'Albertville aux mêmes fins.

Les procédures ont fait l'objet d'une jonction postérieure.

Par jugement en date du 20 juin 2017, le tribunal de grande instance d'Albertville a :

- mis hors de cause la société Verspieren, qui n'est pas le représentant légal de la société HCC ;

- dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise judiciaire réalisé par M. [D] [C] ;

- dit n'y avoir lieu à écarter des débats les attestations des employés de la société SBM ;

- prononcé la résiliation du contrat de construction de maison individuelle conclu entre la SCI les Fauves et la société SBM à compter du 19 juin 2012, aux torts de cette dernière ;

- prononcé la réception judiciaire des travaux réalisés par la société SBM à la date du 27 mars 2014, avec réserves, sur les bases du rapport d'expertise judiciaire de M. [D] [C] ;

- condamné la société Signature Bois Maurienne à verser à la SCI les Fauves, après compensation des sommes que se doivent mutuellement les parties, la somme de 72.410 euros en indemnisation de la rupture du contrat signé,

- condamné la société SBM à verser à la SCI les Fauves la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que 1 000 euros à la société l'Auxiliaire ;

- condamné la SCI les Fauves à verser à la société HCC la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société SBM aux dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire réalisée par M. [D] [C], les dépens des deux instances de référé, les frais de constat de Me [W] réalisé en 2014 sur ordonnance du juge de la mise en état, avec distraction au profit de Me Nadine Bois et la SCP Louchet-Falcoz ;

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration au Greffe en date du 18 juillet 2017, la société SBM a interjeté appel de ce jugement dans sa totalité.

Par arrêt du 12 mars 2019, la cour d'appel de Chambéry a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise,

- prononcé la résiliation du contrat de construction de maison individuelle aux torts de la société Signature Bois Maurienne,

- prononcé la réception judiciaire des travaux réalisés par la société Signature Bois Maurienne à la date du 27 mars 2014 sur les bases du rapport d'expertise,

- condamné la SCI Les Fauves à verser à la société HCC la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé le jugement pour le surplus,

- désigné M. [C], en qualité d'expert, sur les travaux, aux fins de :

- se faire communiquer tous documents utiles, notamment les devis et factures des travaux réalisés à l'initiative de la SCI Les Fauves,

- décrire les travaux réalisés par la société Les Fauves,

- chiffrer les travaux nécessités par les manquements de la société SBM, notamment pour finir le chantier et remédier aux désordres et non-conformités,

- proposer un compte entre les parties,

- condamné la société SBM à payer à la société civile immobilière Les Fauves la somme de 75.600 euros au titre des pénalités de retard,

- débouté la SCI les Fauves du surplus de sa demande concernant le préjudice subi.

- mis hors de cause la société l'Auxiliaire,

- condamné les sociétés SBM et Les Fauves à lui payer chacune la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Les Fauves de sa demande dirigée contre la société HCC,

- réservé les dépens.

La société SBM a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, selon jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 23 juillet 2019.

Le 13 décembre 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a rendu un jugement de clôture pour insuffisance d'actif et la société SBM a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Chambéry le 16 décembre 2019.

La Sci les Fauves a fait savoir qu'elle ne procéderait pas à la consignation mise à sa charge en vue de l'expertise ordonnée par l'arrêt du 12 mars 2019.

Par ordonnance du 29 juillet 2019, le conseiller de la mise en état a donc constaté la caducité de l'expertise.

Par acte du 18 juin 2020, la Sci les Fauves a fait assigner en intervention forcée la société MJ Alpes, es qualité de liquidateur de la société SBM et a demandé notamment que la société l'Auxiliaire soit condamnée à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par arrêt du 1er octobre 2020, la cour de cassation, 3ème chambre civile a :

- cassé et annulé l'arrêt du 12 mars 2019, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la SCI Les Fauves à l'encontre de la société HCC,

- remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Lyon.

Par arrêt du 16 mars 2021, la cour d'appel de Chambéry a :

- constaté que la cour est dessaisie des demandes dirigées contre la société HCC,

- mis hors de cause le mandataire judiciaire MJ Alpes,

- débouté la société Les Fauves de ses demandes dirigées contre la société l'Auxiliaire au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- condamné la société Les Fauves aux dépens de première instance et d'appel supportés par la société l'Auxiliaire, ces derniers distraits au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Avant dire droit sur les prétentions restant à juger,

- invité la société Les Fauves à faire désigner un mandataire ad hoc pour représenter et exercer les droits de la société SBM dans le cadre de la présente instance ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état ;

- sursis à statuer sur les demandes de la SCI Les Fauves dirigées contre la société SBM ;

- réservé le sort des autres dépens restant en question dans le cadre de la saisine de la cour.

Par ordonnance du 9 avril 2021, le président du tribunal de commerce de Chambéry a, à la demande de la société Les Fauves, désigné la Scp BTSG en qualité de mandataire ad hoc, pour représenter la société SBM dans le cadre de deux procédures actuellement pendantes devant la cour d'appel de Chambéry et la cour d'appel de Lyon.

La Scp BTSG n'a pas constitué avocat bien qu'ayant reçu signification de l'assignation d'appel en cause le 28 juillet 2021 par une personne habilitée.

Par arrêt avant dire droit du 24 janvier 2023, la cour d'appel de Chambéry

a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent uniquement :

' du chef de la déclaration par évaluation de la créance au titre du préjudice matériel, des manquements dans l'exécution du contrat, et de la restitution du paiement d'honoraires indus ;

' du chef de la reprise individuelle des poursuites.

L'arrêt a en outre rabattu l'ordonnance de clôture du 10 octobre 2022, ordonné la clôture des débats au 27 mars 2023 et renvoyé les parties à l'audience du 4 avril 2023.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 17 mars 2023, la SCI les Fauves demande à la cour de :

- dire que la production de créance effectuée par la SCI les Fauves en date du 3 septembre 2019 est une production de créance à titre provisionnel ;

- dire et juger que la cour d'appel de Chambéry est dessaisie des demandes en garantie de parfait achèvement contre HCC International au profit de la cour d'appel de Lyon ;

Vu la liquidation judiciaire de la société SBM selon jugement en date du 23 juillet 2019 rendu par le tribunal de commerce de Chambéry ;

- constater l'appel en cause du liquidateur judiciaire de la société SBM, la Selarl MJ Alpes, intervenu selon acte en date du 18 juin 2020 ;

- déclarer la procédure pendante devant la première chambre de la cour d'appel de Chambéry RG 17/01656 commune et opposable à la Selarl MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBM ;

- dire qu'il y a lieu à statuer sur le préjudice définitif de la SCI les Fauves ;

- débouter la société SBM de son appel principal ;

- accueillir la SCI les Fauves en son appel incident ;

Vu l'inutilité de l'expertise judiciaire ordonnée et le refus de M. [C] d'y procéder,

- constater que la SCI les Fauves ne consignera pas pour poursuivre une expertise, la société SBM ayant organisé son insolvabilité ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves ;

- juger que les condamnations à intervenir seront produites à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société SBM et de la Selarl MJ Alpes, ès qualités de liquidateur selon jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry en date du 23 juillet 2019 ;

- juger que le prix des menuiseries défectueuses est à déduire du rapport judiciaire ;

- écarter les attestations des personnes ayant un lien de subordination avec la société SBM ;

- constater l'abandon du chantier en cours de construction par la SCI les Fauves à la société coopérative artisanale à responsabilité limitée Signature bois maurienne à la date du 19 juin 2012, date du procès-verbal du constat d'huissier ;

Par conséquent,

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 20 000 euros pour paiement d'honoraires indus ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 85 148,74 euros à titre de remboursement au vu des travaux réellement réalisés et des désordres constatés avant réception judiciaire ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 7075,18 euros représentant les frais de l'expert [V] pour un montant de 3 588 euros, les frais d'huissier pour un montant de 2167,18 euros et les frais de la société Veritas pour un montant de 1320 euros ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi concernant la contrainte de reprise de chantier en cours d'exécution ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 15 000 euros pour dégradation du chantier laissé à l'abandon depuis juin 2012 ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts concernant la mauvaise pose de la fenêtre côté nord, au titre de trouble de jouissance ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 262 419,92 euros au titre des travaux pour terminer le chantier après réception judiciaire ;

- fixer la créance de la SCI les Fauves à l'encontre de la société SBM à la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts correspondant au coût subi par la SCI les Fauves pour la reprise du chantier par d'autres artisans;

- débouter la société SBM, la compagnie l'Auxiliaire et HCC International représentée en France par l'intermédiaire de la société Versipieren de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires;

- les condamner solidairement à une somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner solidairement aux entiers dépens.

Les dernières conclusions pour le compte de la société SBM, appelante principale, ont été prises le 14 novembre 2018 soit avant sa mise en liquidation judiciaire. La selard MJ Alpes, lorsqu'elle représentait la société SBM en sa qualité de liquidateur, puis la Scp BTSG en ce qu'elle représente désormais la société SBM en sa qualité de mandataire ad hoc n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 10 octobre 2022 a clôturé l'instruction de la procédure et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 avril 2022.

MOTIFS et DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé qu'en appel, en application de l'article 472 du code de procédure civile, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et d'autre part, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Par ailleurs, lorsqu'une procédure collective est ouverte au cours de l'instance d'appel, si le liquidateur, cité en reprise d'instance par le créancier, ne comparaît pas, la cour d'appel n'a pas à prendre en considération les écritures éventuellement déposées par le débiteur, et doit constater qu'à défaut de conclusions du liquidateur, l'appel n'est plus soutenu et en conséquence, n'étant plus saisi d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par le débiteur, doit confirmer le jugement sur ces points, sauf appel incident.

L'arrêt de la cour en date du 24 janvier 2023 a réouvert les débats pour que les parties s'expliquent sur l'exercice individuel des poursuites et sur la déclaration de créance.

Sur l'exercice individuel des poursuites

La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif en date du 13 décembre 2019. Si selon l'article L 643-11 du code de commerce, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf dans des cas expressément visés à cet article, et très restrictifs, cet article s'appliquant tant aux créanciers ayant déclaré leur créance, qu'aux créanciers n'ayant pas procédé à la déclaration de créance au cours de la procédure de liquidation judiciaire, la présente procédure, débutée avant la procédure de liquidation judiciaire, valablement reprise pendant l'instance d'appel après déclaration de créance et mise en cause du liquidateur, s'est régulièrement poursuivie ensuite avec la désignation d'un mandataire ad hoc représentant la société SBM et la mise en cause de ce dernier. La jurisprudence de la cour de cassation en date du 5 février 2020 pourvoi n°1822569 aux termes de laquelle 'Il résulte de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture.
En conséquence, le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles' concernait une affaire dans laquelle les créanciers avaient ignoré la mise en oeuvre de la procédure collective pendant le déroulement de l'instance, n'avaient pas donc mis en cause le liquidateur puis un mandataire ad hoc et sollicitaient une condamnation à payer des sommes d'argent et non une fixation de créance à la liquidation judiciaire. Cette jurisprudence n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Sur la déclaration de créance

Aux termes de l'article L622-24 alinéas 1 à 4 du code de commerce, « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.

La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.

Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui'ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa.

La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation ».

Lors que la procédure collective a été ouverte pendant une instance en cours, l'instance est interrompue et reprend après justification de la déclaration de créance et mise en cause de l'organe de la procédure habilité à représenter la société. S'agissant de la déclaration de créance, le juge doit notamment vérifier le délai dans lequel la déclaration de créance a été effecutée, ainsi que son montant (Com., 24 avril 2007, n° 05-17.452, NP).

En l'espèce, la société SBM a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 23 juillet 2019.

Par lettre recommandée en date du 3 septembre 2019, la SCI Les Fauves a déclaré, « en vertu d'un arrêt avant-dire droit rendu par la cour d'appel de Chambéry du 12 mars 2019 la créance de :

75.600 euros, représentant les pénalités de retard, (caractères gras mis par la rédactrice)

les frais d'exécution MEMOIRE,

les intérêts de droit MEMOIRE,

soit un total de 75.600 euros, outre intérêts de droit et frais d'exécution et ce à titre provisoire (caractères gras mis par la rédactice) compte tenu de la procédure pendante devant la cour d'appel de Chambéry. »

La SCI les Fauves indique avoir donc déclaré sa créance dans les délais en ayant mentionné une instance pendante devant la cour d'appel de Chambéry. Elle soutient qu'en ayant fait expressément référence à la procédure en cours, elle a effectué une déclaration à titre provisoire en ne renonçant pas à l'indemnisation de son entier préjudice qui inclut son préjudice matériel, des manquement dans l'exécution du contrat et la restitution du paiement d'honoraires inclus. Elle fait valoir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de chiffrer la créance, à l'époque de la production, même par évaluation et affirme donc avoir effectué une production de créances à titre provisionnel et être fondée à obtenir une décision statuant sur l'intégralité de son préjudice.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, en cas d'emploi par le créancier d'un terme inapproprié tel qu''à titre provisionnel', en l'espèce 'à titre provisoire', le juge doit rechercher la réelle intention du créancier, et une déclaration improprement faite à titre « provisionnel » devra être considérée comme « définitive » si c'est ce que révèle la volonté exprimée par le créancier. En l'espèce, tel n'est pas le cas, puisque certes, la SCI les Fauves avait déjà obtenu cette condamnation mais elle demeurait dans l'attente d'un arrêt définitif de la cour d'appel et elle précise elle-même qu'il s'agissait réellement d'une déclaration provisoire.

Or en vertu de l'article 222-24 al 4 deuxième phrase, seules 'les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré'.

En outre, de manière constante, la cour de cassation a statué dans le sens de l'interdiction de la déclaration et de l'admission à titre provisionnelle des créances autres que fiscales et sociales (premier arrêt en ce sens com 2 février 1993, B. 36) et de manière toute aussi constante, la cour de cassation juge qu'une créance dont le montant n'est pas encore fixé doit être déclarée sur la base d'une évaluation effectuée au moment de la déclaration, ce qui est distinct d'une déclaration faite à titre "provisionnel" (Com. 15 février 2000, pourvoi 9714406 ; com. 27 mai 2003, B. IV, n o 87, pourvoi 0017716 ; cass 14-01-2004 pourvoi 02-17-172).

En conséquence, il appartenait à la SCI les Fauves d'évaluer le montant des dommages-intérêts qu'elle estimait lui être dûs par la société SBM ce à quoi elle pouvait au demeurant tout à fait procéder comme le démontrent ses écritures en date du 13 novembre 2020 alors que l'expertise ordonnée par arrêt en date du 12 mars 2019 n'a jamais eu lieu et que les pièces qu'elle produit, hormis les dernières décisions judiciaires, sont toutes antérieures à sa déclaration de créance du 3 septembre 2019.

En définitive, la SCI les Fauves a fait une déclaration de créance correspondant à la condamnation dont elle avait déjà bénéficié par arrêt précité du 12 mars 2019. Dès lors que pour fixer le montant de la créance, la juridiction doit le faire dans la limite du montant déclaré (Com., 24 avril 2007, n° 05-17452, NP), la cour ne peut que débouter la société SBM de l'ensemble de ses prétentions, sa déclaration de créance n'ayant pas valablement été effectuée.

Concernant sa demande tendant à voir déclarer la procédure commune et opposable à l'ancien liquidateur, la selarl MJ Alpes, sa demande tendant à voir condamner solidairement la société l'Auxiliaire, la société HCC 'représentée en France par l'intermédiaire de la société Verspieren' au paiement de l'indemnité procédurale et aux dépens, ces demandes ne résultent manifestement que d'un défaut de mise à jour des écritures, puisque la selarl MJ Alpes ne représente plus la société SBM depuis le 13 décembre 2019 et qu'elle a été mise hors de cause par arrêt du 16 mars 2021, que la société l'Auxiliaire a été mise hors de cause par arrêt du 12 mars 2019, que la société Vespieren n'est pas le représentant de la société HCC comme l'a indiqué le jugement du 20 juin 2017 et enfin que la cour n'est plus saisie des demandes dirigées contre la société HCC, conformément à l'arrêt de la cour de cassation en date du 1er octobre 2020 ce qu'avait d'ailleurs rappelé la cour dans son arrêt du 16 mars 2021 précité. En conséquence, ces demandes ne peuvent qu'être déclarées irrecevables.

Succombant, la SCI les Fauves sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande d'indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Constate que l'appel principal n'est plus soutenu par l'appelante,

Déclare irrecevable la SCI les Fauves en sa demande tendant à voir déclarer la procédure commune et opposable à l'ancien liquidateur, la selarl MJ Alpes, en sa demande tendant à voir condamner solidairement la société l'Auxiliaire et la société HCC 'représentée en France par l'intermédiaire de la société Verspieren' au paiement de l'indemnité procédurale et aux dépens,

Déboute la SCI les Fauves de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la SCI les Fauves aux dépens,

Déboute la SCI les Fauves de sa demande d'indemnité procédurale contre la société SBM.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 27 juin 2023

à

- la SELARL HB CONSEILS

- la SCP COUTIN

Copie exécutoire délivrée le 27 juin 2023

à

la SELARL HB CONSEILS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/01656
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;17.01656 ?
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